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L’ordre mondial du G3 reste une « chimère » – tant que les États-Unis n’auront pas fait le deuil de leur mission de dirigeant du monde. Par Alastair Crooke

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Source : Strategic Culture, Alastair Crooke, 06-08-2018

L’ordre mondial du G3 reste une « chimère » – tant que les États-Unis n’auront pas fait le deuil de leur mission de dirigeant du monde

Le professeur Michael Klare a rédigé un long article dans lequel il soutient que les discours de campagne de 2016 de Trump, bien qu’ils ne mentionnent pas explicitement cette notion, tendent néanmoins vers la perspective d’un monde géré par les trois grandes puissances : les États-Unis, la Chine et la Russie – dans une sorte de bousculade et de bourrades, mais quoi qu’il arrive, sans guerre.

Klare note que:

« La preuve que Trump cherchait un tel système international se trouve dans ses discours et interviews de la campagne de 2016. S’il a dénoncé à maintes reprises la Chine pour ses pratiques commerciales déloyales et s’est plaint de l’accumulation d’armes nucléaires par la Russie, il n’a jamais décrit ces pays comme des ennemis mortels. C’était des rivaux ou des concurrents, avec les dirigeants desquels il pouvait communiquer et, lorsque c’était avantageux, coopérer. D’autre part, il a dénoncé l’OTAN comme une entrave à la prospérité de l’Amérique et à sa capacité de manœuvrer avec succès dans le monde. En effet, il considérait que cette alliance était éminemment inutile si ses membres n’étaient pas disposés à soutenir son idée de favoriser les meilleurs intérêts de l’Amérique dans un monde hautement compétitif. »

Cet argument a une certaine plausibilité, et certains auteurs ont développé cet aspect dans l’idée qu’en 2016, Trump s’imaginait vaguement un grand marché stratégique qui serait le fondement de la paix mondiale.

Ou se l’imaginait-il, alors? Mais je dirais qu’une telle thèse n’a pas été bien corroborée par les événements – puisque la géostratégie façon « Trump : Art of the Deal » [N.d.T. : Livre publié en 1987 par Trump, traduit en français sous le titre Trump par Trump], comme nous le voyons maintenant, est fondée sur la menace et le levier américains, à savoir, forcer la capitulation de la partie adverse. Cette tactique ne correspond pas à l’espoir d’une sorte de concert entre trois puissances prestigieuse et égales. Il n’y a tout simplement pas de « prestige » dans la méthodologie de Trump – juste une poussée, par tous les moyens possibles, pour assurer l’ascendant des États-Unis.

Ou, peut-être (et peut-être trop généreusement), le raisonnement de Trump en 2016 était-il simplement en avance sur son temps, et a besoin d’être modifiée au contact douloureux de la nature de la gouvernance américaine. Dans ce dernier cas, il est peu probable qu’un véritable partenariat G3 émerge avant que l’Amérique ne subisse une sorte de catharsis profonde. Comme l’a fait remarquer un sénateur américain, ses électeurs ne peuvent tout simplement pas (culturellement) commencer à envisager l’idée de ne plus être « les premiers au monde ».

Le professeur Russell-Mead s’est fait l’écho de cette observation en écrivant que la « métamorphose du 8 mai » de Trump (la sortie du Joint Comprehensive Plan of Action – Plan d’action global commun relatif au nucléaire iraniens), constituait un changement de direction : un changement de cap qui reflétait « [l’instinct de Trump] lui disant que la plupart des Américains sont tout sauf avides de monde « post-américain ». Les partisans de M. Trump ne veulent pas de longues guerres, « mais ils ne sont pas non plus prêts à accepter stoïquement le déclin national » ».

Il est à noter que Russell-Mead lie très précisément le virage qualitatif de Trump à sa « métamorphose du 8 mai » – c’est-à-dire au moment où le président américain s’est définitivement aligné sur la position israélienne : sortir de l’accord nucléaire iranien, décider de sanctionner et de faire le siège de l’économie iranienne – et quand il a soutenu l’idée (ancienne et jamais concrétisée) d’une « OTAN arabe sunnite », conduite par Riyad, qui se dresserait devant l’Iran Chiite.

