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11.novembre.202011.11.2020 // Les Crises

1914-1918 : Le Mythe des mains coupées par les troupes allemandes pendant la Première Guerre mondiale

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En 1914, lors de l’invasion de la Belgique et du territoire français, les exactions commises par les troupes allemandes alimentent une rumeur, qui devient un thème central de la propagande germanophobe.

Un motif, qui relève du mythe, a fini par symboliser ces atrocités : celui des mains coupées, forme extrême de la violence. Dès le début du mois d’août 1914, circule la rumeur que les soldats allemands coupent les mains aux femmes pour voler leur alliance. Très rapidement, la dénonciation ne se cantonne pas à cette image des femmes aux mains sectionnées. Ce sont les mains des enfants, voire des nourrissons que les Allemands amputent.

Les enfants aux mains coupées

Source : Est Républicain, Jérôme Estrada

«Qui de nous aurait l’abominable courage […] d’emmener en captivité 4.000 adolescents de 15 à 17 ans, comme ils viennent de le faire dans le Cambrésis, renouvelant ainsi les plus inhumaines pratiques de l’esclavage, et de couper le poing droit à ces combattants futurs, comme ils l’ont fait ailleurs, et enfin de renvoyer des prisonniers mutilés, comme ils l’ont fait récemment en Russie, où l’on a vu revenir des Cosaques les yeux crevés, sans nez et sans langue. » Article de l’académicien, Jean Richepin, publié dans Le Petit Journal (13 octobre 1914).

« J’ai vu hier, à Verdun, une pauvre femme venant d’un village envahi de la Meuse et qui portait dans ses bras deux jeunes enfants. Les deux pauvres petits avaient chacun le poignet droit coupé. Quelles brutes ». Témoignage d’un soldat rapporté par L’Est Républicain (novembre 1914).

Pour diaboliser l’ennemi et construire l’image d’une guerre de civilisation (lire notre édition du 2 mars 2014), quotidiens et magazines, encouragés par les autorités, n’hésitent pas à publier le récit des atrocités allemandes. Parmi celles les plus fréquemment représentées figurent les mains coupées des enfants. Il y a évidemment une logique à cela : la charge émotive est d’autant plus forte que les souffrances sont infligées à de pauvres petites victimes innocentes. En outre, graphiquement, ce type de violence est aisé à représenter.

Si certains des faits reprochés aux Allemands ont bien eu lieu, en revanche, ces cas de mains coupées relèvent de la pure imagination. Les historiens pensent que ce « mythe » tire son origine d’une polémique née à la fin du XIXe et concernant… le Congo belge. En effet, dans ce vaste territoire, propriété personnelle du roi Léopold, l’amputation de la main faisait partie des punitions infligées par les colonisateurs aux populations noires. En attribuant aux Allemands de tels forfaits, on les accusait implicitement d’introduire sur le sol européen des mœurs coloniales et on lavait la Belgique (qui venait de résister vaillamment à l’invasion allemande) de cette même accusation…

L’étonnant dans cette rumeur de guerre qui se propagera dans toute l’Europe, c’est que bien peu ont pris la peine de la contester ou de la vérifier. André Gide plus que sceptique est un des rares intellectuels à avoir enquêté. On suit pas à pas dans son journal d’août 1914 à décembre 1915, sa recherche de la vérité. Étrangement, les personnes qui affirment avoir vu des enfants amputés se dérobent et les photos promises (notamment par Cocteau) ne lui parviendront jamais.

Romain Rolland (Journal des années de guerre 1914-1919) lui n’a aucun doute : « Comment est-il possible qu’on laisse un Richepin écrire (de telles) sottises scélérates ! Est-ce que de telles paroles ne risquent pas d’amener, de notre part, des cruautés réelles ? Depuis le commencement de la guerre, chaque trait de barbarie a été amplifié cent fois ; et naturellement il en a fait naître d’autres. C’est une suite de représailles. Jusqu’où n’iront-elles pas ? La réponse tombera à la fin de la guerre : 19 millions de morts, 21 millions de blessés. Civils comme militaires.


La parole aux textes : le Journal de Gide, qui est sceptique, l’article de Jean Richepin qui court avec la rumeur, et la correspondance de Romain Rolland qui résiste à la rumeur :

André Gide : « Mme [Misia] Edwards [pianiste] affirmait que nombre de ces petits avaient les mains tranchées, qu’elle les avait vus. D’autres avaient les yeux crevés et d’autres des blessures abominables.
La chose n’a jamais pu être vérifiée. » (Journal, 26 août 1914).

Fig.-29

Carte postale illustrée signée F. Poulbot.

Jean Richepin : « Qui de nous aurait l’abominable courage […] d’emmener en captivité quatre mille adolescents de quinze à dix-sept ans, comme ils viennent de le faire dans le Cambrésis, renouvelant ainsi les plus inhumaines pratiques de l’esclavage, et de couper le poing droit à ces combattants futurs, comme ils l’ont fait ailleurs, et enfin de renvoyer des prisonniers mutilés, comme ils l’ont fait récemment en Russie, où l’on a vu revenir des Cosaques les yeux crevés, sans nez et sans langue. » (Le Petit Journal, 13 octobre 1914 ; article repris dans Proses de guerre (août 1914-juillet 1915), Paris : Flammarion, 1915)

L’article complet est édifiant :

Romain Rolland, lettre à André Gide, 26 octobre 1914 : « Comment est-il possible qu’on laisse un Richepin écrire, dans Le Petit Journal, que les Allemands ont coupé la main droite à 4 000 jeunes garçons de 15 à 17 ans, et autres sottises scélérates ! Est-ce que de telles paroles ne risquent pas d’amener, de notre part, des cruautés réelles ? Depuis le commencement de la guerre, chaque trait de barbarie a été amplifié cent fois ; et naturellement il en a fait naître d’autres. C’est une suite de représailles. Jusqu’où n’iront-elles pas ? » (Romain Rolland, Journal des années de guerre 1914-1919, Paris : Albin Michel, 1952, page 93).

« J’ai vu hier, à Verdun, une pauvre femme venant d’un village envahi de la Meuse et qui portait dans ses bras deux jeunes enfants. Les deux pauvres petits avaient chacun le poignet droit coupé. Quelles brutes ». Témoignage d’un soldat rapporté par L’Est Républicain (16 novembre 1914 ; cf http://www.estrepublicain.fr/actualite/2015/04/13/les-enfants-aux-mains-coupees).

André Gide : « Un Américain est venu ces jours derniers au Foyer franco-belge nous aviser qu’il mettrait à la disposition de notre œuvre une somme importante si nous parvenions à le mettre en rapport direct avec un enfant mutilé par les Allemands.
Richepin, dans un article indigné, parlait de quatre mille enfants auxquels on aurait coupé la main droite. […] Mme [Misia] Edwards cependant, à la fin du mois d’août (vérifier la date) m’avait parlé de l’arrivée, rue Vaneau [Paris, VIIe arrondissement], d’une procession d’enfants, tous garçons du même village, tous pareillement amputés.
Avant-hier je vais la trouver, lui disant de quelle importance serait pour nous une preuve certaine de ces monstruosités. Elle me dit alors qu’elle n’a pas vu ces enfants elle-même, qu’elle sait d’ailleurs qu’ils venaient du Cirque de Paris où on les avait préalablement envoyés. Elle m’invite à revenir déjeuner avec elle le lendemain (hier), me promettant, en attendant mieux, des photographies de ces mutilations.
Hier elle n’avait pu se procurer les photos […] Cocteau est venu après déjeuner sans les photos, qu’il m’a promises pour demain soir ; en attendant, il m’a mené à la maison de santé de la rue de la Chaise [VIIe arrondissement] où nous pourrions parler à une dame de la Croix-Rouge qui avait soigné ces enfants. La dame de la Croix-Rouge n’était pas arrivée et, attendu au Foyer [franco-belge], j’ai dû quitter Cocteau avant d’avoir réussi à rien savoir de plus.
D’autre part, [Henri] Ghéon me dit que deux jeunes amputés, l’un de quinze, l’autre de dix-sept ans, sont soignés en ce moment à Orsay. Il doit m’apporter des informations complémentaires. » (Journal, 15 novembre 1914).

