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10.juin.202010.6.2020 // Les Crises

Comment la droite américaine exploitait les émeutes – par Serge Halimi

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Source : Le Monde Diplomatique

Au moment où, consécutives à l’assassinat d’un passant noir par un policier blanc qui a indigné la majorité des Américains, des émeutes se produisent dans de nombreuses grandes villes des États-Unis, les provocations du président Trump peuvent paraître irréfléchies, voire politiquement suicidaires. Ce n’est pas forcément le cas.

Depuis les années 1960, le Parti républicain a souvent tiré parti d’un discours à connotations racistes sur « la loi et l’ordre ». Cible principale de la droite américaine : les « pillards », présumés noirs, qui s’en prennent aux petits commerces dont les propriétaires font partie de la « majorité silencieuse ». Celle-là même qui décide en général de l’issue des élections.

L’impact d’une campagne livrée sur ce thème inusable a par ailleurs pour avantage de reléguer au second plan les carences de la Maison Blanche face à la crise sanitaire et au désastre économique (lire « Aux États-Unis, “rien ne changera fondamentalement” »).


Le 6 novembre 1962, Richard Nixon annonce son retrait de la vie politique américaine. Distancé deux ans plus tôt d’une poignée de voix dans la course à la Maison Blanche, il vient d’être battu par le démocrate Edmund G. (« Pat ») Brown lors de l’élection au poste de gouverneur de Californie. En 1964, un autre républicain, Barry Goldwater, est balayé, cette fois, par Lyndon Johnson, élu président des Etats-Unis avec 61 % des suffrages. En matière de droits civiques et de lutte contre les inégalités, Johnson marquera l’histoire de son pays. Il saura répondre favorablement à la pression du mouvement des droits civiques et des milliers de militants de gauche, souvent jeunes et blancs, partis dans le Sud aider les partisans de Martin Luther King. La ségrégation institutionnelle est démantelée, la « guerre contre la pauvreté » lancée, le progressisme paraît installé pour une génération.

L’illusion ne dure pas. Si la société américaine bouillonne au cours des années 1960 (mouvement noir, mouvement étudiant, mouvement féministe, mouvement pacifiste, mouvement homosexuel), un backlash (retour de bâton) conservateur se dessine très vite sur chacun de ces terrains, ou presque. Dès 1966, Ronald Reagan écrase « Pat » Brown à la surprise générale, et devient gouverneur de Californie grâce à l’appui d’un électorat populaire blanc qui vient d’obtenir par référendum l’annulation de dispositions favorables à la mixité raciale du logement. Deux ans plus tard, Nixon, apparemment incapable de renoncer à la politique, bat le vice-président choisi par Johnson – Hubert Humphrey – et s’installe à la Maison Blanche.

Le basculement à droite d’une partie de la base démocrate (ouvriers, employés, ruraux) explique l’issue électorale. En Californie, Reagan détache les « petits blancs » du parti du gouverneur sortant en accusant ce dernier d’avoir péché par faiblesse lors des émeutes de Watts (Los Angeles) en août 1965, mais aussi d’avoir pactisé avec la contestation d’une « minorité névrosée » de « beatniks » installés à l’université de Berkeley. Le conservatisme de la bureaucratie syndicale de l’AFL-CIO, sa déréliction lors des combats contre la ségrégation raciale, le militarisme (guerre du Vietnam) et les discriminations sexistes ont laissé opérer les forces corrosives d’un glissement conservateur dont, dix ans plus tard, l’ensemble du mouvement ouvrier paiera le tribut économique et social.

A l’échelle nationale, Nixon butine lui aussi sur les thèmes de « la loi et l’ordre ». Alors qu’en 1968 les soulèvements de Chicago et de Harlem sont frais dans les mémoires – 43 personnes, noires pour la plupart, ont été tuées (souvent par la police, la garde nationale et l’armée) lors des émeutes de Detroit en juillet 1967 –, il appelle ses compatriotes à écouter « une autre voix, une voix tranquille dans le tumulte des cris. C’est la voix de la grande majorité des Américains, les Américains oubliés, ceux qui ne crient pas, ceux qui ne manifestent pas. Ils ne sont ni racistes ni malades. Ils ne sont pas coupables des fléaux qui infestent notre pays (1) ».

