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12.janvier.201912.1.2019 // Les Crises

Le cas Julian Assange et les graves menaces sur la liberté de la presse

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Source : The Intercept, Glenn Greenwald, 16-11-2018

Glenn Greenwald

Le 16 novembre 2018

Le ministère de la Justice de Trump a révélé par inadvertance dans un dossier judiciaire qu’il avait inculpé Julian Assange de chefs d’accusation secrets. L’information a fuité suite à une erreur, d’un incroyable amateurisme, à l’occasion d’un copier-coller. Les termes de l’acte d’accusation d’Assange, réputés secrets, ont involontairement été [ré]employé par les procureurs dans un document déposé dans une autre affaire. Bien que ce document ne précise pas quelles accusations ont été portées contre Assange, le Wall Street Journal a rapporté qu’elles « pourraient relever de la loi sur l’espionnage, qui criminalise la divulgation d’informations relatives à la défense nationale ».

Depuis deux ans, des journalistes, ainsi que d’autres, clament, avec des sanglots dans la voix, que la liberté de la presse est bafouée par l’administration Trump en raison des gestes mesquins du Président, tels que les insultes, du niveau collège, qu’il a proférées sur Tweeter à l’encontre de Chuck Todd [journaliste, chef du service politique de NBC News, NdT] ou Wolf Blitzer [journaliste à CNN, NdT], ou bien de la décision d’exclure Jim Acosta [journaliste à CNN, NdT] des conférences de presse de la Maison Blanche pour avoir refusé pendant quelques minutes de rendre la parole afin de laisser d’autres journalistes poser des questions. Dans le même temps, des menaces bien réelles à la liberté de la presse, commencées lors du Ministère de la Justice Obama, intensifiées avec le Ministère de la Justice Trump – telles que des offensives pour démasquer et poursuivre les sources – sont largement passées inaperçues, voire ont été applaudies.

Mais poursuivre Assange et/ou WikiLeaks pour avoir publié des documents classifiés relèverait de menaces pour la liberté de la presse d’un ordre tout à fait différent. Les reportages sur les activités secrètes de responsables publics ou d’acteurs financiers puissants – y compris par la publication de documents volés – sont au cœur même du journalisme d’investigation. Depuis les Pentagon Papers jusqu’aux Panama Papers en passant par les révélations Snowden, la publication des déclarations fiscales de Trump ou celle des registres de guerre en Irak et en Afghanistan, les plus importantes publications journalistiques des dernières décennies, n’ont été possibles que parce qu’il est légal et constitutionnel de diffuser des documents secrets même lorsque leurs sources les ont obtenus illégalement, voire même par des procédés illicites.

Le Département de Justice de l’administration Obama – et bien qu’il ait lancé des attaques connues pour leur agressivité contre la liberté de la presse – a reconnu ce principe essentiel lorsqu’il s’est agi de WikiLeaks. Pendant des années, la question de porter des accusations pour crime contre Assange et WikiLeaks pour avoir publié des renseignements classifiés s’est posée. Finalement, il a été décidé que la réponse serait négative, que cela ne lui était pas possible, conformément au principe de la liberté de la presse garantie par le Premier Amendement. Après tout, a conclu le DOJ d’Obama, une telle poursuite constituerait une grave menace pour la liberté de la presse, en effet il n’y aurait aucun moyen de poursuivre Assange pour avoir publié des documents classifiés sans poursuivre également le New York Times, le Washington Post, le Guardian et d’autres pour avoir fait exactement la même chose.

Comme l’a expliqué le Washington Post en 2013 lors de la décision du Ministère de la justice Obama de ne pas poursuivre Assange :

Les fonctionnaires du ministère de la Justice ont dit avoir examiné de près le cas Assange, mais avoir conclu qu’il y avait un « problème New York Times ». Si le ministère de la Justice inculpait Assange, il devrait également poursuivre le New York Times et d’autres organes de presse ainsi que les journalistes qui avaient publié des documents classifiés, notamment le Washington Post et le journal britannique The Guardian.

