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15.novembre.201915.11.2019 // Les Crises

L’ère du mal radical – Par Chris Hedges

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Source : Truthdig, Chris Hedges, 14-10-2019

[Il arrive que l’homme subordonne la loi morale à des considérations d’ordre privé, dictées par l’égoïsme immédiat. C’est là une inversion des priorités, une « occasionnelle déviance » qui est à la base de ce que Kant appelle, précisément, le mal radical, NdT]

M. Fish / Truthdig

Voici le sermon prononcé ce dimanche (13 octobre) à l’église de Claremont, Californie par Chris Hedges, pasteur presbytérien.

Emmanuel Kant a inventé le terme de « mal radical ». Cela correspondait au fait de privilégier son propre intérêt par rapport à celui des autres, réduisant effectivement ceux qui vous entourent à des objets à manipuler et à utiliser à vos propres fins. Mais Hannah Arendt, qui a également utilisé le terme « mal radical », a compris que c’était pire encore que de simplement traiter les autres comme des objets. Le mal radical, a-t-elle écrit, a rendu superflu un grand nombre de personnes. Elles n’avaient plus aucune valeur. Une fois qu’elles n’ont plus été en mesure d’être utilisées par les puissants, elles ont été jetées comme des déchets humains.

Nous vivons une époque de mal radical. Les architectes de ce mal sont en train de détruire la planète et de conduire l’espèce humaine vers l’extinction. Ils nous privent de nos libertés civiles les plus fondamentales. Ils orchestrent l’inégalité sociale croissante, concentrant la richesse et le pouvoir dans les mains d’une clique d’oligarques mondiaux. Ils détruisent nos institutions démocratiques, transforment des fonctions électives en un système de corruption légalisée, remplissent nos tribunaux de juges qui inversent les droits constitutionnels pour que l’argent illimité des entreprises investi dans les campagnes politiques soit dissimulé sous forme de requêtes au gouvernement ou sous une forme de liberté d’expression. Leur prise de pouvoir a vomi des démagogues et des escrocs, dont Donald Trump et Boris Johnson, symboles pervertis d’une démocratie en faillite. Ils transforment les communautés pauvres de l’Amérique en colonies intérieures militarisées où la police mène des campagnes de terreur meurtrières et utilise l’instrument brutal de l’incarcération de masse comme instrument de contrôle social. Ils mènent d’interminables guerres au Moyen-Orient et détournent la moitié de tout le budget discrétionnaire pour entretenir une armée surdimensionnée. Ils placent les droits de l’entreprise au-dessus des droits du citoyen.

Arendt a décrit le mal radical d’un capitalisme d’entreprise qui rend les individus superflus – le trop plein de main d’œuvre comme le disait Karl Marx – et les pousse à la marge de la société où eux-mêmes et leurs enfants ne sont plus considérés comme ayant une valeur, valeur toujours déterminée par la quantité d’argent produite et accumulée. Mais comme nous le rappelle l’Évangile de Luc : « De fait, ce qui est très estimé parmi les hommes est abominable devant Dieu ».

Qui sont ceux qui voudraient nous sacrifier sur l’autel du capitalisme mondial ? Comment ont-ils réussi à se donner le pouvoir de nous priver d’une voix, d’insister sur le fait que la planète est une marchandise inerte qu’ils ont le droit d’exploiter jusqu’à ce que l’écosystème qui est le fondement de la vie s’écroule et que l’espèce humaine, comme la plupart des autres espèces, s’éteigne ?

Ces architectes du mal radical sont là depuis le début. Ce sont les esclavagistes qui entassaient hommes, femmes et enfants dans les cales des navires et les vendaient aux enchères à Charleston et Montgomery, déchirant les familles, les privant de leurs noms, de leur langue, de leur religion et de leur culture. Ils brandissaient les fouets, les chaînes, les chiens et les patrouilles d’esclaves [Les patrouilles d’esclaves appelées patrouilleurs, patterrollers, pattyrollers ou paddy rollers, constituaient des groupes organisés d’hommes blancs armés qui surveillaient et imposaient la discipline sur des esclaves noirs dans les États du sud, NdT]. Ils ont orchestré l’holocauste de l’esclavage, et quand l’esclavage a été aboli, après une guerre qui a fait 700 000 morts, ils ont eu recours à l’esclavage des condamnés – l’esclavage sous un autre nom – avec lynchage et législations limitant les droits des Noirs [Black Code en anglais, NdT], pour mettre en place un règne de terreur qui a toujours cours aujourd’hui dans nos villes désindustrialisées et nos prisons. Pour nos maîtres du patronat les corps noirs et bruns ne valent rien quand ils sont dans les rues de nos villes en déliquescence, mais pas quand ils sont enfermés dans des cages ; alors ils génèrent chacun 50 ou 60 000 dollars par an. Certains disent que le système ne fonctionne pas. Ils ont tort. Le système fonctionne exactement comme il est conçu pour fonctionner.

