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24.novembre.201124.11.2011
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Le financement de la dette grecque

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Suite du billet sur les finances publiques de la Grèce.

Il faut bien comprendre qu’en fait, le financement d’un État n’est pas très différent du financement d’un ménage – quoiqu’en disent les irresponsables patentés louangeurs de la Dette publique.

La seule vraie différence, c’est qu’un État ne fait jamais « faillite » au sens d’une entreprise, il ne meurt évidemment jamais. Mieux, en théorie, il peut toujours rembourser ses créanciers – il lui « suffit » de saisir le patrimoine de ses citoyens. Comme par ailleurs nous sommes en Démocratie, les citoyens doivent cependant consentir à l’impôt, ce qui fait que, en cas de problème, l’État se retrouve toujours face au dilemme « Dois-je ruiner mes citoyens ou plutôt mes créanciers ». Plusieurs millénaires d’Histoire nous montrent qu’il choisit toujours la seconde option.

Pour un État, la bonne question n’est jamais « Suis-je insolvable ? » (en théorie, ce n’est jamais le cas) mais bien « Ai-je plus intérêt à rembourser mes créanciers qu’à ne pas le faire ? ».

Cela se résume aujourd’hui par la question « Puis-je continuer l’incroyable formidable système de cavalerie actuelle ou pas ? », la négative entraînant forcément le défaut, comme nous le verrons. Ce qui revient au final à résoudre la question : « Des prêteurs vont-ils continuer à me prêter de l’argent ? », la négative entraînant le défaut.

C’est exactement ce qui se passe pour un ménage ou une entreprise surendetté. Comme dirait La Palisse, « Tant qu’on vous prête de l’argent, vous ne serez jamais en faillite ». En fait, ce n’est jamais l’emprunteur qui décide de faire défaut, c’est toujours le créancier, quand il coupe les vivres, préférant ne plus soutenir une structure en faillite en mettant toujours plus d’argent au pot, qui sera perdu…

« On ne meurt pas de dettes. On meurt de ne plus pouvoir en faire. » [Louis-Ferdinand Céline]

Observons ce qui se passe pour la Grèce au niveau de ses émissions de dette (rappelons que l’État dispose d’environ 50 Md€ de recettes tous les ans) :

Financement Dette grecque Grèce

On observe bien le pic de 2009, où la Grèce a dû émettre beaucoup de dette pour financer son nouveau déficit. Par la suite, de moins en moins de prêteurs lui ont fait confiance, et elle a dû emprunter de plus en plus « court », jusqu’à devoir s’appuyer fortement sur des bons du Trésor, donc des prêts de 3 ou 6 mois avec des taux allant de 4 à 5 %… Le reste est constitué des prêts du FESF et du FMI.

En fait, tout le principe de la cavalerie de la dette publique est « d’emprunter pour rembourser » ses dettes, avec intérêt. Quand un investisseur prête à 5 ans à un État, celui-ci n’a QU’UNE ET UNE SEULE façon de le rembourser : c’est que dans 5 ans, un autre investisseur lui prête la même somme plus les intérêts. Passé un certain niveau, cela implique que la dette ne pourra plus sérieusement décroître, ou alors 1 an ou 2 avant d’exploser avec la prochaine crise.

Étrange jeu de mistigri que la dette publique (« Ne jamais en détenir le jour du défaut »), ne trouvez-vous pas ?

Observons la taille des flux :

Financement Dette grecque Grèce
Ainsi, en 2010, la Grèce a emprunté plus de 70 Md€ pour rembourser 30 Md€ à des investisseurs et financer son déficit de l’année de 40 Md€ (pour 50 Md€ de recettes…).

Le simple bon sens montre qu’un tel système de fuite en avant ne peut se finir que dans le mur : comment diable avec 50 de recettes, la Grèce pourrait-elle arriver à supprimer 40 de déficit ET arriver à un excédent pour rembourser des échéances de 30 à 40 tous les ans ?

