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18.mars.201818.3.2018 // Les Crises

La première capitulation de fin février 2015, par Eric Toussaint

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Source : CADTM, Eric Toussaint, 14/03/2018

« J’ai signé le courrier et je l’ai envoyé aux créanciers, passablement écœuré.
C’était un fruit des ténèbres, et je reconnais qu’il m’appartient.
»
— Varoufakis

Avertissement : La série d’articles que je consacre au livre de Varoufakis, Conversations entre Adultes, constitue un guide pour des lecteurs et des lectrices de gauche qui ne souhaitent pas se contenter de la narration dominante donnée par les grands médias et les gouvernements de la Troïka ; des lecteurs et des lectrices qui ne se satisfont pas non plus de la version donnée par l’ex-ministre des Finances [1]. En contrepoint du récit de Varoufakis, j’indique des évènements qu’il passe sous silence et j’exprime un avis différent du sien sur ce qu’il aurait fallu faire et sur ce qu’il a fait. Mon récit ne se substitue pas au sien, il se lit en parallèle.

Il est essentiel de prendre le temps d’analyser la politique mise en pratique par Varoufakis et le gouvernement Tsipras car, pour la première fois au 21e siècle, un gouvernement de gauche radicale a été élu en Europe. Comprendre les failles et tirer les leçons de la manière dont celui-ci a affronté les problèmes qu’il rencontrait sont de la plus haute importance si on veut avoir une chance de ne pas aboutir à un nouveau fiasco.

L’enjeu de la critique de la politique qui a été suivie par le gouvernement grec en 2015 ne consiste pas principalement à déterminer les responsabilités respectives de Tsipras ou de Varoufakis en tant qu’individus. Ce qui est fondamental, c’est de réaliser une analyse de l’orientation politico-économique qui a été mise en pratique afin de déterminer les causes de l’échec, de voir ce qui aurait pu être tenté à la place et d’en tirer des leçons sur ce qu’un gouvernement de gauche radicale peut faire dans un pays de la périphérie de la zone euro.

Lire les précédents articles de la série :

1. Les propositions de Varoufakis qui menaient à l’échec

2. Le récit discutable de Varoufakis des origines de la crise grecque et ses étonnantes relations avec la classe politique

3. Comment Tsipras, avec le concours de Varoufakis, a tourné le dos au programme de Syriza

4. Varoufakis s’est entouré de tenants de l’ordre dominant comme conseillers

5. Dès le début, Varoufakis-Tsipras mettent en pratique une orientation vouée à l’échec

6. Varoufakis-Tsipras vers l’accord funeste avec l’Eurogroupe du 20 février 2015

Du 21 au 24 février 2015 à Athènes : Varoufakis boit le calice jusqu’à la lie

Varoufakis rend compte des réactions contradictoires que suscite la signature de l’accord funeste du 20 février 2015 avec l’Eurogroupe : Jeffrey Sachs le félicite tandis qu’il est durement critiqué par Manólis Glézos, flambeau de la Résistance et député Syriza au Parlement européen depuis février 2015, ainsi que par le célèbre compositeur Míkis Theodorákis, deux héros de son enfance pour reprendre ses termes [2]. Dans un communiqué public, Manólis Glézos s’est excusé auprès du peuple grec d’avoir appelé à voter Syriza en janvier 2015 [3].

Manolis Glezos

Varoufakis explique qu’à partir du 21 février, il s’attelle à rédiger les propositions de réformes à « intégrer au MoU » et à soumettre à l’Eurogroupe le 23 février. Varoufakis n’hésite donc pas à dire aujourd’hui qu’il s’agissait d’essayer d’amender le mémorandum en cours, alors qu’à l’époque, Tsipras et lui déclaraient à la population qu’il s’agissait d’un nouvel accord « transitoire » en soutenant que la Grèce s’était libérée de la prison du mémorandum et de la Troïka, rebaptisée « les institutions ».

Varoufakis affirmait haut et fort en public que la Troïka n’existait plus et que la Grèce avait retrouvé la liberté
Varoufakis écrit : « Le lundi soir, le texte serait envoyé à Christine Lagarde, Mario Draghi et Pierre Moscovici qui auraient la matinée du lendemain pour l’examiner avant la téléconférence de l’Eurogroupe du mardi après-midi. Ils seraient trois à évaluer les mesures avant de donner leur feu vert ou leur veto, sans que les ministres aient leur mot à dire » (p. 283). À l’époque, Varoufakis affirmait haut et fort en public que la Troïka n’existait plus et que la Grèce avait retrouvé la liberté. Pourtant il reconnaît ici-même qu’il a accepté de soumettre à Lagarde (FMI), Draghi (BCE) et Moscovici (Commission européenne) les propositions que le gouvernement grec comptait envoyer ensuite officiellement à l’Eurogroupe.

Dans l’intention de l’insérer dans le 2e mémorandum (MoU) remanié, Varoufakis rédige un texte sur les réponses à apporter à la crise humanitaire, qui n’était pourtant pas mentionnée dans le communiqué du 20 février 2015 puisque la Troïka refuse qu’on parle de crise humanitaire en Grèce. Ces propositions de Varoufakis seront rejetées deux jours plus tard. Ensuite, il s’est attelé à enlever du mémorandum en cours des éléments qui portaient atteinte aux droits fondamentaux. « En échange, j’ai conservé telles quelles de nombreuses « mesures antérieures » du MoU. Certaines étaient atroces, d’autres mauvaises, quelques-unes bonnes. C’était ce qu’on appelle un compromis » (p. 284).

Varoufakis avait demandé à George Chouliarakis, le Président du Conseil des économistes, homme de confiance du vice-premier ministre Dragasakis, de rester à Bruxelles après le 20 février en lui confiant la tâche de préparer avec la Commission européenne le travail à soumettre à la Troïka pour le 23 février.

George Chouraliakis avec en arrière plan Euclide Tsakalotos

Le dimanche 22 février, Chouliarakis est de retour à Athènes et Varoufakis lui demande si le texte qu’il a envoyé la veille à Bruxelles convenait à Declan Costello [représentant de la Commission au sein de la Troika en Grèce depuis mai 2014], chargé par la Commission de suivre l’application de l’accord du 20 février.

Chouliarakis lui répond que Costello a réagi positivement au projet de Varoufakis, mais qu’il faut le reformuler afin que cela corresponde au style de la Troïka. Varoufakis accepte et Chouliarakis revient quelques heures plus tard avec le document retravaillé. Varoufakis n’apprécie pas le texte et écrit : « Le style était clairement celui de la troïka, en revanche mes ajouts étaient soit absents soit très édulcorés » (p. 284). Ils modifient le document ensemble et l’envoient le dimanche à 21 heures à Costello pour approbation.

Costello refuse deux éléments précis du texte. Il rejette l’idée d’un moratoire sur la saisie des résidences principales pour les foyers incapables de payer les dettes hypothécaires. Varoufakis accepte de supprimer ce « moratoire ». Costello refuse aussi que Varoufakis annonce la création d’une banque publique de développement. Varoufakis y consent. Il écrit : « Nouvelle concession de ma part, mais je me suis promis d’y revenir à partir du mois d’avril suivant » (p. 286).

Le lundi 23 février en matinée, Varoufakis consulte le cabinet de guerre et Lafazanis, ministre de la reconstruction. « L’opposition la plus virulente venait de la Plateforme de gauche. Les négociations avec nos bailleurs de fonds étaient biaisées, disaient-ils, et la reformulation de ma liste dans le style de la Troïka était proche de la trahison » (p. 286).

La presse grecque annonçait que le document envoyé par Varoufakis à l’Eurogroupe avait été écrit par Declan Costello de la Commission européenne
Finalement, après avoir de nouveau consulté par courrier électronique les représentants de la Troïka et avoir obtenu leur feu vert, Varoufakis envoie officiellement, un peu après minuit, la liste qu’il s’était engagé à soumettre à l’Eurogroupe avant la moitié de la nuit [4].

Dès le mardi matin 24 février, les médias ont affirmé que le retard était la preuve que Varoufakis était incompétent. Varoufakis commente : « Une accusation à laquelle je ne pouvais pas répondre sans dire que j’avais secrètement négocié avec les créanciers avant de soumettre officiellement ma liste » (p. 286).

Le pire était à venir : quelques heures plus tard, la presse grecque révélait le contenu du document envoyé par Varoufakis à l’Eurogroupe et annonçait que ce document avait été écrit par Declan Costello de la Commission européenne, ce qui était largement vrai. Comme le reconnaît Varoufakis : « Mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai pris mon ordinateur portable, ouvert ma liste de réformes, cliqué sur « Dossier », puis sur « Propriétés », et j’ai vu qu’à côté d’« Auteur » apparaissait « Costello Declan (ECFIN) [Affaires économiques et financières] », et juste en dessous, après « Entreprise », deux mots couronnant mon humiliation : « Commission européenne » » (p. 287). [5]

Varoufakis poursuit son récit et dit que toute honte bue, il se rend à la réunion du Conseil des Ministres. Il affirme qu’après deux heures de discussion, il a obtenu le feu vert des ministres pour poursuivre les négociations sur la base du texte qu’il avait envoyé la veille à l’Eurogroupe. Varoufakis ne donne aucun détail sur la discussion qui a eu lieu lors de cette réunion ni sur les personnes qui étaient présentes.

Heureusement, d’autres sources sont disponibles pour se faire une idée correcte des discussions qui ont eu lieu lors de ce Conseil des Ministres restreint. Voici un extrait d’un article rédigé par une journaliste bien informée du quotidien grec Kathimerini : « Dans les sommets gouvernementaux, les frictions internes se sont exprimées lors de la réunion du Conseil Gouvernemental d’hier, où le ministre de la Reconstruction productive, de l’environnement et de l’énergie, Panagiotis Lafazanis, a exprimé de fortes réserves à l’égard des engagements pris par le gouvernement avec une liste des réformes envoyées aux partenaires et a demandé des clarifications, principalement au sujet des privatisations, qui concernant son ministère, mais aussi en référence à l’engagement pris de poursuivre l’harmonisation du marché de l’électricité et du gaz naturel avec les normes du marché et la législation de l’UE. Mme Nadia Valavani [6] a soulevé la question de la mise en œuvre rapide du règlement des arriérés de dette. De la part d’autres ministres, cependant, on percevait des murmures de désapprobation quant au fait qu’ils n’avaient pas vu le texte dans sa forme finale avant qu’il ne soit envoyé. » [7]

Varoufakis affirme qu’à ce moment-là, il aurait dû mettre fin à la négociation
Ensuite se déroule l’Eurogroupe auquel Varoufakis participe par téléphone. Le représentant de la Commission déclare tout de go que la liste de mesures envoyée par Varoufakis « ne saurait remplacer le MoU, qui constitue la base légale du plan ». Mario Draghi répète la même chose, de même que Christine Lagarde.

Varoufakis affirme qu’à ce moment-là, il aurait dû mettre fin à la négociation et proposer à Tsipras de mettre en marche les mesures unilatérales qu’il lui avait proposées ainsi qu’à Papas et Dragasakis, à commencer par une décote des titres grecs détenus par la BCE et le lancement d’un système de paiement parallèle [8].