Avec le temps, il est possible que Trump se souvienne et conclue que Russell-Mead avait raison – que cette décision particulière, en effet, aura été déterminante dans sa présidence ; que cette décision aura effectivement empêché tout compromis avec la Russie ou la Chine. Et qu’à ce moment précis, il a perdu une option à cause du ralliement de la Maison Blanche à Netanyahou pour une confrontation avec l’Iran. Bien sûr, la sédition créée par les services de renseignements politisés du Royaume-Uni et des États-Unis a atténué la marge de manœuvre politique de Trump, mais cela n’a jamais été un facteur, en soi, pour empêcher la Russie et la Chine d’envisager un grand marché avec Trump. Mais il y a l’Iran.

Pourquoi ? Paradoxalement, le professeur Klare explique exactement pourquoi il n’y aura pas de nouvel ordre mondial G3 : C’est parce qu’au cœur du partenariat stratégique commun entre la Russie et la Chine se trouvait, et se trouve toujours, « une condamnation de l’hégémonie mondiale – la volonté d’une seule nation quelle qu’elle soit de dominer les affaires mondiales – ainsi qu’un appel à l’instauration d’un ordre international multipolaire ». Il défend également d’autres principes clés, notamment le respect absolu de la souveraineté des États, la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États et la recherche d’un avantage économique mutuel. [Souligné en italiques par l’auteur]

Lorsque Trump a adopté sans réserve la « ligne de conduite » israélienne (ou, plus exactement, la « ligne de conduite » de Netanyahou), il a également endossé lui-même tout « le bagage » qui l’accompagne. Le document de 1996, Clean Break, préparé par un groupe d’étude dirigé par Richard Perle pour Benjamin Netanyahou, a regroupé les camps néoconservateurs israélien et américain. Et ils sont toujours liés par un cordon ombilical. La « Team Trump » est maintenant remplie de néoconservateurs qui détestent l’Iran sans retenue. Et Sheldon Adelson (l’un des principaux donateurs de Trump, mécène de Netanyahou et instigateur du déménagement de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem), a donc pu implanter son allié, John Bolton (un archi-néoconservateur ), comme conseiller principal en politique étrangère de Trump.

The Art of the Deal (« Trump : L’art de la négociation », traduit en français sous le titre « Trump par Trump ») , a en effet été transformé en un outil d’élargissement de la puissance américaine, plutôt que d’ajustement de l’ordre économique mondial acceptable de quelque manière que ce soit pour l’axe Russie-Chine – et il ne reste plus rien au titre « d’avantage économique mutuel » dont on puisse entendre parler ou voir de nos jours.

Avec la « ligne » de Netanyahou, Trump a adopté une politique de changement de régime pour l’Iran (ou, du moins, le changement de comportement de la part de l’Iran qui reviendrait à ce que ses dirigeants renient la Révolution iranienne). Et – avec « Israël d’abord » – Trump doit aussi donner son accord à la ceinture de bases militaires américaines qui envahissent le Golfe (« englobant l’Iran »), et à l’armement du vénérable vieux projet d’un l’OTAN arabe. Et, avec Israël ouvrant la marche, Trump (sans surprise) trouve des obstacles au retrait des troupes américaines de Syrie et d’Afghanistan (où l’Iran, en tant qu’ « acteur malveillant qu’il faut contenir », entrave l’engagement de campagne de Trump à se retirer du Moyen-Orient).

Outre le fait concret que l’Iran est un allié stratégique de la Chine et de la Russie – occupant la première place à la fois dans la BRI (Belt and Road Initiative, Nouvelle Route de la Soie) de la Chine et dans la « stratégie centrée sur son propre territoire » de la Russie – la stratégie « Israël d’abord », déboule au milieu de tout ce que ces deux États défendaient, et défendent encore :

La sortie unilatérale des États-Unis d’un accord international sans raison valable ; le mépris du droit international ; l’insistance unilatérale à assiéger l’économie iranienne ; le non-respect de la souveraineté d’un autre État ; l’ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État (en encourageant la Mujaheddin-e-Khalq, – Organisation des moudjahidin du peuple iranien, en Iran) ; le harcèlement hégémonique des autres États (pour imposer des sanctions secondaires) et le mépris de la notion d’avantage économique mutuel. Trump a dépassé toutes les bornes. Pourquoi lui feraient-ils confiance ? La « mer est toujours la mer » et, semble-t-il, l’Amérique est toujours – et bien – l’Amérique. Ça ne change pas.

Est-il vrai que Trump n’avait guère le choix, que la politique iranienne lui a été imposée d’une manière ou d’une autre ? Que l’Iran était le prix qu’il devait payer pour se mettre les néoconservateurs dans la poche à la Maison Blanche plutôt que les avoir contre lui, afin de protéger Trump contre la cabale John Brennan – Robert Mueller ? Ou qu’il a besoin de « grosses » contributions pour sa campagne électorale de 2020 ? Que seul un soutien sans réserve à Israël peut lui apporter ?