Observons d’ailleurs le besoin de financement à partir de 2012 :

Financement Dette grecque Grèce
On voit que la Grèce fait face à des échéances effrayantes jusqu’en 2015…

On se rappelle d’ailleurs de la composition de cette dette, vue dans ce billet (« L’enfumage de la « décote volontaire de 50 % » de la dette grecque ») :

Détention dette grecque Grèce

On se rend donc bien compte que, quand l’Union européenne se dit prête à prêter 100 Md€ à la Grèce, c’est uniquement pour que celle-ci puisse rembourser les échéances de 2012-2015 ; à défaut, cela ruinerait certes « les banques », mais surtout la BCE (qui a follement acheté de la dette sur le marché secondaire), le FESF (donc les autres États) et le FMI.

Bref, nos dirigeants, en violant l’article 125 du Traité de Lisbonne (qui n’interdisait pas ça pour rien…) :

« La Communauté ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique. Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique. » [Article 125 du Traité de Lisbonne. Clause ayant même été appelée « No Bail-out » = pas de sauvetage pour rassurer les peuples durant la campagne de Maastricht]

sont allés de plain-pied prendre la place d’investisseurs privés (qui ont été bien heureux de repartir avec leur mise lors des remboursements en 2010-2011…) dans ce sympathique jeu de cavalerie (« jeu du couillon » serait plus adapté néanmoins), où il faut prêter toujours plus pour ne pas perdre la mise – jusqu’à l’inéluctable explosion finale.

On voit d’ailleurs sur ce graphique comment les investisseurs ont quitté le jeu en mai 2010 – pratiquement plus personne n’est assez fou pour racheter de la dette grecque sur le marché secondaire (enfin, sauf la BCE « bien sûr », mais elle n’est pas comptée ici…)…
Financement Dette grecque Grèce

Pour conclure cette longue série, qui vous aura (je l’espère) mieux fait comprendre les mécanismes en oeuvre sur la dette publique, je vous propose ce graphique de synthèse. Il vise à représenter le « vrai budget » de l’État grec.

En effet, les États présentent leurs budgets en indiquant seulement la charge d’intérêt, et jamais le flux sur la dette. Comptablement, c’est juste, les mécanismes de dette et de remboursement ne figurent pas dans un compte de résultat, juste les intérêts.

Cela ne serait pas gênant si les États étaient restés raisonnables dans leur endettement – ce qui n’arrive tout simplement jamais…

Je vous propose donc une représentation des flux de trésorerie, qui vous sera familière, c’est exactement de cette façon dont vous gérez votre budget, en tenant bien compte de l’échéance de remboursement de votre éventuel prêt immobilier (et pas que des intérêts…) :

Financement Dette grecque Grèce

Lecture : en 2010, l’État grec perçoit 55 Md€ d’impôts, pour financer 66 Md€ de dépenses courantes + 13 Md€ d’intérêts sur sa dette. Il doit aussi rembourser 36 Md€ d’emprunts arrivant à échéance (20 de plus d’un an, 16 de moins d’un an). Il n’a donc d’autre choix que d’emprunter 60 Md€ – soit plus que ses recettes…

Tout est là : si les prêteurs fuyaient (enfin, les derniers que sont le FESF et la FMI), brutalement, la Grèce n’a plus que 55 Md€ de recettes pour payer 115 Md€. Comme nous le disions, elle n’a plus que le choix entre :

  • Réponse A : prélever en une fois 60 Md€ du patrimoine des Grecs ;
  • Réponse B : ne pas rembourser ses créanciers.

D’après vous, quelle sera la réponse choisie à ce grand jeu de « Qui veut perdre des millions ? »

Précisons aussi une chose : face à un défaut, les créanciers ne peuvent gère réagir, si ce n’est ne plus prêter à l’avenir (et encore, c’est à voir…), et donc obliger à ne plus emprunter à l’avenir – ce qui serait une très bonne chose. Notez que le défaut efface les 13 Md€ d’intérêts, et qu’il ne manque plus que 11 Md€ à la Grèce pour se passer de prêteurs à l’avenir. Ce montant est appelé déficit primaire, c’est le déficit avant le paiement des intérêts :

solde primaire deficit grecque grec Grèce

On observe que le déficit primaire a été très fortement réduit et n’est plus que de 4 Md€ en 2011, et est prévu à 1 Md€ par le budget grec pour 2012.

