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13.mars.201413.3.2014 // Les Crises

[Reprise] GEAB N°82 : 2014, reprise du cours « normal » de la crise systémique globale

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Je partage avec vous aujourd’hui la vision du “GlobalEurope Anticipation Bulletin”, qui est pour moi de loin une des meilleures sources d’information sur la Crise.

Toujours une tonalité très “europtimiste” – je pense pour ma part qu’on va sacrément attendre les avancées sur le projet politique… Mais bon, il est indispensable en ces temps troublés de lire des visions très différentes pour s’aiguiser l’esprit…


GEAB N°82 est disponible ! 2014, reprise du cours « normal » de la crise systémique globale
L’avalanche de liquidités issue du quantitative easing de la Fed a permis en 2013 aux logiques du monde d’avant de se réveiller : endettement, bulles, mondialisation, financiarisation… Mais il a suffi d’un léger ralentissement dans les montants astronomiques injectés chaque mois par la banque centrale américaine pour que la crise rampante, enfouie sous ces monceaux de liquidités, reprenne ses droits. Comme anticipé, la méthode consistant à « résoudre » la crise en accentuant les excès qui l’ont causée est inopérante, provoquant au contraire une crise au carré. On peut y trouver tout de même un avantage réel : elle permet de gagner du temps que tout le monde utilise au mieux.Tout au long de l’année 2014, nous allons à nouveau assister au déploiement « normal » de la crise systémique globale, phase de transition majeure entre deux systèmes d’organisation mondiale, une crise historique qui va bien au-delà d’une crise économico-financière, on commence à le voir clairement. C’est pourquoi aux côtés des graves dangers pesant sur les bourses, les banques, l’immobilier et plus généralement l’économie, l’ordre du jour comprend également l’amplification de la colère des peuples et du rejet des systèmes politiques en place, l’aggravation des tensions géopolitiques et le repli des blocs sur eux-mêmes.

La courroie de distribution de ce renouveau de la crise est mue en premier lieu par le taper (réduction du programme de QE de la Fed) qui a immédiatement entraîné les secousses que l’on sait sur les monnaies émergentes. Outre l’impact néfaste que cela a sur l’économie mondiale, notre équipe anticipe que ces chocs vont provoquer un effet boomerang sur les États-Unis et enclencher pour finir l’engrenage de la dévaluation massive du dollar, déstabilisant tout ce qu’il reste de l’ancien système dont il est le pilier.

Plan de l’article complet :

1. LE MAUVAIS CALCUL DU TAPER

2. FIN DES LOGIQUES DU PASSÉ

3. FAIRE SAUTER LA BANQUE ?

4. COLÈRE DES PEUPLES

Nous présentons dans ce communiqué public un extrait de la partie 1.


LE MAUVAIS CALCUL DU TAPER

Derrière la décision de la Fed d’arrêter progressivement son programme d’assouplissement quantitatif (1) se cachent plusieurs réalités. La première est évidemment son inefficacité envers l’économie réelle et surtout les risques de plus en plus grands qu’il fait courir en créant bulles et addictions diverses, et en distordant toute capacité d’appréhension de la réalité. La deuxième tient sans doute à la volonté de « montrer » que la situation s’améliore et que la Fed peut se désengager sans risque. La troisième est moins avouable : consciente de l’addiction créée en 2013 des pays émergents envers les liquidités de la Fed, son annonce ne pouvait manquer de faire trébucher ceux-ci. Ils font donc maintenant les gros titres de la presse économique, tandis que la situation américaine passe au second plan. Qui se rappelle en effet que le Porto Rico est en train d’exploser (2) (comme anticipé au GEAB n°77) ? Ou que Chicago ne se sort pas de ses dettes (3), ou que les foodstamps, pilier de l’aide sociale américaine, continuent d’être rabotés (4) alors que de plus en plus de ménages en dépendent ? Ou enfin que la pauvreté infantile atteint des niveaux difficilement imaginables pour un pays prétendu développé (5) ?
Valeur des obligations du Porto Rico à échéance 2017. Source : ZeroHedge.