Ou bien, son alignement sur Israël (et la « guerre » concomitante contre l’Iran) était-il motivé par son désir obsessionnel de « casser Obama » par tous les moyens possibles ? Ou encore, cela n’a-t-il jamais été un choix stratégique du tout, mais simplement une réaction viscérale : un reflet de « ce vieux truc » que Trump a contre l’Iran – et en faveur d’ Israël ?

L’histoire en jugera ; mais il y a un hic. Les motifs sont hors sujet, ce qui compte, c’est ceci : Au Moyen-Orient, sa politique échouera. Le peuple iranien ne capitulera jamais. Trump s’est mis dans le pétrin, grâce à Bibi.

Et de deux choses l’une, soit l’« accord du siècle » pour Israël n’obtiendra pas le soutien des dirigeants arabes, ce qui semblait possible au départ, soit Trump imposera le plan face à l’absence de soutien palestinien et de consentement, auquel cas cela pourrait s’avérer, en définitive, être une victoire à la Pyrrhus – d’une manière très dommageable pour les États-Unis.

Aujourd’hui, un an plus tard, l’accord n’a toujours pas été publié. L’humeur arabe est en train de changer : MbZ [Mohammed ben Zayed, NdT] et MbS [Mohammed ben Salmane, NdT] ont perdu leur statut de célébrités ; le « dossier » palestinien a été retiré à MbS ; et la guerre au Yémen ronge les possibilités régionales de l’Arabie saoudite – la guerre au Yémen ne fait que miner la capacité saoudite à imposer quoi que ce soit.

Des rapports – des rapports fiables – suggèrent que John Bolton « pense qu’il a les Iraniens exactement là où il les veut. Il croit que nous [les États-Unis] pourrions mener une campagne maritime dans le Golfe sans pertes, et que si nécessaire [les États-Unis] peuvent bombarder le peuple iranien pour qu’il déchaîne sa colère contre le dénuement économique et contre les mollahs. Pompeo est d’accord avec lui. Il essaie de garder le président sous influence, tout en poursuivant ses objectifs communs avec Bolton astucieusement et insidieusement. »

« L’Iran n’est pas l’Irak », a écrit Emile Nakhleh, ancien expert résident de la CIA au Moyen-Orient – ajoutant laconiquement : « Trump et le secrétaire d’État Mike Pompeo devraient maintenant avoir été informés des différences entre les deux pays… L’Iran est une puissance militaire crédible avec une portée régionale. Sa proximité géographique avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d’autres pays pro-américains du Conseil de coopération du Golfe, rend ces pays extrêmement vulnérables aux représailles militaires iraniennes en cas d’attaque américaine. Il est très difficile pour l’Arabie saoudite et ses voisins, malgré les batteries antimissiles Patriot fournies par les Américains, de protéger leurs infrastructures pétrolières et hydrauliques. »

Peut-être que Mike Pompeo a aussi été informé au sujet des chiites et de leur histoire d’extraordinaire endurance face à un millénaire de répression. L’Iran est le « vaisseau-mère » de tous les chiites (dans le monde). Ces derniers représentent peut-être 40 % de la population du Moyen-Orient (et non 10 %, comme on le croit généralement). Ils sont passés maîtres dans l’art de la guerre asymétrique.

Et si Trump décide de s’engager militairement avec l’Iran, alors Nakhleh répète l’avertissement qu’il a donné aux responsables politiques américains avant la guerre en Irak :

« La « libération » d’un pays de son régime par un pays étranger se transforme très vite en « occupation » – peu importe à quel point le « libérateur » étranger tente d’enrober les impératifs « moraux » de son action pour rendre cette dernière acceptable. Lorsque j’ai informé un très haut responsable politique [américain], à la veille de la guerre en Irak, de la réaction possible du peuple irakien à la guerre imminente menée par les États-Unis, il m’a répondu avec dédain : « Vous autres [en référence à l’agence de Nakhleh – de la CIA] devez comprendre que nous sommes des libérateurs et non des occupants. Nous sauvons le peuple irakien de ce tyran ». Je lui ai répondu que la soi-disant libération serait de courte durée et que le monde islamique ne soutiendrait pas une guerre américaine contre l’Irak, la considérant comme une nouvelle « croisade chrétienne » contre un pays musulman. »

La « décision du 8 mai » de Trump et la « métamorphose » de son zeitgeist (esprit de l’époque) qu’elle impliquait nécessairement, laisse maintenant le président américain sans rien d’intéressant à offrir à Poutine (à l’exception de discours sur « les meilleurs amis », et un peu de Syrie « de-ci de-là ») et il n’a rien (même pas de maquettes du type des copropriétés coréennes en bord de mer – comme Trump l’a essayé avec Jung Un ) qui puisse susciter un quelconque intérêt chez les Iraniens.