« Ni racistes » ? En 1963, 59 % des Blancs se déclaraient encore favorables à l’interdiction des mariages interraciaux, 55 % ne voulaient pas vivre à côté de Noirs, 90 % refusaient que leur fille sorte avec l’un d’eux, dont plus de la moitié des Blancs imaginaient qu’ils riaient beaucoup plus qu’eux, étaient moins ambitieux et sentaient différemment (2)… Ils ne riaient pas souvent pourtant quand ils étaient interpellés par des forces de l’ordre alors presque exclusivement blanches. C’est d’ailleurs un cas ordinaire de brutalité policière qui avait déclenché les émeutes de 1965 à Watts. Elles durèrent cinq jours, impliquèrent près de 50 000 personnes (dont 16 000 gardes nationaux), firent 34 morts et 1 000 blessés.

Dès la fin des années 1950, le FBI et les autorités locales d’Alabama, d’Arkansas ou du Mississippi expliquaient les « désordres » en mettant en cause des « agitateurs » venus de l’extérieur. Pour discréditer le mouvement noir, on le prétendit infiltré par des communistes : des pancartes installées le long des routes du Sud proclamaient même que Martin Luther King serait passé par un camp d’entraînement révolutionnaire et aurait été « encouragé par une fraction des communistes plutôt chinoise que russe ». Avec Malcolm X, on préfère invoquer les influences pernicieuses de l’islam tiers-mondiste. Johnson lui-même impute d’abord les soulèvements urbains à quelques « fauteurs de troubles noirs » avant de comprendre le caractère spontané et populaire de l’explosion. De son côté, la droite américaine continue, en 2005, d’associer spontanément agitation sociale, « subversion » et ennemi « extérieur ». Il y a quelques semaines, la chaîne républicaine Fox News parlait ainsi d’une « insurrection musulmane en France » qui avait gagné « en férocité » en raison du refus du gouvernement de « faire appel à l’armée ».

Aux Etats-Unis, le recours à la troupe est plus habituel. Mais le surcroît de violence qui en découle ne provoque pas nécessairement un degré plus aigu de prise de conscience collective. En avril-mai 1992, par exemple, les émeutes de Los Angeles (plus de 50 morts et de 10 000 arrestations, à la suite de l’acquittement d’un policier filmé en train de matraquer sauvagement un automobiliste noir, M. Rodney King) ne troublent la campagne présidentielle en cours que quelques jours, les trois principaux candidats (MM. George H. Bush, William Clinton et Ross Perot) se souciant surtout de séduire les classes moyennes, pas de remédier aux problèmes des ghettos.

Presque toujours, les soulèvements urbains ont réactivé la démagogie sécuritaire de la droite américaine, qui saisit l’occasion de se « prolétariser » à bon compte. Depuis quarante ans, elle y parvient dans le registre qui a semblé inspirer Alain Finkielkraut lors de l’embrasement de certaines banlieues françaises, quand l’essayiste multimédias opposa l’indignation des « automobilistes pauvres du 9-3 » à la « sympathie pour les vandales » qu’il prêtait aux « bobos écolos qui font du vélo à Paris » (3).

Au début des années 1960, le journaliste de gauche Andrew Kopkind, comme beaucoup d’autres, dont Martin Luther King, espérait la naissance d’un mouvement interracial des pauvres unissant les métayers noirs du Mississippi et les Blancs indigents des Appalaches. En 1968, le combat contre les lois racistes est gagné aux Etats-Unis. Mais la solidarité interraciale, elle, paraît plus lointaine que jamais. Car le rêve de mobilité sociale des ouvriers et des employés blancs se dérobe à cet instant précis. Les coupables sont vite trouvés. Sitôt qu’il interroge un ouvrier blanc de Chicago, « à 100 % derrière la police », Kopkind ne peut que constater le progrès des idées autoritaires au sein d’un « lumpensalariat jeune qui a raté son accession à la classe moyenne et qui se sent enfermé dans la condition ouvrière ». Pour ce lumpensalariat blanc, l’intégration raciale signifie d’abord la menace de voir des Noirs s’installer dans son voisinage.