Ces architectes du mal radical, ce sont les milices blanches et les unités de l’armée qui ont volé les terres, décimé les troupeaux de bisons, signé les traités qui ont été rapidement violés et mené une campagne de génocide contre les peuples autochtones, en emprisonnant dans des camps les quelques-uns qui restaient. Ce sont les voyous armés, les Baldwin-Felt et les agents de Pinkerton qui ont abattu, par centaines, les travailleurs américains luttant pour s’organiser, des forces du genre de celles qui supervisent aujourd’hui le travail forcé des travailleurs en Chine, au Vietnam et au Bangladesh. Ce sont les oligarques, J.P. Morgan, Rockefeller et Carnegie, qui ont payé pour ces rivières de sang, et qui aujourd’hui, comme Tim Cook chez Apple et Jeff Bezos chez Amazon, amassent des fortunes faramineuses construites sur la misère humaine.

Nous connaissons ces architectes du mal radical. Ils sont l’ADN du capitalisme américain. On peut les trouver sur les comptoirs de Goldman Sachs. Leur indice des matières premières est le plus négocié dans le monde. Ces négociants achètent des contrats à terme sur le riz, le blé, le maïs, le sucre et le bétail et font grimper les prix des produits de base jusqu’à 200 % sur le marché mondial, de sorte que les pauvres en Asie, en Afrique et en Amérique latine ne peuvent plus se permettre d’acheter des denrées de base et meurent de faim. Des centaines de millions de personnes sont affamées pour nourrir cette folie du profit, ce mal radical qui fait que les êtres humains, y compris les enfants, ne valent rien.

Ces architectes du mal radical extraient le charbon, le pétrole et le gaz, empoisonnant notre air, notre sol et notre eau, tout en exigeant d’énormes subventions des contribuables et en bloquant la transition urgente vers les énergies renouvelables. Ce sont les gigantesques sociétés qui possèdent des fermes industrielles, des couvoirs d’œufs et des fermes laitières où des dizaines de milliards d’animaux subissent d’horribles souffrances avant d’être abattus inutilement, dans le cadre d’une industrie de l’élevage qui est l’une des principales causes multifactorielles de la catastrophe climatique. Ce sont les généraux et les fabricants d’armes. Ce sont les banquiers, les gestionnaires de fonds spéculatifs et les spéculateurs mondiaux qui ont volé 7 000 milliards de dollars au Trésor américain après que les combines pyramidales et les fraudes qu’ils ont commises aient fait imploser l’économie mondiale en 2007-2008. Ce sont les hommes de main de la sécurité étatique qui font de nous la population la plus espionnée, surveillée, contrôlée et photographiée de l’histoire de l’humanité. Quand votre gouvernement vous surveille 24 heures sur 24, vous ne pouvez pas utiliser le mot « liberté ». C’est exactement la relation entre un maître et un esclave.

La culture d’entreprise sert un système sans visage. C’est, comme l’a écrit Hannah Arendt, « le règne de personne et, pour cette raison, c’est sans doute la forme la moins humaine et la plus cruelle du pouvoir ». Il ne reculera devant rien. Toute personne ou tout mouvement qui tenterait d’entraver leurs profits deviendra la cible d’une destruction. Ces architectes du mal radical sont incapables de se réformer. Faire appel à leur meilleure nature est une perte de temps. Ils n’en ont pas. Ils ont manipulé le système, les élections sont contrôlées par l’argent des entreprises, les tribunaux, la presse sont un vaste spectacle burlesque à but lucratif, ce qui explique pourquoi ils passent tant de temps à se concentrer sur Trump. Il n’y a aucun moyen de voter contre les intérêts de Goldman Sachs ou d’Exxon, Shell, BP et Chevron, qui, avec les 20 autres grandes entreprises d’énergies fossiles, ont contribué à 35 % de toutes les émissions mondiales de dioxyde de carbone et de méthane liées à l’énergie – 480 milliards de tonnes équivalent dioxyde de carbone depuis 1965.

Nous connaissons ces architectes du mal radical. Ils ont été et seront toujours là avec nous.

Mais qui sont ceux qui résistent ? D’où viennent-ils ? Quelles forces historiques, sociales et culturelles les ont créées ?

Eux aussi sont connus. Il s’agit de Denmark Vesey, Nat Turner, John Brown, Harriet Tubman et Frederick Douglass. Ce sont aussi Sitting Bull, Crazy Horse et le chef Joseph. Il s’agit d’Elizabeth Cady Stanton, Susan B. Anthony et Emma Goldman. Il s’agit de « Big Bill » Haywood, Joe Hill et Eugene V. Debs. Il s’agit de Woody Guthrie, Martin Luther King Jr, Malcolm X, Ella Baker et Fannie Lou Hamer. Ce sont Andrea Dworkin et César Chavez. Ce sont elles et eux qui, dès le début, se sont battus, souvent pour être vaincus par ce mal radical, mais sachant qu’ils étaient appelés à le défier, même au prix de leur propre réputation, de leur sécurité financière, de leur statut social et parfois de leur vie.

Les architectes du mal radical sont en train de démanteler tous les programmes de services sociaux financés par les contribuables, de l’éducation à la sécurité sociale, parce que les vies qui n’augmentent pas leurs profits sont considérées comme superflues. Laissons mourir les malades. Laissons un grand nombre de pauvres – 41 millions de personnes, y compris les enfants – aller au lit le ventre vide. Jetons les familles à la rue. Privons le jeune diplômé d’emploi de qualité. Laissons le système carcéral américain, qui représente 25 pour cent de la population carcérale mondiale, s’accroître. Continuons la torture. Multiplions les fusils d’assaut pour alimenter l’épidémie des fusillades de masse. Laissons les routes, les ponts, les barrages, les digues, les réseaux électriques, les lignes de chemin de fer, les métros, les services d’autobus, les écoles et les bibliothèques s’effondrer ou fermer. Laissons la hausse des températures, les phénomènes météorologiques, les cyclones et les ouragans, les sécheresses, les inondations, les tornades, les feux de forêt, la fonte des calottes glaciaires polaires, les systèmes d’eau empoisonnée et l’air pollué s’aggraver jusqu’à en arriver à la mort de toutes les espèces.