L’année dernière, le Ministère de la Justice de Trump, avec Jeff Sessions au poste de procureur général, et la CIA dirigée par Mike Pompeo, se sont mis à menacer de faire ce qui avait été refusé par l’administration Obama – à savoir, poursuivre Assange pour publication de documents classifiés. Pompeo, directeur de la CIA, a prononcé l’un des discours les plus terrifiants et violents à l’égard de la liberté de la presse que nous ayons eu à entendre depuis des années, promettant : « nous devons admettre qu’il nous est impossible de laisser Assange et ses collègues utiliser contre nous la liberté d’expression en tant que valeur » et : WikiLeaks a « fait comme si le Premier Amendement américain les protègeait de la justice », et : « ils l’ont peut-être cru, mais ils ont tort. »

Ce qui est remarquable, est que le discours du chef de la CIA choisi par Trump, membre de longue date de la droite du Congrès, était très proche (continue de l’être) du positionnement classique du Parti Démocrate exhortant l’administration Trump à poursuivre Assange. Mais au moment du discours de Pompeo, le porte-parole du Ministère de la justice d’Obama, Matt Miller, a insisté sur le fait que ces promesses de poursuivre Assange étaient « creuses », car elles seraient contrecarrées par le Premier Amendement :

[Mais cela aussi sonne creux. Le Ministère de la Justice sait qu’il ne peut pas faire condamner quelqu’un juste pour avoir publié des documents secrets.]

Mais, le comble de l’ironie est que de nombreux démocrates se rangeront aux côtés du ministère de la Justice de Trump plutôt que de celui d’Obama. Leur ressentiment personnel et affectif à l’égard d’Assange – considéré comme un acteur de la défaite d’Hillary Clinton : le pire des crimes – l’emporte largement sur la menace que font peser les manœuvres de l’administration Trump sur la liberté de la presse en criminalisant la publication de documents.

Cela démontre la situation ironique dans laquelle se trouvent les démocrates pendant l’ère Trump. Tout en prétendant trouver répugnants l’autoritarisme de Trump et les attaques de son administration contre la liberté de la presse, ils ne cessent d’un autre côté, de faire écho à l’autoritarisme de Jeff Sessions et Mike Pompeo, selon lequel il faudrait mettre en prison quiconque ayant publié des documents préjudiciables pour Hillary ou considérés comme « secrets » par les autorités américaines.

Pendant les années Obama, l’idée qu’Assange puisse être poursuivi pour avoir publié des documents était considérée comme tellement extrême et dangereuse que même les médias centristes, qui pourtant le méprisaient, ont tiré la sonnette d’alarme quant au danger de telles poursuites. L’éditorial du très « pro État sécuritaire » Washington Post, en 2010, l’a fait sous le titre « Don’t Charge WikiLeaks » [Ne poursuivez pas Wikileaks] :

De telles poursuites ne sont pas une bonne idée. Les autorités n’ont pas à inculper quelqu’un qui n’est pas un espion et qui n’est pas légalement tenu au secret. Ce faisant, on criminaliserait l’échange d’informations et on mettrait en danger les médias sérieux qui contrôlent et vérifient les informations et qui prennent au sérieux la protection des sources et des méthodes lorsque des vies ou la sécurité nationale sont menacées.

Contrairement aux Démocrates, les Républicains ont été assez cohérents quant à leur désir de voir WikiLeaks poursuivi en justice. Comme l’a noté Newsweek en 2011 : « Sarah Palin a insisté pour qu’Assange soit « poursuivi avec la même détermination que les dirigeants d’Al-Qaïda et les Responsables Talibans » et William Kristol, du Weekly Standard, réclame que les États-Unis mobilisent « nos différents moyens pour harceler, enlever ou neutraliser Julian Assange et ses collaborateurs » ». Certains faucons démocrates, comme Joe Lieberman et Dianne Feinstein, se sont joints à des gens comme Palin et Kristol pour réclamer des poursuites contre WikiLeaks, mais il y avait un large consensus, au sein des cercles Démocrates et libéraux, sur le fait que de telles poursuites seraient beaucoup trop dangereuse pour les libertés de la presse.

