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29.novembre.201329.11.2013 // Les Crises

[Traduction exclusive] L’étrange affaire de la SEC contre Egan-Jones

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Pour faire suite à l’étude d’hier, zoom sur le scandale de l’agence de notation Egan-Jones.

Vous noterez que les grandes agences qui ont noté les subprimes n’ont jamais été interdites de noter…

L’agence de notation Egan-Jones et son fondateur, Sean Egan, ont accepté une interdiction de 18 mois de noter des titres adossés à des actifs (ndt asset-backed securities, ABS) et des obligations d’États dans un règlement à l’amiable avec la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine – l’équivalent de notre AMF, vous savez l’autorité qui punit les petits blogueurs plutôt que les grosses banques

Dans un communiqué, la SEC avait accusé l’agence de notation et son fondateur d’« inexactitudes importantes et délibérées ainsi que d’omissions en s’enregistrant auprès de la SEC en tant qu’un Organisation de Notation Statistique Nationale pour ABS et des obligations d’états », faite il y a 4 ans.

Mais il y a quelque chose dans le cas d’Egan-Jones, qui soulève le problème des représailles gouvernementales.

La SEC a commencé son enquête après qu’Egan-Jones ait été la première agence à abaisser la note de la dette des États-Unis, la dégradant un total de 3 fois par la suite. Un officiel de la SEC a fait remarquer qu’un document public rempli au tribunal par Egan-Jones indique que la branche de la SEC en charge des enquêtes avait informé la firme de l’ouverture d’une enquête informelle en février 2010 et qu’une « enquête officielle » avait commencé le 30 juillet 2010, « un an avant la dégradation de la note ».

Des officiels d’Egan-Jones ont rapporté à FOX Business « qu’une année complète s’est écoulée avant que la SEC ne remplisse une notice Wells » indiquant qu’une action de sanction était probablement en route, soit après qu’Egan-Jones ait dégradé la note US en juillet 2011.

Egan-Jones est une entreprise privée de 20 salariés basée à Harverford, Pennsylvanie, et est une des rares agences de notation qui n’est pas payée par les émetteurs de titres pour les noter mais par leurs acheteurs.

Standard & Poor’s, Moody’s Corp et Fitch Ratings Ltd sont toutes payées par les banques et les firmes d’investissements de Wall Street qui garantissent les créance des organisations émettrices, un modèle que plusieurs membres de Congrès américain ont déjà critiqué pour avoir aidé au développement de la pire crise économique depuis la grande dépression.

Un porte-parole d’Egan-Jones a dit à FOX Business que l’entreprise était « très satisfaite que le litige ait pu être réglé à l’amiable avec la SEC». Le porte-parole a fait remarquer qu’Egan-Jones est « toujours une organisation d’évaluation statistique nationale pour ses notations d’entreprises, banques et de compagnies financières et d’assurances » et que le groupe est « libre de soumettre une nouvelle demande dans 18 mois » pour l’autorisation de noter des asset-backed securities et des obligations d’états.

Dans le détail, Egan-Jones et son fondateur ont consenti à une ordonnance qui reconnait Egan-Jones coupable d’avoir « menti dans son formulaire d’application en affirmant que la firme avoir noté des ABS et des obligations gouvernementales depuis 1995 – alors qu’elle n’en avait en réalité pas émise avant de soumettre son application ».

La SEC a accusé Egan et sa firme d’avoir faussement affirmé dans leur application de juillet 2008 qu’elle avait « 150 notations importantes d’émetteurs d’ABS et 50 notations d’obligations gouvernementales, et qu’elle avait émis de telle notation régulièrement depuis 1995. »

Selon la SEC, ces affirmations avaient été faite dans le but de « cacher le fait qu’Egan-Jones n’avait aucune expérience dans l’émission de note d’ABS ou d’obligations gouvernementales. »

Robert Khuzami, le directeur sortant de la branche Investigation de la SEC, a affirmé que les « fausses déclarations (d’Egan-Jones) sur l’expérience réelle de la firme dans la notation d’ABS et d’obligations gouvernementales sont une violation importante qui mine l’intégrité du processus d’enregistrement de la SEC. »

Sean Egan, qui n’a pas pu être contacté pour commenter, « ‘à signé et certifié la demande comme étant exacte » selon la SEC.

Selon l’accusation de la SEC, la compagnie n’avait émis aucune notation d’ABS ou d’émission d’États « qui ait été disponible sur Internet ou tout autre média facilement accessible ».

Les avocats d’Egan-Jones ont informé FOX Business que la SEC a confirmé qu’Egan Jones avait bien noté toutes les obligations en question mais que le problème était que la firme n’avait pas fait la promotion de ses notations.