« Malheureusement, j’ai opté pour la méthode douce » et il déclare par téléphone à l’Eurogroupe : « Nous insisterons pour […] que l’examen de cette liste se poursuive en sachant que la liste de réformes de notre gouvernement est le point de départ. »


Varoufakis est largement muet à propos de l’important débat au sein du groupe parlementaire de Syriza

Le 25 février en soirée et jusque tard dans la nuit, a lieu une réunion de crise du groupe parlementaire de Syriza. Dans son livre, Varoufakis n’y fait allusion que dans une seule ligne très vague sans citer de date : « Une poignée de députés Syriza continuaient de rouspéter, mais l’humeur était à l’effervescence » (p. 303) [9]. Pour en savoir plus, il faut lire une note de bas de page qui indique notamment que « Lors d’une réunion particulièrement houleuse du groupe parlementaire, j’ai passé une bonne heure à expliquer pourquoi la prolongation était nécessaire, assumant toute la responsabilité de l’affaire, sans qu’Alexis, Pappas ni Dragasakis ne disent un mot » (Note 1, p. 516).

Parlementaires et ministres du gouvernement en dehors du cabinet de guerre recevaient des informations incomplètes sur la négociation
En fait lors de cette réunion des parlementaires de Syriza, environ un tiers de ceux-ci s’est opposé à l’accord du 20 février. Parmi eux : la présidente du parlement grec, Zoé Konstantopulou et tous les ministres et vice-ministre membres de la plate-forme de gauche (P. Lafazanis, N. Chountis, D. Stratoulis, C. Ysichos) ainsi que Nadia Valavani, vice-ministre des finances et Thodoris Dritsas, vice-ministre des affaires maritimes [10].

Il est clair que Varoufakis minimise l’importante opposition qui s’est exprimée très tôt à l’intérieur du groupe parlementaire de Syriza et parmi les membres du gouvernement, sans parler du comité central de Syriza (lors d’un vote qui est intervenu plus tard, lors du comité central qui s’est tenu les 28 février et 1ermars 2015, 41 % des membres du Comité central se sont opposés à l’accord du 20 février). En se basant sur le récit de Varoufakis et sur d’autres sources, il est également évident que le groupe parlementaire et les ministres du gouvernement qui ne faisaient pas partie du cabinet de guerre recevaient des informations incomplètes sur la négociation. Ce qui est avéré, c’est que ni le conseil gouvernemental, ni les parlementaires, ni les instances de Syriza n’étaient tenus au courant des décisions en amont. Dans le meilleur des cas Tsipras en faisait un compte-rendu biaisé après coup.

Manifestation à Athènes en février 2015

Le 27 février à Athènes, Varoufakis fait acte d’allégeance à la Commission européenne, au FMI et à la BCE

Après avoir relaté le déroulement de l’Eurogroupe du 24 février lors duquel il a présenté ses mesures à mettre en place dans le cadre du mémorandum plutôt que d’enclencher des mesures unilatérales, Varoufakis ajoute dans son récit : « Les erreurs sont comme les crimes, elles en engendrent d’autres. La décision de ne pas débrancher la téléconférence du 24 février a été amplifiée par une erreur encore plus grave, commise quelques jours plus tard. »

Je signe ce maudit courrier sans l’aval du Parlement, je l’envoie aux bailleurs de fonds et je passe à autre chose.
Par l’intermédiaire du bureau du président de l’Eurogroupe, le 25 février, Varoufakis est sommé par la Commission européenne, le FMI et la BCE de faire acte d’allégeance. La Troïka veut que le gouvernement grec envoie une lettre officielle pour confirmer l’accord que Varoufakis a donné la veille lors de la conférence de l’Eurogroupe. Après de nombreuses hésitations, il accepte de signer la lettre pro-forma que la Troïka a préparée.
« Accepter la lettre des créanciers sans corrections, pour une demande aussi essentielle, signifiait que la prolongation nous serait accordée non pas suivant nos termes, mais suivant ceux de la Troïka. »
Varoufakis reconnaît l’extrême gravité de la décision à prendre. Signer la lettre pro-forma revient à prolonger le mémorandum en cours et à le faire selon les termes dictés et imposés par la Troïka.

Varoufakis admet que la lettre était tellement inacceptable que Tsipras considérait qu’il était impensable de la signer et de la communiquer au parlement.
Varoufakis lui dit : « – Tu es sûr que tu ne peux pas arriver au Parlement, dire ce qu’il en est, obtenir le vote qui m’autoriserait à signer et tourner la page ? »

Varoufakis précise : « Découragé, épuisé, Alexis s’est retourné vers Sagias qui avait l’air aussi exténué et lui a conseillé de ne pas y aller. »

Varoufakis se propose pour faire le sale boulot : « – Dans ce cas-là, Alexis, je prends sur moi la responsabilité. Je signe ce maudit courrier sans l’aval du Parlement, je l’envoie aux bailleurs de fonds et je passe à autre chose. »

Varoufakis précise que le 27 février au petit matin : « J’ai signé le courrier et je l’ai envoyé aux créanciers, passablement écœuré. C’était un fruit des ténèbres, et je reconnais qu’il m’appartient. »


Le 27 février, Varoufakis maintient Chouliarakis à son poste

Selon Varoufakis, suite au double jeu de Chouliarakis (qui ne s’était pas contenté de concocter un document avec Declan Costello de la Commission européenne, mais avait également omis de transmettre le 21 février à Varoufakis un important message provenant de l’Eurogroupe [11]), Tsipras, le 26 février, lui conseille de s’en débarrasser. Varoufakis refuse. Ensuite, à partir du lendemain, Tsipras change de position et s’accommode de Chouliarakis.

Reprenons brièvement le récit de Varourafkis.

Varoufakis raconte que le 27 février 2015, il va au palais Maximou en fin de matinée pour expliquer à Tsipras ce qu’il compte faire avec Chouliarakis : « Je pensais promouvoir Chouliarakis au poste de Secrétaire général de l’administration fiscale, plus prestigieux que celui de Président du Conseil des économistes, vacant et moins dangereux en terme de nuisance » (p. 300).
Sans aucun enthousiasme, Tsipras accepte cette proposition et Varoufakis s’en va en informer Chouliarakis.

Celui-ci refuse la proposition en faisant carrément du chantage : « – La décision te revient, Yánis. Mais sache que si tu me retires la présidence du Conseil des économistes, je n’accepterai ni la direction du fisc ni la moindre affectation dans ce gouvernement. Je préfère aller à la Banque de Grèce, Stournaras m’a réservé un poste. »

Varoufakis commente : « même dans mes pires cauchemars, je n’aurais jamais pu imaginer sa réponse. (…) Il avait levé le masque. Avec un cynisme et une impudence inouïs. Car il venait de m’avouer qu’il préférait travailler directement pour la troïka plutôt que de couper les liens privilégiés avec ses représentants dans mon ministère. Qui plus est, il reconnaissait être de mèche avec le gouverneur de la Banque centrale qui avait déclenché une panique bancaire pour nous couper l’herbe sous le pied. J’étais atterré » (p. 301).

Varoufakis, dépité, retourne voir Tsipras pour lui rendre compte de la réaction de Chouliarakis et, à son grand étonnement, Tsipras décide de ne rien faire.

Varoufakis a accepté recul après recul et jusqu’au 6 juillet 2015 n’a jamais rendu public ses désaccords et ses propositions alternatives
Le commentaire que fait Varoufakis à propos de ces évènements d’une gravité extrême indique clairement son inconséquence. Il se reproche de ne pas avoir mis fin à la téléconférence avec l’Eurogoupe le 24 février tout en affirmant qu’il a fait cette erreur parce qu’il était persuadé que Tsipras était capable d’adopter au bon moment une attitude radicale face à la Troïka. Ensuite, il déclare qu’il a perdu cette illusion le 27 février : « Si j’avais perçu le gouffre avant la téléconférence du 24 février, j’aurais coupé avec la Troïka le jour-même. Si je ne l’ai pas fait, c’est parce que j’étais convaincu qu’Alexis était capable de déclencher la rupture plus tard, et d’un commun accord. J’ai perdu cette illusion-là quand je l’ai vu excuser Chouliarakis qui menaçait de passer dans le camp ennemi » (p. 302). Il ajoute : « J’aurais dû affronter Alexis en lui reprochant de reculer – en public, s’il le fallait. »

Mais il n’en a rien fait. Comme nous le verrons, Varoufakis a accepté recul après recul et jusqu’au 6 juillet 2015 n’a jamais rendu public ses désaccords et ses propositions alternatives.


Mon témoignage sur les évènements de janvier-février 2015 et la période qui les a précédés

Au cours de mes missions en Grèce, j’ai fait la connaissance des dirigeants de Syriza
Comme je l’ai indiqué dans la partie 3 de cette série, j’ai été directement impliqué dans le soutien au lancement de l’initiative d’audit citoyen de la dette grecque dès la fin de l’année 2010 [12]. Je me suis rendu à 8 reprises à Athènes entre 2011 et 2014 afin de participer à des activités sur la problématique de la dette grecque et le rejet des politiques dictées par la Troïka. Il s’agissait de développer aussi la solidarité internationale avec la résistance du peuple grec. J’ai étudié en profondeur la problématique de l’endettement de la Grèce et cela a donné lieu à la publication d’articles et d’interviews.

Alexis Tsipras et Éric Toussaint en octobre 2012 à Athènes

Au cours de mes missions en Grèce, j’ai fait la connaissance d’Alexis Tsipras, principal dirigeant de Syriza et des dirigeants de la gauche de Syriza, en particulier Costas Ysichos qui est devenu en janvier 2015 vice-ministre de la Défense et Antonis Ntavanelos qui animait le courant DEA à l’intérieur de Syriza (il fait partie aujourd’hui de l’Unité populaire). J’ai eu de nombreux contacts, des discussions et des collaborations étroites avec des camarades de différentes organisations membres de la coalition d’extrême gauche non parlementaire Antarsya, en particulier Leonidas Vatikiotis du NAR (organisation membre d’Antarsya) et Spyros Marchetos. Je connaissais certains d’entre eux depuis la fin des années 1990 et surtout depuis le début des années 2000, lorsqu’une forte délégation grecque avait participé à la mobilisation contre le G8 à Gênes en juillet 2001. Les relations avec les camarades grecs étaient régulières dans le cadre de réseaux comme le Forum social européen qui bénéficiait d’une forte participation grecque entre 2002 et 2006 [13], de même que dans le réseau des Marches européennes contre le chômage. Plusieurs dirigeants de Syriza (Tsipras, Tsakalotos, Valavani,…) et d’Antarsya (Yanis Felikis et Tassos Anastassiadis d’OKDE, Antarsya mais aussi des dirigeants du SEK, organisation liée au SWP britannique) étaient très actifs dans les réseaux européens, de même que Giorgos Mitralias qui avait participé aux débuts de Syriza et qui était actif dans le réseau des Marches européennes notamment. A partir de 2011, la collaboration du CADTM a été également forte avec Sofia Sakorafa, députée Syriza, ex-Pasok, et avec George Katrougalos, juriste, ex-KKE (le PC grec), devenu plus tard vice-ministre dans le gouvernement Tsipras et aujourd’hui secrétaire d’Etat aux Affaires européennes. J’étais en contact très régulier avec Costas Lapavitsas depuis la fin 2010. Costas est devenu député de Syriza en janvier 2015. J’entretenais depuis 2011 des contacts réguliers avec Yanis Tolios, économiste très lié à Panagiotis Lafazanis, car il s’était impliqué dans l’audit citoyen de la dette. J’avais également eu une longue entrevue en octobre 2012 avec Manolis Glézos. Je l’admirais pour sa trajectoire rebelle sans faille depuis qu’il avait arraché le drapeau nazi de l’Acropole le 30 mai 1941. J’avais également une collaboration épisodique avec l’Institut Nikos Poulantzas lié au courant majoritaire dans Syriza, très eurocommuniste. J’avais rencontré, lors de ma rencontre avec Tsipras en octobre 2012, John Millios qui a été un des responsables économiques de Syriza jusqu’à la fin de l’année 2014. Je connaissais une petite dizaine de jeunes qui avaient entre 20 et 30 ans en 2011 – 2015 et qui s’étaient mobilisés très fortement dans l’initiative d’audit citoyen de la dette à partir de 2011. Enfin, j’avais des contacts avec des syndicalistes grecs, la plupart membres de Syriza ou d’Antarsya.