Dans la foulée des divulgations des journaux de guerre de l’Irak et de l’Afghanistan de 2010, Donald Trump lui-même a déclaré à Brian Kilmade, de Fox and Friends, qu’il pensait qu’Assange méritait « la peine de mort » pour avoir publié ces documents (une peine que Trump réclamait aussi pour Edward Snowden en 2013) :

Qu’est-ce qui a changé depuis ce consensus de l’ère Obama ? Une seule chose : en 2016, WikiLeaks a publié des documents qui donnaient une mauvaise image des démocrates et de la campagne Clinton plutôt que des guerres de l’ère Bush, montrant les Démocrates tout à fait disposés, voire impatients, de placer en priorité leur mépris personnel d’Assange plutôt que tout principe des libertés fondamentales de la presse, libertés civiles ou principes Constitutionnels. C’est vraiment aussi simple – et aussi ignoble – que cela.

C’est cette mentalité parfaitement lâche et autoritaire qui est en train de faire le lit d’un rassemblement de Démocrates de toutes sortes avec les extrémistes les plus dangereux de la faction Trump alors qu’ils s’unissent pour créer un précédent en vertu duquel la publication d’informations – principe longtemps tenu comme sacro-saint par quiconque se soucie des libertés de la presse – peut maintenant être sanctionnée légalement.

Il ne faut pas oublier qu’actuellement, WikiLeaks et Assange sont poursuivis pour avoir publié les courriels du DNC [Democratic National Committee : Comité national démocrate NdT] et de Podesta qu’ils ont reçus : des courriels jugés dignes d’intérêt par littéralement tous les grands médias, qui n’ont eu de cesse de s’en faire l’écho. Jusqu’à l’actuelle poursuite pénale d’Assange par le ministère de la Justice de Trump, cette action en justice a constitué la plus grande menace de l’ère Trump pour les libertés de la presse – parce qu’elle vise à rendre la publication de documents, ce qui est au cœur du journalisme, passible de sanctions légales. Les tentatives du Ministère de la Justice de Trump pour criminaliser ces actions ne sont que l’étape logique suivante dans cette plongée vers une attaque à grande échelle contre les droits fondamentaux de la presse.

Pour justifier la poursuite d’Assange par l’administration Trump, les seuls arguments sont basés sur une combinaison d’ignorance juridique, de faussetés factuelles et de dangereux autoritarismes.

L’idée fausse la plus répandue est que, à la différence du New York Times et du Washington Post, WikiLeaks peut légitimement être poursuivi pour avoir publié des informations classifiées parce qu’il ne s’agit pas d’un « média légitime ». Les Démocrates faisant valoir cet argument ne semblent pas se soucier du fait que c’est exactement le point de vue qui a été rejeté par le Département de Justice Obama comme étant indéfendable.

Tout d’abord, la liberté de la presse garantie par le Premier Amendement ne se limite pas aux « organes d’information légitimes » – quoi que cela puisse signifier. Le Premier Amendement n’est pas réservé aux seules personnes autorisées comme « journalistes ». Il ne protège pas un groupe privilégié de personnes appelées « journalistes professionnels », mais plutôt une activité : l’utilisation de la presse (ce qui, au moment de l’adoption du Premier Amendement, signifiait littéralement la presse écrite) pour informer le public de ce que faisait le gouvernement. Tout le monde a droit à cette protection constitutionnelle sur un pied d’égalité : il n’y a aucun moyen convaincant de justifier pourquoi le Guardian, les anciens fonctionnaires du DOJ devenus blogueurs ou Marcy Wheeler seraient libres de publier des informations confidentielles, tandis que Julian Assange et WikiLeaks ne le seraient pas.