« Aucune de ces informations n’a pu être prouvée. » : Journal, mention non datée en marge des lignes qui précèdent sur le cahier manuscrit.

« Il [Ghéon] revient encore sur les mains coupées des petits enfants, alors qu’en vain nous avons cherché de toutes parts à remonter jusqu’à un fait prouvé, alors que toutes les enquêtes que nous avons menées au Foyer en vue d’obtenir l’énorme prime promise par l’Amérique à qui apporterait confirmation de ces atrocités n’ont abouti qu’à des démentis. » (Journal, 27 décembre 1915).


Dessins d’élèves

En juin 1916, M. Testard, professeur de dessin à l’École alsacienne de Paris, demande à ses élèves d’illustrer la guerre.

Auteur : Charles Willms.

L’auteur est Jean Bruller, dit Vercors, l’auteur du Silence de la mer, publié clandestinement durant l’occupation. Jean Bruller a été élève de 1910 à 1921.

Auteur : Alain Zuber, élève de 1910 à 1920. Il est impossible de rattacher ce dessin à un récit particulier. Il fait sans doute référence aux exécutions de civils dans le Nord de la France et en Belgique en 1914. Les Allemands, craignant la constitution de corps francs comme en 1870, exécutèrent 6 400 civils en Belgique et en France. On peut cependant y voir une évocation de l’exécution de Edith Cavell, infirmière britannique exécutée par les Allemands le 12 octobre 1915 pour avoir fait évader des prisonniers de guerre.


La femme et le soldat, par José Cubero, 2012

1914 – « Enfin le cinquième soldat aurait rencontré une femme vivante mais violée, les deux avant-bras amputés. Ces témoignages, dont la fiabilité semble particulièrement douteuse sans que l’on puisse en établir leurs cheminements et leurs influences réciproques, entendent traduire la barbarie d’un ennemi qui humilie, viole et assassine. Ils disent aussi le désarroi de soldats dont la retraite ouvre la porte du territoire national et livre les populations, en particulier les femmes que l’on ne peut protéger, à la domination du conquérant. »

« La tyrannie du mythe est encore renforcée par la rumeur qui affirme que les religieuses du couvent d’Aarschot ont été « horriblement maltraitées ».

« Pourtant, un soldat interrogé par la Commission belge affirme que les Allemands ont « sequestré et violé » les religieuses. Et il poursuit : « Puis, ils leur ont coupé les seins et les ont brûlés. Plusieurs personnes nous ont raconté cela et la chose était connue de tout le monde à Aarschot. Notre lieutenant porte-drapeau a parlé aux religieuses ; il a raconté devant toute notre compagnie qu’il avait vu leurs seins coupés et brûlés. »

« A la fin du mois d’août, lors de la contre-offensive belge qui fait croire aux Allemands que des francs-tireurs les prennent pour cible à Louvain, des soldats prétendent avoir vu cette fois à Malines et à Hofstade des corps de femmes aux seins mutilés. »

« Mais le mythe qui l’emporte sur tous les autres est celui des mains coupées, glissant des femmes vers les enfants, emblématiques de la victime sans défense. (…) Ici, c’est une réfugiée qui, fuyant Mézières, dans les Ardennes, rencontre une petite fille « dont les mains étaient enveloppées de bandages » ; là, dans une colonne de réfugiés belges qui traversent Beugnies, dans le Nord, des témoins repèrent un jeune garçon qui porte un pansement. « Je me suis rendu parfaitement compte qu’il n’avait plus sa main » affirme une femme. Dans le Pas-de-Calais, les gendarmes sont censés avoir arrêté une demi-douzaine de soldats ennemis. En les fouillants, ils découvrent des mains coupées de bébés, l’un de ces « Prussiens » en cachant même deux ! A Charleroi, un garçon de douze ans aurait été amputé des deux mains afin, lui auraient dit les Allemands, « de l’empêcher de reprendre les armes contre eux dans le futur. »

« Or, les mutilations, qu’il s’agisse de seins ou de mains, sont absentes tant des comptes rendus des médecins que des rapports des Alliés. »

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Adolphe Willette, « C’est la guerre ! », Le Rire n°516, 21 décembre 1912, couverture.

Fin 1912, Adolphe Willette démontre une fois de plus son talent à longer les limites de l’acceptable, lui qui a été poursuivi à plusieurs reprises pour outrage aux bonnes mœurs. À ce moment proche de Jean Jaurès, le dessinateur livre en couverture du Rire une composition antimilitariste qui utilise l’outrance visuelle pour figurer le viol et le meurtre inhérents à la notion même de conflit. Afin d’atténuer l’horreur de la scène – l’homme pendu, la femme ligotée et écartelée –, il place son action dans l’ancien temps, dessine un marmouset jouant dans l’herbe alors qu’au premier plan, la tête du cheval vient cacher le sexe de la victime pantelante. L’intérêt de ce dessin est de montrer la propension d’un dessinateur à instrumentaliser la cruauté en l’exhibant, afin de faire passer un message, ici contre la guerre. Trois ans plus tard, le même Willette utilisera les mêmes artifices dans un but exactement contraire, à savoir vilipender les prétendues violences de l’armée ennemie pour exalter les vertus du soldat français.

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Charles Genty, « L’armée du Kronprinz : Et puis, c’est moins dangereux que de prendre des canons. », À la Baïonnette n°3, 22 juillet 1915, dos.

On retrouve ici certains des stéréotypes germanophobes évoqués dans le portfolio « Les stéréotypes satiriques pour rire de l’ennemi ». Pour autant, le traitement formel diverge : les Allemands sont dessinés d’un point de vue plus éloigné, ce qui minore la caricature faciale mais dynamise leur activité. Tels des fourmis, ils semblent s’affairer, sans faiblir, à vider l’intégralité de la maison en cours de pillage. Le porche grand ouvert évoque la violation de propriété dans sa dimension la plus triviale, le butin jonchant le sol à même la rue alors que les matelas et les meubles descendent par les fenêtres. L’impression de gaieté lumineuse qui émane de l’œuvre n’est pas innocente et ajoute à la fureur du lecteur qui la découvre, au dos de son périodique.

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Jean-Louis Forain, « En esclavage : Là-dessous… C’est la fille d’un notaire. », lithographie reproduite en feuille volante et en carte postale, 1915.

Pillard, l’Allemand exploite également la population civile qui ploie sous le joug de sa brutalité. Ainsi n’hésite-t-il pas, pour les satiristes, à mettre en esclavage les enfants, au besoin les petites filles cantonnées aux tâches serviles les plus pénibles. La mention à cette « fille de notaire », ployant sous le poids du foin, constitue un indice du lectorat de Jean-Louis Forain et de cette presse d’humour : il s’agit bien d’abord de la bourgeoisie parisienne, terrifiée à l’idée de voir balayée, par une potentielle invasion, toute hiérarchie sociale, en plus des libertés individuelles.

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Francisque Poulbot, « C’était là, notre maison… », L’Anti-Boche illustré n°35, 25 octobre 1915, couverture.

Nous avons ici une évocation supplémentaire de la dévastation des territoires ayant accueilli des combats, cette fois vue par l’œil de l’enfance. Certes, il y a le drame, mais surtout la confrontation explicite d’une jeunesse jetée au péril de la misère face à la stérilité nouvelle de la terre nourricière. Le trait de Poulbot exprime le drame d’un avenir devenu, sinon impossible, du moins amputé, mutilé… Le caractère esseulé de ces enfants errants suggère en effet la disparition des parents. Ce type de scène constitue l’indice d’un pessimisme montant, le conflit s’étant dorénavant installé dans la durée.

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Louis Raemekers, « Leur Kultur ! (Paisibles bourgeois, femmes et enfants assassinés par les bombes des taubes et des zeppelins à Nancy, à Paris, à Hazebrouck, à Varsovie.) », La Baïonnette n°32, 10 février 1916, p.89.