Selon les avocats d’Egan, « il n’y a rien dans cette plainte qui suggère ou prétend que les notations ait été pu manquer d’intégrité, de précision ou qu’elles n’aient pas été prédictive».

La SEC a aussi trouvé que l’agence de notations « a continué à faire de fausses déclarations sur son expérience dans les demandes annuelles de certification suivantes » et « enfreint les règles sur l’archivage et les conflits d’intérêts ».

Le porte-parole d’Egan-Jones a ajouté que le « le règlement avec la SEC nous permet de nous concentrer sur ceux que nous faisons de mieux – émettre les notations les plus précises et indépendantes du marché », suivant un modèle par lequel l’agence est rémunérée par les investisseurs.

Le Congrès a déjà publiquement accusé les agences de notations d’important conflit d’intérêts ayant conduit à la bulle immobilière du fait qu’elles reportaient aux vendeurs des mêmes obligations qu’elles étaient sensées noter. Ces firmes ont été payées des centaines de millions de dollars par Wall Street, et en retour ont donné des triples A à des obligations à haut risques qui se sont avérées être pourries.

Depuis, les agences de notations ont également fait face à de sévères critiques pour n’avoir fait que rappeler aux investisseurs les pertes qu’ils avaient déjà encaissé, au lieu d’aider les marchés à les prévenir. Certains critiques les ont comparées à des astrologues et les ont accusées d’avoir distribué des triples A à des banques, ce qui permit à ces dernières d’éviter de respecter les normes de fonds propres et d’avoir à amasser des réserves adéquates.

« On note toutes les transactions » a dit un analyste de S&P dans un email découvert par les enquêteurs du Congrès (les examinateurs de la SEC avaient également exhumé ce courrier électronique). « Ça pourrait être structuré par des vaches que nous le noterions quand même ».

Jusqu’à ce jour, il n’y a pas eu beaucoup de réactions du gouvernement et peu voire aucun procès contre les agences de notations qui fonctionnent sur le modèle du vendeur-payeur. Ce modèle est encore dominant dans ces agences, ce même modèle qui soutenu et encouragé la bulle immobilière.

Le 16 juillet 2011, Egan-Jones a dégradé la note de la dette souveraine US d’un cran, du triple A à un double A plus en raison « d’un niveau relativement élevé de dettes et une difficulté à réduire significativement les dépenses ».

Deux jours plus tard, le bureau des Enquêtes et Investigations de la Conformité de la SEC a appelé Egan-Jones pour demander des informations sur cette dégradation. Le mois suivant, S&P a également dégradé la note de la dette souveraine US, et a également eu à faire face à des réactions du gouvernement.

En octobre de la même année, la SEC a appelé Egan-Jones pour lui notifier qu’elle était en train de remplir une notification Wells signifiant la plupart du temps, qu’une enquête est en cours. Une notification Wells est un signe qu’une « équipe de la SEC approche la fin de son enquête et va potentiellement recommander une sanction à la commission, » a commenté un porte-parole de la SEC.

Début avril 2012, Egan-Jones a courageusement dégradé pour la seconde fois la dette souveraine US d’un cran. Plus tard en avril, la SEC a enregistré sa plainte.

Le fondateur de la firme, Egan, a déjà publiquement questionné la plainte de la SEC. Egan a fait remarquer que jusqu’en 2012, la SEC n’avait jamais évoqué un seul problème avec le processus annuel d’application de la firme.

Source : Fox, 01/2013. Traduction : Rémi pour www.les-crises.fr


Complément issu de 20 Minutes, 04/2012 :

Un avocat d’Egan-Jones, Alan Futerfas, a indiqué que la firme entendait se «défendre vigoureusement».

«Nous nions les accusations», a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique avec l’AFP, et «nous pensons que cette action montre que la SEC est contre les agences de notation indépendantes».

Il a expliqué que les déclarations mises en causes étaient inscrites dans «un nouveau formulaire», que «aucune instruction n’avait été fournie» sur la façon de le remplir, et que l’agence avait fait toutes ses déclarations «de bonne foi».

«En 2006 et dans la loi Dodd-Franck (de réforme de la régulation financière passée en 2010), le Congrès a enjoint à la SEC d’encourager l’existence d’agences (de notation) plus indépendantes et d’encourager la concurrence» dans ce secteur, a ajouté M. Futurfas, «et nous pensons que la SEC a agi totalement à l’opposé».

«Je suis ahuri que la SEC s’en prenne à la seule firme qui n’ait rien fait à personne», a-t-il conclu, alors que, a-t-il regretté, «la SEC n’a rien fait aux (autres) agences, qui ont eu un rôle dans le processus qui a provoqué l’effondrement de 2008».