Rien ne changera – tant que les États-Unis ne seront pas passés par une certaine catharsis, qu’elle soit financière ou politique, suffisante pour se purger cette vision utopique de la mission exceptionnelle qu’a l’Amérique de sauver le monde. D’ici là, nous continuerons dans notre ordre mondial de désordre – et resteront en grave danger.

Source : Strategic Culture, Alastair Crooke, 06-08-2018

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Kiwixar // 29.09.2018 à 10h20

L’UE est déjà en guerre. C’est sa nature. Soutien et financement des « égorgeurs modérés » en Syrie pour dégommer un gouvernement laïc multiconfessionnel. Soutien et financement des nazis en Ukraine. Sanctions et animosité incessante contre la Russie.

Macron me fait penser à cet émir du Qatar qui avait dit « On a essayé de jouer dans la cour des grands, on s’est pris des baffes de grands ».

Il aura l’air malin avec L’Auvergne au fond de l’eau, à essayer de faire jouer l’article 5 du traité de l’Otan.

13 réactions et commentaires

  • Emmanuel // 29.09.2018 à 08h47

    Prêter à Trump une telle « vision » cohérente est quelque peu hasardeux. Et d’ailleurs qui l’aurait aujourd’hui ? Seule quasi-certitude, il y a bien un avant et un après, et pour ce dernier, c’est l’incertitude….Dans ce contexte, le raisonnement sur l’Iran est totalement obsolète. La réalité présente est inedite, et vouloir déceler une trajectoire en reconduisant des modèles du passé paraît inopérant. En ce sens, Trump par son imprévisibilité est très révélateur de l’époque actuelle. Il n’empêche que certains de ses agissements sont plus de nature à favoriser des catastrophes….

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  • Jean // 29.09.2018 à 08h58

    La réaction de Trump au projet européen de contournement des sanctions américaine contre l’Iran :

    « Je pense que les Européens se comporteront bien.»

    L’UE a les amis qu’elle mérite.

    Source : https://fr.sputniknews.com/international/201809271038267892-sanctions-iran-etats-unis/

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  • calal // 29.09.2018 à 09h32

    Est-il vrai que Trump n’avait guère le choix, que la politique iranienne lui a été imposée d’une manière ou d’une autre ?
    L’auteur de l’article nuance son propos et examine les deux cotes de la medaille ce qui est honnete de sa part.

    Dernierement un appareil russe s’est fait abattre lors d’une attaque sur la syrie. Il semble que les AMERICAINS n’aient pas pris part a cette attaque. Par contre,il y a de fortes chances qu’un navire de guerre FRANCAIS y ait participe.

    Pour moi,le risque de guerre actuellement est du cote de MACRON pas de Trump. De la meme maniere marine lepen a ete une des rares a s’opposer a l’intervention qui a detruit la Lybie…Pour ca peut etre que les USA s’eloignent de l’UE.Parce que l’UE veut la guerre?

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    • Kiwixar // 29.09.2018 à 10h20

      L’UE est déjà en guerre. C’est sa nature. Soutien et financement des « égorgeurs modérés » en Syrie pour dégommer un gouvernement laïc multiconfessionnel. Soutien et financement des nazis en Ukraine. Sanctions et animosité incessante contre la Russie.

      Macron me fait penser à cet émir du Qatar qui avait dit « On a essayé de jouer dans la cour des grands, on s’est pris des baffes de grands ».

      Il aura l’air malin avec L’Auvergne au fond de l’eau, à essayer de faire jouer l’article 5 du traité de l’Otan.

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    • Jean // 29.09.2018 à 11h47

      L’UE ne veut pas, elle ne sait qu’obéir aux lobbys ou aux USA et dans une moindre mesure à l’Allemagne. Elle ne fera la guerre que si ses maitres lui demandent et si c’est contre la Russie… elle ne la fera pas très longtemps.