Louis Raemekers est le dessinateur de presse le plus célèbre de la Première Guerre mondiale, du moins dans le camp allié. Une bonne part de ses œuvres de 1915 a pour sujet l’invasion de la Belgique par les Allemands. On y retrouve la germanophobie ambiante, mais l’artiste néerlandais dépasse la haine nationaliste pour devenir le héraut universel des victimes civiles de la guerre moderne. Dans cette composition saisissante, l’homme se répand en imprécations envers le feu tombé du ciel, une jeune fille gisant, ensanglantée, sur un brancard (les « taubes » – les colombes – sont les premiers avions militaires allemands de série, mis en service en 1910, les zeppelins sont des ballons dirigeables). Le trait est terriblement réaliste, et s’inscrit dans la veine du dessin social qu’ont porté auparavant Delannoy, Grandjouan ou Steinlen. Ce motif est peut-être le premier à dénoncer l’horreur de cette nouvelle façon de porter la guerre, au-delà des lignes de front, sur les populations civiles : le bombardement.

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Clérice, « Les assassins : Attendez, attendez ! Il manque les enfants !… », L’Anti-Boche illustré n°5, 20 mars 1915, couverture.

Parmi les rumeurs qui circulent, en particulier à Paris, il y a les exécutions publiques. Celles-ci font partie de l’arsenal répressif traditionnel des armées désirant briser d’éventuels foyers de résistance sporadique. N’oublions pas qu’une part des violences commises effectivement par les troupes d’occupation allemandes provient de la crainte d’attentats de possibles francs-tireurs. Il faut donc insister sur le poids des peurs respectives dans la surenchère fantasmatique d’un camp à l’autre, ce qui pose le problème du lien éventuel entre violence symbolique et violence réelle. Cette image de Charles Clérice descend en ligne directe de l’iconographie de la guerre de 1870, en particulier de l’occupation alsacienne. Fait-elle référence aux épisodes sanglants d’Audun-Le-Roman, Nomeny, ou Rouvres en 1914 ? Si c’est le cas, les dessins sont produits à un an d’intervalle, ce qui caractérise la force d’imprégnation de ces tragédies auprès de l’opinion. La place considérable accordée à l’officier allemand au premier plan, corrélée avec la cruauté de la légende, atteste qu’il s’agit bien là d’une image de 1915 (par le processus de mise en cible déjà abordé). Outre les enfants censés être aussi victimes du peloton, on distingue sur la gauche un prêtre, un vieillard et une femme aux traits convulsés de peur… Soit le « cœur de cible » du public de l’arrière censé acheter la presse périodique, en plus des hommes demeurés à la vie civile.

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Théophile-Alexandre Steinlen, « Otages civils », lithographie, 1915.

Exploitées, bombardées, fusillées, les populations des zones occupées sont également censées être déportées. Cependant, cette image tranche avec les précédentes, au moins pour deux raisons : le traitement formel de Steinlen est ici beaucoup plus sobre par l’absence de légende et par le réalisme du trait. Les soldats allemands n’apparaissent que fugacement, car l’accent est mis sur la détresse des civils forcés de prendre la route. Nous retrouvons d’ailleurs dans le cortège les vieillards, les femmes (dont une enceinte) et les enfants. En outre, cette évocation fait pendant aux files de réfugiés arrivant à Paris ou en province, créant chez le public préservé un sentiment de répulsion qui devient bientôt familier. Ici, les sans-abris subissent en plus le joug ennemi. De réputation pacifiste, Steinlen ne tombera jamais dans l’outrance visuelle découlant du « bourrage de crânes ». Si son trait le singularise, ses œuvres participent néanmoins pleinement de l’émotion factice provoquée par les images dites « satiriques », parce que publiées dans des périodiques censés faire rire.

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Auteur non identifiable, « Bochiculture : Ordre de la Kommandantur “Toute résistance ou violence de la part des civils sera punie de mort.” Fusillez-moi cette femme. Elle m’a résisté avec violence !… », L’Anti-Boche illustré n°1, 20 février 1915, p. 5.

Compte tenu des codes de soutenabilité en matière visuelle, la représentation du viol relève de l’impossibilité en temps de paix. Suite aux bruits émanant des agences de presse à propos de la zone occupée par les Allemands, les satiristes de 1915 le comptent parmi leurs thèmes de prédilection. Pour autant, il n’est pas certain que cette petite vignette de L’Anti-Boche ait pu paraître en couverture du Rire rouge. Le traitement graphique dépend donc de la taille et de l’emplacement d’une image. Celle-ci présente une femme apeurée, à la fois par l’agression dont elle vient d’être victime et par la mort qui l’attend. Sa pause est explicite, entre la prostration au bas du lit défait et la supplication, le corps de son bébé gisant près d’elle. Au milieu de l’image, la poupée suggère l’intimité du lieu violé par la soldatesque, avant l’atteinte aux corps. L’officier répond aux codes satiriques habituels et la raideur réifiée des soldats pillards au garde-à-vous s’oppose au corps féminin, au trait délié. Le principal réside dans la légende : l’outrance de cette image n’est possible que parce que la victime a résisté aux assauts de son bourreau. C’est donc en tant qu’héroïne chaste et non flétrie qu’elle va subir son martyre.

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Alexandre Roubille, série « La Marseillaise ». Vue n°5 : « Ils viennent jusque dans nos bras égorger nos fils, nos compagnes », reproduit dans le recueil La Grande Guerre et les artistes, Paris, Berger-Levrault et Georges Cres, 1915, p. 18.

Ce dessin fait écho au précédent mais constitue une exception par son caractère cru. Tous les éléments traités esthétiquement par la naïveté dans l’image n°8 sont ici montrés avec un réalisme insoutenable. Inutile de décrire, donc. Mais la phrase en exergue est fondamentale : cet extrait de La Marseillaise, qui nous semble aujourd’hui anodin car tant de fois entendu, correspond pour les contemporains à ce type de cauchemar. Il faut donc comprendre que la relation du patriotisme à la violence relève d’une complexité qui dépasse amplement la simple notion de fanatisme idéologique. Une fois de plus, ces dessins laissent transparaître la peur du public qui s’en délecte néanmoins, mû sans doute par un vaste sentiment de sidération.

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Abel Faivre, « Ma maman… », lithographie, 1915.

Bien davantage que l’exhibition des horreurs censées avoir été perpétrées par l’ennemi, l’ellipse a le vent en poupe. Les dessinateurs rivalisent d’ingéniosité pour sous-entendre le pire, renouant alors avec une propension d’avant-guerre à déjouer les foudres des ligues de vertu ou de la 9ème chambre correctionnelle. Ce dessin d’Abel Faivre ne montre rien, mais n’en demeure pas moins abominable : au centre de l’image, le casque à pointe constitue une sorte de symbole phallique aux sinistres consonances qui font écho à la légende. Le sabre est également présent sur le fauteuil. La lumière est opaque et entend rendre le caractère intime de la chambre. Car le viol du lieu-sanctuaire qu’est la chambre maternelle induit l’atteinte au corps. Plus encore, le lecteur-spectateur (voyeur ?) contemple la petite fille qui ne veut pas regarder ce que lui ne voit pas. Dès lors, le pire alimente l’imagination, dans un processus des plus sordides. Les quelques meubles dérangés ou brisés font encore ressortir cette souillure désormais définitive de l’ancienne pureté attachée à l’endroit. On est amené à imaginer le reste avec plus de détails que le dessinateur n’en pourrait montrer, même sans aucune retenue.

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Francisque Poulbot, « Éducation : J’ai voulu l’embrasser, elle m’a mordu ! – Ces gosses françaises sont déjà barbares ! », Le Rire rouge n°22, 17 avril 1915 / Francisque Poulbot, « Leur bravoure ! N’aie pas peur, tue-la, j’la tiens. », L’Anti-Boche illustré n°18, 19 juin 1915, couverture.

Tout n’est pas représentable, même pour un dessinateur de presse en 1915. Ainsi le viol de l’enfance pose des obstacles de monstration qu’il s’agit de contourner en jouant sur les effets de contraste, les postures. En tant que dessinateur de l’enfance montmartroise en temps de paix, Poulbot campe des gosses dont l’innocence est familière au lecteur, ce qui tranche encore davantage avec l’aspect des brutes qui les étreignent. Ici, l’atteinte au corps est suggérée par l’angle cassé des corps enfantins qui se débattent et ploient sous la poigne de leurs bourreaux à casque à pointe. Le sourire de la gamine de droite (pense-t-elle à un jeu ?) forme pendant à la poupée gisant à gauche, la part de tendresse soulignant encore l’innommable qui vient. Mais c’est surtout la similitude des deux couvertures qui fait sens, lorsque l’on connaît la force de la réitération dans la diffusion des messages ou des images.

