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28.octobre.202028.10.2020 // Les Crises

Iran : 2021 ne sera pas une année propice pour un nouvel accord avec Téhéran

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Source : Bloomberg, Karen E. Young
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Parmi les mauvais présages, citons l’affaiblissement économique des États arabes du Golfe et un Congrès anti-saoudien.

Karen E. Young est une chercheuse résidente à l’American Enterprise Institute.

À la fin du mois de janvier de l’année prochaine, les États-Unis auront soit une administration Trump en difficulté dans sa deuxième mouture, soit une administration Biden désireuse de prendre les rênes et de réorienter la politique étrangère. Les deux hommes sont désireux de trouver rapidement un accord avec Téhéran. Trump s’est vanté de pouvoir négocier un accord en quatre semaines ; Biden voudra montrer ses progrès en matière de politique étrangère dans les 100 premiers jours de son mandat.

Le président et son adversaire se sont tous deux engagés à donner la priorité aux relations des États-Unis avec la République islamique. Biden souhaite un retour à l’accord nucléaire de 2015, avec quelques réserves. Trump veut un nouvel accord plus strict qui couvre des questions telles que l’intervention régionale de l’Iran et les programmes de missiles. Dans les deux scénarios, la première incitation probable pour l’Iran sera un assouplissement des sanctions américaines sur ses exportations de pétrole.

Mais il y a un fait gênant qu’aucun des deux n’a reconnu : les marchés pétroliers mondiaux, et en particulier les pays du Golfe producteurs de pétrole, ne sont pas prêts à accueillir un retour du pétrole iranien. Alors même que les États-Unis accélèrent leurs efforts pour conclure un accord avec l’Iran début 2021, les États arabes du Golfe vont compter les coûts des crises jumelles de 2020 – la guerre du pétrole russo-saoudienne et la pandémie de coronavirus. Les perspectives les plus optimistes concernant le prix du pétrole, qui reposent sur l’approbation réglementaire d’au moins un vaccin Covid-19 aux États-Unis d’ici à la fin de 2020, laissent entrevoir une remontée à 65 dollars le baril d’ici à la fin de 2021. Ce prix est inférieur au seuil de rentabilité pour la plupart des États du Golfe, même en cas de forte compression budgétaire.

Le retour du pétrole iranien fera encore baisser les prix, ce qui aggravera la situation des producteurs arabes. Ce qui est de mauvais augure pour les chances d’un accord entre les États-Unis et l’Iran.

Pour réussir, tout arrangement avec l’Iran doit inclure ses voisins – en particulier l’Arabie saoudite, les EAU et le Bahreïn – à la table des négociations, et ils ne seront pas en mesure de négocier lorsqu’ils seront au plus bas économiquement.

Pour compliquer encore plus les choses, quel que soit le vainqueur de la Maison Blanche, il y aura certainement une bataille au Congrès américain de 2021 sur les relations américano-saoudiennes, avec des appels bipartites à la suspension ou la réduction des ventes d’armes, en guise de punition pour toute une série d’infractions commises par Riyad, allant de son traitement des journalistes aux accusations d’opérations de renseignement sur le sol américain.

Une administration Biden serait particulièrement dure à l’égard de l’Arabie saoudite. Selon sa campagne, il réévaluera les relations bilatérales. Une idée discutée par l’équipe de politique étrangère de Biden est de démontrer son mécontentement en mettant les Saoudiens dans une impasse diplomatique au début de 2021, avant de reprendre des relations diplomatiques et de sécurité normales vers la fin de l’année.

Une tentative de négocier un nouvel accord dans cette atmosphère ne fera que contrarier Riyad, plutôt que d’encourager un changement de comportement des Saoudiens. La possibilité d’une transition de leadership du roi Salman ibn Abdulaziz au prince héritier Mohammed ben Salman ne fait qu’augmenter ce risque – s’il est mis au pied du mur, le prince sera probablement encore moins tolérant à l’égard de la dissidence chez lui et de la concurrence dans la région. Le pire scénario : il pourrait se sentir obligé de faire une démonstration de force contre des adversaires étrangers.

L’Iran, en revanche, aura un poids important en 2021 si l’occupant de la Maison-Blanche se trouve désireux de conclure un accord. Mais compte tenu de la situation désastreuse de son économie et de l’étouffement des sanctions économiques américaines, Téhéran pourrait être persuadé de reprendre les négociations en échange d’une aide autre que les exportations de pétrole. Il s’agit probablement de la meilleure stratégie à adopter pour toutes les parties : une lente progression jusqu’en 2021 avec des incitations à la désescalade des tensions régionales et à la reprise économique, mais pas un retour de l’Iran sur les marchés pétroliers.