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  • bluetonga // 29.09.2018 à 10h43

    Je doute que Trump ait la moindre profondeur géostratégique globale. Lors de sa campagne de 2016, il s’est probablement permis d’être naïf et de tenir candidement des propos raisonnables concernant la politique extérieure, parce que son champs de bataille à lui était d’abord et avant tout domestique (comme le sont les préoccupations des électeurs américains, d’ailleurs). Trump est un enfant gâté de l’Amérique, persuadé de la supériorité du business sur toute autre activité humaine (et de sa propre supériorité en la matière), ne respectant que la victoire et les vainqueurs, sans vision d’avenir pour un monde nouveau ou différent. A ce titre il est profondément convaincu de la supériorité du modèle culturel américain et de la supériorité de ses forces armées (c’est plus cher donc c’est meilleur). Tout ce qu’il a connu du monde, ce sont des hôtels de luxe où il allait faire des affaires. Je doute qu’il ait jamais visité un monument ou un musée, et cela m’étonnerait qu’il lise beaucoup.

    Maintenant le réalignement de la politique extérieure de Trump sur celle d’Israël et de ses positions sont probablement le résultat de nombreux facteurs. Son entourage, une affinité pour les éternels vainqueurs autoproclamés que sont les israéliens, l’opportunisme des néo-conservateurs, mais aussi la nécessité de brouiller les cartes et de se défendre contre les coups de boutoir de l’establishment qui le rejettent comme une mauvaise greffe (démocrates, état profond, médias libéraux). Poser au guerrier extérieur déconcerte la meute démocrate qui ne jure que par le russiagate tout en flattant et rassurant l’électorat conservateur rural nostalgique d’une Amérique invincible et triomphante.

    Les USA devront effectivement faire un jour le deuil de l’American dream, de leur destinée manifeste, de leur rôle autoproclamé d’éclaireurs sur la voie du progrès. Mais cette mythologie est autant indispensable à ses dirigeants de l’ombre qui s’en servent pour conquérir le monde (économiquement et financièrement, en parasitant l’armée, les renseignements et les institutions de recherche américaines) qu’à ses citoyens lambda qui se consolent de leur lente et inéluctable paupérisation par l’illusion d’appartenir au club VIP de la grande nation indispensable. Cette mutation ne se fera pas tranquillement, car abandonner le rêve c’est se confronter à la réalité. Et quand cela arrivera, les Américains devront trouver un moyen de réellement vivre ensemble, dans la coopération plutôt que la compétition. Et ça, c’est peut-être, sans doute une utopie.

      +10

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    • Bibendum // 29.09.2018 à 11h29

      Bah, remplacez Trump par Macron et États-Unis par France et vous vous rendrez compte que nous sommes tous confrontés, en tant que peuple, à cette dure réalité qu’il nous faut abandonner nos visons de supériorité, d’élitisme, d’exceptionnalisme, de meilleureté que les autres.
      Oui, cette France des lumières, patrie des droits de l’homme universel, de liberté, d’égalité fraternelle, toussa toussa et qui ne sait plus écrire sa propre langue, alors imaginez donc se projeter. Elle n’a jamais existé cette France et n’existera pas.
      Alors oui faisons le deuil, tout comme les amères loques devront faire le leur.
      Les élites créent des mythes et les peuples souscrivent en déliant leurs bourses pour acheter des actions stériles.

        +9

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  • Chris // 29.09.2018 à 11h59

    Tout à fait d’accord avec votre profilage de Trump. Chez lui, s’ajoute un non-conformisme exacerbé qu’on taxe de grossière brutalité. Il ne fait pas la politique qu’il veut, entravé par les coups d’état permanents des néocons Reps/Dems et de l’état profond (services de renseignement, CMI).
    Au demeurant, quelle politique ? Mystère… Des tweets pleuvent contredits par les faits.
    L’American Dream s’estompera à coup d’émeutes sur attrition sociale, de gifles (sédition des « alliés »), de coups de pied aux fesses (opérations militaires ratées), de confiscations successives des revenus (dédollarisation et mise à l’écart de l’initiative chinoise eurasiatique BRI), voire de la marmite « Palestine » qui va fatalement exploser, ces gens n’ayant plus rien à perdre et réinitialiser pour le compte le monde arabe que l’Occident détruit !
    Vu les moyens de destruction à disposition, je doute que les USA engagent une guerre mondiale militaire. Mais je n’en préjuge pas tant ces gens paranoïyent et vivent en lévitation.
    Dans son délire de puissance, Hitler avait bien cru vaincre la Russie…

      +8

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  • Charles Michael // 29.09.2018 à 12h25

    je ne veux pas d’ordre mondial

    je ne veux pas et d’ailleurs ça n’arrivera d’une convergence des civilisations, d’une uniformation par formatage des cultures.