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Paul Ir-ibe, « Edith Cavell : Parfait : tu n’étais encore que déshonoré… », La Baïonnette n°41, 13 avril 1916, p. 236-237, double page intérieure.

Edith Cavell est une infirmière anglaise, ayant partagé ses activités de soins avec des missions de renseignement pour le MI6. Arrêtée, elle est interrogée puis condamnée à mort et exécutée le 11 octobre 1915. À l’instar des mains coupées ou du torpillage du paquebot Lusitania, le destin d’Edith Cavell donne lieu à un déferlement médiatique au sein duquel les images les plus poignantes constituent un paroxysme. Cette composition de Paul Ir-ibe allie la recherche graphique avec deux ambitions : d’abord montrer la « vraie » nature mortifère de Guillaume II derrière le manteau blanc dans lequel il se drape (il tient lui-même l’arme du coup de grâce à la main), mais aussi figurer le martyr de la « sainte ». Celle-ci gît, attachée à un poteau, du sang coulant largement de son front, l’apparente nudité du corps érotisant sordidement la scène. Il n’est pas certain que la pauvre Edith Cavell eût apprécié un tel « hommage »…

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Lubin de Beauvais, « Choses vues : Le chemin de la gloire. [dédié] Aux neutres », La Baïonnette n°9, 16 janvier 1915, p. 7. L’image est assortie de la mention suivante : « Ce dessin a été exécuté par notre collaborateur sur un croquis, d’après nature, qu’il a pris aux abords d’un village de la Marne, après le passage des Allemands, au mois d’octobre. »

De cartes postales en lithographies, en passant par des anthologies illustrées, cette composition de Lubin de Beauvais fut parmi les plus dupliquées de l’année 1915. Le motif central est saisissant. Il faut détacher le regard pour noter au loin l’incendie de la cathédrale de Reims, les bouteilles jonchant le sol à côté de casques à pointe oubliés, d’autres cadavres esquissés… Le thème de l’enfant victime de la baïonnette du soldat ennemi renvoie tout à la fois au titre éponyme du périodique et au martyr des petits héros républicains de 1793, Viala et Bara. On atteint ici des sommets de dramaturgie iconographique visant à un effet de réel… tout à fait fallacieux, bien entendu, quelles qu’aient été les exactions de l’armée allemande dans la Marne. Rappelons que les pratiques de violences extrêmes ont été en quelque sorte « immédiates » dans le sens où elles se sont exercées à même le champ de bataille, et ont essentiellement concerné des soldats blessés à coups de crosse ou de baïonnette (Voir Stéphane Audoin-Rouzeau, « L’irruption de la violence », in John Horne (dir.), Vers la guerre totale. Le tournant de 1914-1915, Paris, Tallandier, 2010, p. 38-39.).

NB : Le recueil La Grande Guerre et les Artistes le reproduit également en indiquant qu’elle a été reproduite « en fac-similé sur feuille volante de propagande publiée et distribuée à des milliers d’exemplaires après la victoire de la Marne (1914) ».

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Adolphe Willette, Sans titre, planche reproduite dans le volume Sans Pardon !, Paris, Devambez, 1916, p. 23.

Tout à son désespoir de ne pas être au front, Adolphe Willette réalise dans son désœuvrement une production impressionnante par sa quantité et son outrance. Une petite partie rassemblant les dessins les plus abominables sort en 1916, assortis des coupures de journaux qui les ont initiés. Ce recueil, Sans Pardon !, est un passionnant objet d’étude car il contient à la fois des dessins publiés et d’autres censurés. Il serait pourtant illusoire de comparer la réception d’un tel ouvrage (2 000 exemplaires dont une partie – la totalité ? – coloriée au pochoir) avec le moindre numéro de La Baïonnette ou du Rire rouge, lequel publie d’ailleurs certains dessins de Sans Pardon !. Le dessin ici choisi représente la torture d’un vieillard et évoque irrésistiblement le souvenir des « chauffeurs du nord » du siècle précédent. La caricature n’est jamais loin des peurs ancestrales.

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Armand Gallo : « Haut les mains !: Tirez-pas, kamerades ! Nous sommes soldats comme vous. », La Baïonnette n°18, 4 novembre 1915, dos.

Le mythe des « mains coupées » a été décrypté par John Horne dans une étude pionnière, parue en 1994. « Même dans l’éventualité de mutilations réellement commises par des militaires allemands, écrit-il, il y a une disproportion évidente entre l’incidence probablement restreinte de celles-ci et la dimension prise par la légende (Cf. John Horne, « Les mains coupées : « atrocités allemandes » et opinion française en 1914 », in Jean Jacques Becker (sous la dir) « Guerre et cultures », Paris, Armand Colin, 1994 pp.142-143.). » Et l’historien anglais d’analyser la « vague de récits, bruits et légendes d’“atrocités” qui se répand en août-octobre 1914 dans l’opinion française, relayée par la presse, et qui, dans certains départements, prend l’ampleur d’une vraie “peur”. » (au sens Lefebvrien du terme).

Le but n’est pas de minorer les exactions réellement commises par les troupes allemandes mais de s’interroger sur les images qu’elles ont suscitées dans la presse satirique française, au prix d’un humour nauséeux qui répond forcément à l’horizon d’attente du public auquel il est destiné. Une fois de plus, les tropismes visuels s’entrecroisent : ici, le mythe du soldat qui se rend (voir portfolio « Les stéréotypes satiriques pour rire de l’ennemi ») se confond avec les mains coupées et les atteintes au corps des femmes et des enfants déjà vues auparavant. Le ton burlesque adopté par Gallo n’en est que plus sinistre.

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Adolphe Willette, « La discipline allemande se relâche : Ne pourrais-tu pas mettre les mains dans tes poches, pour saluer ton officier ? », Le Rire rouge n°11, 30 janvier 1915, couverture.

Le dessin satirique de guerre n’ignore pas les calembours les plus pesants. À rebours de l’horreur représentée, cette remarque lapidaire de l’officier exigeant du soldat qu’il remette les mains (coupées) dans ses poches, là où le supérieur ordonne d’habitude qu’il sorte ses (propres) mains pour saluer, fait manifestement mouche. Aujourd’hui, en illustration d’une telle scène, cet humour laisse incrédule. Il constitue pourtant l’indice de la peur qui parcourt l’opinion éloignée des zones occupées. Au-delà du « barbare générique », figé par sa caricature, l’Allemand de Willette est un massacreur en action. Assimilé au tueur maniaque de grand chemin, cigare à la main, l’officier est un monstre froid qui contraste avec la brutalité obéissante de son subordonné et symbolise les prétendus méfaits de l’éducation prussienne. On peut encore noter la lumière spécifique. Les forfaits sont perpétrés à la demi-lueur du crépuscule ou du petit matin, ce qui nimbe l’outrance d’une teinte lugubre supplémentaire. Il y a donc un temps propre à ce genre de scène, coupé de la vie, à mi-chemin entre le jour et la nuit, métaphore visuelle de l’inhumanité.

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Henri-Gabriel Ibels, Sans titre, reproduit dans le recueil La Grande Guerre et les artistes, Paris, Berger-Levrault et Georges Cres, 1915, p. 11.

Les mains coupées deviennent l’un des thèmes favoris de la propagande de 1915, alimentant les rumeurs les plus folles. Dans cette image d’Ibels, il n’y a plus de burlesque susceptible de biaiser quelque peu l’horreur du thème. L’empereur est nu, sans outrance caricaturale trop marquée, ce qui confère un réalisme exacerbé à cette vision de mères éplorées ou d’enfants mutilés exhibant leurs moignons. L’intérêt de cette œuvre saisissante est d’articuler plusieurs esthétiques : une dramaturgie proche de celle de Willette, un pathos de l’enfance souffrante qui évoque Poulbot, et un travail de gravure qui renvoie plutôt à Forain ou à Faivre.

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Albert René, « L’Allemagne et les États-Unis : Au nom de l’Humanité, empêchez-les de couper les vivres aux nôtres pendant ce temps-là ! », À la Baïonnette n°15, 1er mai 1915 p. 233, dos.