Les soulèvements urbains ajoutent à cette hantise du déclassement l’exigence d’un retour à l’ordre : « Je ne suis pas contre les gens de couleur, je suis contre les émeutes », précise à Kopkind le même ouvrier de Chicago. Vingt ans plus tard, en 1988, le discours a peu changé. Cherchant à expliquer le basculement à droite d’un menuisier blanc de la ville, Thomas et Mary Edsall le citent : « La plupart de ceux qui ont besoin d’aide sont noirs. Et la plupart de ceux qui aident sont blancs. Nous en avons assez de payer pour les HLM de Chicago et pour les transports en commun que nous n’utilisons pas (4). »

Mais alors, comment faire et qui doit payer ? Le discours de la droite américaine est rodé : la question est mal posée ; toute aide nuit à ceux qui la reçoivent (5). « Les gens, s’exclamait en 1995 David Frum, un essayiste républicain qui conseillera le président George W. Bush au début de son mandat, sont fatigués de ce gémissement constant qu’ils entendent au sujet des pauvres. Les contribuables qui appartiennent aux classes moyennes estiment qu’ils paient toujours plus pour eux, et que ceux-ci ne cessent de se comporter plus mal. » En employant des mots un peu différents, M. Nicolas Sarkozy a abandonné lui aussi au bras séculier du marché les éléments les plus vulnérables de la société : « La vérité, c’est que, depuis quarante ans, on a mis en place une stratégie erronée pour les banlieues. D’une certaine manière, plus on a consacré de moyens à la politique de la ville, moins on a obtenu de résultats (6). »

Cela tombe bien : ces moyens, en France comme aux Etats-Unis, on les réserve à d’autres usages, la réduction des impôts directs par exemple. Inconscience ? Absolument pas : l’histoire récente suggère la fortune politique des orientations inégalitaires qui individualisent ou « ethnicisent » les relations sociales afin de pouvoir plus facilement réprimer ceux qu’elles maltraitent quand ils se soulèvent.

Serge Halimi

(1) Discours prononcé devant la convention du parti républicain, Miami, 8 août 1968. Cité dans Le Grand bond en arrière. Comment l’ordre libéral s’est imposé au monde, Fayard, Paris, 2004, p. 131.

(2) Sondage de Newsweek, cité par Thomas Byrne Edsall et Mary Edsall dans Chain Reaction : The Impact of Race, Rights, and Taxes on American Politics, Norton, New York, 1991.

(3) Le Figaro, 15 novembre 2005.

(4) Thomas et Mary Edsall, op. cit. Lire aussi « L’université de Chicago, un petit coin de paradis bien protégé », Le Monde diplomatique, avril 1994.

(5) Lire John Galbraith, « L’art d’ignorer les pauvres », Le Monde diplomatique, octobre 2005.

(6) « Nicolas Sarkozy contre-attaque », entretien, L’Express, 17 novembre 2005.

Source : Le Monde Diplomatique

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Commentaire recommandé

TEROUINARD // 10.06.2020 à 10h19

« Comment la droite américaine exploitait les émeutes ».
Article intéressant, voire édifiant … sur le passé.
Mais présentement, que ce passe t’il ?
« Comment la Gauche américaine exploite les émeutes ».
Comme les trains, une vérité peut en cacher une autre.
Là est l’art de cacher ce que je ne veux pas voir ou ce qui ne doit pas être vu.

33 réactions et commentaires

  • Gévaudan // 10.06.2020 à 08h17

    Ne pas s’attarder sur les détails ! Mais répondre, en masse, en troupeau, à l’injonction quasi unanime des médias nationaux et internationaux :  »la génuflexion pour tous » !

    Quelques-uns, il est vrai, refusent de s’arrêter aux apparences :
    https://frontpopulaire.fr/o/Content/co83677?utm_source=newsletter-+frontpop&utm_medium=email&utm_campaign=frontpop-nl83698&utm_content=top-content

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    • yann // 10.06.2020 à 09h49

      Je viens de l’article d’Onfray. Je cite :

      « Le meurtre de George Floyd aux États-Unis n’est pas objet de like ou de nique. Mais d’une réflexion généalogique. Commençons par préciser que ce meurtre est inexcusable, il est tout même explicable, étymologiquement: susceptible d’une explication, et on ne m’empêchera pas de faire mon travail de philosophe »

      Afin de décider si le meurtre est explicable, la question de savoir oui ou non les deux se connaissaient auparavant passe avant toutes les autres. Pourquoi ni Onfray ni l’article ci-dessus ne semblent y accorder d’importance, je l’ignore.

