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13.mai.202013.5.2020 // Les Crises

Sérologies SARS-CoV-2 Covid-19 : Pourquoi ? Chez qui ?

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Source : Atoute.org

Par Dominique Dupagne, médecin généraliste, journaliste et blogueur

Quand faudra-t-il faire une sérologie COVID19 ? Le déconfinement arrive, et avec lui, une avalanche de demandes d’ordonnances pour faire une analyse sérologique au laboratoire et savoir si l’on a été contaminé ou non par le SARS-CoV-2. Ce n’est pas aussi simple. J’ai choisi la forme d’un dialogue avec un patient pour expliquer la problématique de ces tests.

Bonjour, docteur, comment allez-vous ? Avec moi, ça va être rapide, je viens juste chercher une ordonnance de test pour le Covid

Je vais bien merci, mais pourquoi voulez-vous faire ce test ?

Et ben pour savoir si j’ai eu le COVID-19 !

J’imagine que vous voulez vérifier si vous avez été contaminé, parce que si c’est le cas, vous seriez sûr de ne plus risquer de tomber malade et de ne plus pouvoir contaminer vos proches ?

Oui, c’est bien à ça que ça sert ?

Les tests sérologiques peuvent en effet servir à ça, mais là, pas vraiment.

Comment ça ?

Le test sérologique au laboratoire consiste à détecter et doser dans votre sang les anticorps que votre système immunitaire a fabriqué contre certains antigènes spécifiques de ce virus. Ces antigènes sont des morceaux de virus caractéristiques du SARS-Cov-2 qui permettent de ne pas le confondre avec un autre virus. Ce test s’appelle une sérologie.

C’est bien ce que j’avais compris, et donc c’est une sérologie que je veux. On m’a dit qu’elle n’est pas remboursée mais qu’on peut la faire avec une ordonnance.

Oui, cela coûte une quarantaine d’euros. Mais avant de vous prescrire cette analyse, il faut que vous sachiez des choses importantes. Tout d’abord, si la sérologie montre la présence d’anticorps, cela ne veut pas dire que vous êtes immunisé contre le virus.

Comment ça, mais vous venez de me dire le contraire ?

Je vous ai dit que la sérologie détecte et mesure un taux d’anticorps spécifiques. Leur présence éventuelle signifiera que votre organisme a rencontré le virus, c’est une “trace de passage”, mais cela ne veut pas dire avec certitude que votre organisme est protégé à court terme contre une nouvelle infection. C’est probable, mais pas sûr à 100%.

Ah bon, même si on a beaucoup d’anticorps ?

Oui, on ne connaît pas le seuil, le taux minimal qui permettrait d’affirmer qu’il existe une protection suffisante. On n’a pas assez de recul pour le dire actuellement.

Ah zut, c’est justement pour ça que je voulais faire le test !

Et ce n’est pas tout, il y a anticorps et anticorps…

C’est quoi ça encore ?

Il y a les anticorps “signature”, ceux qui prouvent votre contact avec le virus, mais ce qui est intéressant, c’est de connaître votre taux d’anticorps “neutralisants”, c’est à dire capable de tuer le virus.

Ce ne sont pas les mêmes ?

Non. Les analyses sérologiques qui permettent d’évaluer le caractère neutralisant des anticorps sont différentes de celles utilisés en routine. Il faut pour cela tester l’effet de votre sérum sur des virus vivants, c’est assez compliqué.

Ah bon, il y a aussi plusieurs test sérologiques ?

Oui, plusieurs centaines, de différents types, et à différents stades de leur validation par les Agences sanitaires de différents pays. Ceux qui sont disponibles actuellement en laboratoire de ville sont des tests qui détectent uniquement des anticorps “signature”.

Ça devient compliqué !

C’est pour ça que je voulais en parler avec vous. Nous en sommes au tout début de l’histoire de ces sérologies SARS-CoV-2.
Et en plus leur fiabilité n’est pas parfaite.

Comment ça ? Ils ne sont pas fiables à 100% ?

Non, comme la majorité des tests.
Les critères imposés en France sont une sensibilité de 90% et une spécificité de 98%.

Bon ben ça paraît pas mal… Mais ça veut dire quoi ?

Ça veut dire que le test détecte des anticorps spécifiques du SARS-CoV-2 chez 90% des gens qui l’ont attrapé, et n’en détecte pas chez 98% de ceux qui ne l’ont pas eu. C’est bien, mais cela veut dire aussi que 10% des contaminés auront un test négatif à tort, et que 2% des non-contaminés auront un test positif à tort.

OK, ça me paraît acceptable. On le fait quand même ?