      +3

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  • Question // 29.09.2018 à 13h41

    Je commence à adorer Trump. Il semblerait qu’il soit en train de tout faire pour que son pays se retrouve isolé. Et qu’à force de « sanctions » de plus en plus de pays renoncent au dollar. Ce qui marquerait le début de la fin de l’hégémonie yankee.

      +8

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    • Chris // 30.09.2018 à 01h43

      Je l’ai toujours taxé de « démolisseur en chef ». Il ne m’a pas déçu pas jusqu’à présent; il peut faire encore mieux, d’autant plus que les autres abrutis lui collent aux fesses et surenchérissent.
      Je suis même sûre, vu le type de bonhomme, qu’il doit s’amuser comme un fou. Son égo boursoufflé doit le faire complètement planer.

        +3

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  • Jérôme // 30.09.2018 à 17h52

    On aurait grand tort de prendre Trump pour un demeuré sans ligne politique. La grossièreté ou le ridicule de sa communication est assez accessoire.

    Ayant assidûment suivi sa campagne électorale, je trouve que, une fois installé à la Maison Blanche, il a mis fin aux contradictions qui m’étaient alors apparues.

    Ces contradictions tenaient à ce que Trump disait à la fois :
    – vouloir s’entendre avec la Russie et mettre fin au terrorisme islamiste-sunnite dont il avait, avec son conseiller Flynn, osé admettre que les USA avaient contribué à sa montée en puissance au Moyen-Orient.
    – vouloir cartonner l’Iran et dénoncer le traité sur le renoncement de l’Iran au nucléaire militaire.

    Le 2ème objectif était incompatible avec le 1er : la Russie ne pouvait pas tolérer que les USA fassent à l’Iran ce qu’ils ont fait à l’Irak.

    Maintenant la politique de Trump est cohérente et claire.

    Son discours de campagne comme quoi il voulait ramener les « boys at home » et mettre fin aux engagements militaires destructeurs et ruineux était du pipeau pour gagner les voix des électeurs.

    Au Moyen-Orient, Trump fait la même politique que ses prédécesseurs, celle que veulent les israéliens et les saoudiens, en se montrant encore plus agressif. Il bombarde contrairement à Obama. Il exfiltre et recycle les djihadistes vaincus vers l’Asie centrale pour qu’ils aillent sévir contre la Chine, la Russie, l’Iran, et les pashtounes d’Afghanistan, comme les USA le font depuis 1979 Brzezinski sous Carter).

    Et Trump appuie à fond les ballons sur tous les leviers de la puissance américaine : extraterritorialité des lois américaines, « weaponization » du dollar, sanctions tous azimuts, menaces militaires, désignation officielle de la Chine et de la Russie comme des rivaux ennemis dans la doctrine stratégique officielle des USA.

    Le masque est ôté. Foin du soft power. C’est désormais le hard power qui s’affiche et qui est utilisé sans retenue pour intimider et faire cracher au bassinet les alliés et les neutres et pour affaiblir ceux qui ont l’outrecioda ce de ne pas vouloir se soumettre à la nation exceptionnelle et prétendument indispensable.

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  • christiangedeon // 01.10.2018 à 11h36

    Ah bon…M. Crooke pose le problème un peu à l’envers,je crois. « Tout le monde  » veut ,au choix la chute de l’empire,que les US ne s’occupent plus des affaires du monde,et que et que et que…à part qu’on a ouvert (ON?) un boulevard aux US depuis la fin de la seconde guerre mondiale pour qu’ils interviennent. On les même sommé d’intervenir,et aujourd’hui encore,on assiste au spectacle carrément comique de ce qui se passe à l’Unesco et à l’Unrwa,où on s’offusque que les US ne financent plus des organisations qui passent l’essentiel de leur temps à les insulter! Si on veut se passer du leadership US,il faut s’en passer complètement! Pour le business,pour international,pour la défense et autres menues tâches. La Chine pourrait elle se passer de ses exportations vers les US?! L’Europe qui a DEUX porte avions en tout et pour tout,plus souvent au radoub qu’en mer peut elle se passer de la flotte américaine?! Pour jouer les grandes personnes,il faut se comporter en grande personne,n’est ce pas? Pour le moment,on est dans la vache ,la lait,la fermière et la ferme…

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