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    • LibEgaFra // 11.06.2020 à 04h23

      Incroyable article dont l’auteur vire à l’extrême droite toute. Limite appel à la guerre civile, mise sur le dos du pouvoir bien entendu quand celui-ci est juste totalement incompétent. Faire ainsi l’éloge de la police quand on se rappelle le comportement d’icelle lors des manifs des gilets jaunes, faut oser. Faut oser parler alors de « sécurité ». Il adore parler de « généalogie », mais quid de celle de la fracture sociale? Mais là, plus rien, le néant, ou dois-je dire le « nihilisme »?

      Paroles de millionnaire! Et la multiplications des pains…

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      • Valmeysien de Bouvines // 11.06.2020 à 05h46

        Libegafra,

        Relisez l’article, Onfray essaie précisément de prévenir cette guerre civile que la lâcheté de nos gouvernants va finir par provoquer. Le deux-poids deux mesures est manifeste, seul un menteur ne peut pas le voir.

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  • Fritz // 10.06.2020 à 08h18

    Exactement. Si nous voulons vivre, nous devons couper la télé, oublier tous ces Finkielkraut et Halimi qui se répondent en miroir. Ne nous laissons pas dicter leurs obsessions, la vie est ailleurs.

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    • ellilou // 10.06.2020 à 12h17

      Mettre dos à dos Finkielkraut et Halimi…fallait oser, camarade!

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      • Alfred // 10.06.2020 à 12h35

        C’est par exemple ce texte de Halimi qui permet de les mettre dos à dos. Halimi a écrit des choses très justes mais faire des paroles d’évangiles d’absolument toutes les productions d’Halimi (comme de Chomsky d’ailleurs) n’est pas un signe de santé intellectuelle. Ici au mieux Halimi est de bonne foi mais aveuglé par son positionnement idéologique. Au pire c’est un très décevant sal..d qui ne recule devant rien en termes de militantisme. Je penche pour la première solution vu l’historique du personnage mais les zones d’ombres et oublis de son discours sont très dérangeantes et pour tout dire rendent caduque (à mais yeux) l’ensemble du raisonnement.

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      • Fritz // 10.06.2020 à 12h37

        J’aimais bien Halimi, mais j’ai été refroidi par son éditorial du Monde diplomatique (avril 2011) où il dénonçait Kadhafi au moment des bombardements de l’OTAN. Serge Halimi critiquait la gauche sud-américaine (Castro, Chávez), pourtant une référence du Diplo, car cette gauche dénonçait nettement l’agression de l’OTAN contre la Libye.

        C’est là où j’ai compris les ambiguïtés du personnage, et d’une certaine gauche parisienne, fût-elle « radicale » (rires dans la salle).

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        • pauvre d’eux // 10.06.2020 à 14h12

          L’article de Serge Halimi, date de décembre 2005 !

            +3

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    • Fritz // 10.06.2020 à 16h53

      Pas de souci : je n’ai jamais eu de télévision. Je suis le Tour sur le site de L’Équipe, en allant voir les coureurs sur place quand c’est possible, et en achetant L’Équipe quand le numéro en vaut la peine.

      P. S. – Si votre mémoire de flic ne suffit pas, n’hésitez pas à constituer des fichiers.

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  • yann // 10.06.2020 à 08h39

    Pour aider à réfléchir :
    1> « Pineapple rag », Scott Joplin
    2> « Tipitina », Professor Longhair
    3> « Watermelon man », Herbie Hancock
    Et pour terminer
    4> Votre morceau de rap favori à base de « F… the police », à fond avec les vitres ouvertes.

    Y’a pas nécessairement contradiction.

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  • TEROUINARD // 10.06.2020 à 10h19

    « Comment la droite américaine exploitait les émeutes ».
    Article intéressant, voire édifiant … sur le passé.
    Mais présentement, que ce passe t’il ?
    « Comment la Gauche américaine exploite les émeutes ».
    Comme les trains, une vérité peut en cacher une autre.
    Là est l’art de cacher ce que je ne veux pas voir ou ce qui ne doit pas être vu.