Inutile de commenter plus avant cette énième image d’exaction du « monstre Boche ». Outre le drapeau de la Croix Rouge en train de flamber dans le fond de l’image, l’intérêt vient ici de la présence de l’oncle Sam. L’Allemand lui demande d’avoir « l’Humanité » ne pas bloquer ses livraisons de vivres, ce qui pose deux enjeux : d’abord la récusation du statut de neutralité prôné par certains États, au premier rang desquels les États-Unis. Mais peut-être faut-il aussi convaincre ces derniers de rejoindre les Britanniques et les Français ? D’où la nécessité de mieux identifier les circulations possibles de ces images au sein de la presse internationale et de leur impact, auprès d’opinions publiques auxquelles elles ne sont pas initialement destinées.

Cabu.mains.coupées

Cabu (13 janvier 1938 – 7 janvier 2015), dessin de 2013

Les atrocités allemandes vues par la presse satirique

Source : centenaire.org

Depuis les années 1880, les images bouleversent le paysage visuel d’une grande part de la population française, surtout les citadins. Libérée de la censure depuis 1881, la presse satirique a vu ses tirages exploser, fidélisant un lectorat hélas mal connu, tant par ses effectifs que par ses composantes socioculturelles. Peu à peu, la presse dite « sérieuse » ouvre ses colonnes aux caricatures, jusqu’au triomphe des grands quotidiens illustrés autour de 1900. Ce succès peut également se mesurer à l’aune des procès pour outrage aux bonnes mœurs. Dès 1882, une loi inaugure un contrôle de plus en plus rigide des images jugées licencieuses. L’inflation législative jusqu’à la guerre traduit autant l’échec de cette politique que la médiatisation passionnée de ces procès « pornographiques ».

Dès les premières heures, l’entrée en guerre voit la censure rétablie. Quelques mois plus tard, la reparution des périodiques satiriques ne va pas de soi, mais elle est commune à chacun des camps belligérants. De l’avis de tous, le trait est devenu une arme.

« Sur le front occidental comme sur le front oriental, écrit Annette Becker, les artistes devenus propagandistes instruisent par le verbe et le dessin les preuves de la barbarie allemande. Ils ajoutent à l’image des allemands barbares, déjà fixée dès 1914, au point que les atrocités réelles (incendies, prises d’otages devenant boucliers humains, assassinats, viols) ne viennent que la confirmer tout comme les atrocités austro-hongroises en Serbie. »[1]

Faut-il mettre le terme « preuve » entre guillemets ? C’est toute la question car violence réelles et fantasmée s’entrecroisent et se mélangent au sein d’un processus d’instrumentalisation effréné.

Alors que l’on pourrait s’attendre à une aseptisation du trait, à une moralisation extrême des motifs, deux éléments frappent l’amateur de caricatures de guerre à la lecture de ces journaux : si la censure n’y est pas absente, elle est tout de même plutôt rare. Pour autant, la critique des pouvoirs civils et militaires est quasi inexistante et ne relève que de petites feuilles engagées. D’autre part, les artistes produisent des images d’une violence absolument inimaginable en temps de paix, spécialement durant l’année 1915[2]. Outre l’autocensure constitutive de la production satirique de guerre (a priori, on ne dispose pas d’instructions formelles du Bureau de la presse à destination des publications satiriques), ce constat pose le problème de l’instrumentalisation de l’extrême violence symbolique et de sa dissémination à travers l’espace public.

Cette violence est renforcée par le caractère même de l’appréhension du conflit par l’opinion publique de l’arrière : les informations sont drastiquement filtrées par la censure alors que l’outrance nouvelle de la guerre industrielle disqualifie la réalité dans son aspect indicible. L’année 1915 correspond au règne de l’interdiction, de la rumeur et, partant, de la mise en spectacle iconographique, relevant tout à la fois du registre de l’hyperbole satirique et de la presse fait-diversière. Certains aspects ont déjà été abordés par les historiens[3].

« Pourquoi et comment un grand nombre d’artistes ont-ils délibérément choisi des représentations d’une cruauté inouïe au sens premier d’invraisemblable, de jamais entendu ? », se demande Annette Becker[4]. L’adverbe « délibérément » la conduit un peu avant à employer le terme « propagande » entre guillemets, car il ne s’agit plus ici de consentement de la part des artistes mais d’escalade horrifiée ou rigolarde, quelle que soit leur sincérité. Peut-être les satiristes sont-ils pénétrés de ces communiqués de presse à heure fixe (15h et 23h), déclamant les pires horreurs d’un ton laconique. Peut-être aussi essaient-ils d’alimenter, de suivre (ou de précéder) les fantasmes d’un public dont l’horizon d’attente est la synthèse de différentes peurs additionnées. « Elles [les caricatures] traitent beaucoup moins des combats et des armes, poursuit Annette Becker, fussent-elles nouvelles et spectaculaires comme les gaz et les avions, que des atrocités contre les civils : « Attaques lors des invasions, raids de “zeppelins” ou de “gothas” sur les villes, massacres, exécutions d’otages, déportations. »[5]

Si l’on suppose que les publics des feuilles satiriques aient ri ou tremblé aux premières caricatures, continué de rire ou de trembler face à celles-ci au fil des mois alors que les combats s’éternisent, ri ou tremblé encore lorsque le doute s’installe sur les images informatives de la presse sérieuse, ri ou tremblé toujours lorsqu’une « névrose de l’arrière » progresse, alors on peut imaginer que cette caricature de guerre touche à la catharsis. Ces thèmes concernent d’abord les enfants, puis les femmes (réunis avec les premiers par le sadisme sexuel de nombreux motifs) et plus rarement les personnes âgées. « Au-delà de l’image de l’ennemi, analyse Pierre Purseigle, les dessins de presse offrent aux sociétés belligérantes un miroir qui dégage, au prisme de l’humour, les mécanismes d’engagement du corps social dans la guerre[6]. » Faisant état des travaux de l’historien anglais Jay Winter, l’auteur souligne que « l’efficacité de la mobilisation des esprits procède surtout d’une relation synergique à l’opinion venue d’en bas. Les journaux se trouvent ainsi faire office de porte-parole de la société civile, dont ils contribuent à former et refléter le point de vue[7]. »

Les images constituent tout à la fois un reflet des pulsions ou des terreurs collectives – « mains coupées », « viols de guerre » – et une traduction iconique de ces bruits – parfois amplifiés d’exactions authentiques. Elles contribuent à articuler ces rumeurs entre elles dans un ensemble abscons, mais dont la répétitivité produit un rapport perverti au réel. Le trait satirique donne l’illusion de la vérité et même d’une vérité surenchérie, atténuée par les autorités, une vérité plus vraie que le « réel officiel », transmise par des images engagées et signées d’artistes de renom.

La guerre imaginée vient remplacer le désir de savoir par le fantasme. On retrouve alors l’iconolâtrie des sociétés en crise.

[1] Annette Becker, Voir et faire voir 1914, in Laurent Veyssière et Frédéric Manfrin (sous la dir), « Eté 14, les derniers jours de l’ancien monde », Paris, BnF-Ministère de la Défense DMPA, 2014, p.241.
[2] Cela explique qu’à une exception près, nous avons concentré cette sélection sur la seule année 1915. Les trois années suivantes déclinent des thèmes identiques en les affadissant.
[3] Citons Stéphane Audoin-Rouzeau, L’Enfant de l’ennemi. 1914-1918, Paris, Aubier, « Collection historique », 1995 ; John Horne, « Le mythe des mains coupées », in Jean-Jacques Becker (dir.), Guerre et cultures, Paris, Armand Colin, 1994.
[4] Annette Becker, Voir la Grande Guerre. Un autre récit, Paris, Armand Colin, 2014, p. 68.
[5] Ibid.
[6] Pierre Purseigle, « La guerre au miroir de l’humour : le dessin de presse en France et en Grande-Bretagne durant la Première Guerre mondiale », in Histoire et Société. Revue européenne d’histoire sociale n°1, janvier-mars 2002, p. 124-137.
[7] Ibid., p. 126-127.

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34 réactions et commentaires

  • Boyington // 10.09.2016 à 05h04

    «Au passage, il faut dire que ce thème permet en fait à l’opinion belge d’affronter, en la déplaçant vers l’ennemi, la brutalité de sa propre politique coloniale, des mains ayant effectivement été coupées, mais au Congo en 1903-1908. »

    Sauf que le Congo n’est pas belge en 1903… il n’y avait que quelques centaines/milliers d’Européens, dont beaucoup de non Belges.