Au-delà de cela, cela fait longtemps que WikiLeaks est reconnu dans le monde entier comme un organe de presse critique. Ils ont remporté de prestigieux prix de journalisme, dont le Prix Martha Gellhorn pour l’excellence en journalisme ainsi que la plus haute récompense Australienne de journalisme. En outre, il s’est associé aux principaux journaux de la planète, dont le New York Times, le Guardian, El Pais et autres, pour publier certains des articles les plus importants de ces dernières décennies. Il n’est pas nécessaire d’être un « organe de presse légitime » pour bénéficier des protections du Premier Amendement en terme de liberté de la presse, mais même si tel était le cas, cela fait longtemps que WikiLeaks a toutes les qualités d’un organe de presse.

Et puis il y a l’affirmation selon laquelle WikiLeaks ferait plus que publier des documents : il aiderait ses sources à les voler. C’est l’affirmation lancée hier soir par l’ancien agent de la CIA, John Sipher, tentant de justifier les actions du ministère de la Justice de Trump, en réponse aux inquiétudes d’un journaliste concernant les menaces à la liberté de la presse que cela représenterait :

[Or ce n’est pas le cas. Le crime d’Assange est aide et complicité. Il a encouragé Manning à voler des documents classifiés (de la même façon qu’il a encouragé Trump Jr. à prétendre que l’élection était truquée). Ce n’était pas l’endroit approprié pour publier les dires des lanceurs d’alerte. C’était un voleur et un adjoint de Poutine.]

Ce que Sipher a dit relève de complètes élucubrations. Lorsque le DOJ d’Obama a envisagé la possibilité de poursuivre Assange, c’est la théorie qu’il a tentée : il lui serait peut-être possible de prouver que WikiLeaks ne s’était pas contenté de recevoir passivement les documents de Chelsea Manning mais avait en fait collaboré à la façon de les voler.

Cependant les conclusions du Département de la Justice de M. Obama ont contredit cette théorie, les poursuites n’étaient pas justifiées – contrairement au mensonge de Sipher – en effet il n’y avait absolument aucune preuve qu’Assange ait travaillé avec Manning au vol de ces documents. Comme l’a dit le Post : « Bien qu’Assange ait publié des documents classifiés, il ne les a pas fait fuiter, ce qui change considérablement leur analyse juridique. »

Il en va de même pour la publication des e-mails DNC et Podesta par WikiLeaks. Personne n’a jamais présenté quelque preuve que ce soit que WikiLeaks ait travaillé sur le piratage de ces e-mails. Il n’y a aucune preuve que WikiLeaks ait jamais rien fait d’autre que de recevoir passivement des documents volés et de les publier – exactement comme le New York Times l’a fait quand il a reçu les documents volés du Pentagone, et exactement comme le Guardian et le Washington Post l’ont fait quand ils ont reçu les documents Snowden.

En outre, les journalistes ne se contentent souvent pas de recevoir passivement des informations, ils travaillent souvent avec les sources avant la publication des articles : ils les encouragent, les cajolent et les persuadent de fournir davantage d’informations. Accepter la théorie selon laquelle un journaliste pourrait être poursuivi pour avoir fait plus que simplement recevoir passivement des informations – ce qui reste encore à prouver en ce qui concerne Assange – menacerait gravement de criminaliser les aspects fondamentaux du journalisme.

Finalement, il y a l’affirmation selon laquelle WikiLeaks aurait cessé d’être un véritable organe de presse quand il a aidé une des campagnes présidentielles aux dépens de l’autre. Ce n’est là qu’une autre version de l’argument fallacieux selon lequel seuls les « Vrais Journalistes » – quoi que cela veuille dire, qui que ce soit qui en décide – jouissent du droit d’utiliser une presse libre pour diffuser des informations. Il s’agit là d’une pure ignorance juridique.

Mais soit, admettons, pour faire avancer le débat qu’il est vrai que WikiLeaks a agi pour aider la campagne Trump et devrait donc être disqualifié des protections du Premier Amendement. Pour voir à quel point cet argument est pernicieux, voyons comment il a été récemment exprimé par l’ancien responsable du Pentagone Ryan Goodman et par l’avocat Bob Bauer, Conseiller de la Maison Blanche d’ Obama, pour justifier les poursuites à l’encontre de WikiLeaks :

Selon les révélations d’un critique en interne de WikiLeaks et d’autres documents, il est clair que Julian Assange visait Hillary Clinton et cherchait à travailler avec la campagne Trump et les Russes pour obtenir sa défaite. Ce qui ne relève pas d’une « fonction légitime de la presse ». Et le fait de confondre le plan d’attaque de la campagne de Wikileaks avec une activité journalistique normale sape d’importantes distinctions essentielles à la protection de la liberté de la presse.