Si vous voulez, mais je vous conseille d’attendre pour pouvoir choisir le meilleur test plutôt que le premier disponible. C’est l’affaire d’une dizaine de jours pour y voir plus clair. D’ailleurs, à ma connaissance, vous n’avez jamais eu aucun symptôme de COVID-19 ?

Non, mais je l’ai peut-être eu sans m’en rendre compte, c’est fréquent, non ?

Oui, mais les sérologies actuelles sont peu utiles dans votre cas.

Et pourquoi ça ?

Je vous ai parlé d’une spécificité de 98% pour les tests actuels, c’est à dire que 2% des gens non contaminés ont une sérologie positive à tort. Et bien si on fait cette sérologie chez quelqu’un comme vous, qui n’a a priori qu’environ une “chance” sur cent d’avoir été contaminé, un résultat positif est peu fiable. En effet, si on réalise une sérologie chez 100 personnes dans votre situation, il y aura un contaminé qui sera positif, mais aussi 2% de faux positifs chez les 99 autres. Deux non-contaminés seront positifs aussi, mais à tort. Cela veut dire qu’en moyenne, si on réalise le test chez 100 sujets comparables à vous, il y aura trois positifs, dont un seul contaminé.

J’ai rien compris…

Bon, c’est vrai que c’est un peu compliqué, cela veut dire que si vous êtes positif, vous n’aurez qu’une “chance” sur trois d’avoir été réellement contaminé, 33%, ce qui n’est pas très intéressant.

La capacité du test à faire un bon diagnostic n’est pas la même chez ceux qui ont eu des symptômes et les chez les autres. Le même type de calcul montre qu’en revanche, chez un sujet qui a eu des symptômes typiques de la malade COVID-19, un test positif indique une probabilité d’avoir été contaminé supérieure à 90%. Là, ça vaut le coup de le faire pour confirmer l’infection si on n’a pas eu de test PCR (nasal) pendant la maladie (voir le tableau plus bas)

Et les futurs tests seront meilleurs ?

Oui, on annonce pour bientôt des tests sensibles à 100% et spécifiques à 99%.

Bon, je vais peut-être attendre alors…

C’est ce que je vous conseille. Dans une quinzaine de jours, la situation sera plus claire. Les meilleurs tests seront identifiés et disponibles en ville. De toute façon, comme le test, quel qu’il soit, ne permettra pas d’avoir la certitude d’être immunisé/protégé efficacement, il faudra continuer à respecter les mesures barrières jusqu’à nouvel ordre.

Informations complémentaires

Il faut environ quinze jours après les premiers symptômes pour que les anticorps atteignent un taux suffisant pour être détectés de façon fiable. Les tests sérologiques ne sont pas destinés à faire le diagnostic chez un sujet malade. Dans ce cas, on peut utiliser en cas de doute le test nasal qui détecte la présence du virus (PCR).

Je ne tiens pas compte des indications officielles du test sérologique telles que précisées par la HAS. J’estime que chacun, après une information claire, doit pouvoir réaliser un test à ses frais s’il le désire. Il n’y aura pas de pénurie de tests sérologiques.

J’ai expliqué qu’un test positif chez un sujet n’ayant jamais été malade n’a que 33% de “chance” d’être fiable. En revanche, un test négatif affirme à 99,9% l’absence de contamination. Chez ceux qui n’ont eu aucun symptôme, seul un résultat négatif est digne de confiance. En revanche, chez un sujet qui a été malade, un test positif est très fiable (et un test négatif aussi). Voici un tableau qui en dit plus :

https://www.atoute.org/n/local/cache-vignettes/L672xH525/pertinenceserologievpcorrige-3a63c.jpg?1588770762

Pour ceux qui veulent approfondir, trois sources importantes :

Un communiqué de l’Institut Pasteur.

Un rapport de la Haute Autorité de Santé, moins synthétique, mais très complet.

Une analyse « profonde » et passionnante de la problématique des anticorps dans les maladies à coronavirus


Que nous disent les sérologies ?

Source : laviedesidees.fr

À quoi servent les tests sérologiques ? S’ils révèlent une immunisation a posteriori, faut-il les systématiser ? Immunisation n’est pas protection. La sérologie peut éclairer l’histoire de la maladie, orienter les stratégies de prévention et les choix en matière de vaccination.

Lire l’article complet sur laviedesidees.fr

Objet d’une course effrénée entre les entreprises de biotechnologie, des tests de diagnostic sérologique Covid-19, basés sur la détection d’anticorps spécifiques du virus dans le sérum, sont développés ou en cours de développement. Ils reflètent le développement d’une réponse immunitaire anti-virale. Ces tests visent donc à déterminer a posteriori si un sujet a été en contact avec le virus et s’est immunisé. Beaucoup, de ces tests ne sont cependant pas encore évalués, ce dont s’émeuvent l’OMS et de nombreux experts en France et ailleurs. Cette frénésie est-elle justifiée ?