    La Belgique ne sera pas si intéressée à reprendre le Congo en 1908, le Congo était le rêve de Léopold II qui s’y était fort endetté. Le ministre socialiste en 1908/1909 van der Velde (si je ne m’abuse) était plutôt opposé à la reprise du Congo (la chose avait été conclue quelques années auparavant en paiement par la Belgique des énormes dettes contractées par Léopold II.

    La Belgique d’avant 1914 (8e puissance économique à l’époque) était riche sans le Congo grâce à son commerce avec l’Europe centrale et l’Empire Russe. Débouchés qu’elle perdra en 1914, pas en 1903, ni 1908.

    Ces mains coupées au Congo indépendant de Léopold II étaient prélevées sur des cadavres pour justifier les munitions et les dépenses associer à ces campagnes contre des insurgés.

    Les mauvais traitements au Congo vont être dénoncés en Belgique en 1906 par Félicien Cattier,
    professeur a l’Université de Bruxelles.

    http://www.urome.be/fr2/ouvrag/hochschild.pdf

      +20

    Alerter
  • J // 10.09.2016 à 08h22

    Pendant la guerre précédente, celle de 1870-71 donc, une fillette a eu les deux mains coupées par un éclat d’obus. Ca s’est su. Je l’ai vu dans un livre racontant cette guerre, publié peu après et ne passant par ailleurs aucune atrocité aux Allemands (il faut voir le climat de haine anti-allemande en France à cette époque, voir la chanson « Le fils de l’Allemand », http://www.paroles.net/histoire-de-france/paroles-le-fils-de-l-allemand). Je me demande si ce n’est pas l’origine de la rumeur.
    Voir la célèbre expérience de Allport et Postman avec un Blanc, un Noir, et un rasoir.

      +6

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  • Interimlover // 10.09.2016 à 10h01

    Je rejoins Boyington, la prudence est plus que de mise dans cette histoire. Des photos existent bien sûr…mais de quoi? (parmi les plus emblématiques, fut établi que figuraient des photos de victimes de la…lèpre)…

    L’expérience léopoldienne n’avait effectivement rien de belge, son autorité d’ailleurs ne s’exerçaiit guère que sur le domaine royal (le solde étant livré au libre-échangisme – condition de la cession de ces terres au roi Léopold). Le parlement belge y était opposé (bien qu’il crût en percevoir, avec le temps, l’intérêt – NB : la perte du Congo, en 1960, occasionna aussitôt un…boost économique de la métropole, par reconcentration des capitaux).

    La Belgique avait-elle besoin du Congo? La réponse est sans conteste non : la Belgique naviguait entre le 2ème et le 3ème rang industriel mondial avant-guerre, du temps où le Congo n’était guère plus encore qu’un gouffre financier (Léopold II sauvé de la ruine personnelle par l’industrie automobile, soudain avide de caoutchouc)…

    Les petites mains même de l’ère léopoldienne étaient bien peu belges ; j’ai eu l’occasion de visiter le cimetière dit « des pionniers », les tombes y sont pour l’essentiel celles d’aventuriers…suédois… L’aventure léopoldienne n’intéressait personne dans son pays, si bien que ce monarque (de tous temps d’ailleurs impopulaire en Belgique, pays étranger à la pensée impérialiste) dut brasser large, très large…

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  • Annouchka // 10.09.2016 à 17h35

    De l’exécution d’otages à la pratique du coupage de main, il y a quand même un pas gigantesque… Que les alliés n’ont pas hésité à franchir. Inventer ces histoires a sans doute beaucoup joué dans le retournement de l’opinion publique américaine nécessaire pour permettre l’entrée en guerre des USA.
    Les Allemands n’ont d’ailleurs pas été en reste et ont aussi accusé les Alliés d’atrocités (cf. La famine liée au blocus qui a occasionné d’innombrables morts civiles en Allemagne à la fin de la guerre)
    Reste que cette question de la responsabilité réelle de l’encadrement de l’armée allemande dans la perpétration des exactions (la pratique de nombreux viols ayant pour but de terroriser la population notamment) n’a jamais été réellement ni étudiée ni tranchée par les historiens.

      +4

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    • Flash // 12.09.2016 à 15h07

      Sans parler des consignes données par l’état-major allié pour affamer les soldats allemands et autres prisonniers placés en très grand nombre dans les camps de concentration mis en place par les alliés à partir de 1945.

      Sans parler des innombrables viols commis par les soldats US, par les soldats soviétiques et par les « goumiers » de l’armée française.

        +3

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  • Damiendij // 10.09.2016 à 17h38

    Je titube aussi sur ces ”mauvais traitements ”. Ce dossier du Congo mériterai une clarification si on regarde son classement en troisième place des plus grand génocide de l’histoire.
    On parle de 6 millions de mort.

      +1

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    • Interimlover // 10.09.2016 à 18h36

      6 millions, 10 millions (Hochschild, de tête)…

      Ce que ces calculs ne disent guère, voire jamais, c’est par quelles méthodes ils procédèrent.

      En l’espèce, la population (avant et après « génocide » – je resterais prudent) du bassin du Congo était inconnue, et fut donc estimée depuis les recensements observés par les premiers explorateurs, missionnaires et coloniaux sur les…rives du fleuve, en en étendant ensuite mécaniquement la densité de population à l’ensemble du territoire (à savoir : forêts vierges, ou savanes aujourd’hui encore sous-peuplées du Katanga…)… Bref : comprenez-vous mes réserves (lesquelles n’excluent en rien dans mon esprit l’existence alors, au Congo, d’un système pour le moins condamnable)?

        +5

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  • David D // 11.09.2016 à 13h56

    Merci pour ce lien, moi ce que j’ai connu directement c’est le texte traduit en français du Septemberprogram, mais le lien est invalide sur la page wikipédia correspondante. Ce texte se trouvait dans un manuel des historiens Berstein et Milza, et le document contredisait nettement le discours des deux historiens. C’était impressionnant. Le document parlait d’annexer une partie de la France et de ses colonies, mais aussi d’annexer un pays dont la neutralité était à l’instant même violée, la Belgique, et d’annexer tout ou partie d’un pays, les Pays-Bas, qui n’est d’ailleurs jamais entré dans le conflit que je sache. Un truc très élaboré était de priver la Belgique de la province du Luxembourg pour la donner au Luxembourg qui était mis sous tutelle. Les historiens opposés à Fisher qui veulent parler d’Allemagne dans un rôle défensif vont avoir du pain sur la planche…

      +1

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  • catalina // 17.09.2016 à 02h09

    La source renvoit à un site en chinois ? Kesako ?

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  • Croz // 11.11.2020 à 08h44

    Abominable, cette propagande. C’est la pédagogie de la Haine : colporter des atrocités inventées pour justifier les atrocités futures, bien réelles, « nos » atrocités.
    Et ce n’était pas qu’en 14-18. On en a eu un bel exemple au printemps 1999, avec la propagande sur le « génocide des Kosovars par les Serbes de Milosevic ».