Bien évidement, dès ce moment là, la Grèce aura un énorme intérêt à faire défaut ; en situation d’équilibre primaire, vous n’avez en effet plus besoin d’aller emprunter de l’argent aux marchés.

Comme les Grecs savent également compter, je pense que c’est d’ailleurs exactement leur stratégie : gagner du temps et trouver de l’argent (et des nigauds, donc…) pour tenir le temps de revenir à l’équilibre primaire, puis faire défaut – c’est en tout cas une très bonne stratégie, pour eux…

Il est juste regrettable que l’Europe se soit mêlée de cette affaire, et se soit mise en danger.

« Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? Ah ! maudite galère ! » [Molière, les Fourberies de Scapin, Acte II, Scène VII]

À ceux qui pensent néanmoins que les État tiendront leur parole et rembourseront, je dis que je l’espère sans y croire (d’où ma proposition d’interdiction des déficits publics), et les laisse méditer cette forte pensée

« Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. » [Jacques Chirac, Le Monde, 22 février 1988]


dessin cartoon austerite humour dette Budget grec Grèce

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30 réactions et commentaires

  • llewaragorn // 24.11.2011 à 06h29

    c’est vraiment incroyable, on se mort la queue……j’ai lu un autre billet, en France on devrait ne pas remboursée les intérêts.
    C’est un moindre mal non ?
    J’ai demandé à mon banquier de me faire une décote de 50% de ma dette, Il ne m’a toujours pas répondu 🙂

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  • Padacor Surtou // 24.11.2011 à 07h59

    Merci pour votre travail et la clarté de vos illustrations.
    Je conviens qu’il a été fait une utilisation dénaturée, pour ne pas dire abusive, de l’emprunt par les États européens. Pour autant, je pense que vous êtes dans l’erreur quand vous proposez l’interdiction pure et simple des déficits public. L’endettement, s’il est bien manié, est un outil d’une puissance phénoménale. Il permet, par exemple, de protéger les populations et de stimuler l’économie lors des inévitables crises économiques. Il permet de lancer des projets risqués que le privé n’accepterait pas de financer. J’en oublie d’autres, probablement…
    Supprimer les déficits publics aurait pour conséquence de se priver de marges de manœuvre nécessaires en cas de pépin tel que ceux énoncés précédemment. Car interdire le déficit revient aussi à interdire l’épargne. S’il n’y a plus de débiteurs, il n’y a plus de créditeurs. Sous vos hypothèses, l’État ne devrait donc pas faire d’excédent budgétaire non plus.
    N’oubliez pas, par ailleurs, que l’envolée des taux d’intérêt sur les emprunts d’État ne sont pas du fait du niveau d’endettement : les États-Unis ont un niveau d’endettement qui n’est pas bien meilleur que celui de la Grèce ou de l’Italie. La différence, bien évidemment, c’est que les États-Unis ont le contrôle de leur monnaie, et l’assurance que la Fed sera le prêteur de dernier ressort. La Grèce, elle, emprunte en monnaie étrangère (l’euro de Francfort) et personne pour lui assurer des prêts à un taux décent.
    La bonne tenue budgétaire n’est d’ailleurs pas un gage de taux décents. Prenez l’Autriche par exemple : http://krugman.blogs.nytimes.com/2011/11/21/austrian-economics-the-real-kind/
    En résumé, je conviens parfaitement que l’usage qui a été fait de l’endettement (c’est à dire masquer le déficit sous le tapis) est scandaleux. Par contre, établir que, face à ce constat, il faut l’interdire, me semble être une erreur.
    Une question demeure : comment faire pour que nos dirigeants gèrent vertueusement les finances publiques…?