Au lieu de précipiter la conclusion d’un nouvel accord, les États-Unis devraient encourager l’Iran et ses voisins arabes à utiliser 2021 pour prendre des mesures de confiance, telles que la coopération dans la lutte contre la pandémie du coronavirus et d’autres formes d’engagement économique qui semblaient possibles lorsque l’accord nucléaire a été signé en 2015.

L’Iran, à son tour, peut faire preuve de bonne volonté en désavouant au moins publiquement son soutien aux rebelles houthis du Yémen et en mettant fin à son programme de fourniture d’armes et d’entraînement. Le retour des inspecteurs de l’agence de surveillance nucléaire des Nations unies donnera à Téhéran l’occasion de démontrer sa volonté de coopérer avec les initiatives internationales. Elle pourrait même ouvrir des négociations préliminaires pour mettre fin à toute nouvelle activité d’enrichissement.

En attendant, les pays arabes du Golfe pourraient profiter de l’année pour soigner leurs économies fragilisées par les mesures d’austérité et peut-être pour relancer des initiatives de privatisation et de tourisme. Ceci, combiné à la reprise économique mondiale, pourrait faire de 2022 une période plus propice à un nouvel accord avec l’Iran.

Source : Bloomberg, Karen E. Young, 06-10-2020
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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RGT // 28.10.2020 à 11h01

Tout ce bordel au moyen-orient ne serait jamais arrivé sans les interventions « divines et humanitaires de la plus grande démocrassie de l’univers entier ».

Contrairement à leurs voisins, les iraniens ont une très (très) vieille histoire (bien plus vieille que les occidentaux) et ce peuple ne veut PAS être sous la coupe d’un état étranger.
Et ils sont prêts à tout pour se débarrasser de ceux qui souhaitent les dominer, même à s’allier en interne avec des religieux (pas si méchants que ça d’ailleurs, juste de la propagande revancharde occidentale).

Qu’on foute la paix aux iraniens, et qu’on ne leur fasse pas porter le chapeau de la crise au Yémen ou ailleurs, ce ne sont pas eux qui ont commencé. Ils se sont contentés de venir aider les populations LOCALES qui leur avaient demandé à se défendre contre les « envahisseurs bienveillants ».

Si au lieu d’échanger du pétrole contre de l’armement les occidentaux se contentaient simplement d’échanger du pétrole contre des biens de consommation courants servant à la population (bagnoles etc, ce que demande l’Iran) la région serait sans aucun doute doute largement plus stable et les populations bien plus en sécurité.

Seul problème : Les satrapes alliés du « Camp du Bien » seraient bien moins puissants, moins armés, et le complexe militaro-industriel occidental connaîtrait des fins de mois « délicates ».
Et surtout les populations locales pourraient vivre en pais sans avoir besoin de demander de l’aide aux « défenseurs bienveillants de la démocrassie » ou aux « pourris d’en face ».

Ce qui ne ferait pas les affaires des ploutocrates qui prospèrent en profitant de ces conflits en jouant sur tous les tableaux, militaires et bien sûr sur les cours du pétrole.

9 réactions et commentaires

  • Obermeyer // 28.10.2020 à 08h33

    Il faut être vraiment très optimiste pour envisager un cours du pétrole à 65 dollars en 2021 . Et ce ne sont pas les producteurs du golfe qui pompent à perte en dessous de ce prix ( même s’ils n’équilibrent pas leur budget à ce prix , et continuent à s’endetter ) , mais les producteurs de pétrole de schistes aux états unis .

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  • James Whitney // 28.10.2020 à 09h19

    « les marchés pétroliers mondiaux, et en particulier les pays du Golfe producteurs de pétrole, ne sont pas prêts à accueillir un retour du pétrole iranien. »

    C’est surtout les décideurs étasuniens qui ne sont prêts à accueillir un retour du pétrole iranien.

    « les pays arabes du Golfe pourraient profiter de l’année pour soigner leurs économies fragilisées par les mesures d’austérité et peut-être pour relancer des initiatives de privatisation … »

    Bien sûr, il faut privatiser tout, sans doute comme dit la constitution européenne « concurrence libre et non faussée », ce qui permettra aux grands investisseurs de réaliser d’énormes bénéfices et à la population locale d’avoir un travail précaire, dangereux pour la santé, et très mal rémunéré. Ou souvent pas de travail et pas d’accès aux soins médicaux.