J’ai acquis la conviction que Tsipras voulait éviter un affrontement avec les créanciers
Au cours des contacts qui ont précédé l’élection de janvier 2015, j’étais devenu très critique à l’égard de l’orientation adoptée par Alexis Tsipras. Le moment clé a été la rencontre avec Tsipras en octobre 2012 dans son bureau au parlement grec. Dès le début de notre conversation qui a duré une heure, je me suis rendu compte qu’il avait réellement abandonné l’orientation qu’il avait portée lors des deux campagnes électorales de mai et de juin 2012. Lors de notre conversation d’octobre 2012, en tant que CADTM, je lui ai proposé de renforcer la campagne pour délégitimer les créanciers de la dette grecque, pour soutenir l’audit citoyen de la dette et s’appuyer sur ces résultats quand Syriza arriverait au gouvernement. J’ai bien compris qu’il souhaitait adopter au sujet de la dette publique, une attitude en retrait par rapport à ce qu’il avait défendu en mai-juin 2012 devant les électeurs et électrices grecs.

Lorsque j’ai rencontré Alexis Tsipras pour la deuxième fois en tout petit comité, c’était en octobre 2013 en compagnie de la députée Syriza, Sofia Sakorafa, très impliquée dans l’audit citoyen de la dette grecque et ayant collaboré de plus en plus activement avec le CADTM au point de se déplacer en octobre 2011 au Brésil pour participer à une réunion internationale du CADTM. La conversation avec Tsipras en octobre 2013 a duré un peu plus d’une heure et m’a renforcé dans la conviction que celui-ci voulait éviter un affrontement avec les créanciers. Il pensait, sans le dire ouvertement, que l’orientation qu’il avait défendue lui-même en mai-juin 2012 était trop radicale, et donc que la position du CADTM a fortiori était aussi trop radicale. Il considérait qu’il était possible par des arguments « pro-UE » de convaincre les créanciers de concéder une très importante réduction de dette à la Grèce.

De mon côté, mon analyse de la Grèce et de la zone euro avait évolué. Je suis devenu convaincu à partir de l’été 2013 que la sortie de la zone euro était une option sérieuse à envisager pour les pays de la périphérie européenne, notamment la Grèce [14]. Mais je n’ai pas abordé cette question dans la discussion avec Tsipras, parce que l’objet de notre rencontre était de préparer une grande conférence européenne sur la dette et sur les alternatives aux politiques néolibérales.

Il fallait qu’un gouvernement Syriza soit prêt à poser des actes unilatéraux et radicaux
À l’issue de la réunion d’octobre 2013 avec Tsipras, s’est renforcée en moi la conviction que l’orientation que Tsipras avait adoptée allait conduire à un échec pour le peuple grec si des forces radicales en Grèce dans et hors de Syriza ne se mobilisaient pas pour maintenir le cap annoncé en mai-juin 2012 et préparer un plan B face au plan A de Tsipras. Et bien sûr, cela dépendait de ce qui se passerait en Grèce au sein de la gauche politique et sociale. Ce qui serait décisif, ce serait l’existence d’une pression populaire.

Du côté de la gauche politique et sociale, il y avait de quoi être inquiet : la direction de Syriza autour de Tsipras avait pris un virage qui visait à éviter l’affrontement avec les autorités européennes et avec le grand capital grec, elle abandonnait la perspective de l’audit de la dette et de la suspension du paiement pendant sa réalisation [15]. La gauche de Syriza était pour la suspension du paiement sans être très favorable à l’audit. L’extrême gauche extra parlementaire, Antarsya notamment, était en majorité opposée à l’audit de la dette en considérant que le peuple était déjà convaincu de la nécessité de la répudiation/annulation de toute la dette. Selon la majorité d’Antarsya, l’audit ne servirait qu’à légitimer une dette qui était illégitime. Le KKE traitait les partisans de l’audit d’agents de l’impérialisme. Les anarchistes n’avaient aucun intérêt pour l’audit de la dette.

Lors de deux conférences européennes tenues à Bruxelles et auxquelles Tsipras, Tsakalotos, Millios et moi avons été invités en mars et en avril 2014, j’ai défendu la nécessité d’un plan B. J’ai également déclaré en octobre 2014 dans un organe de presse important à Athènes, Le Journal des Rédacteurs, proche de Syriza [16] que les propositions de Syriza se heurteraient à l’opposition de l’Union européenne et qu’il fallait qu’un gouvernement Syriza soit prêt à poser des actes unilatéraux et radicaux. Voir un extrait de l’interview dans l’encadré.

Entretien avec Éric Toussaint réalisé par Tassos Tsakiroglou (journaliste au quotidien grec Le Journal des Rédacteurs)

Alexis Tsipras appelle à une conférence internationale pour l’annulation de la dette des pays du Sud de l’Europe touchés par la crise, similaire à celle qui a eu lieu pour l’Allemagne en 1953 et par laquelle 22 pays, dont la Grèce, ont annulé une grande partie de la dette allemande. Est-ce que cette perspective est réaliste aujourd’hui ?

C’est une proposition légitime. Il est clair que la Grèce n’a provoqué aucun conflit en Europe, à la différence de celui causé par l’Allemagne nazie. Les citoyens de Grèce ont un argument très fort pour dire qu’une grande partie de la dette grecque est illégale ou illégitime et doit être supprimée, comme la dette allemande a été annulée en 1953 [17]. Je ne pense toutefois pas que SYRIZA et d’autres forces politiques en Europe parviendront à convaincre les institutions de l’UE et les gouvernements des pays les plus puissants à s’asseoir à une table afin de reproduire ce qui a été fait avec la dette allemande en 1953. Il s’agit donc d’une demande légitime et j’ai soutenu en ce sens la candidature de Tsipras pour la présidence de la Commission européenne [18], mais vous ne pourrez pas convaincre les gouvernements des principales économies européennes et les institutions de l’UE de le faire. Mon conseil est le suivant : la dernière décennie nous a montré qu’on peut arriver à des solutions équitables en appliquant des actes souverains unilatéraux. Il faut désobéir aux créanciers qui réclament le paiement d’une dette illégitime et imposent des politiques qui violent les droits humains fondamentaux, lesquels incluent les droits économiques et sociaux des populations. Je pense que la Grèce a de solides arguments pour agir et pour former un gouvernement qui serait soutenu par les citoyens et qui explorerait les possibilités dans ce sens. Un tel gouvernement populaire et de gauche pourrait organiser un comité d’audit de la dette avec une large participation citoyenne, qui permettrait de déterminer quelle partie de la dette est illégale et odieuse, suspendrait unilatéralement les paiements et répudierait ensuite la dette identifiée comme illégitime, odieuse et/ou illégale.

En Grèce, SYRIZA est en tête de tous les sondages et plusieurs de ses dirigeants affirment que la négociation de la dette se fera dans le cadre de la zone euro et qu’elle ne sera pas le résultat d’une action unilatérale. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?

Oui, je connais la position officielle de Syriza. Personnellement, j’essaie de montrer que l’on peut appliquer un autre type de politique, car il est évident que la plupart des gouvernements de la zone euro et la BCE n’accepteront pas d’effectuer une réduction importante de la dette grecque. Ainsi, malgré la volonté exprimée par Syriza de négocier, je pense qu’il est impossible de convaincre l’ensemble de ces acteurs. Pour cela, il faut être plus radical, parce qu’il n’y a pas d’autre possibilité. Il s’agit d’être radical, à l’instar de l’Islande après 2008, de l’Équateur en 2007-2009 ou de l’Argentine entre 2001 et 2005.

Par la suite, ces gouvernements ont fait une série d’erreurs et ont abandonné la position radicale qu’avait adoptée leur pays, c’est pour cette raison qu’ils rencontrent aujourd’hui de grandes difficultés, comme c’est le cas de l’Argentine. (…)

Vous avez dit que la réduction drastique de la dette publique est nécessaire, mais non suffisante pour que les pays de l’UE sortent de la crise, il sera ainsi nécessaire d’appliquer d’autres mesures importantes dans divers secteurs. Quelles sont-elles, brièvement ?

Tout d’abord, il faut nationaliser – je préfère le terme socialiser – les banques. Je pense que les banques en Grèce et dans d’autres pays devraient être transférées au secteur public et fonctionner dans le strict respect des règles et des intérêts fixés par le peuple. En outre, il s’agit de contrôler les mouvements de capitaux, surtout les transferts importants réalisés par les grandes institutions financières. Je ne parle pas des transferts de 1 000 ou 2 000 euros, sinon des transferts plus importants qui requerront l’approbation préalable des autorités de contrôle sous peine de très fortes amendes et du retrait de la licence bancaire aux banques qui passeraient outre ce contrôle. Celui-ci sera effectué à bonnes fins. Il s’agira de protéger les simples citoyens qui pourront continuer à effectuer des transferts bancaires internationaux dans des limites raisonnables. Il faut également une réforme fiscale radicale : diminuer fortement les impôts et taxes payés par la majorité de la population et augmenter fortement et progressivement les taxes et impôts sur les plus riches et les grandes entreprises privées nationales et étrangères.

Et la Grèce ?

Il s’agit de faire ce que disait SYRIZA lors des élections en 2012. Si Syriza forme un gouvernement, il faut abolir les lois injustes qui ont été imposées par la Troïka (notamment celles qui ont détruit les conventions collectives et la négociation collective entre les employeurs et les travailleurs). Les autres mesures nécessaires sont les suivantes : la mise en place d’une réforme fiscale radicale en faveur de la justice sociale et de la redistribution des richesses, l’abrogation d’une partie des taxes imposées aux pauvres et la taxation des plus riches, la réalisation d’un audit et la suspension du paiement de la dette pour ensuite répudier la partie identifiée comme illégitime, odieuse, insoutenable et/ou illégale ; la socialisation des banques et l’application d’un contrôle sur les mouvements de capitaux.

Voir la version originale en grec publiée le 20 octobre 2014.