Il suffit de réfléchir aux implications de cette définition incroyablement restrictive du journalisme. Cela signifierait que les médias qui favorisent un candidat plutôt qu’un autre, ou un parti politique plutôt qu’un autre, ne seraient pas engagés dans des « fonctions légitimes de la presse » et n’auraient donc pas droit à la protection du Premier Amendement.

Existe-t-il une seule personne sur cette planète qui doute que des chaînes comme MSNBC et Vox favoriseraient le Parti Démocrate par rapport au Parti républicain, et que les gens qu’ils emploient comme journalistes aurait passé l’année dernière à faire tout leur possible pour aider les Démocrates à gagner et les Républicains à perdre ? Quelqu’un doute-t-il du fait que tout au long de 2016 les journalistes de MSNBC et de Vox ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour aider Hillary Clinton à gagner et Donald Trump à perdre ? Absolument personne, même dotée d’un seuil minimal d’honnêteté intellectuelle, ne pourrait nier cela.

Cela veut-il dire que Rachel Maddow et Ezra Klein – en favorisant un parti politique par rapport à l’autre – ne sont pas de vrais journalistes, qu’ils ne sont pas engagés dans des « fonctions de presse légitimes » et ne bénéficient donc pas des protections du Premier amendement, ce qui signifie qu’ils peuvent être poursuivis par le DOJ Trump sans pouvoir faire valoir les droits de la presse libre ? Affirmer cette proposition, c’est illustrer les pulsions tyranniques qui la sous-tendent. Comme l’a dit Marcy Wheeler, par ailleurs sympathique aux arguments avancés dans l’article de Goodman/Bauer :

[J’approuve en grande partie cette analyse à part une limite sur la protection 1A pour la conspiration de Trump avec les Russes. Mais cette affirmation menacerait une grande partie de l’activité journalistique et est fondamentalement en désaccord avec les débuts de l’histoire du journalisme dans ce pays.]

Comme l’a écrit Dan Froomkin en réponse à cet article, certaines des actions d’Assange sont selon lui « méprisables » et « il a détesté la publication irresponsable et inédite de courriels non informatifs et personnellement blessants » qui ont été divulgués (j’ai exprimé des opinions similaires très critiques quand aux décisions de WikiLeaks concernant la publication). Mais Froomkin reconnaît néanmoins que « Assange reste un journaliste » et que « à l’époque de Trump, alors que le Président des États-Unis utilise son administration pour attaquer les journalistes et le journalisme lui-même, le Premier Amendement est un rempart essentiel de la liberté ». C’est ainsi que raisonneront ceux qui se soucient réellement de la liberté de la presse – plutôt que de faire semblant de s’en soucier simplement quand c’est leur intérêt politique du moment qui les y pousse.

Mais c’est bien là le nœud du problème. Ni les factions les plus autoritaires de l’administration Trump à l’origine de ces poursuites, pas plus que leurs alliés Démocrates bizarres et tout aussi tyranniques, ne se soucient le moins du monde des libertés de la presse. Ils ne se soucient que d’une seule chose : mettre Julian Assange derrière les barreaux, parce que (dans le cas des officiels de Trump) il a révélé des crimes de guerre américains et parce que (dans le cas des Démocrates) il a révélé la corruption aux plus hauts niveaux du DNC, ce qui a conduit à la démission forcée de 5 hauts fonctionnaires du Parti Démocrate et a porté préjudice à la réputation politique des Démocrates.