Beaucoup de membres des églises sont complices de ce mal radical, négligeant de le nommer et de le dénoncer, tout comme nous avons pas voulu voir l’image même de la crucifixion dans ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont été lynchés, comme le souligne James Cone. Et notre complicité, notre silence nous condamnent. C’est pourquoi W.E.B. Du Bois a qualifié la « religion blanche » de « lamentable échec ».

« Les Noirs n’avaient pas besoin d’aller au séminaire et d’étudier la théologie pour savoir que le christianisme blanc était fourbe », écrivait Cone dans « The Cross and the Lynching Tree » [La Croix et L’arbre à Lyncher, NdT]. « Alors que j’étais adolescent dans le Sud, où les Blancs traitaient les Noirs avec mépris, moi et d’autres noirs savions que l’identité chrétienne des Blancs n’était pas une véritable expression de ce que cela signifie de suivre Jésus. Rien de ce que leurs théologiens et prédicateurs pouvaient dire n’aurait pu nous convaincre du contraire. Nous nous demandions comment les Blancs arrivaient à vivre avec leur hypocrisie – une contradiction aussi flagrante avec l’homme de Nazareth. (Je m’interroge encore à ce sujet !) L’approbation flagrante du lynchage par le christianisme conservateur blanc en tant que partie intégrante de sa religion, et le silence des chrétiens libéraux blancs au sujet du lynchage, les plaçaient, tant l’un que l’autre, en dehors de l’identité chrétienne. Je n’ai pas pu trouver un seul sermon ou essai théologique, sans parler d’un livre d’un éminent prédicateur blanc libéral qui se seraient opposés au lynchage. Il était impossible à une communauté de soutenir ou ignorer le lynchage en Amérique, tout en prétendant représenter en paroles et en actes celui qui a été lynché par Rome. »

Nous avons échoué à dénoncer les fascistes chrétiens qui nous vendent un Jésus magique qui nous rendra riches, un Jésus qui bénit l’Amérique la plaçant au-dessus des autres pays et plaçant la race blanche au-dessus des autres races, un Jésus qui convertit la barbarie de la guerre en une sainte croisade, parce que ce sont des hérétiques. Et nous avons échoué aussi à faire face au mal radical du capitalisme d’entreprise. Ne laissons pas une nouvelle fois notre foi se transformer en un pitoyable échec.

Défier le mal ne peut être rationnellement défendu. Il faut faire un saut vers l’éthique, ce qui est au-delà d’une pensée rationnelle. Celle-ci refuse d’accorder une valeur monétaire à la vie humaine ou à la nature. Elle refuse de considérer que quelqu’un serait superflu. Elle reconnaît que la vie humaine, en fait toute vie, est sacrée. Et c’est pourquoi, comme le souligne Arendt, les seules personnes moralement fiables ne sont pas celles qui disent « c’est mal » ou « on ne devrait pas faire ça », mais celles qui disent « je ne peux pas faire ça ».

Ceux qui sont issus d’une tradition religieuse, quelle qu’elle soit, ont la responsabilité de lutter contre cette nouvelle itération du mal radical, qui garantit rapidement que notre espèce et de nombreuses autres espèces n’auront pas d’avenir sur cette terre. C’est notre devoir religieux de nous mettre devant la machine nos corps comme rempart, comme beaucoup d’entre nous l’ont fait lors des manifestations organisées par Extinction-Rebellion de la semaine dernière dans le monde entier.

« La loi, telle qu’elle est actuellement vénérée, enseignée et appliquée, est en train de se transformer en une incitation à l’anarchie », a écrit Dan Berrigan. « Les avocats, les lois, les tribunaux et les systèmes pénaux sont presque immobiles devant une société ébranlée, ce qui fait de la désobéissance civile un devoir civique (j’ose même dire religieux). Le droit s’aligne de plus en plus sur des formes de pouvoir dont l’existence est de plus en plus remise en question. … Donc, dans ce cas présent qui est crucial, pour obéir à la loi, [les gens] sont contraints, soit de désobéir à Dieu, soit de désobéir à la loi de l’humanité. »

Dans cette période historique actuelle, ne reproduisons pas nos péchés du passé. Affirmons notre foi en affirmant notre courage, notre volonté de nous engager dans des actes persistants de désobéissance civile contre les forces du mal radical. Que les générations futures disent de nous que nous avons essayé, que nous n’avons pas été complices par notre collaboration ou notre silence. Il y aura un coût. L’histoire nous le montre. Toutes les batailles morales ont un coût, et s’il n’y a pas de coût, alors la bataille n’est pas morale. Acceptons de devenir des parias. Jésus, après tout, était un paria. Nous sommes appelés par Dieu à défier le mal radical. Ce défi est la forme la plus élevée de spiritualité.