Lorsque des élections anticipées ont été convoquée fin décembre 2014 pour le 25 janvier, le CADTM a publié un communiqué de presse qui prend bien la mesure des menaces que faisaient peser les autorités européennes sur le peuple grec :
« Le CADTM n’a pas le moindre doute sur les intentions véritables de ceux qui ont fait de la Grèce le laboratoire européen de leurs politiques néolibérales les plus extrêmes et des Grecs des véritables cobayes de leur thérapie économique, sociale et politique de choc. On doit s’attendre à une escalade de leur offensive car ils ne peuvent pas se permettre que SYRIZA réussisse et fasse des émules en Europe ! Ils vont utiliser tous les moyens dont ils disposent car ils sont bien conscients que ce qui est en jeu aux prochaines élections grecques est le succès ou l’échec de la guerre sociale qu’ils mènent contre l’écrasante majorité des populations de toute l’Europe ! C’est d’ailleurs parce que l’enjeu est si important qu’on doit s’attendre à ce que « ceux d’en haut » d’Europe et de Grèce ne respectent pas le verdict des urnes, qui devrait couronner, pour la première fois de l’histoire, la victoire de la gauche grecque. Sans aucun doute, ils vont par la suite essayer d’asphyxier le gouvernement de gauche sorti des urnes, parce que son éventuel succès serait sûrement interprété comme un formidable encouragement à la résistance par les travailleurs et les peuples d’Europe. » [19]

Dès le 2 janvier 2015, j’ai été contacté par Georges Caravelis qui s’est présenté à moi comme un émissaire de la direction de Syriza qui souhaitait connaître mes propositions en ce qui concerne la dette grecque. Immédiatement j’ai pris contact avec le député européen Syriza, Nikos Chountis, qui m’a confirmé qu’effectivement Caravelis avait bien la mission de recueillir mon opinion. Nous avons eu plusieurs échanges et Caravelis était convaincu de la nécessité de mettre en place une commission d’audit de la dette le plus tôt possible après l’élection et la mise en place d’un gouvernement Syriza. Sur la base de nos échanges, Caravelis m’a fait parvenir les notes qu’il avait adressées à la direction de Syriza par l’intermédiaire de Chountis. Je n’ai pas eu de réponse de la part de la direction de Syriza avant les élections.

Quatre jours avant les élections du 25 janvier 2015, j’ai publié une opinion dans les quotidiens Le Monde et Le Soir, qui sont des quotidiens de référence à Paris et à Bruxelles. L’article était intitulé « Pour un véritable audit de la dette grecque ».

Syriza pourrait prendre au mot l’Union européenne en constituant une commission d’audit de la dette
Il posait la question : « Mais que se passerait-il si Syriza, une fois au gouvernement, décidait de prendre à la lettre l’article 7 du règlement adopté en mai 2013 par l’Union européenne, qui prévoit qu’« un État membre faisant l’objet d’un programme d’ajustement macroéconomique réalise un audit complet de ses finances publiques afin, notamment, d’évaluer les raisons qui ont entraîné l’accumulation de niveaux d’endettement excessifs ainsi que de déceler toute éventuelle irrégularité » ? (Règlement UE 472/2013 du 21 mai 2013 « relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro »).

L’actuel gouvernement grec d’Antonis Samaras s’est bien gardé d’appliquer cette disposition du règlement. Mais à l’issue d’une victoire électorale, Syriza pourrait prendre au mot l’Union européenne en constituant une commission d’audit de la dette (avec participation citoyenne) chargée d’analyser le processus d’endettement excessif et d’identifier les dettes illégales, illégitimes, odieuses… ».

Dans la suite de cette tribune, j’expliquais que la dette réclamée à la Grèce pourrait être identifiée comme illégitime et odieuse. Cette tribune visait à la fois à contribuer modestement à convaincre l’opinion publique du caractère illégitime des dettes réclamées à la Grèce et à montrer aux futures autorités de la Grèce qu’elles pourraient retourner contre la Commission européenne une disposition d’un de ses règlements que nous dénonçons.

Cette opinion a été reproduite à Athènes par le quotidien conservateur Kathimerini qui posait la question : Que fera un gouvernement Syriza ?
Pendant la campagne électorale, j’ai donné une conférence à Bruxelles en soutien au peuple grec en compagnie de Manolis Glézos, député européen Syriza. J’ai participé également à des débats notamment avec Frédéric Lordon et Serge Halimi.

Après la victoire électorale de Syriza le 25 janvier et la formation du gouvernement le 27 janvier, j’ai appris que plusieurs de mes connaissances étaient devenues membres du gouvernement Syriza-ANEL.

George Katrougalos

Je me suis rendu à Athènes le 13 février 2015 après avoir participé à plusieurs conférences en Europe en soutien au peuple grec ainsi qu’à des débats polémiques comme celui diffusé par France 2 le 30 janvier 2015 au cours duquel j’ai eu des échanges très houleux avec des personnalités de droite, dont le journaliste Arnaud Leparmentier du quotidien Le Monde.

Le 13 février, j’ai eu réunion avec George Katrougalos, avec lequel le CADTM avait développé une collaboration depuis qu’il s’était engagé en 2011 en tant que juriste dans le combat pour la suspension du paiement de la dette grecque et son audit. Katrougalos, après avoir été élu député européen Syriza en mai 2014, était devenu vice-ministre des réformes institutionnelles. Je lui ai dit que j’espérais qu’il aiderait à la mise en place d’une commission d’audit et à l’adoption d’une attitude ferme sur la question du non-paiement de la dette. Il m’a répondu qu’il suivrait Tsipras de manière disciplinée. Cela n’augurait rien de bon. Le lendemain, j’avais rendez-vous au ministère des Finances avec Nadia Valavani, vice-ministre des Finances. Varoufakis était absent car en négociation à Bruxelles. Est-ce que tu te rappelles que Varoufakis a refusé en 2011 de soutenir l’audit citoyen de la dette ? Dès que nous nous sommes vus, elle m’a rappelé chaleureusement que nous avions été ensemble dans le lancement de l’audit citoyen de la dette en 2011. Elle a ajouté : « Est-ce que tu te rappelles que Varoufakis a refusé en 2011 de soutenir l’audit citoyen de la dette ? » et elle a indiqué qu’elle ne lui faisait pas confiance en termes d’orientation politique. Ensuite, elle m’a expliqué le plan qu’elle voulait mettre en place afin de trouver une solution en faveur des deux millions de contribuables grecs qui avaient une dette à l’égard de l’État inférieure à 2000 euros. Elle voulait aussi prendre des mesures pour s’attaquer aux riches qui fraudaient le fisc. Le 15 février, j’ai eu réunion avec Rania Antonopoulos qui m’avait contacté vers le 23 janvier par e-mail pour me dire qu’elle était d’accord avec le contenu de ma tribune dans Le Monde en ce qui concerne la dette de la Grèce et la nécessité d’un audit. Entre temps, elle était devenue vice-ministre en charge de la lutte pour la création de 300 000 emplois. Elle m’a expliqué le combat qu’elle souhaitait mener afin de mettre fin à une politique qui rendait les chômeurs responsables de leur situation. Le 15 février, j’ai participé à une manifestation Place Syntagma de protestation contre l’Eurogroupe et en soutien aux engagements du gouvernement de Tsipras. 20 000 manifestants exprimaient leur espoir de voir les choses changer.

La présidente du parlement grec souhaitait initier un audit de la dette
Le lundi 16 février, j’ai été reçu par la présidente du parlement grec, Zoé Konstantopoulou. La réunion a été très positive. La présidente du parlement grec a affirmé qu’elle souhaitait favoriser un travail d’audit de la dette grecque afin d’identifier les dettes illégitimes, illégales, odieuses… Elle a décidé de rendre publique cette rencontre. L’information a été reprise par de nombreux sites [20]. Voir l’encadré sur le témoignage de Zoé Konstantopoulou à propos de notre collaboration pour la mise en place d’une commission d’audit de la dette.

En début de soirée, j’ai rencontré pendant une heure le vice-ministre de la défense, Costas Ysichos. Nous avons discuté des pourparlers en cours au niveau européen et de la question de la dette. Costas Ysichos était le dirigeant de la Plate-forme de la gauche de Syriza qui était le plus proche des positions du CADTM : combiner l’audit de la dette à un acte unilatéral de suspension de paiement.

Le 17 février, suite à l’écho donné par Zoé Konstanpoulou à notre rencontre, Nikos Chountis, vice-ministre des relations avec les institutions européennes, a souhaité me voir. En tant que membre de la gauche de Syriza, il me manifestait sa sympathie pour les propositions du CADTM, mais en tant que membre du gouvernement il me disait que l’orientation de Tsipras était différente. Il m’a demandé si je serais disposé à collaborer avec le gouvernement au cas où celui-ci prendrait une orientation plus radicale sur la dette. Pour rappel, les contacts que j’avais eus avec Caravelis dès le 2 janvier 2015 avaient été demandés par Nikos Chountis mais n’avaient pas abouti positivement.

Le témoignage de Zoé Konstantopoulou concernant la collaboration pour la mise en place de la commission d’audit

Le vif souvenir que j’avais d’Éric Toussaint, que je n’avais pas rencontré personnellement, remontait au grand festival de la jeunesse de Syriza, en octobre 2012, alors que le parti était devenu premier parti d’opposition, alors que l’avenir était ouvert devant lui. Éric avait prononcé un discours enflammé et avait été porté aux nues.

Lui-même ne s’en souvient pas du tout, comme il me l’a révélé plus tard, car il était particulièrement abattu : il avait constaté, ce jour-là, que Tsipras commençait déjà à faire marche arrière sur ses engagements concernant l’audit et l’annulation de la dette, chose que la majorité d’entre nous, qui n’avons pas participé à la trahison qui allait venir, avons beaucoup tardé à réaliser, malheureusement.

Dans mon discours d’ouverture en tant que Présidente du Parlement, le 6 février 2015, immédiatement après mon élection, j’avais annoncé que le Parlement allait contribuer activement à l’audit et à l’annulation de la dette.
À la première réunion du groupe parlementaire après cette séance, le député des écologistes avait demandé, très angoissé, s’il « était permis de dire des choses pareilles en pleine négociation, alors que le Premier ministre et le ministre des finances n’utilisent absolument pas ces termes. » Je lui ai alors répondu que c’était le programme sur la base duquel nous avions été élus et que nous devions non seulement le dire, mais aussi le faire. Personne n’osa me contredire. Toutefois, il était déjà clair que le Gouvernement lui-même n’entreprendrait aucune initiative concernant un audit ou une annulation de la dette et que le groupe parlementaire restait impuissant face aux développements.

Il apparut très vite qu’une telle initiative devait s’appuyer sur des personnes disposant des connaissances nécessaires mais également ayant déjà une expérience analogue dans le domaine de l’audit de la dette et du rejet des dettes odieuses et illégales. Éric Toussaint était de toute évidence la figure emblématique de cette lutte qui soutenait avec ferveur, par ses interventions publiques et ses visites en Grèce, que la dette devait être auditée et que, dans la mesure où elle s’avérait odieuse, illégale, illégitime et/ou non viable, elle devait être annulée. Une position parfaitement en phase avec le droit international, la protection internationale des droits de l’homme et du droit humanitaire international.