      +1

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  • Fernet Branca // 11.11.2020 à 09h29

    Tony Blair et ses spin doctors ont rejoué la même partition pour justifier la guerre en Afghanistan.
    Puis Nicolas Sarkozy reprenait sans cesse le refrain des mains coupées des petites Afghanes.
    Voir le Midi Libre
    « On ne peut pas parler avec des gens qui coupent la main des petites filles parce qu’elles ont du vernis à ongle » a répété Nicolas Sarkozy au grand débat (lire notre verbatim) qui l’a opposé hier soir avec François Hollande. »

    Une phrase répétée des centaines de fois par le candidat mais… qui n’est qu’une fable, comme l’avait déjà souligné Le Monde en 2003.
    « Une fable qui demeure l’exemple typique du mensonge de guerre, orchestré à l’origine par le « spin doctor » en chef de Tony Blair, Alastair Campbell, l’homme qui avait, entre autres nombreuses manipulations grossières, inventé la fable des armes de destruction massive irakiennes qui pouvaient soi-disant être déployées pour frapper Londres en 45 minutes. Une histoire du même tonneau que celle, auparavant, des nourrissons arrachés aux couveuses et jetés au sol par les soudards de Saddam Hussein dans une maternité du Koweit. »

    https://www.midilibre.fr/2012/05/03/les-mains-des-petites-filles-coupees-par-les-talibans-histoire-d-une-intox-de-sarkozy,495372.php

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  • Coink // 11.11.2020 à 09h56

    Bonjour,
    Je ne comprend pas très bien le sens de cet article. Certes, les mains coupées sont une rumeur infondée. Reste que la violence des troupes allemandes contre les civils belges et français est avérée dès août 14. Elle a été réitérée en mai juin 1940 et s’est accompagnée de massacres de soldats africains. Elle a duré toute la guerre jusqu’aux contre-offensives des Ardennes et des Vosges-Alsace (hiver 44 – 45).
    Si mythe il y a, sa construction a donc des fondations réelles : une guerre contre les civils menée par les soldats allemands. Et ce n’est qu’après avoir fait cette mise au point que l’on peut ensuite déconstruire le mythe des mains coupées et envisager son rôle dans la mobilisation et la propagande anti-allemandes chez alliés.
    En outre, quand on publie un tel article, on ne devrait pas s’interdire de penser les discours anti-allemands sous la constante d’une violence militaire allemande, bien réelle et pratiquement érigée en système entre 1904 (génocide en Namibie) et 1945. Et surtout ne pas négliger son acmé : la guerre contre l’URSS, où soldats allemands (Heer), Einsatzgruppen (commandos de police politique) et SS ont massacré des millions d’enfants (juifs, russes, etc.) et bien sûr d’adultes (shoah par balles, terreur contre les communistes, les Slaves).
    Autre question : pourquoi un dessin de Cabu ? Cela veut-il dire que ce type exagérait (ce qui n’est pas faux, c’était son métier) et qu’il a bien mérité sa fin (ce qui est idiot et criminel) ? Je ne pense pas. Mais clairement énoncer les choses évitent d’ajouter du malheur au monde (OK, je plagie).

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    • X // 11.11.2020 à 11h55

      Je trouve personnellement le dessin de Cabu beaucoup plus violent que les dessins datant de la guerre 14. Beaucoup plus fruste aussi du point de vue esthétique (c’est peu dire… mais c’est la tendance dans tout l’art contemporain d’une manière générale).
      Le deuxième article parle d’une explosion du dessin pornographique apres la loi sur la liberté de la presse des années 1880 et de procès pour outrage aux bonnes mœurs suite à cette explosion.
      Je serai curieux de voir sur quel dessins portaient ces procès ; la pornographie qui choquait à l’époque était-elle aussi violente que celle qui se publie aujourd’hui ?
      Probablement non.
      La profusion actuelle engendre la surenchère en la matière. Il faut vraiment aller très loin aujourd’hui pour « espérer » susciter l’intérêt / l’indignation de tous…

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  • Mickey Sournois // 11.11.2020 à 10h05

    Les rumeurs inverifiables ou basees sur des faits isoles devenues des generalites ont existe egalement du cote allemand. J’ai rencontre a Cambridge dans les annees 2010 une jeune historienne allemande qui etait en train de faire des recherches sur le mythe du franc-tireur dans l’armee allemande depuis la fin du XIX siecle jusqu’a l’epoque nazie. Elle expliquait que les soldats allemands avaient en permanence la terreur des « franc-tireurs embusques » issus de la population civile. Le moindre incident avait donc pour consequences des represailles feroces et demesurees si quelque chose semblait menacer l’armee, ou si on en avait l’impression. D’apres ces recherches, ce sentiment etait ne pendant la guerre de 70 et il a perdure jusqu’a la fin de la seconde guerre mondiale. C’est lui qui adonnelieu a ces innonbrables represailles envers les populations civils dans les territoires occupes par l’armee du Kaiser en 1914, puis celle d’Hitler plus de 30 ans apres.

      +6

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  • Micmac // 11.11.2020 à 11h01

    Je suis d’accord avec Coink ci dessus.

    Si les mains coupées sont un mythe, il y a bien eu des violences injustifiables contre les civils de la part de l’armée allemande lors des deux guerres mondiales. Et je ne parle pas des SS en ce qui concerne la deuxième, la Wehrmacht a participé abondamment aux exécutions d’otages et aux rafles d' »indésirables », entre autres. S’il y a bien un mythe démonté par les historiens (dont beaucoup d’Allemands) depuis les années 70, c’est celui de la Wehrmacht qui se serait comporté correctement. Bien sûr, ce n’est pas la même guerre, mais les armées ont une histoire et des traditions.

    Durant la première, les exactions contre les civiles sont abondamment documentées dans le Nord de la France et en Belgique (sans parler des autres fronts…).

    La doctrine militaire allemande ne se préoccupait pas de logistique. On fait des grands plan de bataille, et l’intendance doit suivre. D’où une peur panique et disproportionnée des tout ce qui peut mettre en danger les lignes d’approvisionnement et de communication, une véritable psychose du partisan ou du franc-tireur. En découle une répression impitoyable, et souvent préventive, de tout ce qui ressemble de près ou de (très) loin à de la rébellion.

      +9

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    • X // 11.11.2020 à 11h37

      Oui, dès la guerre de 70, l’armée allemande a montré le visage qu’on lui a connu en 39-45. Voir le livre de Thierry Nelias sur la guerre de 70 a ce propos (https://francais.rt.com/magazines/interdit-d-interdire/76049-culture-numero-137).

      Inversement on a tendance maintenant à exagérer un peu trop la rupture « éthique » des violences commises en 39-45 par cette même armée allemande par rapport aux guerres précédentes.

        +5

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    • Fernet Branca // 11.11.2020 à 14h18

      Vous oubliez la célèbre citation du maréchal Erwin Rommel : « une bataille est gagnée par les logisticiens avant que le premier coup de canon soit tiré. « .

        +2

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  • Fernet Branca // 11.11.2020 à 11h45

    Ma grand-mère maternelle avait 10 ans en 1914 Elle a perdu 9 frères, soldats au 33ème régiment d’infanterie le 24 août 1914 à Charleroi. Elle était en zone occupée pendant la guerre à Harnes près de Lens donc près du front qui était à Vimy. Elle racontait que les Allemands avaient électrifié les corons en 1915. Un officier allemand avait une chambre dans la maison de ses parents. Plus tard devant l’aggravation des bombardements des artilleries anglaise et française, elle et ses parents ont été évacués aux Pays Bas. Ce qui a mis fin à sa scolarité Elle racontait aussi que les uhlans en 1870 avaient tué les chèvres que gardaient sa grand-mère alors enfant près de Dainville ( Pas-de-Calais) pour faire un barbecue.

      +2

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    • Polo // 12.11.2020 à 20h41

      Le 33e RI, c’était le régiment de Pétain (qu’il quitte début 1914) et de De Gaulle ?

        +0

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  • calal // 11.11.2020 à 13h52

     » Il y a évidemment une logique à cela : la charge émotive est d’autant plus forte que les souffrances sont infligées à de pauvres petites victimes innocentes »

    Oui et a cela il faut rajouter la deuxieme condition qui rend une propagande efficace en plus de l’emotion:l’argument D’AUTORITE.
    Effectivement, l’accusation de barbarie est rapporte dans un JOURNAL, le media mainstream de l’epoque, et par un ACADEMICIEN, donc pas par le premier complotiste venu…

    Deja dans le nouveau testament, jesus fustige les pharisiens (soit les autorites religieuses de l’epoque) et les scribes ( soit les intellectuels de l’epoque).
    Ce n’est pas parce qu’un « diplomé »,un « expert » l’ouvre,que c’est « parole d’evangile ».

      +7

    Alerter
  • GEO // 11.11.2020 à 17h01

    https://www.tallandier.com/livre/1914-les-atrocites-allemandes/

    1914. Les Atrocités allemandes
    La vérité sur les crimes de guerre en France et en Belgique
    John HORNE
    Alan KRAMER

    Date de parution : 6 octobre 2011
    Résumé
    4 août 1914. Les armées allemandes envahissent la Belgique neutre. Les premières rumeurs d’exactions se répandent : exécutions, prises d’otages, viols, pillages, boucliers humains… Les récits se multiplient, venant bientôt du Nord et de l’Est de la France. Réalité ou« bourrage de crâne » de la propagande alliée ? Les historiens irlandais John Horne et Alan Kramer ont mené l’enquête et les sources livrent une réponse accablante : d’août à octobre 1914, près de 6 500 civils belges et français ont été intentionnellement assassinés, des centaines de villages (voire de villes) ravagées par l’armée allemande. Donnant pour la première fois le témoignage des deux parties, cette enquête analyse avec rigueur les réactions des populations, de leurs gouvernements et plus généralement de l’opinion publique en France, en Belgique et dans six autres pays européens.