13 réactions et commentaires

  • Patrick Luder // 29.11.2013 à 08h12

    Bah c’est de bonne guerre, les fous de roy défendent le roy, rien de plus normal …

    Merci pour l’information de financement des agences de notation,
    cela permet de pondérer leurs résultats !

    Qui aurait intérêt à noter tout ce bazar de manière neutre ?
    C’est cette bête rare qui devrait payer les agences de notation …
    (Meuuuh non, pas toujours tirer à la même place …)

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  • Vénus-Etoile du Berger // 29.11.2013 à 09h56

    incroyable mais vrai…

    S&P relève la note de Chypre.
    L’agence de notation explique que les risques à court terme associés aux remboursements de dettes par le pays ont reflué.

    définition de refluer:reculer vers son point de départ.(?)

    S&P baisse la note des Pays Bas.
    http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/0203157922167-notation-s-p-degrade-les-pays-bas-mais-encourage-l-espagne-et-chypre-633503.php

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    • Amsterdammer // 29.11.2013 à 23h24

      Bon, ça va donner à Rutte un prétexte pour renforcer la rigueur [mais surtout pas pour augmenter la fiscalité sur les plus riches].

      Et après, ils s’étonneront encore que la récession s’aggrave.

      Le pire, c’est qu’ils seront vraiment étonnés. Sont honnêtes, ils croient vraiment aux mantras du marché, ce n’est pas juste un truc pour enfumer la galerie.

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  • G L // 29.11.2013 à 18h38

    L’existence des agences de notation se justifierait sans difficulté si ces agences étaient plus clairvoyantes que les marchés mais c’est rigoureusement impossible puisque, même quand « ils se trompent », c’est les marchés et eux seuls qui décident !

    La seule justification qu’il leur reste est d’exercer une influence sur les marchés: elles en ont probablement une mais ça implique nécessairement qu’il leur arrive aussi de ne pas y parvenir (de se tromper): si elles ne se trompaient jamais les marchés ne pourraient que les suivre aveuglement et de ce fait deviendraient totalement inutiles…

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  • Michel // 29.11.2013 à 18h54

    L’article contient l’indice déterminant.

    « Egan-Jones est une entreprise privée de 20 salariés. »

    Pas (peu?) de liens avec les dinosaures de la place?
    On peut y aller. Pas dangereux.
    Attaquer les faibles, c’est tellement plus facile.
    Et puis on peut dire qu’on s’est « attaqué aux agences de notation. »

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    • BabarMillésimé // 29.11.2013 à 21h28

      Michel, certes Egan-Jones est insignifiant mais la sanction de la SEC est légère. Par contre c’est de 5 milliards $ que Mac Graw & Hill (la grosse boîte propriétaire de S&P) risque d’être soutirée par les juges ricains – contrairement à ce qui est dit dans l’article de la Fox.

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  • aikongo // 30.11.2013 à 07h02

    De mémoire, Fitch qui appartient a un milliardaire français a toujours été complaisant avec la note française. Services rendus ou pas, Marc Ladreit de Lacharrière, il a été élevé a la dignité de grand croix de la légion d’honneur fin 2010.
    C’est quand meme moins risqué d etre bien avec tout le monde !

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    • Surya // 30.11.2013 à 08h32

      Fitch appartient à FIMALAC S.A.

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      • aikongo // 30.11.2013 à 08h35

        Fimalac, ou Financière Marc Ladreit de Lacharrière

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      • BabarMillésimé // 30.11.2013 à 09h27

        Pas tout à fait Surya, Fitch depuis 2012 c’est fifty-fifty Hearst (« Citizen Kane ») et Fimalac (« Ardéchois Ladreit »)…

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  • Michel // 30.11.2013 à 11h30

    En plus de la pétition du maître des lieux, que je salue en passant (fayot! 😉 ) il y a celle-ci:

    https://secure.avaaz.org/fr/petition/Deputes_Europeens_virer_les_responsables_de_la_Commission_Europeenne_le_President_de_la_BCE/

    PAS EN NOTRE NOM !

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  • BOB LECLERC // 30.11.2013 à 12h32

    Pourquoi le site ne parle jamais de rôle de Fabrice TOURRE dans le fond abacus qui provoqué la chute de lehman brothers et le risque systémique . Ce fond a été mis en place par F TOURRE avec goldman sachs et le fond paulson. Le tout bien noté par les mêmes qui dégradent la France. A quand un procès en France même symbolique de tous ces gens? Montebourg fait quoi?

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  • tchoo // 30.11.2013 à 22h09

    Le pire dans tous cela c’est qu’un certain nombre de personnes, et les médias continuent à faire confiance ou tout au moins à propager un truc, un machin, complètement partial, manipulé et qui ne représente rien

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