Notre première rencontre le 16 février 2015 ne dura pas longtemps. Je connaissais son expérience précieuse et sa contribution à l’audit de la dette et, notamment, sa participation à la Commission d’audit de la dette de l’Équateur. Il était clair pour moi qu’il s’agissait d’une personne qui, depuis des décennies, avait contribué avec désintéressement à révéler le mécanisme de soumission des peuples par le biais de la dette et à lutter pour libérer les peuples et les citoyens du joug de la dette illégitime. Je voulais qu’il me parle de son expérience et tout ce qu’il me dit fut effectivement particulièrement éclairant.

Je lui demandais alors s’il était disposé à entreprendre l’audit de la dette grecque pour le compte du Parlement hellénique et s’il pouvait rester en Grèce pour que nous nous rencontrions une semaine plus tard pour discuter des modalités de cet audit. Il me répondit par l’affirmative aux deux questions. J’ai demandé que soit immédiatement publié un bulletin de presse du Parlement concernant ma rencontre avec Eric Toussaint, afin de lancer le message : nous avançons vers la réalisation de nos engagements.

Les jours qui suivirent furent denses et dramatiques. Élection du Président de la République, le 18 février 2015. Communication de l’accord du 20 février 2015. En apprenant par les médias le contenu de cet accord le 20 février, je sentis la terre se dérober sous mes pieds : il contenait la reconnaissance de la dette et l’engagement de la responsabilité de son remboursement ! Je demandais à voir Tsipras immédiatement. Je le vis le lendemain, le 21 février, dans son bureau au Parlement, immédiatement après la réunion du Conseil. Flambouraris attendait dehors, entrant et ressortant constamment et faisant pression pour qu’ils partent à Égine.

Je dis à Tsipras que cet accord était un mémorandum et que nous devions nous en dégager au plus tôt. Qu’il fallait immédiatement révoquer la formulation concernant la dette, par le biais de communications officielles par tous les acteurs. Qu’il fallait suivre une stratégie précise. Réaliser un audit de la dette. Agir concernant les dettes allemandes à l’égard de la Grèce suite à l’invasion et à l’occupation nazie au cours de la seconde guerre mondiale. Ouverture de l’affaire Siemens et de toutes les affaires de corruption. Tsipras s’efforçait de me convaincre que l’accord n’était pas un mémorandum. Il prétendait que la reconnaissance de la dette ne portait que sur les paiements qui seraient effectués au cours des 4 mois à venir et, en même, temps, il marquait avec embarras son accord avec mes suggestions.

J’étais présente lorsqu’il expliqua à Pablo Iglesias, dirigeant de Podemos, que « ce que nous avons obtenu n’est pas blanc, n’est pas noir, nous avons réussi le gris. »

Je quittais cette rencontre après avoir annoncé à Tsipras que j’entamerai immédiatement l’audit de la dette au Parlement et constituerai la Commission pour les dettes allemandes, après avoir obtenu son consentement.

Quelques jours plus tard, je rencontrai à nouveau Éric. Il était morose et préoccupé.

Je commençais à parler avec lui de la commission qu’il fallait mettre sur pied pour mener l’audit de la dette. Je lui dis que je pensais à une commission conforme à une disposition spéciale du règlement du Parlement qui permettait au Président de l’Assemblée de constituer des commissions composées de personnes extraparlementaires et dont l’objet portait sur des affaires n’ayant pas trait aux affaires courantes du Parlement. Je lui expliquais que j’envisageais cette commission comme une commission internationale et nationale, composée de scientifiques et de citoyens, dont le mandat serait clairement de déchiffrer les conditions dans lesquelles la dette publique grecque avait été créée et gonflée et d’élaborer l’argumentaire permettant de dénoncer toute partie de la dette qui serait jugée illégale, odieuse et non remboursable. Il était positif, mais réservé.

« Je vois que quelque chose te préoccupe. Je veux que nous parlions de manière directe », lui dis-je.

« Zoé, je suis très angoissé. Quelle est ta position à propos de l’accord du 20 février ? »

« Éric, je considère que cet accord est un véritable camouflet. Je l’ai dit au Premier ministre et je l’ai informé sur mon intention d’entreprendre les initiatives nécessaires pour renverser cet accord, et il m’a donné son consentement. La Commission d’audit de la dette dont je te propose d’entreprendre la coordination scientifique est une initiative cruciale dans ce sens. »

Il me regardait toujours d’un air scrutateur.

« Quant à ce qui te préoccupe, d’après ce que je comprends, voilà ce que j’ai à te dire : j’ai prévenu formellement le Premier ministre de ne pas présenter cet accord au Parlement. » Je répétais la même chose à la réunion du Groupe parlementaire, dans les jours suivants. Lors du vote qui s’est tenu au sein du groupe, le 25 février, je votais NON au texte de l’accord, ce qui mit le feu aux poudres et fit immédiatement de moi une cible. « Ce que j’ai à te dire c’est que si, malgré tout, cet accord était présenté au Parlement, moi je ne le voterai pas. »

Son visage s’éclaira, il semblait soulagé. Je voyais qu’il était encore préoccupé par l’évolution globale, mais il était important pour lui de savoir qu’il pouvait compter sur notre entente. Bien plus tard, il me confirma qu’il s’était agi d’un moment déterminant car il avait compris que la personne qui lui demandait de s’engager et de s’impliquer dans cette lutte frontale contre les mécanismes de soumission entendait bien aller au bout de ce qu’elle disait.

C’est ainsi que tout a commencé.

« Je veux que tu assumes le poste de Coordinateur scientifique de la Commission et que tu me dises ce que tu attends de moi », lui dis-je.

« C’est toi qui doit présider la Commission et ses travaux, pour garantir que tout sera réalisé sans obstacles », me dit-il.

C’est ainsi qu’est née la première et unique commission institutionnelle d’audit de la dette sur le sol européen à ce jour.

Tout simplement.

Par des gens de parole.

Source : Zoé Konstantopoulou, « Grèce : La lutte contre la dette odieuse et illégitime »

Alexis Tsipras, Éric Tousaint et Zoe Konstantopoulou au Parlement grec pour le lancement de la commission pour la vérité sur la dette grecque

Conclusion

Une orientation très différente de celle adoptée par Varoufakis et Tsipras aurait dû être mise en pratique
Varoufakis présente de manière déformée les débats qui ont eu lieu au niveau des autorités publiques de la Grèce et de Syriza en février 2015. Il cantonne les débats sur les options à prendre à ce qui se passait dans le petit cercle dont s’était entouré Tsipras et auquel il participait. Il présente de manière caricaturale l’opposition aux choix qui ont été faits par ce petit cercle en parlant d’ « une poignée de députés Syriza (qui) continuaient de rouspéter » alors que l’opposition à l’intérieur du groupe parlementaire Syriza et au sein du gouvernement représentait environ un tiers. Celle qui s’est exprimée dans le comité central de Syriza atteignait 41 %. De plus, comme Tsipras et lui présentaient les concessions qu’ils faisaient de manière biaisée, une partie des députés et des ministres, bien qu’ayant des doutes, soutenait l’orientation suivie sans enthousiasme et avec l’espoir que Tsipras, qui bénéficiait totalement de leur confiance, conduirait le gouvernement et la négociation à bon port.

Je soutiens, avec d’autres, alors comme aujourd’hui, qu’une orientation très différente de celle adoptée par Varoufakis et le petit cercle autour de Tsipras aurait dû être mise en pratique. Pour appliquer le programme de Thessalonique, le gouvernement Tsipras aurait dû prendre les initiatives et les mesures suivantes :

Il fallait lancer l’audit avec participation citoyenne et suspendre le paiement de la dette à commencer par celle à l’égard du FMI

  • rendre publiques les 5 ou les 10 priorités du gouvernement dans la négociation, notamment en matière de dettes en dénonçant très clairement le caractère illégitime de la dette réclamée par la Troïka ;
  • établir les contacts avec les mouvements sociaux, pousser en tant que gouvernement ou en tant que Syriza à la création de comités de solidarité dans un maximum de pays, parallèlement à la négociation avec les créanciers, en vue de développer un vaste mouvement de solidarité ;
  • refuser la diplomatie secrète ;
  • développer des canaux internationaux de communication pour franchir la barrière des médias dominants ;
  • utiliser la disposition du règlement européen 472 portant sur l’audit de la dette [21], lancer l’audit avec participation citoyenne et suspendre le paiement de la dette à commencer par celle à l’égard du FMI. Rappelons que Tsipras dans sa présentation du programme de Thessalonique avait déclaré : « Nous demandons le recours immédiat au verdict populaire et un mandat de négociation qui vise à l’effacement de la plus grande partie de la dette nominale pour assurer sa viabilité. Ce qui a été fait pour l’Allemagne en 1953 [22] doit se faire pour la Grèce en 2014. Nous revendiquons :
  • Une “clause de croissance” pour le remboursement de la dette.
  • Un moratoire – suspension des paiements – afin de préserver la croissance.
    • L’indépendance des programmes d’investissements publics vis-à-vis des limitations qu’impose le pacte de stabilité et de croissance » [23] ;
  • mettre fin au mémorandum conformément à l’engagement pris auprès du peuple grec lors de l’élection du 25 janvier. Pour rappel, Tsipras avait déclaré « Nous nous engageons, face au peuple grec, à remplacer dès les premiers jours du nouveau gouvernement – et indépendamment des résultats attendus de notre négociation – le mémorandum par un Plan national de reconstruction » [24] ;
  • établir un contrôle sur les mouvements de capitaux ;
  • adopter une loi sur les banques pour assurer le contrôle des pouvoir publics sur celles-ci. Tsipras avait annoncé le 13 septembre 2014 à Thessalonique : « Avec Syriza au gouvernement, le secteur public reprend le contrôle du Fonds hellénique de stabilité financière (FHSF – en anglais HFSF) et exerce tous ses droits sur les banques recapitalisées » [25] ;
  • adopter une loi annulant les dettes privées à l’égard de l’Etat, par exemple celles en dessous de 3000 euros. Cette mesure aurait d’un seul coup amélioré la situation de 3,3 millions de contribuables (dont 357.000 PME) qui devaient moins de 3 000€ (pénalités comprises) [26] ;
  • réduire de manière radicale la TVA sur les biens et services de première nécessité ;
  • revenir sur la réduction des retraites et du salaire minimum légal ;
  • mettre en œuvre le plan d’urgence contre la crise humanitaire prévu dans le programme de Thessalonique ;
  • mettre en place un système de paiement parallèle/complémentaire ;
  • remplacer Stournaras à la tête de la banque centrale par une personne compétente et de confiance ;
  • se préparer aux nouvelles représailles des autorités européennes et donc à une possible sortie de la zone euro.

Remerciements : Je remercie pour leur relecture attentive Alexis Cukier, Marie-Laure Coulmin-Koutsaftis, Nathan Legrand, Stathis Kouvelakis, Brigitte Ponet et Patrick Saurin. L’auteur est entièrement responsable des éventuelles erreurs contenues dans ce travail.