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    • ellilou // 10.06.2020 à 12h21

      Il vous aura peut-être échappé que cet article date de décembre 2005, cette information n’étant pas clairement donnée. Je me permets donc de vous l’apporter afin de tempérer votre commentaire 🙂
      Le Monde Diplomatique fait d’ailleurs remarquablement bien son travail d’analyse dans un beau silence médiatique, leurs articles n’étant quasiment jamais repris dans les « revues de presse » de nos magnifiques et grandioses grands médias 🙂

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      • Narm // 10.06.2020 à 13h55

        je pense qu’il l’avait compris. (… sur le passé)

        aujourd’hui les démocrates (biden) cherche à s’approprier l’ensemble de l’électorat « indigné »

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  • Pie vert // 10.06.2020 à 10h47

    l’Amérique des années 60 n’est plus celle de 2020, et ce n’est pas comparable.
    Martin Luther King s’est battu pour que les noirs s’élèvent et disposent de même droit que les blancs.
    Aujourd’hui, à travers ces génuflexions méprisables c’est bien les blancs que l’on veut rabaisser, et remettre de fait une hiérarchie des races. Les racistes ne sont pas là où la gauche veut les mettre
    Du reste c’est actuellement le partie démocrate qui exploite cet assassinat et ces émeutes avec fort peu d’élégance. Attention car la situation peut dérapé aux USA et dans ses colonies (l’Europe…).
    .

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  • Philippe T. // 10.06.2020 à 12h03

    Curieux quand même cette « manie » de tout ramener aux années 60/70. Est-ce le fait d’auteurs vieillissants qui croient que toute l’histoire du monde se résume à ce qu’ils ont vécu dans leur jeunesse maintenant lointaine?
    Sans doute la droite américaine de Nixon à Reagan a su jouer sur les frustrations de la classe moyenne US il y plusieurs décennies.
    Mais on est aujourd’hui dans une autre conjoncture où ce sont les Démocrates qui tentent une manipulation peu ragoutante des électeurs américains.
    Si nous n’étions pas à 6 mois des présidentielles US, la mort d’un innocent (noir, c’est le point nodal) au cours d’une interpellation par un policier (blanc) trop violent n’aurait sans doute eu qu’un retentissement local et de courte durée.

    Plus généralement peut on considérer comme positif la racialisation des rapports sociaux? Ou bien est on dans une régression? Régression sur laquelle surfent des politiciens opportunistes (et en France pas seulement Le Pen mais aussi à gauche)

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  • Iseorce // 10.06.2020 à 12h20

    La gestion de la crise sanitaire par la Maison Blanche ? a priori les états républicains ont beaucoup moins de décès que les états démocrates.

    La gestion de la crise économique par la Maison Blanche ? 6 juin : Wall Street galvanisé par une baisse soudaine du taux de chômage
    https://bfmbusiness.bfmtv.com/bourse/wall-street-galvanisee-par-une-baisse-surprise-du-taux-de-chomage-1928023.html

    Du coup ill était peut-être urgent pour les démocrates adeptes de la globalisation financière et en proie à un possible obamagate de trouver un moyen pour contrer Trump avant les élections. Quelques petites émeutes financées ?

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    • Casimir Ioulianov // 10.06.2020 à 14h27

      Aux US, il y a 140 Millions de salariés ( « nonfarm Jobs selon le BLS » )
      Aux US, il y a 330 millions d’habitants.
      Au bout d’un moment , ça finit par se voir que c’est pas possible de faire fonctionner un pays avec « des profs de yoga et des baristas » pour citer l’autre…

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  • Alfred // 10.06.2020 à 12h24

    On ne peut pas mieux résumer la situation. Le gros problème c’est que votre (notre) position qui 1) correspond à une réalité observable 2) explique plutôt bien les échecs ininterrompus de tous les mouvements populaires, n’est défendue par aucun intellectuel ni figure médiatique. Partout c’est le blanc seing qui est donné aux charlatans et aux semeurs de discorde. jusque sur ce site même. La »gauche » est complètement paralysée intellectuellement et incapable de faire face à ses contradictions. Pendant qu’une nouvelle droite se reconstruit intellectuellement et qu’une nouvelle élite de droite se prépare à renverser l’ancienne (tout aussi déconsidérée que l’élite de gauche), ce travail n’est pas fait du tout au sein d’une gauche en pleine débandade intellectuelle (débandade dont l’instrumentalisation de l’assassinant d’un homme est un exemple parmi d’autres). La nouvelle élite de gauche donne des gages à l’ancienne en vénérant des mirages de totems absents (la lutte contre l’homophobie fasciste par exemple) et en ignorant les éléphant qui galopent dans le magasin de porcelaine (la liste est longue). Où que se soit qu’on se reconnaisse politiquement cela n’augure rien de bon. On risque à terme de se retrouver avec un parlement uniforme « dans l’autre sens » sans aucune opposition crédible. Et le débat démocratique en sera encore plus affaibli.