Ils sont prêts à créer un précédent qui criminalisera la fonction centrale du journalisme d’investigation parce que, même s’ils ont passé deux ans à dénoncer les attaques les plus triviales contre la liberté de la presse, ils ne s’en soucient en fait absolument pas. Ils veulent uniquement protéger le journalisme qui défend leurs intérêts politiques, tout en mettant derrière les barreaux celles et ceux qui publient des informations portant atteinte à leurs intérêts politiques. C’est cette mentalité autoritaire et nocive qui a amené l’union des pires éléments de l’administration Trump avec le Parti Démocrate qui, tout en prétendant trouver les actions tyranniques répréhensibles, est celui qui est souvent au premier rang pour les défendre.

Source : The Intercept, Glenn Greenwald, 16-11-2018

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Commentaire recommandé

Fritz // 12.01.2019 à 08h28

Ça y est, je viens de parler de Julian Assange à une classe de Troisième, dans le chapitre d’EMC (instruction civique) sur « l’engagement ». J’ ai demandé aux élèves de chercher le nom de son ONG (car Wikileaks est bien une ONG, et non pas un « service ennemi de renseignements »), le lieu où il s’est réfugié, la nationalité d’Assange, et quel pays le poursuivait pour « espionnage » (sic).

C’est curieux, l’exemple de Wikileaks ne figure dans aucun manuel de 3e. Pourtant, Le Monde s’était servi de cette source en 2010. Un journal irréprochable.

10 réactions et commentaires

  • aladin0248 // 12.01.2019 à 07h19

    La « démocratie » contre la raison de l’État profond. Le pot de terre contre le pot de fer. En général, le dernier finit presque toujours par avoir raison. Peu importe l’argumentation, même si elle est bien fondée et bien ciselée comme ici. C’est là qu’on peut voir les tares inhérentes au système. Tares congénitales qui le rapprochent des dictatures bien classiques même si l’emballage est bien différent.

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  • Fritz // 12.01.2019 à 08h28

    Ça y est, je viens de parler de Julian Assange à une classe de Troisième, dans le chapitre d’EMC (instruction civique) sur « l’engagement ». J’ ai demandé aux élèves de chercher le nom de son ONG (car Wikileaks est bien une ONG, et non pas un « service ennemi de renseignements »), le lieu où il s’est réfugié, la nationalité d’Assange, et quel pays le poursuivait pour « espionnage » (sic).

    C’est curieux, l’exemple de Wikileaks ne figure dans aucun manuel de 3e. Pourtant, Le Monde s’était servi de cette source en 2010. Un journal irréprochable.

      +15

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  • tepavac // 12.01.2019 à 11h04

    « Ils veulent uniquement protéger le journalisme qui défend leurs intérêts politiques, tout en mettant derrière les barreaux celles et ceux qui publient des informations portant atteinte à leurs intérêts politiques. C’est cette mentalité autoritaire et nocive qui a amené l’union des pires éléments de l’administration Trump avec le Parti Démocrate »

    Cette seule phrase démontre que le recomposition des partis politiques aux états -unis est identique à celle qui a aussi émergée en Europe, entre deux tendances de plus en plus conflictuelle, celle initiée et subventionnée par les puissances économiques d’un côté, en confrontation directe avec le droit universel à l’autodétermination des peuples à se choisir librement son destin.
    Cela se traduit en France, par exemple, n’est-ce pas, par l’apparition de l’umps, traduit par le parti EM, contre tous les sentiment proches du souverainisme, et dont les attaques contre la presse sont identiques à celle du même clan des états-unis.

    Il est fort probable que suite à la pression des Gj, un nouveau espace politique se recomposera à partir des autres mouvances politiques pour s’opposer naturellement à ce consortium mondial de la main-mise économique et autoritaire sur les populations.

    Les conséquences de cette confrontation hostile et très conflictuelle qui a fait émerger les Gj en France, fait que ce mouvement s’est répandu dans toute l’Europe et dans les pays qui ont eut a souffrir de cette mondialisation forcée….