La signification de l’accord du 20 février et l’action de Varoufakis a fait l’objet d’un échange en 2016 sur le blog de Médiapart entre Yanis Varoufakis, Alexis Cukier et Patrick Saurin :

 

Notes

[1] Les trois premiers paragraphes de cette partie sont tirés de l’introduction de l’article précédent

[2] Y. Varoufakis, Conversations entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe, Les Liens Qui Libèrent, Paris, 2017, chapitre 10, p. 282

[5] Voir également Zero Hedge, “The Reason Why The Eurogroup Rushed To Approve The Greek Reform Package ?”, publié le 24 février 2015

[6] Nadia Valavani, membre de la gauche de Syziza, était vice ministre de Varoufakis et s’opposait aux concessions faites à la troïka à propos des dettes fiscales des contribuables à l’égard de l’État. Elle ne souhaitait pas modifier dans un sens restrictif son projet de loi pour le règlement des arriérés de taxes à l’égard de l’État, en supprimant notamment les mesures d’effacement d’une partie des dettes initialement prévues.

[7] Dora Antoniou, « L’accord provoque des remous dans Syriza« , 25 février 2015 http://www.kathimerini.gr/804911/article/epikairothta/politikh/h-symfwnia-prokalei-kradasmoys-ston-syriza Concernant les critiques de Nadia Valavani et le durcissement du projet sur le règlement des arriérés de dettes, voir »« Κούρεμα » στη ρύθμιση των 100 δόσεων » (« Haircut au projet de loi sur les 100 mensualités »), 25 février 2015, http://www.kathimerini.gr/804896/article/oikonomia/ellhnikh-oikonomia/koyrema-sth-ry8mish-twn-100-dosewn

[8] Pour rappel Varoufakis affirme dans son livre qu’il avait obtenu l’accord du cabinet de guerre pour signaler trois choses à la Troïka : à toute tentative d’épuisement via un resserrement de liquidités le gouvernement répondrait par un refus d’honorer les remboursements dus au FMI ; à toute velléité de renfermer le gouvernement dans le mémorandum et lui refuser une restructuration de la dette, celui-ci répondrait par l’arrêt des négociations ; à toute menace de fermeture des banques et de contrôles des capitaux, le gouvernement répondrait par la décote unilatérale des titres grecs détenus par la BCE depuis 2010-2012 et par la mise en place d’un système de paiement parallèle. Le problème c’est que jamais cette menace n’a été communiquée à la Troïka. Elle n’a jamais non plus été rendue publique. Varoufakis le reconnaît. Quant à sa mise en pratique, comme on le verra par la suite, Tsipras et la majorité du cabinet s’y sont clairement opposés et Varoufakis a accepté cela jusqu’à la capitulation finale de juillet 2015. Tout s’est passé en comité très restreint et le reste du gouvernement n’a jamais été informé, ni la direction de Syriza. La population grecque a été totalement maintenue à l’écart.

[9] Cette histoire d’une « poignée de députés qui rouspète » est la version officielle que certains médias (To Vima notamment, mais pas Kathimerini) avaient repris. Tous avaient noté toutefois que la réunion s’était déroulée dans une « ambiance dramatique ».

[10] Un vote indicatif à main levée avait eu lieu vers la fin de la réunion, à une heure très avancée. A ce moment environ 120 députés étaient dans la salle et environ quarante ont voté « contre » ou voté « blanc », ce qui en Grèce est très proche d’un vote « contre ». Les six ministres en question ont voté « blanc ».
Voir le résumé de cette réunion publié le 26 février 2015 sur le site grec de presse alternative « ThePressProject » dans un article rédigé par Vasiliki Siouti : « Il semble que le gouvernement Syriza a du mal à obtenir du soutien pour l’accord signé entre Varoufakis et l’Eurogroupe. Lors d’une réunion du groupe parlementaire de Syriza qui a duré douze heures, le mercredi 25 février, les parlementaires ont critiqué l’accord signé entre le gouvernement grec et l’Eurogroupe. La réunion s’est terminée sur un vote consultatif quant à l’approbation ou non de l’accord. Panagiotis Lafazanis, dirigeant de la Plateforme de gauche et ministre de la reconstruction productive, de l’environnement et de l’énergie, a demandé le décompte des votes, mais cette demande a été rejetée. Quoi qu’il en soit, alors qu’environ trente parlementaires avaient quitté la salle au moment du vote, un tiers des députés présents a rejeté l’accord soit par un vote contre, soit par un vote blanc. Tous les députés de la Plateforme de gauche, ainsi que plusieurs autres – Zoe Konstantopoulou, présidente du parlement, Nina Kasimati, et d’autres – ont voté contre ou blanc. Les ministres Panagiotis Lafazanis, Nikos Chountis, Dimitris Stratoulis, Costas Isichos, Nadia Valavani et Thodoris Dritsas ont voté blanc. Parmi les parlementaires qui ont voté blanc, plusieurs ont exprimé leur désapprobation à l’égard des manœuvres de Varoufakis. Pour se forger une opinion, les parlementaires se sont principalement basés sur les informations transmises par Varoufakis et le premier ministre Tsipras, n’ayant pas été informés exhaustivement de ce qui avait été convenu à l’Eurogroupe. » La traduction en anglais de cet article qui vaut la peine d’être lu intégralement a été publiée le 28 février 2015 sur le site http://www.newleftproject.org/index.php/site/article_comments/syriza_mps_revolt_against_the_agreement

[11] Les détails concernant le deuxième casus belli avec Chouliarakis sont exposés par Varoufakis au chapitre 10, p. 294-295. Selon Varoufakis, Tsipras lui a déclaré à propos de Chouliarakis : « Vire-le illico ! » (p. 296).

[12] Pour un bilan du travail du CADTM envers la Grèce, voir Eric Toussaint, L’action du CADTM en solidarité avec le peuple grec (2009 – 2016)

[13] En mai 2006 a eu lieu à Athènes la dernière grande réunion européenne du Forum Social européen. Des dizaines de milliers de militants et militantes venus de toute l’Europe y ont participé. Le FSE a ensuite décliné fortement pour des raisons tout à fait étrangères à ce qui se passait en Grèce.

[14] Voir Eric Toussaint, Une alternative pour la Grèce

[15] J’ai expliqué la génèse de l’audit citoyen en Grèce dans la partie 3. Dans cette partie, j’ai également expliqué comment cette initiative qui avait démarré en 2011 a influencé très fortement le programme de Syriza de 2012 notamment grâce à l’écho que la revendication de l’audit combinée avec la suspension de paiement de la dette et l’exigence d’une annulation de la majeure partie de la dette avait rencontré dans la population grecque lors du mouvement d’occupation des places de juin – juillet 2011.

[17] Voir l’article : Eric Toussaint, « L’annulation de la dette allemande en 1953 versus le traitement réservé au Tiers Monde et à la Grèce », publié le 11 août 2014

[18] En 2014, lors de la désignation du nouveau président de la Commission européenne, le groupe parlementaire de la gauche unitaire avait présenté la candidature d’Alexis Tsipras contre celle de Jean-Claude Juncker (soutenu par le Parti Populaire européen et le groupe socialiste européen) et celle d’un candidat libéral.

[19] Voir Bas les pattes devant la Grèce qui lutte et résiste ! publié le 31 décembre 2014.

[20] Συνάντηση Κωνσταντοπούλου με ειδικό περί της διαγραφής χρεών κρατώνΠολιτική | ΓενικάΜε τον Eric Toussaint συναντήθηκε η πρόεδρος της βουλής. Ο κ. Toussaint έχει μακρά εμπειρία σε ζητήματα επονείδιστου και παράνομου χρέους.
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[21] L’article 7 du règlement adopté en mai 2013 par l’Union européenne, qui prévoit qu’« un Etat membre faisant l’objet d’un programme d’ajustement macroéconomique réalise un audit complet de ses finances publiques afin, notamment, d’évaluer les raisons qui ont entraîné l’accumulation de niveaux d’endettement excessifs ainsi que de déceler toute éventuelle irrégularité » ? (Règlement UE 472/2013 du 21 mai 2013 « relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro »). Voir : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2013.140.01.0001.01.FRA

[22] Lors de la Conférence de Londres, le 27 février 1953, la République fédérale allemande obtenait, avec le consentement de vingt et un de ses créanciers (dont les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, la Suisse, la Belgique, la Grèce, etc.), une réduction de sa dette de 62,6 %. Voir : Eric Toussaint, « L’annulation de la dette allemande en 1953 versus le traitement réservé au Tiers Monde et à la Grèce ».

[23] Extraits du programme de Thessalonique, présenté par Alexis Tsipras en septembre 2014 (13 septembre 2014)

[24] Extraits du programme de Thessalonique, présenté par Alexis Tsipras en septembre 2014 (13 septembre 2014)

[25] op. cit.

Eric Toussaint docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France. Il est l’auteur des livres Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège. Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015. Suite à sa dissolution annoncée le 12 novembre 2015 par le nouveau président du parlement grec, l’ex-Commission poursuit ses travaux et s’est dotée d’un statut légal d’association sans but lucratif.

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Commentaire recommandé

lecrabe // 18.03.2018 à 09h37

Décidément, vous nous resservez les mêmes pseudo-arguments qui confinent à l’insulte à chaque fois qu’on parle de la Grèce.
Je me permets donc de vous répéter à nouveau que vos comparaisons sont plutôt ridicules et chauvines. Que les manif-promenades du CPE n’ont pas grand chose à voir avec les grèves générales, les plus de 20.000 manifestations grecques depuis le début de la crise, les manifestations devant même le parlement et la violence des affrontements entre la police et les manifestant.
Je ne sais pas si vous avez trouvé vos chiffres auprès des préfectures ou des syndicats grecs, mais je sais une chose, c’est que les Grecs ont autrement morflé des mesures d’austérités et de la répression pour les faire passer que ce qu’on vit ici depuis l’avènement de l’ère des vendus.
Quant à savoir ce que le peuple Grec voulait, je n’aurais pas votre prétention, on peut seulement constater que quand on lui a posé une question claire, il y a répondu clairement.
En France, Macron achève entre autre la destruction des droits des travailleurs, de la santé, de l’éducation et des services publics, vous avez sûrement mieux à faire que d’insulter le peuple grec. La paille… la poutre….

35 réactions et commentaires

  • Duracuir // 18.03.2018 à 08h13

    Et oui, Blair a tué la social-démocratie.
    Tsipras a tué la gauche.

      +10

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    • philippe dumont // 19.03.2018 à 01h09

      Il faut arrêter avec le paradigme gauche-droite qui ne sert qu’à diviser pour pouvoir mieux régner.

      Sutton – » Le chaos, la confusion et finalement une bataille entre l’individu et l’état. L’individu est le plus fort; et l’emportera. L’état est une fiction sanctifiée par Hegel et ses fidèles pour CONTROLER l’individu.

      Tôt ou tard les gens s’éveilleront. Nous devons en premier lieu désamorcer le piège du droite / gauche, c’est un piège Hégélien conçu pour diviser et contrôler. La bataille n’est pas entre gauche et droite; Elle est entre Eux et Nous… »

        +4

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  • Fritz // 18.03.2018 à 08h20

    J’espère que Mélenchon lit attentivement les textes d’Éric Toussaint…

    Moratoire sur la dette, saisie de la banque centrale, contrôle des mouvements de capitaux, refus de la diplomatie secrète, contournement des médias dominants, préparation pratique du Grexit : telles étaient les conditions nécessaires pour appliquer le programme de Thessalonique.