Valeur des obligations du Porto Rico à échéance 2017. Source : ZeroHedge.

Pourtant – on nous excusera la reprise facile d’une publicité devenue célèbre – il y a un deuxième effet KissCool. Pour le voir, nous devons prendre de la hauteur et revenir aux fondamentaux quitte à simplifier une situation mondiale que personne actuellement ne comprend vraiment.Le quantitative easing de la Fed a eu pour conséquence une surabondance de liquidités sur les marchés financiers qui sont allés investir cet argent là où de vraies dynamiques productives fournissent des opportunités d’investissements et de fructification : dans les pays émergents. Bien évidemment, cette inondation d’argent facile a soutenu artificiellement la croissance de ces pays, qui aurait dû être moins élevée en ces temps de crise. Pis, en 2013, cela a provoqué un regain de logiques du monde-d’avant, monde dans lequel l’argent n’est utilisé que pour emprunter plus d’argent, avec au programme re-financiarisation, ré-endettement, ré-addiction au dollar, ré-intrication de la planète, re-mondialisation effrénée ignorant les intérêts des populations (fournissant par exemple un ballon d’oxygène aux fastidieuses négociations des traités de libre-échange trans-pacifique TPP et transatlantique TTIP), etc.

Cette absorption de dollars par les seuls pays ayant une croissance suffisante pour pouvoir les utiliser explique en grande partie l’absence de dévaluation du dollar ou d’inflation aux États-Unis malgré la politique de la Fed : la dévaluation qui aurait dû aller de pair avec une telle création monétaire, a été absorbée par le dynamisme économique du reste de la planète.

Mais quelque chose a fait que la Fed ne pouvait plus continuer. Probablement le fait que pour avoir un quelconque impact sur l’économie américaine, les quantités d’argent créé auraient dû augmenter constamment, ce que de plus en plus de monde dans les cercles de la Réserve Fédérale elle-même renâclait à faire. Rester au même niveau de 85 milliards de dollars par mois, correspondait de fait déjà à un ralentissement. Dans ce cas, autant rétrograder et tenter de sortir du piège.

Depuis début janvier, la Fed a ainsi réduit de 10 milliards de dollars le rythme mensuel de ses achats, et à nouveau de 10 milliards début février, soit à présent des achats de 30 milliards de titres hypothécaires et 35 milliards de bons du trésor par mois. Or cette baisse du soutien signifie que le quart de « l’aide » indirecte aux pays émergents s’est envolée… Il est donc logique que l’activité économique de ces pays baisse, et par conséquent aussi leur monnaie (6).

Nombre de lires turques par dollar (USD/TRY), novembre 2012 – février 2014. Source : Yahoo Finance.

Nombre de lires turques par dollar (USD/TRY), novembre 2012 – février 2014. Source : Yahoo Finance.

C’est là que commence l’effet boomerang. Premièrement, les investissements occidentaux dans les économies émergentes valent d’autant moins que la monnaie se dévalue, donc une part des actifs des investisseurs a bel et bien disparu, provoquant une forte tension sur les marchés financiers. Mais, plus important, pour enrayer la baisse de leur monnaie, les banques centrales des pays émergents vendent leurs réserves de dollars pour racheter leur propre monnaie sur les marchés (7), résultant en un surplus de dollars et une hausse de la demande de monnaie locale, ce qui fait mécaniquement monter la monnaie locale (8). Par exemple, dans ce genre de période la Turquie, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie entre autres, se délestent chacun de l’ordre de dizaines de milliards de dollars par mois (9).Cela signifie que d’acheteurs de dollars, les émergents sont devenus vendeurs. En d’autres termes, les seuls pays capables d’absorber les dollars excédentaires les rejettent maintenant. Récapitulons : la Fed et le trésor continuent d’inonder la planète de 65 milliards de dollars par mois, mais plus personne n’en veut… Où peuvent-ils s’écouler dorénavant ? Dans les quelques pays producteurs de pétrole qui le vendent encore en dollar, mais surtout aux États-Unis bien sûr. Et que peut en faire l’économie atone de ce pays ? Pas grand-chose… certainement pas autant que ce qu’en faisaient les émergents (10).