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  • Ubu // 12.01.2019 à 14h29

    On voit très bien là où on veut nous amener, surtout après la loi sur le secret des affaires…
    Le modèle ultra libéral qui s’est construit sur le concept même de démocratie, est en train de s’assoir dessus, et va bientôt nous faire avaler de force, que tout ceci n’était qu’un rêve, une simple utopie à laquelle nous aurions été bien couillons de croire, tant elle servait les intérêts impérialistes.
    Frederic Lordon disait « Il va certainement falloir un suivi psychologique pour les personnes qui viennent de comprendre que le PS n’a jamais été un partie de gauche.. »
    Je pense qu’il va en falloir un suivi également pour beaucoup plus de monde dans un temps très proche, lorsque les gens vont comprendre ce qui se masque derrière ces Etats qui défendent les droits de l’homme, et qui se prévalent de symbole de la liberté…
    Les masques tombent.
    Je suis ulcéré.

      +11

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    • Dominique65 // 13.01.2019 à 14h51

      « Il va certainement falloir un suivi psychologique pour les personnes qui viennent de comprendre que le PS n’a jamais été un partie de gauche ».
      Il va y avoir du boulot poue le psys !
      Un nouvel élément de langage fait son apparition dans les journaux. Et il va être intéressant de suivre cette évolution. Le parti socialiste est soudain devenu« La gauche ».
      A deux jours d’intervalle, nous pouvons lire ces titres (il y en a peut-être d’autres et j’espère que les commentaires continueront la liste) :
      20 minutes, le 11 janvier
      « La gauche condamne les «dérives insupportables» de Jean-Luc Mélenchon »
      La dépêche, le 13 janvier
      « Le torchon brûle entre la gauche et Mélenchon »
      Derrière ces titres, il est fait mention des critiques faites le par premier secrétaire du PS Olivier Faure et Benoît Hamon sur les « dérives rouge-brun» de Mélenchon.
      Vous voilà prévenus, France Insoumise n’est plus à gauche. Va falloir s’habituer à cette couleuvre. D’autres candidats ont expérimenté cette rhétorique. Je pense à un certain candidat aux dernières élections classé « divers » par le ministère de l’intérieur mais présenté systématiquement comme d’extrême droite par les journalistes. Une rapide lecture de son programme montrait pourtant que ce
      lui-ci n’avait rien d’extrême droite.

        +2

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  • Louis de Constance // 12.01.2019 à 16h47

    Hi de DC ! Merci et très intéressant ! Même si vous êtes une ONG et que vous publiez des documents classés secrets ou/et sensibles vous faites le travail d’un espion qui chercherait à nuire à une ou plusieurs puissances. Assange savait ce qu’il faisait et ses conséquences .

      +1

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    • JMD // 12.01.2019 à 18h56

      Cela s’appelle le droit à l’information.
      Est-il nuisible de révéler publiquement des informations véridiques qui sont sciemment cachées car dérangeantes si elles étaient connues ? La réponse de Julian Assange à cette question est que cela est sain dans un système démocratique.

        +10

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    • tepavac // 12.01.2019 à 21h52

      https://thehill.com/homenews/campaign/425010-tulsi-gabbard-announces-2020-white-house-bid

      yes and well, quickly that it comes to power to turn the « interference » as you.
      And it will mean that your nation has finally acquired a little maturity.
      Greeting

        +0

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    • Dominique65 // 13.01.2019 à 15h09

      « le travail d’un espion qui chercherait à nuire à une ou plusieurs puissances »

      Je rappelle que ce qui a valu l’animosité des démocrates à Assange, c’est d’avoir dévoilé comment celle-ci a phagocyté son parti.

      Merci de nous confirmer par ce post ce qu’on est nombreux à supputer : Derrière Hillary Clinton se cache une puissance occulte. Sinon, à quelle « puissance » Assange chercherait-il à nuire ?

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  • marire // 12.01.2019 à 20h42

    Et oui, cette chasse aux sorcières fait furieusement penser à la loi contre les fake news qu’on nous concocte en France: il n’y a qu’une vérité, c’est la vérité officielle! Il est assez inquiétant que tous les partis ( à ma connaissance) soient contre les fake news. ( sauf celles déversées par nos médias officielles)

      +2

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