    Au lieu de cela, Tsipras avait commencé à flancher avant même la victoire de Syriza aux élections. J’avais bien saisi la première capitulation à partir du 20 février 2015, et le site trotskiste wsws.org n’avait pas manqué de la souligner. Malgré ce signal inquiétant, Jacques Sapir continuait à espérer en une préparation du Grexit.

    Au milieu de ses demi-vérités et de ses mensonges, Varoufakis lâche quelques aveux : « Le lundi soir, le texte serait envoyé à Christine Lagarde, Mario Draghi et Pierre Moscovici […]. Ils seraient trois à évaluer les mesures avant de donner leur feu vert ou leur veto, sans que les ministres aient leur mot à dire » (p. 283).

    Cette soumission en règle, dans le pays qui a inventé la démocratie ! Alors que Tsipras avait promis de rendre sa souveraineté au peuple grec !

      +25

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    • Duracuir // 18.03.2018 à 08h49

      Faux, justement, il n’a jamais promis de rendre une souveraineté et pour cause. Le peuple Grec lui même n’en voulait pas. Il voulait juste que l’UE soit moins « méchant  » avec le peuple Grec.
      A aucun moment les Grecs n’ont exigé la sortie de l’euro et de l’UE, seul moyen d’en finir avec ce régime d’occupation.
      De toute manière, au mieux(ou au pire) le Grecs n’ont été, dans tout le pays que 500 000 à manifester. Eu égard à la population, ça représenterait 3000 000 de Français. On a eu plus pour le CPE. J’imagine qu’on aurait largement plus si on était dans le cas de la Grèce.
      Sinon, on peut crever.
      En tout cas, les Grecs n’ont jamais étés très clair dans leur résolution. Tsipras fut à leur image.

        +9

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      • Fritz // 18.03.2018 à 09h12

        Le peuple grec appréciera votre jugement. N’empêche qu’ils ont voté NON à plus de 61 % le 5 juillet 2015, ce qui veut dire qu’ils acceptaient le « risque » d’un Grexit.
        http://www.france24.com/fr/20150705-live-en-direct-referendum-grece-dette-creanciers-reforme-vote-austerite-tsipras-syriza

        Quant à Tsipras, il a bien promis de rendre son indépendance à la Grèce (à 1’45 de cette vidéo de propagande) : https://www.youtube.com/watch?v=-u7vDXcwHSc

          +22

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        • Seth // 19.03.2018 à 13h16

          « On » est allé partout disant que les Grecs voulaient à tout prix rester dans l’Europe et c’est bien cette affirmation sujette à caution avec le recul qui a permis aux Allemands et à Schaüble de tenir pour normal de passer outre une décision populaire qui irait dans un autre sens.

          C’était bien ainsi d’ailleurs que l’on avait procédé en France en 2008 mais il n’y a avait pas alors de crise politique. C’est Paris en l’occurrence qui avait donné l’exemple.

          C’est pourquoi il devient difficile maintenant de voir comment on pourrait régler le problème européenne sans la chute de l’Europe.

          Il faut remercier l’auteur de ces CR de nous raffaîchir la mémaoire car il y a un jeu curieux de Varoufakis qui arrive à paraître blanc comme neige et à bien se faire voir d’une Gauche qui est volontiers aveugle et adore souvent de curieuses idoles….

            +3

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      • TC // 18.03.2018 à 09h36

        A la décharge du peuple Grec, il faut dire aussi qu’on ne leur a jamais posé la bonne question : voulez-vous oui ou non, rester dans l’Eu? Les europeistes avaient justement bien trop peur de la réponse.

          +15

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        • Dominique // 18.03.2018 à 11h54

          Cette question ne sera jamais posée au Français, La Pimprenelle l’a promis.
          Au début de l’article on peut lire « un gouvernement de gauche radicale a été élu en Europe. »
          Cela ma semble trompeur. Je ne vois pas comment on peut être radicalement de gauche et vouloir rester dans l’UE, placée dans son propre traité constitutionnel sous le néolibéralisme et les multinationales. Je ne connais pas de pays dont la constitution va aussi loin.

            +15

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      • lecrabe // 18.03.2018 à 09h37

        Décidément, vous nous resservez les mêmes pseudo-arguments qui confinent à l’insulte à chaque fois qu’on parle de la Grèce.
        Je me permets donc de vous répéter à nouveau que vos comparaisons sont plutôt ridicules et chauvines. Que les manif-promenades du CPE n’ont pas grand chose à voir avec les grèves générales, les plus de 20.000 manifestations grecques depuis le début de la crise, les manifestations devant même le parlement et la violence des affrontements entre la police et les manifestant.
        Je ne sais pas si vous avez trouvé vos chiffres auprès des préfectures ou des syndicats grecs, mais je sais une chose, c’est que les Grecs ont autrement morflé des mesures d’austérités et de la répression pour les faire passer que ce qu’on vit ici depuis l’avènement de l’ère des vendus.
        Quant à savoir ce que le peuple Grec voulait, je n’aurais pas votre prétention, on peut seulement constater que quand on lui a posé une question claire, il y a répondu clairement.
        En France, Macron achève entre autre la destruction des droits des travailleurs, de la santé, de l’éducation et des services publics, vous avez sûrement mieux à faire que d’insulter le peuple grec. La paille… la poutre….

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        • Duracuir // 18.03.2018 à 20h29

          Désolé monsieur, mais tandis que la seule « question claire » qu’on posait aux Grecs était  » voulez vous ou pas le plan de l’UE? », les membres de Syriza se relayaient dans tous les médias européen, et accessoirement Français pour bien insister sur le fait qu’il n’était pas question de sortir de l’UE. Je me rappelle d’un Guetta jubilant sur FI qui a posé plus de trois fois de suite la question à une représentante de Syriza qui, à chaque fois, insistait bien sur le fait qu’il n’était pas question de sortir de l’euro et encore moins de l’UE.
          Et Tsipras n’avait aucun mandat en ce sens.
          A-t-on vu des manifs monstres pour sortir de l’UE ou au moins de l’euro? Pas du tout.
          A partir du moment où ils ne sortaient pas de l’euro et ou de l’UE, je ne vois pas bien comment ils pouvaient restructurer leur dette et refuser le diktat germano-français.
          Il n’y a pas d’insulte, simple constatation.
          Quant à votre accusation en chauvinisme elle est simplement ridicule. Quand je parle du CPE c’est pour donner une comparaison chiffrée, vous seul y voyez une glorification de la combativité française. 🙂 Par ailleurs, je pense que les Français ne feraient pas mieux que les Grecs. Avoir élu Macron montre le niveau actuel de notre peuple.
          Je ne crois pas que se payer de mots fait avancer quoique ce soit.
          Vous considérez que les Grecs ont été exemplaires et héroïques dans leur lutte? libre à vous.

            +5

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        • Alexis // 18.03.2018 à 22h57

          Il y a eu plus de manifestants il y a un mois sur la question du nom de l’ARYM qu’il y en a jamais eu pendant 8 ans de constantes humiliations.

          Et oui, le peuple grec a voté NON le moment venu, mais n’a eu aucun souci de conforter le retournement de veste de leur leader deux mois plus tard en lui re-accordant une majorité absolue – combien de dirigeants européens ont été réélus ces dernières années…?

          Les grecs ne sont pas plus héroïques ou révolutionnaires que vous les voudriez – c’est même plutôt le contraire. Et je vois pas pourquoi ils le seraient.

            +2

          Alerter
    • Ben // 18.03.2018 à 12h40

      Mélenchon: « Monsieur Attali, vous savez comme moi, qu’il ne peut pas ne pas y avoir de zone euro… »

      Débat télévisé entre Mélenchon et Attali. Vidéo. Citation à 8.06.

      https://www.youtube.com/watch?v=J0D0Dx9XzZA

        +5

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  • gelmad // 18.03.2018 à 09h25

    le seul pays qui a gere la crise de 2008 dans l’interet de sa population c’est l’Islande.
    Malheureusement, hormis sur ce site, peu de publicite a ete faite, et pour cause !

      +30

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  • Emmanuel // 18.03.2018 à 09h53

    Merci Monsieur Toussaint pour ce témoignage (et pour votre engagement). Une très belle leçon de politique ! Au fil de l’histoire, on perçoit très bien où se situe le pouvoir, à savoir la « Troïka », et merci, au passage, d’avoir nominalement désigné leurs tenants, leurs responsables : Moscovici (sic !), Lagarde (sic!), et Draghi. En fait, cette histoire illustre très bien le transfert de souveraineté à des organes hors contrôle démocratique – s’en suit l’histoire du pot de terre contre le pot de fer. Et le « pot de fer » ne rend des comptes à personne. Inversion des normes : là où les parlements étaient l’instance de contrôle des gouvernements, eux-même aux rênes des institutions (financières, etc…), aujourd’hui c’est l’inverse : ne pas s’étonner de la désillusion et de la confusion politique actuelle…Comme je l’ai (malheureusement) entendu dire par Moscovici sur une radio française (dans un élan de sincérité), l’UE définit la politique et à charge pour les gouvernements de la mettre en oeuvre….cqfd pour la France.

      +23

    Alerter
    • Emmanuel // 18.03.2018 à 10h14

      Je rajouterais un mot (d’espoir ? sic) : l’expérience grecque a le mérite de mettre à jour le vrai visage de ce nouveau régime politique, incarné par l’UE : « dictature : régime politique dans lequel une personne ou un groupe de personnes exercent tous les pouvoirs de façon absolue  » ; « de sorte que les lois ne sont pas éthiquement légitimes et les institutions factices » (wikipédia). En découle une question logique : comment sort-on d’une dictature ?

        +30

      Alerter
    • Guasilas // 18.03.2018 à 10h42

      On pourrait aussi dire que le parlement grec a abandonne le pouvoir.
      Apres tout, en rejoignant l’euro, les politiciens grecs ont eu tout a coup la l’occasion miraculeuse d’emprunter a 3% au lieu de 15%. Ils avaient donc le choix de reduire leur dette ou de s’en mettre plein les poches et depenser comme des marins en bordee en achetant leur clientele electorale.
      Devinez ce qu’ils ont choisi.
      Ca a duré un temps et ca a cessé pour cause de crises.
      Le pouvoir est donc passé du pays depensier aux representants des créanciers.

      Accessoirement, la France ne fait pas autrement, mais comme elle est plus grande et plus riche, c’est plus lent et ca se voit moins.
      Accessoirement aussi, l’ idee que la solution puisse passer par des nationalisations, c’est a dire donner encore plus de pouvoir sur l’economique a ceux qui ont foutu le pays en l’air en premier lieu laisse reveur.

        +4

      Alerter
  • Philvar // 18.03.2018 à 09h55

    Il y a un fossé d’une largeur et profondeur considérable entre les idéaux de la Gauche et les hommes qui s’en disent les porteurs. Cela est dû au mode de désignation de ses responsables qui privilégie les magouilleurs, les inconsistants, bref les pleutres. Les idéaux de gauche, irréalistes toujours, faux- semblant la plupart du temps, sont en fait les refuges de ceux qui ne comprennent pas ou n’acceptent pas la réalité, tout en plongeant dedans dès l’accès à la gamelle ! La seule solution réaliste consisterait à mettre régulièrement « hors la loi » les dirigeants de gauche tout en laissant ses structures pour accueillir mécontents et les faibles. Écrémer quoi !