Par leur simplicité de prélèvement et de réalisation technique les tests sérologiques, en particulier les tests rapides réalisés à partir d’une goutte de sang prélevée au bout du doigt, sont souvent annoncés comme le Graal du diagnostic du Covid-19. Ils sont de ce fait présentés ou compris comme étant un substitut au diagnostic de la présence du virus lui-même dans un échantillon prélevé par écouvillonnage du pharynx. Ce diagnostic dit « moléculaire » repose sur une amplification de séquences génétiques spécifiques du SARS-CoV2 par qRT-PCR (1), et non pas sur la classique culture sur cellules, longue et aléatoire pour certains virus. La relative complexité technique dans le prélèvement et la fiabilité de ce test moléculaire ne doit pourtant pas dissuader de l’utiliser, car il sera irremplaçable dans l’identification et l’isolement des sujets encore contaminés après la sortie de confinement.

Ces deux tests ne sont donc pas mutuellement exclusifs. Ils doivent être vus comme complémentaires dans une stratégie raisonnée de prévention de la circulation du SARS-CoV2. Mais que peut-on vraiment attendre de la sérologie Covid-19 ?

Immunité et protection

La sérologie évalue donc l’immunité développée contre un agent pathogène. Elle mesure la quantité d’anticorps spécifiques de ces pathogènes. Les premiers anticorps produits, après un temps de latence, appartiennent à la classe des IgM (immunoglobulines M) de faible affinité pour leur antigène (intensité de l’attraction de l’anticorps pour son antigène). Elles laissent progressivement la place aux IgG (immunoglobulines G), de plus forte affinité, durablement produites par l’organisme, donc offrant la meilleure signature de l’infection à distance de cette dernière, la présence des IgM témoignant d’une infection débutante. En cas de réinfection par le même pathogène, le taux d’IgG spécifiques ré-augmente rapidement par réactivation de la mémoire immunitaire : c’est la réponse secondaire. Le délai d’apparition des anticorps spécifiques et la qualité et durée de la mémoire immunitaire varient en fonction du pathogène et de l’hôte infecté. Une semaine environ est nécessaire pour voir apparaître les IgG.

Il ne faut cependant pas confondre immunité et protection : certaines infections immunisent et protègent pour la vie, comme la rougeole, d’autres immunisent mais ne protègent pas efficacement comme le VIH, d’autres enfin offrent une protection relativement brève.

Même si c’est souvent le cas, il ne faut donc pas confondre présence d’anticorps, comme les IgG, signant la réponse immunitaire, et existence d’une protection. Ces anticorps sont souvent neutralisants, c’est-à-dire capables d’empêcher le processus infectieux dans un modèle in vitro ou chez un animal d’expérience, et qui ont donc de fortes chances d’être protecteurs lorsqu’ils apparaissent chez l’homme ; mais il peuvent ne pas être neutralisants ou l’être faiblement, voire parfois être facilitateurs du processus infectieux, ce qui invite à la prudence devant l’interprétation d’une sérologie positive lorsque l’on n’a pas suffisamment de recul sur une maladie nouvelle, donc sur la nature et la qualité de la réponse immunitaire.

Il faut aussi souligner que, particulièrement au cours des infections virales, c’est surtout la réponse cellulaire qui prend en charge l’éradication du virus. D’abord la production des interférons de type 1 antiviraux, puis la réponse spécifique assurée par certaines populations de lymphocytes, très tôt induites, surtout de type T CD8+. Contrairement à la découverte d’anticorps spécifiques signant la réponse humorale comme déjà décrit, la recherche de marqueurs d’immunité cellulaire est plus laborieuse, et l’on ne dispose pas de tests faciles au lit du patient. Les anticorps jouent finalement un rôle plus ou moins ancillaire dans la protection jusqu’à ce que, par la succession de mutations somatiques dans le gène de leur portion variable, leur spécificité et affinité pour le pathogène augmentent et que leur rôle neutralisant s’accentue, devenant très importants en cas de réinfection.