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  • LibEgaFra // 28.10.2020 à 10h23

    « À la fin du mois de janvier de l’année prochaine, les États-Unis auront soit une administration Trump  »

    Trump ne sera pas réélu. L’Iran compte sur l’élection de Biden pour un retour des USA dans l’accord sur le nucléaire.

    Ou alors il faudra inverser les résultats dans au moins 7 Etats.

      +2

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  • RGT // 28.10.2020 à 11h01

    Tout ce bordel au moyen-orient ne serait jamais arrivé sans les interventions « divines et humanitaires de la plus grande démocrassie de l’univers entier ».

    Contrairement à leurs voisins, les iraniens ont une très (très) vieille histoire (bien plus vieille que les occidentaux) et ce peuple ne veut PAS être sous la coupe d’un état étranger.
    Et ils sont prêts à tout pour se débarrasser de ceux qui souhaitent les dominer, même à s’allier en interne avec des religieux (pas si méchants que ça d’ailleurs, juste de la propagande revancharde occidentale).

    Qu’on foute la paix aux iraniens, et qu’on ne leur fasse pas porter le chapeau de la crise au Yémen ou ailleurs, ce ne sont pas eux qui ont commencé. Ils se sont contentés de venir aider les populations LOCALES qui leur avaient demandé à se défendre contre les « envahisseurs bienveillants ».

    Si au lieu d’échanger du pétrole contre de l’armement les occidentaux se contentaient simplement d’échanger du pétrole contre des biens de consommation courants servant à la population (bagnoles etc, ce que demande l’Iran) la région serait sans aucun doute doute largement plus stable et les populations bien plus en sécurité.

    Seul problème : Les satrapes alliés du « Camp du Bien » seraient bien moins puissants, moins armés, et le complexe militaro-industriel occidental connaîtrait des fins de mois « délicates ».
    Et surtout les populations locales pourraient vivre en pais sans avoir besoin de demander de l’aide aux « défenseurs bienveillants de la démocrassie » ou aux « pourris d’en face ».

    Ce qui ne ferait pas les affaires des ploutocrates qui prospèrent en profitant de ces conflits en jouant sur tous les tableaux, militaires et bien sûr sur les cours du pétrole.

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    • Fernet Branca // 30.10.2020 à 21h47

      Il y a le caniche ( les USA) et la queue du caniche ( plus l’Est). La question est : Est-ce le caniche qui agite la queue ? Ou la queue qui agite la caniche.

        +0

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  • Casimir Ioulianov // 28.10.2020 à 13h37

    Biden ne pourra pas faire grand choses en 4 ans. Déjà si il arrive à faire en sorte qu’il n’y ait plus qu’une politique étrangère aux US ça sera pas si mal.
    Depuis un moment , chaque administration à sa propre politique étrangère, entre celle de du DoS et de la CIA, celle de wall-street et celle de la federal reserve etc etc etc …
    Pour l’instant c’est le bordel, Trump s’étant contenté d’un appareil d’état en mode FFA dont il a hérité mais qui lui convenait parfaitement vu que ça lui permet de louvoyer entre les points de vues de ces différentes administrations et de s’en dédouaner au besoin.
    Manque de pot, ce qui est un avantage sur la politique intérieure est une faiblesse à l’extérieur, avec la perte de lisibilité de l’administration US est aussi venu la perte de confiance des alliés et la perte de crainte de représailles de la part des moins alliés.
    Les US sont devenus une grande puissance de grande impuissance , le genre dont on craint les pétages de plomb et dont on se fout des avis. C’est d’ailleurs très visible à l’ONU , faute de ligne claire , l’institution est devenue un vaisseau fantôme de la diplomatie.

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  • Olivier MONTULET // 29.10.2020 à 02h41

    Analyse indigne d’une intellectuelle, même si cillée en géopolitique comme tout bon américain. Comme si l’Iran allait cesser de soutenir la révolution légitime des Houthis contre la guerre d’agression des Saoudiens. Il y en a qui prennent des vessies pour des lanternes Et les vessies sont bien leurs idées fétides.

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  • mikatypa // 29.10.2020 à 12h16

    « Le pire scénario : il(MBS) pourrait se sentir obligé de faire une démonstration de force contre des adversaires étrangers. »
    Euh… Ses démonstrations de force ont, jusqu’à présent, abouti à plutôt montrer sa faiblesse. Le Yémen désastreux. La Syrie perdue. L’usine pétrochimique à moitié détruite…
    Cette analyse géopolitique n’a rien d’une analyse sérieuse. Elle ressemble à une évaluation statistique de risques pour trader…qui comme on le sait, se plantent toujours avec le « cygne noir »…

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