Source : Truthdig, Chris Hedges, 14-10-2019

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Commentaire recommandé

Fabrice // 15.11.2019 à 07h35

Cela me fait penser à un interview de thinkerview https://youtu.be/2oFARgqG0NA nous sommes à une époque où les dogmes économiques ont remplacés les dogmes religieux, avec des conséquences encore plus dramatiques pour le monde car désormais leur emprise est générale.

Nous sommes tellement focalisés sur les fanatismes religieux survivant que l’autre bête se délecte de l’impunité dont elle joui écrasant ceux qui se rebellent contre son emprise car « il n’y a pas d’autres choix ».

38 réactions et commentaires

  • Fabrice // 15.11.2019 à 07h35

    Cela me fait penser à un interview de thinkerview https://youtu.be/2oFARgqG0NA nous sommes à une époque où les dogmes économiques ont remplacés les dogmes religieux, avec des conséquences encore plus dramatiques pour le monde car désormais leur emprise est générale.

    Nous sommes tellement focalisés sur les fanatismes religieux survivant que l’autre bête se délecte de l’impunité dont elle joui écrasant ceux qui se rebellent contre son emprise car « il n’y a pas d’autres choix ».

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    • Jean D // 15.11.2019 à 10h07

      Tout à fait d’accord avec votre constat, un mysticisme en cache un autre beaucoup plus profond et ravageur pour les sociétés humaines et la biosphère.

      Alain Supiot a saisi ce phénomène « mystique » dans ses cours au Collège de France avec une formule : « Du gouvernement par la loi à la gouvernance par les nombres ».

      De nombreuses conférences sont disponibles sur Youtube, ainsi qu’une série d’entretiens (très bien pour commencer) : https://www.youtube.com/watch?v=xeG-azZ41f8&list=PLwl60Z8ihqF48o9Z3QYoHaAAlgHB0CcWx

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      • Anouchka // 15.11.2019 à 11h30

        Le phénomène mystique que pointe A. Supiot, c’est le scientisme – très présent depuis notamment les Lumières écossaises dans la culture de l’occident.

        Ce scientisme est un nouvel obscurantisme et c’est lui qui sert de fondement métaphysique aux retour du système féodal comme méthode d’ organisation de la société (Ce que A. Supiot appelle les « nouvelles formes d’allégeance@).

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      • Fabrice // 15.11.2019 à 11h56

        très bons entretiens effectivement qui résume bien la situation qui nous mène dans le mur, le chiffre broyant l’humain.

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      • Jean D // 15.11.2019 à 12h14

        Anouchka

        C’est effectivement une des évolutions importantes relevée par Alain Supiot : du fait de l’effacement de la loi comme norme supérieure (« hétéronome »), des liens de dépendance / d’allégeance multiples se mettent en place.

        Ce délitement de la loi s’accompagne d’un changement de paradigme dans la conception de la place de l’individu dans le monde du travail :
        • aux temps de l’industrie triomphante, l’individu est considéré comme un rouage (une pièce mécanique agit depuis l’extérieur, commandée par un « cadre » de l’entreprise),
        • aujourd’hui il est un programme (une entité conçue pour s’adapter aux objectifs fluctuants fixés par le « manager »).

        On est passé de Charlot broyé par la machine au salarié consumé par le burn-out.

        Il me semble important de relativiser la « culpabilité » des Lumières :
        • la fascination pour les nombres est bien antérieure, les pythagoriciens déjà pensaient pouvoir mettre le monde en équation
        • la foi pour la science exprimée par les Lumières avait pour objectif premier la lutte contre l’obscurantisme, c’est plus tard au XIXe que le mythe du progrès infini a fait des ravages, a remplacé une mystique religieuse par une mystique scientifique
        • le néo-libéralisme est une étape importante dans la seconde moitié du XXe siècle : alors que les Lumières comme Adam Smith ne concevaient l’économie que encadrée par la Loi commune et hétéronome, les Hayek et Friedman ont fait de la loi un objet de spéculation du marché (« Law shoping »)

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        • Anouchka // 15.11.2019 à 13h19

          Il faut surtout, je pense, relativiser l’unité de ce que nous appelons rétrospectivement « les Lumières ». La volonté de fonder la métaphysique sur la science était présente bien avant A. Comte, chez D. Hume (et Bacon). A l’inverse, Kant, que l’on classe généralement comme faisant partie des Lumières (allemandes) re-affirme la primauté de la Loi (et aussi la notion de dignité humaine, ultime rempart contre l’objectivation de l’homme qu’induit le scientisme contemporain ).

          Comme l’a bien vu S Weil, la science moderne conçoit l’homme de la même manière que les autre objets qu’elle étudie : c’est à dire comme un rapport entre une énergie et une masse. Le travail, d’un point de vue scientiste, est pure « énergie ». Le travailleur devient pour l’économie élevée au rang de science également pure « énergie ». Une énergie qu’il convient de consommer pour produire, une énergie qui s’utilise pour faire fonctionner des machines au même titre que l’électricité.

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        • Wakizashi // 15.11.2019 à 17h53

          « la foi pour la science exprimée par les Lumières avait pour objectif premier la lutte contre l’obscurantisme »

          Objectif raté. Un des principaux obscurantismes à l’œuvre aujourd’hui, si ce n’est le principal, est l’obscurantisme issu du matérialisme philosophique, fils spirituel du scientisme. On est passé d’un extrême à l’autre, de la pensée magique du Moyen-Âge à la pensée ultra-matérialiste de notre époque.