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  • Vincent // 24.11.2011 à 07h59

    Bonjour Olivier,
    Ce matin j’entendais à la radio un invité parler de dévaluation interne (pour le Portugal notamment). En gros si j’ai bien compris, il s’agirait de baisser prix et salaires pour retrouver de la compétitivité. Enfumage ? ou piste intéressante ?
    J’aimerais bien votre avis là dessus.
    Merci

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    • Okeanos // 24.11.2011 à 11h04

      C’est exactement ce qui se passe en Grèce. Seul pb : autant il est « facile » de baisser les salaires (nouvelles lois, mesures d’austérité etc), autant la population attend encore la baisse des prix (difficile de baisser les prix à l’import…). Prix d’un café double à Athènes : 3.8€. Une augmentation de l’électricité (% à 2 chiffres) est attendue pour décembre.. 

      De plus baisse des salaires = baisse de rentrée d’argent via les impots.

       
      A oui : « Fitch downgrades Portugal to BB+ »

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      • Vincent // 24.11.2011 à 12h26

        Merci pour ce témoignage. Effectivement si on « oublie » de baisser les prix, ce n’est plus de la dévaluation interne mais l’équivalent d’un bon coût d’inflation.
        De l’art de dissimuler les choses…

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  • BA // 24.11.2011 à 10h30

    Jeudi 24 novembre 2011 :

    L’exigence de la chancelière allemande Angela Merkel de réviser certains traités européens pour renforcer la discipline budgétaire met en péril l’Union européenne, estime jeudi le vice-Premier ministre du Luxembourg dans un quotidien allemand.

    « Vous ne devez pas oublier qu’en proposant un changement des traités, le risque existe que l’Union européenne meure », poursuit Jean Asselborn dans une lettre ouverte à Mme Merkel publiée dans le Handelsblatt, « car il est utopique de croire que seuls les articles prévus seraient proposés à la révision ».

    « Il est utopique de vouloir changer quelques articles des traités européens comme l’exige Mme Merkel, qui ferait bien de dire clairement si elle suit ainsi des fins politiques internes », ajoute-t-il.

    « Est-ce suivre un objectif européen, chère Madame la chancelière, de lancer un débat sur des changements significatifs des traités en plein milieu de ce qui est peut-être la phase la plus difficile dans la recherche de la stabilité en zone euro ? Si vous suivez un but de politique intérieure, alors vous feriez bien de le dire clairement », ajoute-t-il.

    « Les Britanniques feraient alors leurs propres propositions, ainsi que le Parlement européen, et des référendums à l’issue incertaine seraient sans aucun doute organisés dans certains pays », met-il en garde.

    http://www.romandie.com/news/n/_La_strategie_de_Merkel_met_en_peril_l_Union_europeenne_241120110911.asp
     
    C’est bien vrai, ça.

    « Des référendums à l’issue incertaine seraient sans aucun doute organisés dans certains pays »

    D’un autre côté, même si l’issue du référendum est un vote « non », on fera quand même adopter le nouveau traité européen par les 27 parlements nationaux.

    Donc, où est le problème ?

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  • bruno // 24.11.2011 à 12h29

    Merci pour cet excellent cours, clair, précis, pédagogique, convaincant…et introuvable ailleurs.
     

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  • Trubli // 24.11.2011 à 12h44

    Bonjour,
    encore une fois, Ok pour le défaut mais que faites-vous de la bombe lié au déclenchement des CDS qui s’en suivrait ?
     

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    • fabrice // 24.11.2011 à 13h06

      les CDS ce ne sont pas normalement l’engagement de banques, qui ont jouées avec le feu ? ne serait-il pas légitime qu’elles assument enfin les risques qu’elles prennent.

      comme disait Olivier sa suffit pile je gagne face tu perds !

      Les banques on trouvé malin de gagner de l’argent qu’elles pensaient sans risque du fait de leur faible anticipation et analyse qu’elles assument leur bêtise, à force de jamais se faire taper sur les doigts elles n’arrêteront jamais de nous vampiriser.