      +4

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    • Barbe // 18.03.2018 à 13h28

      ca c’est du raisonnement ! Qui nous connecte à la réalité, qui rappelle à l’ordre de la réalité :
      d’abord poser une différence
      celle entre idéaux et hommes

      on croit donc que les idées sont sauves, si les hommes ne sont pas à leur hauteur…
      mais non
      elles aussi sont fautives…
      magnifique raisonnement
      qui nous délivre de la contradiction.

        +0

      Alerter
  • Emmanuel // 18.03.2018 à 10h32

    Bof…! La gauche serait « irréaliste », et constituée de « gens qui n’acceptent pas la réalité » (donc la droite serait « réaliste »). Vous avez raison (sic), donc barre à droite toute ! Mais ça tombe bien, les « institutions » qui nous gouvernent, nous ont protégé d’un tel risque, et pour éviter un « mode de désignation de ses responsables qui privilégie les magouilles, les incompétents, bref, les pleutres », elles ont oblitéré la démocratie… bref, à vous entendre, vive la dictature et de droite ! (ça tombe bien, certains en rêve, souvenez-vous Pinochet (et ses acolytes), par exemple….). (mais votre « raisonnement » malheureusement, fait mouche dans une partie de l’opinion….l’histoire (tragique) l’a montré à plusieurs reprises).

      +8

    Alerter
  • Alfred // 18.03.2018 à 10h40

    Le fait de devoir chercher afin de savoir avec certitude qui vous parlez est vraiment quand même un peu lourd. Je sais bien que la modération est difficile et prends du temps mais le fait que certains se sentent obligés (sont obligés ?) de faire des circonvolutions pour exprimer des idées plutôt que de parler simplement est mauvais signe. C’est la seul chose qui rapproche les crises des médias traditionnels et ce n’est pas une qualité.

      +4

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    • Fritz // 18.03.2018 à 10h42

      Ah ! Ce Lino, quel phénomène !

        +3

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  • Ben // 18.03.2018 à 11h14

    Le véritable homme fort du gouvernement grec à toujours été Dragasakis, vice premier ministre corrompu resté dans l’ombre du pantin Tsipras. De même que le véritable interlocuteur de la Troïka à toujours été Chouliarakis, politicien « sans étiquette » lié à Dragasakis, et authentique patron de l’économie et des finances du gouvernement.
    Chouliarakis est également dans l’ombre, simple secrétaire d’État de Tsakalotos qui, comme Tsipras, n’est qu’un pantin sans réelle importance (comme l’était ce pauvre Varoufakis).

    Une espèce de Troïka interne à la Grèce est composée de ces trois hommes : Dragasakis, Chouliarakis, et Stournaras.

    Tsipras et Syriza ne sont aujourd’hui là que pour recevoir la haine et les crachats, après avoir malgré eux servi de leurre. La réalité du pouvoir est impitoyable. Un pouvoir de gauche devra également se montrer impitoyable s’il veut réellement s’imposer.

      +15

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  • Fred79 // 18.03.2018 à 14h47

    Mon rêve c’est, qu’il soit de droite, de gauche ou neutre, lorsqu’un parti dit populiste accède au pouvoir, qu’il applique la 3 et 4ème proposition soit:
    – refuser la diplomatie secrète avec l’U.E, le FMI ou tout autre organisme,
    – franchir la barrière des médias dominants en nationalisant s’il le faut temporairement les chaines principales de télévisions, de radios et mener des débats sans langue de bois et avec leurs adversaires pour expliquer au peuple ce qu’est l’U.E, ce qui lui coûtera d’en sortir, ce qui lui coutera d’y rester,
    – faire un référendum.
    On ressent bien que si on reste dans l’U.E, on va mourir à petit feu, mais on sent aussi que d’en sortir peut nous entrainer dans le gouffre pour de nombreuses années.
    Mais en démocratie, n’est-ce pas au peuple de choisir?
    La Grèce ne l’a pas fait, attendons de voir ce que va faire l’Italie.

      +6

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    • Leterrible // 18.03.2018 à 15h43

      @Fred79 (18/3 à 14h47)
      Un exemple concret..:
      https://www.youtube.com/watch?v=iCf0zRhQhGM

        +2

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    • Chris // 18.03.2018 à 15h49

      Les Français ont encore trop à perdre : c’est le plus gros bas de laine de l’UE !
      Ils en sont au stade de la grenouille baignant dans l’eau en train de chauffer. Quand le moment critique arrivera (bain devenant bouillon), auront-ils encore la force (résilience) de sauter hors de la casserole ?
      J’en doute si je considère les manoeuvres de « désensibilisation » auxquels ils sont soumis… Le système politique français déresponsabilise le citoyen, et leurs élus ont mis en place depuis bien longtemps toutes les arcanes pour esquiver les leurs : les contre-pouvoirs sont totalement neutralisés.
      Lire ou relire le bouquin de Gary Allen : None Dare Call it Conspiracy.
      On y est.

        +5

      Alerter
  • Wissenmeyer // 18.03.2018 à 15h06

    Franchement je n’aurais pas etre aimé etre à la place de Varoufakis . Imaginez vous obligé de négocier avec votre banque Votre femme ne veut presque rien payer , votre banque propose de payer beaucoup et vous essayez de trouver un chemin moyen acceptable par tous .Tout à coup vous apprenez que votre fils dit à votre banque , pas de blème ca va le faire . Moi j’aurais divorcé , renié mon fils , pris un aller simple pour la Martinique et vécu du RSA sur la plage .

      +1

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  • Chris // 18.03.2018 à 15h28

    A comparer avec la “Stratégie du choc” de Naomi Klein :
    https://www.youtube.com/watch?v=Mm8PZFz9T-E
    Avez-vous vu des Européens manifester en faveur du peuple grec ? Non !
    Ce qui se passe en Grèce est le pendant de la razzia des comptes bancaires à Chypre en 2013, d’où sortit la BRDD (Bank Recovery ans Resolution Directive) appliquée en France au 1er janvier 2016 sous la dénomination Loi Sapin II.
    Le pouvoir oligarchique teste en Grèce notre prochaine destruction pour avancer masqué (because démocratie, DDH, LGTB, toussi, toussa). Macron s’y active.
    Les peuples européens sont en grand danger.

      +6

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  • WASTERLAIN Serge // 18.03.2018 à 16h59

    Ce qui est effrayant, c’est que la BCE peut couper à tout moment les liquidités d’un pays de la zone euro (plus d’argent dans les banques et les distributeurs de billets) et mettre ainsi son économie et sa population à genoux ! Comment est-il possible que nos politiciens aient pu nous mettre ainsi à la merci de cet organisme et de ses dirigeants ‘indépendants du pouvoir politique’ excepté lorsqu’il s’agit de remettre au pas un gouvernement de gauche qui pourrait contaminer la politique des autres pays de l’UE ? Et pourtant, il paraît que les pays de l’UE sont des démocraties qui exportent leur modèle, de force si nécessaire, dans les pays qui ne veulent pas se soumettre à leur économie dominante !

      +8

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    • Leterrible // 18.03.2018 à 20h13

      Et dans le cas (sans doute, dans le futur, non isolé) de la GRECE , l’ennemi de l’intérieur , la Banque.Nat.de Grèce, a collaboré avec zèle et proactivité…tout en maintenant inchangées les conditions de travail et de rémunération de ses « collaborateurs » (correct qualificatif) jusqu’à ce jour..
      Tout un programme…

        +1

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  • Roiwik // 18.03.2018 à 18h20

    En Allemagne l’élection de Mutti pour un quatrième mandat , nous rappelle l’époque Brejnef
    en URSS avec les différents fédérations, en conséquence il faudra bien admettre que les autres pays européens seront dirigés par Mutti et que les responsables des autre pays européens seront que des pots de fleurs et n’auront rien à dire comme c’est déjà le cas , son ministre des finances surveille bien la gestion financières des pays européens déficitaires !

      +1

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  • Alexis // 18.03.2018 à 23h03

    Comme dans tous ces articles précédents, M. Toussaint passe plus de temps à se faire mousser et à exposer ses idées qu’a critiquer le livre de Varoufakis pour ce qu’il est : 6 mois d’un gouvernement de gauche, élu avec le mandant de renégocier un plan de sauvetage qui ne marche pas, avec une condition sine qua none : le maintien dans la zone euro.

    Le reste est, au mieux, hors sujet.

      +2

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  • BA // 19.03.2018 à 15h44

    Par référendum, les citoyens de la Nouvelle-Calédonie pourront voter pour ou contre leur indépendance le 4 novembre 2018.

    Et les citoyens français ?

    Les citoyens français seront-ils consultés sur leur indépendance ?

    En France, y aura-t-il un référendum pour ou contre la sortie de l’Union européenne ?

    Le peuple français sera-t-il consulté par la procédure de démocratie directe : le référendum ?

    A votre avis ?

    Le suspens est insoutenable.

    https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/0301454260720-la-nouvelle-caledonie-votera-sur-son-independance-le-4-novembre-2162310.php

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  • Le Rouméliote // 19.03.2018 à 16h58

    Varoufakis a au moins une excuse : les banksters de la BCE ont mis la bombe atomique sur la tête du peuple grec. Tout comme Laval en 1940 : la France était occupée par les verts-de-gris et avait 1,3 million de prisonniers en Allemagne. Micron n’a aucune excuse : c’est de son plein gré qu’il livre la France à ses ennemis !

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  • Brigitte // 20.03.2018 à 08h40

    Les gouvernements de gauche sont toujours décevants, comme ceux de droite d’ailleurs et pour les mêmes raisons. Trahison de leurs électorats, compromissions et impuissance.
    Fausses promesses ou promesses intenables, obligation de négocier avec l’ennemi.
    C’est encore pire quand le pays va mal.
    Toussaint lui-même, s’il était élu, décevrait et finirait par écrire son auto-critique.
    Pourquoi? car c’est l’économie capitaliste qui dirige un pays, c’est elle qui forme les élites, quelqu’en soit la couleur politique. L’élection est une scénographie et après, le vainqueur est prié de laisser son costume de scène au vestiaire.
    Le radicalisme politique c’est fort sur le papier ou à la tribune mais une fois confronté au pouvoir des banques, des marchés et des empires, ça ressemble à un poisson rouge dans une fosse à requins.
    Est-ce dire qu’aucune rupture n’est possible en démocratie?
    Si sans doute mais encore faudrait-il être en démocratie et quand bien même, je ne suis pas sure que le peuple aurait une vision éclairée du bien commun. Chacun voit midi à sa porte….

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    • Brigitte // 20.03.2018 à 10h17

      L’occasion ratée du Grexit, la difficulté du Brexit pourtant hors zone euro, laissent peu d’espoir pour un Frexit. Il faudrait une croissance à deux chiffres pour que la majorité des français acceptent de laisser tomber l’UE.
      Que faire alors? Quelle est exactement la marge de manoeuvre d’une gouvernance nationale?
      Que peut-on faire contre l’obsolescence programmée de nos services publics, de notre industrie, de notre identité culturelle?

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