[…]

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Notes :

1 Source : Reuters (29/01/2014).

2 Sources : Reuters (07/02/2014), CNBC (07/02/2014).

3 Source : « Chicago is on the road to Detroit », Chicago Tribune (05/02/2014).

4 Mesure adoptée en catimini derrière le succès affiché de la réforme des aides agricoles. Source : New York Times, 05/02/2014.

5 Source : Washington Informer, 08/02/2014.

6 Notre équipe estime que pour une fois le taux des monnaies émergentes n’est pas relatif aux mouvements du dollar mais à une réalité économique.

7 Monnaie qu’ils avaient dû vendre en masse, en 2013 notamment, pour faire face à la dévaluation de fait du dollar qui faisait monter les autres monnaies et risquait de ralentir les exportations.

8 Le dollar, lui, ne baisse pas immédiatement car la petite dévaluation qui devrait avoir lieu est d’une part diluée dans les quantités de dollars en circulation, et d’autre part compensée par le fait que le dollar est habituellement considéré comme monnaie-refuge face à des monnaies locales qui tanguent.

9 Sources : CentralBanking.com (« Central Bank of Turkey sells $2.5bn in one day », 23/01/2014), Vox (« Brazil’s central bank has intervened heavily, spending more than $50 billion and promising to double that by the end of the year », 25/09/2013), etc.

10 Un peu à tort et à travers, il faut avouer.


Abonnement : pour ceux qui en ont les moyens, en particulier en entreprise, je ne peux que vous recommander l’abonnement à cette excellente revue de prospective sur la Crise, qui avait annoncé dès 2006 la crise actuelle.

Je rappelle que LEAP ne reçoit aucune subvention ni publique, ni privée, ni européenne, ni nationale et que ses ressources proviennent uniquement des abonnements au GEAB.

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

10 réactions et commentaires

  • Un naïf // 13.03.2014 à 10h52

    Rassurez-vous, un think-tank allemand vient de trouver la solution pour enfin sortir de cette « crise » : le « ECB quantitative easing » !! ON EST SAUVÉ !!

    http://www.telegraph.co.uk/finance/financialcrisis/10687708/Top-German-body-calls-for-QE-blitz-to-avert-deflation-trap-in-Europe.html

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  • draxredd // 13.03.2014 à 11h46

    Pendant ce temps, a Vera Cruz..

    BPCE vend Coface
    http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1841.asp

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    • Surya // 13.03.2014 à 11h55

      C’est quelque chose d’attendu depuis un certain temps.

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  • LA ROQUE // 13.03.2014 à 14h21

    « Le quantitative easing de la Fed a eu pour conséquence une surabondance de liquidités sur les marchés financiers qui sont allés investir cet argent là où de vraies dynamiques productives fournissent des opportunités d’investissements et de fructification : les pays émergents. »

    J’aimerais comprendre par quel mécanisme les liquidités émises par la Fed font monter les cours des actions et ont dopé les pays émergents.
    Est ce le seul fait que la Fed rachète les RMBS des banques et que celles ci se servent des liquidités alors disponible pour investir dans les actions et les pays émergents?
    Lorsque la Fed achète des bons du trésor l’argent ne sert t’ il pas qu’à payer les dépenses courantes aux USA ou à effectué des opérations twist sur les obligations?
    La bulle de liquidités vient t elle en partie de la politique de la Fed à savoir un taux directeur de 0.25% , mais cela fait t il partie du QE ? Il me semble que non.
    Les hedges fund ont t ils accès directement au guichet de la Fed ou doivent t’il passer par les banques ou shadow banking pour se financer?

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  • BA // 13.03.2014 à 16h48

    Jeudi 13 mars 2014 :

    Le PIB de l’Irlande a baissé de 2,3% au quatrième trimestre.