      Ou alors comme avec la Grêce que les gouvernemements inventent un nouveau terme à défaut pour que les financiaristes en soient pour leur frais.

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  • clément-s // 24.11.2011 à 17h19

     Bonjour Olivier

     J’ai découvert votre blog il y a peu (moins d’une semaine), et je vous tire mon chapeau car il est très agréable à lire avec de très bonnes références, des graphiques, et surtout, une maîtrise parfaite du sujet de votre part et de celles des interlocuteurs. Etant étudiant en économie, toutes vos analyses répondent à des questions que je me pose, et ce blog m’est très utile ^^

     Bon alors il y a une chose que je ne comprends pas dans votre analyse, quand vous dites que ça ruinerait la BCE (et les banques) si elles prêtaient à la Grèce 100M. Mais la BCE ne peut pas être ruinée puisqu’elle crée la monnaie centrale sans aucune contrepartie (elle aura juste une créance sur une banque ou sur la Grèce si elle monétise sa dette), et la BCE ne risquera jamais de faire faillite (les devises ne sont plus rattachées à l’or).

      +0

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  • BA // 24.11.2011 à 20h06

    Jeudi 24 novembre 2011 :
     
    Aujourd’hui, le mini-sommet Merkel-Sarkozy-Monti n’a pas du tout rassuré les investisseurs internationaux : pour six Etats européens, les taux des obligations à 10 ans sont au-dessus de 5,7 %.
     
    Les deux Etats les plus en danger sont la Belgique et l’Italie : leurs taux explosent.

    Belgique : 5,737 %.
     
    http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GBGB10YR:IND

    Espagne : 6,627 %.

    Italie : 7,107 %.
     
    http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GBTPGR10:IND

    Irlande : 8,207 %.
    Portugal : 12,211 %.
    Grèce : 29,875 %.

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  • parnaud // 24.11.2011 à 21h07

    Bon… je vais porter la contradiction, histoire de stimuler un peu le débat. 

    Je lis sur ce blog, sous la plume d’Olivier Berruyer et de plusieurs commentateurs, que les Etats, autorisés au déficit, font preuve d’irresponsabilité par principe. Mais il me semble qu’on peut prendre le point de vue inverse. 

    Les Etats libres d’emprunter sont théoriquement rappelés à une certaine discipline par l’évolution des taux d’intérêt qui au fur et à mesure que la dette augmente, devraient grimper vers un niveau prohibitif, ne serait-ce que par effet de « crowding out » (concurrence entre emprunteurs publics et privés sur un marché fini).

    Evidemment, me direz-vous, ce n’est pas ce que nous avons observé depuis la fin des années 70. l’augmentation générale de la dette publique ne s’est pas traduite par une augmentation des taux d’intérêt. Dans cette situation, les Etats n’ont-ils pas agi de manière parfaitement rationnelle, d’un point de vue économique ? Pourquoi ne pas emprunter si le coût de l’emprunt est au final inférieur au coût politique d’un budget rigoureux ? Et dans ce cas, est-ce que ce ne sont pas les emprunteurs qui se sont montrés irresponsables ? Puisqu’ils ont continué à prêter au-delà de la capacité d’emprunt des emprunteurs, sans même faire significativement monter la prime de risque…

    Mais pourquoi les emprunteurs ont-ils agi ainsi ?  Pourquoi ont-ils dilapidé à vil prix une ressource précieuse (l’argent) ? Peut-être est-ce parce que justement cette ressource n’était pas rare et précieuse, mais surabondante. En d’autres termes, l’excès d’argent disponible pour l’achat de dette d’Etat est peut-être une raison de la situation actuelle.

    D’où provient cet excès d’argent ? Je peux formuler deux hypothèses : d’abord l’accroissement mondial des  inégalités a permis des empilements d’épargne dont il fallait bien faire quelque chose, car on ne trouvait pas aisément à les réinvestir du fait d’une demande qui ne suivait pas l’augmentation de l’offre (effet des inégalités). Bref, l’endettement des Etats serait alors un effet d’un capitalisme en crise, où appropriation des surplus prend le pas sur l’accumulation du capital (investissement). 