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    • Valmeysien de Bouvines // 10.06.2020 à 15h28

      Nous verrons ce qu’il faut à la gauche intellectuelle pour se réformer. Apparemment 40 ans d’échec total sur le front économique ne lui a pas suffi, et 20 ans de victoires des populistes de droite dans un contexte où le populisme économique de gauche aurait dû marquer des points, tout ça ne lui suffit pas non plus.

      Et évidemment les gauchistes nous diront que ce n’est pas de leur faute. Ah si seulement Nuit Debout et ses ateliers anti-spécistes avaient rencontré plus de succès ! Probablement la faute à Zemmour ce salaud !

      Les gens sont manifestement prêt à voter pour un truc à la Mélenchon/Corbière sur la base de la classe sociale avec une symbolique unifiante : France Insoumise. Oui ça me plaît.
      Mais les Hautain et cie font office de repoussoir instantané. Et il y en a un PAQUET de ces ahuris.

      Car ce n’est pas juste quelques activistes. C’est toute une partie de la couche des éduqués du supérieur qui aurait dû constituer les cadres dirigeants d’un mouvement progressiste qui ont été complètement infectés par la pensée prétendumment complexe, mais réellement confuse, de l’intersectionnalisme, pensée parfaitement inopérante lorsqu’il s’agit de déclencher des mouvements de masse unifiant capable de faire plier le pouvoir voire de le prendre.

      Donc oui effectivement moi non plus je ne vois pas comment la droite populiste peut rater son coup. Il lui suffit de rester planter là et de dire : « on est anti-système aussi, mais on n’est pas comme les ahuris d’en face » et le tour est joué.

      On verra ce qu’il faudra faire quand nous serons dans cet « autre sens » que vous évoquez.

        +5

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      • Alfred // 10.06.2020 à 15h56

        « Les gens…->… ahuris ». Tout ce paragraphe m’a fait penser à quelque chose. Avec la victoire des indigéniste à la FI la partie souverainiste de cette formation est partie avec Kuzmanovic en fondant « République Souveraine ». Ce qui est marquant c’est que dans le même temps le RN a vu en parfait miroir l’éjection de son aile gauche avec Philippot (qui fonde du coup « Les Patriotes »). Évidement ces deux là sont incapables de s’entendre et comme des Chevenement-Séguin ils restent chacun de leur coté (on est pas surpris). Je suis convaincu que si Mélenchon avait choisi Kuzmanovic contre Autain et Obono il aurait fait 20% et serait l’opposant de poids. Et c’est exactement la même chose en miroir de l’autre coté. Ces deux partis se sont sabordés et on consciencieusement éliminé toute chance que « par malheur » ou sur « sur un malentendu » l’un d’eux face le pont en face et cristallise de façon majoritaire le ressentiment populaire. Erreur majeure (sont pas malins) ou sabordage véritable (en fait aucun ne veut vraiment le pouvoir et nous sommes baladés)? Je ne sais pas mais je commence à pencher pour la deuxième option. On nous ballade. Qu’en pensez vous?

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        • Valmeysien de Bouvines // 10.06.2020 à 16h48

          C’est difficile à dire. Peut-être qu’on nous ballade, mais je pense que c’est autre chose.

          Il ne faut pas négliger l’influence des cadres dans ces partis, et ces cadres ont une identité idéologique.
          Je remarque que parmi les cadres de LFI et du RN il existe un point commun au sujet de l’européisme. Il n’y arrive peut-être pas par le même chemin, mais l’arrivée est la même.

          L’aile gauche de LFI est européiste du fait de son anti-nationalisme.
          L’aile droite du RN est européiste du fait de son racialisme ou du moins de son intérêt pour l’Europe en tant que civilisation (la Nouvelle Droite et le GRECE par exemple ont dû passer par là).

          Cette hypothèse qui explique pourquoi ces partis virent leurs ailes souverainistes repose sur le postulat que les structures supérieures d’un parti ont plus d’influence sur la ligne du parti par rapport à l’électorat.

          Et il ne faut pas négliger le fait que l’électorat reste encore européiste. De moins en moins il est vrai, mais encore européiste.

          Donc d’une part on a un électorat français qui est encore trop européiste pour réellement retourner ces partis vers un Frexit franc et clair, et d’autre part on a des cadres dont l’identité idéologique est européiste, quoique pour des raisons différentes.
          Voilà ce qui selon moi provoque un anti-souverainisme dans ces partis.