          « c’est plus tard au XIXe que le mythe du progrès infini a fait des ravages, a remplacé une mystique religieuse par une mystique scientifique »

          Le mythe du progrès infini ne veut pas dire grand-chose en soi si l’on ne précise pas de quel progrès on parle. Et si l’on parle du progrès scientifique et technique, il n’y a aucune raison qu’il s’arrête (sauf si l’humanité s’auto-détruit…) Le progrès scientifique peut être parfaitement sain s’il est encadré par un niveau de conscience global élevé, selon le fameux adage de Rabelais.

          Ce qui pose problème à mes yeux n’est pas le progrès scientifique, mais la croyance de notre société pour laquelle le sens de la vie se résume au diptyque produire/consommer, comme si c’était l’horizon indépassable de la destinée humaine… ce qui n’est pas étonnant dans un monde philosophiquement matérialiste.

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    • Kokoba // 15.11.2019 à 12h01

      Les classes dominantes ont besoin de dogme pour perpétuer leur domination.

      Comme le religieux n’est plus à la mode (enfin en Europe, parce qu’en Amérique on voit encore des politiques qui brandissent la bible), ils utilisent l’économie comme « science » inattaquable.

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      • dominique65 // 18.11.2019 à 19h25

        « parce qu’en Amérique on voit encore des politiques qui brandissent la bible »
        La nouvelle « présidente » de la Bolivie s’est munie de deux bibles pour son « investiture » afin de bien affirmer qui est son maitre. 😉

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    • Patapon // 15.11.2019 à 12h30

      Le « scientisme » désigne alors une déviance de la science, lorsque celle-ci est obscurcie par les Clercs. Je veux dire que l’espoir des Lumières était d’offrir le moyen d’arbitrer chacun avec ses connaissances et ses observations, et se débarrasser ainsi de la médiation, de l’imposture des Clercs, auxiliaires des pouvoirs abusifs. Si cela ne marche pas, à mon avis, ce n’est pas parce que la science emprunte une mauvaise approche, mais parce qu’elle est détournée par des imposteurs qui répètent éternellement les mêmes subterfuges. La démarche scientifique reste valable, mais elle a ses limites, et surtout la compréhension qu’on peut en avoir bute sur nos propres limites. C’est là que se forme le « scientisme », répétition de la manipulation et du fanatisme grâce à des arguments fallacieusement scientifiques. N’est-ce pas ?

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      • Jean D // 15.11.2019 à 12h35

        Le scientisme n’est pas (pas que) une affaire de charlatans. C’est surtout la prétention d’appliquer les méthodes scientifiques à des champs du savoir qui ne s’y prête pas.

        Très bonne page pour saisir l’origine et l’évolution du concept : https://fr.wikipedia.org/wiki/Scientisme

        Le scientisme a pris plusieurs claques sévères au XXe siècle :
        • la boucherie de 14-18, au cours de laquelle tout l’ingéniosité humaine a été mobilisée pour tuer
        • l’extermination industrielle de populations sur des critères pseudo-scientifiques par les nazis
        • l’échec meurtrier de URSS, dictature « scientifique » du prolétariat régie par le Gosplan
        • les bombes atomiques, application mortifère du génie humain
        • la fin de l’ethnocentrisme avec les décolonisations, dont la justification était d’apporter la civilisation

        … ces secousses ont fortement ébranlé la notion même de progrès. Il est probable que la crise écologique que nous avons déclenché dans la même période finisse par complètement la retourner. La capacité à vivre avec la nature plutôt qu’en la dominant ?

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        • lois-economiques // 18.11.2019 à 11h19

          Le scientisme dont je reprends la définition ci-dessous n’est en aucun cas responsable des événements que vous évoquez.
          Votre absence de rigueur scientifique est de ce fait flagrante en juxtaposant des événements historiques en tout points regrettables et le scientisme qui a pour objet de décrire le monde à l’aide de lois permettant de le comprendre.
          Le problème de notre époque est justement ne pas être assez scientifique si cela avait le cas alors le rapport Meadows aurait permis en suivant ses recommandations de pas sombrer dans l’hubris d’une croissance infinie dans un monde fini.

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      • Anouchka // 15.11.2019 à 13h26

        Le problème du scientisme, c’est surtout qu’il confond science et religion. Il demande à la science ce qu’elle ne peut en aucun cas faire : se prononcer sur le sens de la vie humaine et sur ce qui est juste ou injuste dans les sociétés humaines.
        La science est un outil de perception du monde. Rien de plus. Mais nous l’avons divinisée.

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        • lois-economiques // 18.11.2019 à 11h10

           » Le scientisme selon laquelle la science expérimentale est la seule source fiable de savoir sur le monde, par opposition aux révélations religieuses, aux superstitions, aux traditions, et aux coutumes, également à toute autre forme de savoir. Le scientisme se propose en conséquence, selon la formule d’Ernest Renan, « organiser scientifiquement l’humanité ». Il s’agit donc d’une confiance ou espérance (le terme de foi ne s’applique pas, en principe, dans ce domaine) dans l’application des principes et méthodes de la science y compris moderne dans tous les domaines. On peut résumer le cœur de cette position en : « La science décrit (vraiment) le monde tel qu’il est. »

          Source Wikipedia

          Je ne voie rien, mais rien de critiquable, dans le scientisme, bien au contraire.
          Voir le monde tel qu’il est et non tel que l’on voudrait qu’il soit m’apparaît parfaitement louable.
          Et c’est par ce que l’on n’est pas assez scientiste que l’on court à la catastrophe.