    Autre hypothèse : les désordres monétaires, depuis la fin de Bretton Woods, et le déficit commercial américain, ne peuvent ils s’analyser comme un vaste courant de monétisation de dette à l’échelle planétaire ? Bref, les empilements de dollars consécutifs aux déficits structurels américains ont peut-être rendu la liquidité surabondante, facilitant les bulles financières, dont les dettes d’Etat ne serait qu’un avatar.

    Voilà. Je n’ai pas forcément raison. je soumets ces réflexions à la sagacité des uns et des autres. Point de vues contradictoires bienvenus. 

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  • Tycer // 24.11.2011 à 21h12

    Super article.
    Bravo!

    Moi je reste toujours étonné par l’ignorance et les œillères du peuple en économie.
    Les gens ne comprennent pas que le système financier est, je pense qu’on peut le dire, criminel. Simplement une mafia.
    Si les gens comprenaient ils seraient tous dans la rue, et pas seulement les quelques indignés.

    Aujourd’hui j’attends avec crainte les annonces de faillite de nos banques, et l’annonce des défauts de paiement en cascades.
    Tout le monde parle des présidentiels alors qu’elles sont dans 5 mois et que d’ici là l’euro aura peut être sauté.

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  • BA // 25.11.2011 à 10h50

    Vendredi 25 novembre 2011 :

     

    Les taux d’emprunt de l’Italie se sont envolés vendredi à des niveaux records lors d’une émission obligataire, mais le pays a réussi à lever comme prévu 10 milliards d’euros grâce à une demande qui reste soutenue, a annoncé la Banque d’Italie.

    Les taux d’intérêt des obligations à six mois ont bondi à 6,504%, contre 3,535% lors de la dernière opération similaire le 26 octobre 2011.

    Les taux à deux ans se sont envolés à 7,814%, contre 4,628% lors de la précédente émission, des niveaux jugés insoutenables sur la durée pour la péninsule qui croule sous une dette colossale de 1.900 milliards d’euros (environ 120% de son PIB).

    http://www.romandie.com/news/n/_ALERTE___Dette_les_taux_s_envolent_mais_l_Italie_reussit_a_lever_10_mds_EUR251120111111.asp

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  • BA // 25.11.2011 à 19h21
  • Nihil // 25.11.2011 à 20h04

    « C’est comme essayer de défaire une omelette »

    La fin possible de la zone Euro vue par des Anglais:
     http://www.lepoint.fr/economie/londres-se-prepare-a-un-demantelement-de-la-zone-euro-25-11-2011-1400515_28.php

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  • jerome // 26.11.2011 à 10h30

    Que doit on penser de la livre sterling et des taux anglais soutenus par la banque d’angleterre ? Si on doit bien comprendre , comme aux etats-unis , la souscription par la banque d’Angleterre aux émissions d’etats est à la source des taux ridiculement faible .
    Cela va donner quoi , là aussi , cette bulle de dettes de l’etat par l’état ???? De nouvelles excellentes mesures pour la city et la société de la connaissance ?
    Des fois que l’on aurait aussi une douce berceuse sur l’autre vertueuse européenne qui nous la joue encore et toujours un pied dedans , un pied dehors .
     

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  • Loup Solitaire // 23.01.2012 à 01h13

    Un défaut de paiement en cas de solde budgétaire primaire positif semble logique mais pourtant l’Italie a un solde positif et ne fait pas défaut : pourquoi ?

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  • Patrick Luder // 03.05.2012 à 19h42

    Ces jours, les Grecs vendent toutes leurs entreprises d’Etat,
      => c’est un chemin sans retour …

    voir
    http://www.rts.ch/video/info/journal-19h30/#/video/info/journal-19h30/3968090-grece-la-privatisation-de-l-economie-est-au-centre-du-debat-des-elections-generales.html

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