    12.5 €
    684 pages

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  • clauzip12 // 11.11.2020 à 17h26

    En 1956,dans l’école d’un village du nord Aveyron,l’arrivée d’un nouvel instituteur de l’école publique m’avait donné la responsabilité de la bibliothèque communale ,vaste armoire vitrée de 4 métrés de long sur 2M,50 de haut logée dans la classe des grands.
    Elle comprenait deux parties,enfant et adultes.Ma curiosité m’amena à explorer la partie adulte notamment la partie supérieure à la quelle je ne pouvais accéder que sans un escabeau non prévu.
    De grands livres de 40X 50 cm environ présentaient les horreurs et sévices qu’avaient subies ,notamment des femmes pendant la guerre de 14/18.
    J’ai le souvenir de seins tranchés,de membres coupés,de têtes coupées et …
    Compte tenu de mon age ,12 ans,j’ai été surpris et déstabilisé, tellement que je n’en ai parlé à personne(ce que j’aurais du faire.mais je n’étais pas censé les consulter)
    Mon souvenir ne me permet pas de préciser s’il s’agissait de dessins ou de photographies.
    La lecture ci dessus m’a amené au doute,j’étais totalement enclin à penser à des photos ,à une édition gouvernementale.
    2015,je reviens dans le village,la bibliothèque a changé de lieu et se retrouve dans la salle de réunion du conseil municipal mais les ouvrages en question ont disparus corps et bien.
    la médiatheque intercommunale ne les a pas en compte.
    Le maire et aucun élu n’en a le moindre souvenir.

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  • André (Radio campus Lille) // 11.11.2020 à 20h13

    N’oublions pas : Belgique : 1914, le martyre de nos villes et villages
    https://www.lesoir.be/art/488089/article/univers/soirmag/actu-soirmag/2014-03-07/1914-martyre-nos-villes-et-villages
    . . . . .
    La province de Namur n’est pas la seule à avoir été touchée, mais c’est là que les trois massacres les plus importants, en termes de nombre de civils tués au début de la Guerre, ont eu lieu :
    le 20 août 1914 à Seilles (Andenne) où 262 personnes ont été tuées (et 210 bâtiments détruits),
    le 22 août à Tamines (383 morts, 240 bâtiments détruits) et le lendemain,
    23 août, à Dinant (674 morts, 1.100 bâtiments ravagés).

    Les chiffres, à nouveau, situent l’ampleur des massacres de civils. La liste (en infographie interactive ci-dessous) dévoile notamment les six autres noms des localités où plus de 100 civils ont été tués par les Allemands entre le 5 et le 26 août 1914 :
    248 morts à Louvain (Brabant flamand),
    218 morts à Ethe (Luxembourg),
    156 morts à Aarschot (Brabant flamand),
    133 à Arlon (Luxembourg),
    118 à Soumagne (Liège) et
    108 à Melen (Liège).
    Pourquoi de tels massacres, au tout début de la Guerre, alors qu’il n’y a eu aucune levée massive de la population contre les Allemands qui avancent à travers la Belgique ?

    « Il y a deux explications », nous résume Axel Tixhon, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Namur.
    . . . . .

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  • roseceslamort // 12.11.2020 à 06h26

    rien n’a changé, si ce n’est le rythme des intox, le tabassage médiatique du « genocide ouighour » restera quand même la plus grosse énormité cette année…

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  • Changi // 12.11.2020 à 10h13

    Je n’ai pas lu l’article. Mais bon, remettons l’église au milieu du village : les Allemands ont envahi la France et la Belgique. la guerre a fait rage sur le sol français. Alors faire du politiquement correct ne changera pas la réalité : Les Allemands étaient les envahisseurs. Et la société française s’est défendue et a bien fait de le faire

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  • Changi // 12.11.2020 à 10h31

    Mention spéciale au deuxième article d’un ridicule qui confine au grotesque: Les Allemands ont éxécuté des civils mais il faut les comprendre. Ils avaient peur des corps francs. Le problème n’est pas l’éxécution d’une femme mais sa représentation. On peut avoir une analyse du traitement du conflit par la presse allemande ?

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    • ouvrierpcf // 13.11.2020 à 14h32

      On peut avoir une analyse du traitement du conflit par la presse allemande Donc les teutons et leur presse analysent les conflits et nous les Républicains français et nos torchons brassons du vent divaguons abusons affabulons . Les soldats les les militaires des armées teutonnes prussiennes du 3eme REICH ont obéi à l’ordre d’exécution de civils pour une finalité . Notre marseillaise le dit bien » ils viennent jusque dans nos campagnes égorger nos filles et nos compagnes  » oui les teutons de Prusse ou d’Autriche ont eu et ont toujours pour finalité d’envahir de conquérir d’agrandir leur espace vital européen. Elles (la femme chancelière de titre MERKEL et la BCE ) ils (les industriels les financiers banquiers de BMW WOLSKWAGEN ) le font et l’organisent toujours par d’autres outils mais pour la même finalité Donc oui  » chantons le plus fort « qu’un sang impur abreuve nos sillons « 

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  • alfred // 12.11.2020 à 14h01

    C’est bien beau tout ça mais vous avez entendu parler du mythe des soldats azeris excecutant des prisonniers arméniens, tranchant des têtes et des oreilles? Parceque moi j’ai vu des photos. Au contraire de celle du petit enfant kurde noyé sur une plage qui fut fort utiles à l’agenda oligarchiques ces photos ne sont restées que des souvenirs de trophées. Que cherchons nous à illuminer et que gardons nous dans l’ombre? C’est là que sont les vraies prises de position.

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  • jp // 12.11.2020 à 18h24

    et un siècle plus tard, c’est la police française qui arrache des mains et crève des yeux ,
    mais cette fois c’est vrai

    « Entre 2018 et 2019, 25 personnes ont été éborgnées et cinq ont perdu une main en manifestation »
    https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/deni-total-le-gouvernement-veut-cacher-les-violences-policieres

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  • jp // 12.11.2020 à 23h05

    Ma mère habitait à la frontière franco belge et lors de la débâcle avait habillé mon frère en fille tant les atrocités Allemandes côté Belge lors de l’offensive de 1914 de la I° Guerre étaient inscrites profondément dans la mémoire des habitants du coin. Dans toutes les guerres les civiles payent cher la folie des hommes. Nos cousins Germains n’ont jamais été des tendres, et cela depuis que cette peuplade existe.

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    • manuel // 17.11.2020 à 08h39

      Et la France a été parfaite dans ses colonies.

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  • Michel H // 14.11.2020 à 01h31

    Mes deux grands-pères, nés dans l’est de la Moselle à la fin du 19 ème siècle, étaient soldats allemands pendant la première guerre mondiale. L’un était dans un bureau et ne s’en plaignait pas, l’autre, le grand-père maternel, était au front en Belgique ; il est revenu de la guerre avec les croix de fer de première et deuxième classe (il avait été blessé au combat et une autre fois, il avait sauvé la vie d’un de ses officiers en le ramenant derrière les lignes allemandes) et en parlant des Allemands comme étant « un peuple de bêtes » et comme il ne parlait pas un mot de français, il le disait en allemand « Das Tierevolk ». Il avait assisté de ses propres yeux à des exactions commises par de simple soldats allemands, sans ordre, sur des populations civiles; notamment comment ils avaient attrapé des nourrissons par les chevilles pour leur fracasser la tête contre un mur et comment ils avaient cloué un jeune garçon Belge de 14 ans par la langue sur une table. Les Allemands avaient été tellement abreuvé de leur supériorité et partant, de l’infériorité des autres peuples qu’ils se sentaient autorisés à les traiter comme des bêtes. Comme quoi, tout n’est pas faux dans ces histoire d’exactions.

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