          Ce qui n’est pas plus mal car c’est ce qu’il faut pour relancer le projet des « Républicains des deux rives » ou « Souverainisme des deux bords » et autre choses de ce genre que personnellement j’appelle de mes voeux.

          Qu’en pensez-vous ?

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          • john // 10.06.2020 à 22h42

            Il me semble difficile de rassembler les souverainistes des deux bords. Pour faire faire court les deux veulent une autonomie, à des degrés divers, du pays par rapport à l’extérieur mais pour l’un sans rien changer aux rapports sociaux, ou à la marge, alors que pour l’autre la réduction des inégalités est un vecteur majeur.

              +0

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          • Alfred // 11.06.2020 à 09h28

            Il est bien possible que l’inertie intellectuelle suffise à expliquer ces égarements contreproductifs dont pour ma part je ne me félicite pas (même si comme vous je préférais autre chose que ces vieux chaudrons puants). Simplement je ne suis pas certain que nous ayons tant de temps devant nous. A certains nos quarante ans et plus d’agonie laissent penser que nous avons bien dix ans à prendre si nécessaire pour construire une alternative. Je n’en suis pas certain du tout compte tenu de l’accélération des déséquilibres écologiques , démographiques et politiques (par « politique » je n’entend rien d’autre que le renforcement de la toute puissance des milliardaires vis à vis du pouvoir politique). Je pense la seule chose qui puisse garantir un avenir de paix à mes enfants est 1) l’éclatement de l’union européenne qui conduira à une dévaluation compétitive de notre monnaie et à la reconstruction possible de notre industrie (et de nos emplois); cet « appauvrissement » relatif face au reste du monde ne permettra plus aux bobos d’acheter des iphone ni d’aller à Bali mais cela réduira au passage les déséquilibres migratoires). 2) la reconnaissance de la nation comme la taille maximale de toute entité politique équilibrée (pour divers raisons longues à expliquer ici). Dès lors toute formation politique qui va dans ces directions me satisfera et je m’accommoderai des ses caractéristiques secondaires quelles qu’elles soient (que cette formation ouvre en grand les vannes de l’immigration ou bien qu’elle déporte les immigrés; qu’elle promeuve le véganisme exclusif ou bien la corrida; etc..)

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        • LibEgaFra // 11.06.2020 à 04h05

          « Qu’en pensez vous? »

          Que vous prenez vos désirs pour la réalité. Votre « analyse » ne repose sur rien de concret. Il fait combien Kuzmanovic aujourd’hui? Il fait combien Philippot aujourd’hui?

          Croire que les extrémistes ont une chance de remporter des élections est de l’ordre du mirage. A moins de faire alliance. Une petite réconcili@tion égalitaire r0uge-brune?

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          • Valmeysien de Bouvines // 11.06.2020 à 05h18

            Libegafra,

            N’ai-je pas évoqué le fait que l’électorat souverainiste n’était toujours pas suffisamment important ? Je crois bien que si. Mais il fallait peut-être lire mon « analyse » avant de déclencher les réflexes pavloviens de l’antifasciste lambda.

            D’autant que mesurer la nécessité d’une dynamique social et politique en fonction de son succès électoral actuel c’est le degré zéro de « l’analyse » (vous avez vu j’ai mis des guillemets aussi… ça sert à rien mais ça dispense de faire un argument sur le fond du commentaire, c’est bien pratique).

            Le but c’est justement de trouver des points de convergence pour éviter de voir le souverainisme éparpillé en mosaïque dans l’ensemble du spectre politique et par là réduit à l’impuissance.

            Et j’aimerais beaucoup savoir par quel miracle quelqu’un qui prétend émettre une critique à quiconque sur le plan intellectuel peut en même temps utiliser sans ironie le terme « rouge-brun » ? Je suppose que je suis « confusionniste » également ? Mais comment la France peut produire désormais des concepts aussi comiques ? J’ai même entendu un gars à la radio présenter un livre contre la « peuplecratie »…
            Mais qu’on me suicide immédiatement si c’est ça la pensée politique contemporaine !

            Vous pensez par connotation (donc vous ne pensez pas) et en orbite autour du fascisme, comme manifestement trop d’intellectuels occidentaux, traumatisés depuis 45, hystérisés et en hyper-vigilance (les fascistes sont partout !) depuis la découverte d’Auschwitz. Allez-vous vous en remettre un jour ?

            Tout ne tourne pas autour des nazis !