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  • Guadet // 15.11.2019 à 07h50

    J’aimerais bien des sermons comme ça dans les églises de France. Quand je pense que, en disant mille fois moins, le pape se fait traiter de gauchiste.

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  • Catalina // 15.11.2019 à 07h51

    « un Jésus qui bénit l’Amérique la plaçant au-dessus des autres pays et plaçant la race blanche au-dessus des autres races », et ben, pour ce pays qui a eu un homme de couleur comme président je trouve que euh…..
    et pis, il n’y a pas de race entre humains, la race humaine, l’espèce humaine quoi, c’est tout.

      +2

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    • Geoffrey // 15.11.2019 à 08h31

      oh lalaaaa..pas de race humaine…pfffffffffffff

      il y a des races de chiens,de vaches, de lapins mais pas humaines ?

      il y a une espèce canidée, bovine, euh…lagomorphe et ? et ? humaine.

      point barre

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    • Louis Robert // 15.11.2019 à 09h44

      Je ne comprends pas ce que ça donne, encore moins ce que ça règle… de nier l’existence des races… tout comme du reste de nier, par exemple, les différences entre hommes et femmes… Comme si tout devait être pareil, uniforme, conforme (?) pour être tout simplement vivable. — Là, je m’arrête. Ça vaut sans doute mieux…

        +13

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      • Fabrice // 15.11.2019 à 10h42

        Physiologiquement oui il n’y a qu’une race (essayez de faire un test adn on va rire) par contre il y a plusieurs ethnies, faut vraiment arrêter les gars de vouloir rentrer dans le petit jeu à la con qui est répété sans fin.

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        • Louis Robert // 15.11.2019 à 16h29

          Il s’agit ni de rentrer dans un quelconque petit jeu, ni de provocation. Ma trop brève remarque se situe dans le contexte de cette conclusion très profonde de Hedges: « Nous avons échoué à dénoncer les fascistes chrétiens … plaçant la race blanche au-dessus des autres races. Défier le mal ne peut être rationnellement défendu. Il faut faire un saut vers l’éthique, ce qui est au-delà d’une pensée rationnelle. Celle-ci refuse d’accorder une valeur monétaire à la vie humaine ou à la nature. Elle refuse de considérer que quelqu’un serait superflu. Elle reconnaît que la vie humaine, en fait toute vie, est sacrée. Et c’est pourquoi, comme le souligne Arendt, les seules personnes moralement fiables ne sont pas celles qui disent « c’est mal » ou « on ne devrait pas faire ça », mais celles qui disent « je ne peux pas faire ça ». »

          Je comprends bien la valeur d’établir l’absence d’un fondement scientifique (biologique) au racisme… mais cela ne saurait y mettre fin, pas plus qu’affirmer «il n’y a qu’une espèce humaine, c’est tout » et abandonner le mot « race »… Comme pour le climat, le « débat » se poursuivra. Être noir et dit victime de discrimination « ethnique » plutôt que « raciale » ne vaut guère mieux… et ne réconforte personne.

          Le fond de l’affaire, c’est le rejet de la diversité humaine fondamentale, l’hostilité, voire la haine de l’autre différent de soi. Même s’il s’avérait exister 20 races humaines dont 10 constamment voilées… je ne deviendrais pas pour autant un blanc raciste et islamophobe. Mes petits-enfants encore moins, fréquentant l’école laïque Enfants du Monde.

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          • Florent // 15.11.2019 à 20h40

            « Il n’y a qu’une espèce humaine, c’est tout » est une phrase imprécise. Il faudrait plutôt « il n’y a plus qu’une seule espèce du genre Homo encore vivante actuellement ». Et probablement que s’il y avait plusieurs espèces du genre Homo vivantes en même temps, alors oui il y aurait ce qu’on appelle du « spécisme » mais toujours pas de racisme. Car non, il n’y a pas plusieurs races d’homo sapiens.

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        • Patrick // 15.11.2019 à 19h16

          Lous Robert

          A quoi cela vous sert d’employer un mot ambiguë que plus personne n’emploie, et surtout pas les savants ?

          Mal nommer les choses c’est ajouter du malheur au monde.

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          • Louis Robert // 15.11.2019 à 22h39

            Tout simplement à participer à une conversation où l’auteur l’emploie… ainsi que ceux qu’il dénonce. Je ne défend ni recommande ici aucune façon de nommer les choses. Dit autrement, le malheur du monde n’est pas ici d’abord une question sémantique, non plus qu’ontologique, mais éthique. Il est hostilité et haine de l’autre parce que différent de soi… mais non pas par son ADN. — L’ADN, le raciste ordinaire n’y pense même pas.

            Je ne contredirai surtout pas Albert Camus.

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          • Patrick // 15.11.2019 à 22h50

            Louis Robert

            L’auteur utilise le mot de race 1 fois dans son texte, pour justement tourner en dérision l’idéologie fondatrice des Etats-unis
            « un Jésus qui bénit l’Amérique la plaçant au-dessus des autres pays et plaçant la race blanche au-dessus des autres races, »

            Vous n’aviez pas perçu le sarcasme et la dénonciation de cette folle idéologie racialiste ?