L’infection par les coronavirus induit une réponse immunitaire qui comporte la production d’anticorps spécifiques dont on attend qu’ils participent à la guérison en association avec la réponse cellulaire. Ces anticorps de spécificité et affinité croissantes sont aussi attendus dans la protection contre une réinfection ultérieure par le même coronavirus, ou possiblement, par un virus proche. Les infections par des alpha-coronavirus responsables de fréquentes rhinopharyngites, pneumopathies et diarrhées, généralement bénignes, chez le jeune enfant stimulent une réponse cellulaire et la production d’anticorps qui ne semblent pas reconnaître les antigènes clés de la protection contre les beta-coronavirus comme SARS-CoV2. Pas d’immunité ni de protection croisée a priori, bien que l’on continue à s’interroger sur les raisons de la bénignité des infections à SARS-CoV2 chez les enfants et donc sur la possibilité d’un certain degré d’immunité croisée induite par la diversité d’alpha-coronavirus à laquelle ils ont été exposés dans leur prime-enfance.

Utilité des tests sérologiques

Interrogeons-nous finalement sur l’intérêt et les indications de la sérologie Covid-19 et sur les niveaux d’intégration de ces tests dans les mesures de contrôle de l’épidémie après la sortie de confinement qui se profile et à plus long terme. Si un sujet présente des anticorps, il est immunisé, mais cette immunité est-elle protectrice ? Question majeure, tant ce virus et la réponse de l’hôte comportent encore des zones d’ombre.

Les anticorps semblent séroneutralisants in vitro d’après les premiers résultats chez les sujets ayant présenté une maladie symptomatique, mais le sont-ils in vivo ? On peut, jusqu’à preuve du contraire, faire le pari que les sujets séropositifs sont (relativement) protégés contre une réinfection. Des travaux réalisés en Chine sur le singe macaque, infecté expérimentalement par voie intra-nasale par SARS-CoV2, ont montré qu’une majorité d’animaux développaient la maladie, pour l’essentiel sous forme relativement bénigne, mais validant néanmoins le modèle. Tous les animaux infectés ont montré une séroconversion et ont guéri. Lorsque la moitié du contingent fut expérimentalement réinfectée avec un titre équivalent de virus par la même voie, non seulement les animaux n’ont développé aucun symptôme clinique et biologique, mais la recherche du virus par qRT-PCR a montré une élimination rapide de la présence virale dans tous les tissus testés, y compris dans le naso-pharynx. Ces résultats sont encourageants à double titre : non seulement ils montrent le développement d’une immunité systémique et une bonne corrélation entre l’apparition d’anticorps neutralisants et la protection, mais ils suggèrent aussi, même si elle n’a pas été évaluée directement, le développement d’une immunité muqueuse locale dont témoigne l’incapacité de colonisation virale du naso-pharynx lors de la réinfection. Un vieil adage en matière de modèles animaux expérimentaux de maladies infectieuses humaines dit : « la souris ment toujours, le singe dit parfois la vérité ». Faisons le pari que le singe dit la vérité… au prix de quelques petits mensonges car comme le coronavirus, le singe est espiègle.

Réfléchissons à la contribution de la sérologie Covid-19 à l’échelon individuel. Il existe un intérêt individuel évident pour les sujets professionnellement exposés, les personnels de santé et plus largement les catégories professionnelles exposées au public. Si la sérologie est positive, cette information est indéniablement rassurante pour le sujet et sa famille. Si la sérologie est négative, il y a nécessité de redoubler d’attention dans la prévention. Certains vont jusqu’à proposer l’octroi d’un « certificat de séropositivité » permettant en particulier une reprise prioritaire des activités professionnelles. C’est le cas dans certaines provinces italiennes, en Allemagne et même en France.

La pertinence de la création d’un tel statut peut se discuter pour plusieurs raisons : les incertitudes qui demeurent sur la question de savoir si séropositivité signifie vraiment protection et absence de portage viral, nécessitant de doubler la sérologie par un diagnostic moléculaire du SARS-Cov2 ; l’évidence croissante que ces sujets séropositifs sont minoritaires dans la population générale, donc un faible impact attendu de cette mesure. Enfin, il faut s’interroger si, dans une perspective sociologique actuellement tendue, il est bon de créer une catégorie supplémentaire de citoyens bénéficiant des effets d’une « ségrégation positive » incitant certains à se sentir libres de déroger à la règle commune de distanciation sociale et d’hygiène renforcée, alors que ce statut fragile de protection incitera d’autres, dans une attitude altruiste, à s’exposer plus encore dans des engagements au chevet de patients infectés. Il semble urgent d’attendre des réponses scientifiques claires avant de formaliser un statut.

En conclusion, concernant la dimension individuelle des résultats de la sérologie, il est important de préserver le dialogue singulier médecin-patient afin d’informer clairement ce dernier de ce que signifie réellement pour lui cette séropositivité et dans quelle mesure elle peut changer son attitude sociale dans la longue et sensible période qui suivra la sortie de confinement. C’est un défi supplémentaire pour notre intelligence individuelle et collective.