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          • Alfred // 11.06.2020 à 09h41

            BHL sortez de ce corps! Si vous allez dans l’invective rouge-brune je me permettrait de qualifier de munichois tous ceux qui genoux à terre se conforme à l’ingénierie sociale mise en branle outre atlantique avec la complicité de tout ce que notre pays compte de richards et de nantis.
            Pour ce qui du « nombre de divisions papales », vous connaissez l’histoire du mirage de la paille et du mirage de la poutre? C’est vrai que de passer de 15% à 6% vous fait presque connaitre la griserie de la victoire.
            Enfin si j’affirme que le pouvoir macronien est extrémiste je l’étaie en rappelant son recours à la violence comme seule réponse à une crise politique, sa complète incapacité à infléchir sa course pour prendre en compte les opinions et avis pourtant majoritaires quand ils sont contraire à ses intérêts, son passage en force permanent.
            Je veux bien savoir sur quelles bases concrètes vous qualifiez Kuzmanovic et Philippot d’extrémistes? Je suis curieux de voir du concret.

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  • Alfred // 10.06.2020 à 16h44

    C’est sur que si on agite une muleta devant un taureau il bouge. C’est pour ça que l’oligarque Pigasse a choisi la muleta Traoré comme rédac chef des Inrocks. Il aurait pu choisir François Bulot mais ça aurait eu le malheureux effet de rassembler les français plutôt que de les diviser.

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  • cording // 10.06.2020 à 21h35

    Si l’on se fie à la logique exprimée par l’article de Serge Halimi Donald Trump va être réélu.

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  • Horresco referens // 10.06.2020 à 22h33

    Remarque intéressante mais raisonnement un peu court. Acceptons votre prémisse et tout ce qu’elle suppose de façon peu discrète : les deux se connaissaient, il ne s’agit donc pas d’un meurtre raciste mais d’une querelle personnelle réglé de façon expéditive, et toute l’agitation qui s’ensuivit est de l’ordre de la manipulation. Je vous ai bien compris ? A présent, inversons les rôles : le policier est noir, le délinquant est blanc. Pouvons-nous croire que le policier noir ait pu un instant imaginer régler son différend sous les yeux de nombreux témoins, en étant filmé, au prétexte du maintien de l’ordre, et pouvoir s’en tirer sans dommage ? Bravo, vous venez de prouver ce que vous vouliez contester, la nature structurellement raciste du fait divers.

      +4

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  • RGT // 11.06.2020 à 10h29

    Connaissez-vous UN SEUL ÉTAT qui n’instrumentalise pas les mécontentements populaires afin de faire passer les contestataires pour d’ignobles individus au service d’un « ennemi » inventé de toutes pièces ?

    Il n’est pas nécessaire de sortir de « notre » nation pour voir cette stratégie en pleine activité.

    Souvenez-vous seulement des manifs contre le démantèlement du système de santé, contre la « loi travail », contre la « réforme des retraites », sans oublier bien sûr les « gilets jaunes » qui ont vraiment mis les « élites » en PLS.

    Tous ces mouvements ont « bien sûr » été causés par des hooligans qui allaient égorger la ménagère de 50 ans pour venir lui vider son frigo.

    Et que le gouvernement soit « de droite » ou de « gauche » ne change RIEN au problème : Ce n’est JAMAIS ledit gouvernement qui décide mais ce sont les « hauts fonctionnaires » qui les conseillent (et n’appliquent pas les décisions gouvernementales si elles leur déplaisent) mais aussi les « mécènes » qui financent les partis et la carrière des « éligibles » quelle que soit la couleur du logo de leurs « valeurs ».

    Et ça dure depuis que l’humanité a fait l’énorme erreur de confier son sort aux « meilleurs » (aristos en grec antique) sans avoir la possibilité de les contrôler.

    Le problème ne vient pas des « valeurs » des dirigeants, il vient seulement du fait qu’ils échappent à tout contrôle de la population et bénéficient d’une immunité totale quels que soient les décisions qu’ils imposent à l’ensemble de la population.

    Toutes les lois, constitutions, organisations etc des états devraient être approuvés par la population, et celles qui vont à l’encontre de l’intérêt public devraient être annulées purement et simplement.

      +0

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  • Nanker // 11.06.2020 à 13h48

    Quel plaisir de lire la prose d’un **authentique** spécialiste des Etats-Unis, ce qui nous change des errances verbeuses des Bacharan, Durpaire, et autres.

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