    Le produit intérieur brut de l’Irlande s’est contracté de 2,3% au dernier trimestre 2013, une mauvaise nouvelle pour une économie qui montrait de timides signes de reprise après sa sortie l’an dernier d’un plan d’aide de l’Union européenne et du Fonds monétaire international.

    A propos de l’Irlande :

    Chômage : 11,9 %.
    Chômage des jeunes : 26 %.

    http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-28022014-AP/FR/3-28022014-AP-FR.PDF

    2007 : dette publique de l’Irlande : 47,150 milliards d’euros, soit 24,9 % du PIB.
    2008 : dette publique de 79,602 milliards d’euros, soit 44,2 % du PIB.
    2009 : dette publique de 64,4 % du PIB.
    2010 : dette publique de 91,2 % du PIB.
    2011 : dette publique de 104,1 % du PIB.
    2012 : dette publique de 117,4 % du PIB.
    Fin septembre 2013 : dette publique de 204,696 milliards d’euros, soit 124,8 % du PIB.

    http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/2-22012014-AP/FR/2-22012014-AP-FR.PDF

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  • JMB // 13.03.2014 à 18h52

    Bonjour Olivier,

    Abonné depuis 2006, moi aussi je leur reproche d’être un peu “europtimiste”, mais je reconnais que l’anticipation de la crise mondiale que nous vivons depuis 2007-2008 a été très bien décrite en relativisant les échéances qui ne sont pas maîtrisables.

    Par contre, ils doivent être déçus dans le contexte actuel ou ils prônaient une Europe politique pour ensuite créer un partenariat avec la Russie. Actuellement, avec la Syrie et l’Ukraine nous sommes à l’inverse « comme la courbe du chômage »

    Enfin, je me suis aperçu dans le GEAB 82 de ta participation, donc de la reconnaissance de LEAP 2020 sur le sérieux de ton travail dont je n’ai jamais douté et te remercie du porter à connaissance de ton dernier dossier sur l’Ukraine. Bravo.

      +0

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  • BA // 14.03.2014 à 16h02

    A propos de l’Espagne :

    2007 : dette publique de 382,307 milliards d’euros, soit 36,3 % du PIB
    2008 : dette publique de 40,2 % du PIB
    2009 : 54 % du PIB
    2010 : 61,7 % du PIB
    2011 : 70,5 % du PIB
    2012 : 86 % du PIB
    2013 : dette publique de 960,640 milliards d’euros, soit 93,9% du PIB

    Espagne : record de la dette publique fin 2013.

    http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/03/14/97002-20140314FILWWW00103-espagne-record-de-la-dette-publique-fin-2013.php

    A propos de l’Italie :

    2007 : dette publique de 1605,1 milliards d’euros, soit 103,3 % du PIB.
    2008 : dette publique de 1671 milliards d’euros, soit 106,1 % du PIB.
    2009 : 116,4 % du PIB.
    2010 : 119,3 % du PIB.
    2011 : 120,8 % du PIB.
    2012 : 127 % du PIB.
    2013 : 132,6 % du PIB.

    Italie : record de la dette publique fin 2013.

    Recul du PIB italien et envolée de la dette.

    La dette publique italienne, la deuxième de la zone euro rapportée au PIB après celle de la Grèce, a inscrit un nouveau record, à 132,6 % du PIB en 2013, précise l’institut national de la statistique Istat, après 127 % en 2012.

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/03/03/recul-du-pib-italien-et-envolee-de-la-dette_4376655_3234.html

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  • catherine Balogh // 15.03.2014 à 15h22

    http://www.dailymotion.com/video/xdkaoc_michael-moore-capitalism-a-love-sto_news
    Michael Moore
    Une vidéo pleine d’humour sur le produits dérivés.

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  • Elio // 21.04.2014 à 12h28

    Bonjour,
    J’ai trouvé ce site trés interessant.
    Malheuresement Je parle francais trés peu, Je voudrai dire de parler aussi de USA versus Europe et la possibilité de avoir seulement l’Allemand que comprendende notre reel existence…

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