            Vous commettez un contre-sens, ce n’est pas l’auteur qui emploie ce terme, ce sont les personnes qu’il dénonce.

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      • Jean D // 15.11.2019 à 11h14

        Fabrice,

        Encore une fois 100% d’accord avec votre intervention.

        Je ne sais pas ce qui m’afflige le plus quand je lis ce genre de commentaire :
        • l’ignorance
        • ou la faible faculté à utiliser de façon intelligente un moteur de recherche

        Cela dit, je n’ai rien contre l’intervenant qui a la politesse de s’auto-censurer, épargnant ainsi le modérateur du site.

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  • Fritz // 15.11.2019 à 07h53

    Ce prêche est intéressant, prenant, mais il gagnerait à s’inspirer davantage de la Bible.
    Comme disait Bultmann, une prédication évangélique ne peut se fonder sur des généralités morales. Elle doit être un va-et-vient entre la parole annoncée et la réalité subie.

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  • calal // 15.11.2019 à 08h50

    Trop de melange et d’amalgame,trop de mots cles a la mode.
    Le patriarcat blanc, les religions: bref les coupables habituels.

    C’est les banques le probleme et le credit excessif qu’elles creent.Ca a toujours ete cela ( et certains paranos disent que c’est cyclique et deliberé…).

    « les banques je les ferme ( quand elles font faillites),les banquiers je les enferme ».

      +13

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  • Je me marre // 15.11.2019 à 09h41

    Le « mal radical » est aussi vieux que la propriété. L’une des premières appropriation à été l’esclavage. Ou l’homme comme un objet.

    Un exemple récent est fourni par Madeleine Albright à propos des enfants irakiens:

    https://fr.sputniknews.com/international/201803201035589211-madeleine-albright-morts-enfants-irak/

    Ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres. Car comment aussi considérer ceux qui fournissent des armes aux agresseurs alors que le Yémen souffre de famine et de maladies? Le profit en « valait-il la peine »?

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  • Alligator427 // 15.11.2019 à 09h55

    Woah, il décoiffe le curé 🙂

    « les fascistes chrétiens qui nous vendent un Jésus magique qui nous rendra riches, » … la mentalité Yankee en quelques mots bien sentis 🙂

    La remise en cause est profonde, les Etats-Unis nouvelle Jérusalem terrestre des descendants du Mayflower prend une bonne baffe.

    Bon, cela dit c’est un sermon, il s’adresse à un public un peu typé. Le mal absolu c’est la figure familière du Diable : je ne suis pas certain que ce soit très heuristique de réactiver cette vieille lune mystique qui n’explique pas grand chose sur le plan de l’histoire.

    C’est un peu manichéen : face à l’égoïsme, la vertu. Cela permet de condamner nommément quelques oligarques bien connus mais cela permet aussi d’éviter d’aborder la responsabilité collective. L’effondrement en cours n’est pas causé par Bezos mais par notre mode de vie. Et le Mal absolu si on l’appréhende de ce point de vue s’appelle : les pays riches.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_%C3%A9missions_de_dioxyde_de_carbone_par_habitant

    Dire à un Etatsuniens qu’il va devoir partager avec le reste du monde tout en se serrant sa ceinture XXL … c’est le paragraphe qui à mon avis fait défaut dans ce sermon. Amen 🙂

      +8

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    • Omelette // 15.11.2019 à 19h10

      Pilote aux yeux de gélatine,
      Dans son vieux satellite usine,
      Manufacture de recyclage,
      Des mélancolies hors d’usage.

      Merci de rebâtir l’église au centre du village : Dieux et Diables ne sont pas des individus, ni même des catégories particulières, mais des systèmes. Au-delà des destinataires que chacun veut trouver aux excommunications, je trouve malheureux que cette puissante notion de « responsabilité collective » ne renvoie pas (encore et assez) automatiquement, d’une manière autrement plus positive et politique, à la nécessité de réformer nous-même nos églises, de ramener les prélats dans le rang, d’aligner la parole divine, si elle doit exister, sur la parole des brebis. Difficile, mais le Jugement Dernier semble approcher, et la liste des Elus est toujours à remplir.

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  • Josy // 15.11.2019 à 11h54

    Hedges est un écrivain, journaliste, reporter de guerre récompensé du prix Pulitzer en 2002. Il ne prêche pas et il n’est pas Pasteur ou alors c’est une nouvelle vocation ?

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  • Chris // 15.11.2019 à 12h56

    Bel inventaire du monde occidental qui a infecté et/ou s’entête à infecter le reste de la planète pour mieux le dominer et le vampiriser.
    Un monde malade, obèse, schizophrène, une armée de poulets sans tête courant dans tous les sens, renards et hyènes aux aguets : la comédie humaine de toujours.
    Hier soir, au casino de ma ville. j’assistais à un spectacle humoriste (charmant au demeurant : un moment d’extra-lucidité qui faisait rire les gens de bon coeur… à la Beaumarchais) prenant pour cible la vie locale et politique, voire au-delà.
    « En même temps » de l’autre côté de l’escalier central, se tenait un autre spectacle : un ex-président à talonnettes, bouffeur d’Arabes et autres ethnies jamais entrées dans l’Histoire, qui distribuait des autographes à un cortège de pingouins graves et dodelinant du chef, littéralement scotchés devant l’acteur, lequel exécutait gravement sa besogne.
    Ainsi va le monde, emporté dans son train fou et furieux. Comment en sauter sans se casser le cou… sans s’enfoncer dans le marais de nos contradictions, en une lente agonie ?

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  • Mouise // 15.11.2019 à 15h31

    Dans le 1/3 de son prêche Hedges me semble dire : « le mal c’est les autres ! » (cf.  » Les architectes de ce mal  » et tous les noms qu’ils donnent) : affirmation pour le moins surprenante dans la bouche d’un prêcheur qui se revendique chrétien. Je me dis qu’il fait de la provoque pour chauffer son auditoire avant de lui mettre une claque.
    Dans un 2ème temps Hedges nous rappelle le hiatus souvent béant entre le fond de l’Evangile et les pratiques et institutions historiques qui s’en réclamaient et brandissaient le bouquin où était enfermé le texte, en disant : « le mal c’est les autres! ». L’actualité donne quelques exemples.
    Il est vrai que les clercs n’échappent pas plus que les autres au conditionnement socio-culturel de leur milieu. La reconnaissance du christianisme comme religion de l’Empire par Constantin a entériné sa subversion par les classes dirigeantes il y a bien longtemps déjà. Restait un texte à escamoter au yeux du public, car texte sur lequel se sont appuyées presque toutes les contestations et renaissances au sein de cette tradition.
    Dans la 3ème et dernière partie Hedges nous dit :  » ne reproduisons pas nos péchés du passé « , ce qui aiguise mon intérêt, car là on entre dans l’anthropologie chrétienne ; et puis… il nous pousse à faire notre  » Exctinction-Rebellion « ,  » désobéissance civile contre les forces du mal radical « . Bref : « le mal c’est les autres ». Ouf ! La Vierge peut continuer à écraser la tête du serpent et ce dernier de lui mordre le pied. Entre Pentateuque et Apocalypse, l’Évangile est décidément une anomalie.

      +3

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    • Jean D // 15.11.2019 à 23h04

      Joyeux mélange 🙂

      Les Presbytériens sont des Chrétiens protestants, rien à voir avec l’Empire romain et l’alliance Trône / Autel. C’est même le refus de la hiérarchie ecclésiastique qui a produit le protestantisme. Plus d’infos : https://fr.wikipedia.org/wiki/Protestantisme

      Quant à l’Evangile, il ne se situe pas tout à fait entre le Pentateuque et l’Apocalypse. C’est quelques siècles après le Pentateuque et il contient l’Apocalypse. Plus d’infos : https://www.college-de-france.fr/site/thomas-romer/index.htm

      Pour le reste il me semble que vous avez raison, ce sermon est accusatoire et pas 100% introspectif (il n’a peut être pas envie de se prendre des tomates).

      A mon sens c’est typiquement – non pas chrétien – mais étatsunien : ils ont beau faire, il reste dans un coin de leur cerveau que les Etats-Unis est le plus beau pays du monde et que les Etatsuniens ne sont en rien responsable du désastre mondial en cours.

      On a le même symptôme chez Mickael Moore : très critique contre le gouvernement mais lorsqu’il s’agit de déplorer la guerre en Irak, c’est pour pleurer sur les quelques centaines de GI morts au combat. Rien pour les millions d’Irakiens tués et affamés …

        +6

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      • Mouise // 16.11.2019 à 16h21

        Sauf votre respect mais … 😉
        Où avez-vous vu que je parlais des Presbytériens?
        D’ailleurs Hedges n’en fait pas mention lui-même, ou alors tous les américains chrétiens dont il signalent les crimes seraient presbytériens? Bizarre, c’est pas dans les stats officielles…
        Et pourquoi n’avez-vous pas vu que je disais : « Restait un texte à escamoter au yeux du public, car texte sur lequel se sont appuyées presque toutes les contestations et renaissances au sein de cette tradition. »? ce qui dans mon esprit (et peut-être dans celui de certains lecteurs?) renvoie effectivement à la Réforme comme à maints autres courants qui ont souhaité régénérer l’institution à leur yeux sclérosée.

        Quant à mon passage sur l’Evangile (terme qui désigne 4 livres dits « Evangiles canoniques » et la compréhension que l’on peut en avoir) que vous confondez visiblement avec le « Nouveau Testament », c’était juste pour signaler qu’entre les notions de « peuple élu » et « d’Armaggedon » il semblait manquer celle de l’amour pour le prochain, y compris de nos ennemis. C’était une figure de style 🙂 pas une thèse historique.

        Mais je vois que vous avez bien saisi ma pensée par ailleurs.
        Cordialement.

          +1

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        • Jean D // 16.11.2019 à 20h58

          « Où avez-vous vu que je parlais des Presbytériens? »
          Vous indiquez que M. Hedges est – à l’instar de tous les clercs – victime de son milieu. Je vous précise sa chapelle, qui est fort éloignée de Constantin. Je signalais simplement cet anachronisme.

          Désolé de m’être trompé d’Evangile, mais vous parlez de la Vierge juste avant…

          En fait vos propos me paraissent tellement embrouillés que je n’ai vu que les raccourcis 🙁

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