Sur ces bases, réfléchissons sur l’intérêt de la sérologie Covid-19 à l’échelon collectif. L’intérêt majeur de la sérologie est épidémiologique en ce qu’elle permet d’évaluer rétrospectivement la prévalence de l’infection Covid-19 dans une unité géographique définie (collectivité scolaire ou autre, région, voire pays), une catégorie socio-professionnelle particulière, sur une période donnée ou dans le temps écoulé depuis le début de l’épidémie. Elle sera d’autant plus importante qu’elle apportera des données de prévalence réelle dans une maladie marquée par un pourcentage important de patients porteurs asymptomatiques ou pauci-symptomatiques du SARS-CoV2 sous-estimant le nombre réel de cas et par une grande hétérogénéité territoriale de la prévalence. Encore faut-il que ces formes bénignes ou ce portage aient donné lieu à une séroconversion. Un travail collaboratif très récemment publié, mené par l’Institut Pasteur est exemplaire concernant l’apport de la sérologie dans l’appréciation de la dynamique de l’épidémie au sein d’une collectivité scolaire prise comme modèle. Il apporte aussi une donnée plus générale importante. Comparé au 25,9 % de taux d’attaque infectieux dans l’établissement étudié, le taux d’attaque moyen de la population apprécié par sérologie sur un échantillon de donneurs de sang du même département est de 3 %, pourcentage nettement inférieur aux 10-12 % attendus, selon des données éparses en France, dans les zones qui ont subi des foyers très actifs. Quoi qu’il en soit, cette donnée indique que le taux d’attaque global de Covid-19 est resté bas dans notre pays et que vu la tension d’ores et déjà subie par notre système de santé pour un tel taux d’attaque, il est hors de question de baser nos stratégies sur l’attente progressive d’un taux d’attaque de 60-70 % de la population, assurant une immunité collective. En cela la sérologie est importante à l’échelle collective. Elle devient un outil majeur de l’épidémiologie interventionnelle : nous devons nous protéger et non nous infecter en attendant traitement et vaccins qui seuls pourront changer la donne. Le prix humain de l’immunité collective serait exorbitant.

Ces données acquises, un suivi est bien entendu important, mais la valeur de ces tests immunologiques pratiqués à grande échelle perd de son impact en tant que paramètre majeur influençant le pilotage des mesures de prévention. La pratique des tests PCR indispensables à la détection des porteurs du virus et leur isolement, qui est le corollaire de la stratégie d’évitement de l’infection, sera de facto en première ligne. Les tests sérologiques resteront néanmoins essentiels, sous réserve d’être pratiqués avec des objectifs clairement définis, dans un cadre méthodologique rigoureux accompagné d’un suivi dans le temps, pour répondre à aux questions clés qui vont dominer la période d’incertitude à venir :

– Les sujets séro-positifs sont-ils protégés ? Quelle est la durée de cette protection ? Existe-t-il des rechutes voire de vraies réinfections ?

– Les sujets porteurs pauci-symptomatiques ou asymptomatiques sont-ils protégés ? Quel pourcentage d’entre eux a réellement séro-converti et à quel niveau ? Leurs anticorps sont-ils neutralisants ? Pour cette catégorie de sujets, si les réponses sur l’état de protection ne sont pas claires – ce qui est probable – il conviendrait de mettre très rapidement au point et rendre disponibles des tests évaluant l’immunité muqueuse fondée sur les sIgA anti-protéines N et S produites par l’épithélium naso-pharyngé.

– Quelle est la durée du portage viral et de la capacité d’excrétion-transmission virale (autrement dit de contagiosité) après guérison clinique et séroconversion ?

Il faudra aussi dans le futur généraliser ces tests sérologiques devant des situations inexpliquées de défaillances d’organes, en particulier cardiorespiratoires et de syndromes d’allure immuno-pathologique, afin de définir un cadre nosologique correspondant à de possibles séquelles tardives de la maladie.

Conclusion

En conclusion, à une échelle collective, la sérologie gardera une place essentielle dans la stratégie globale de contrôle de Covid-19 en ce qui concerne la compréhension de l’histoire naturelle de la maladie, l’orientation des stratégies de prévention et les choix en matière de vaccination. Sa pratique ne vaudra cependant que par la qualité technique certes, mais surtout méthodologique du cadre de leur réalisation. Un criblage global sans questions précisément formulées, sans méthodologie rigoureuse et sans suivi temporel risque de représenter un exercice coûteux et de faible impact sanitaire.

Au fond, comme souvent en médecine et en biologie, c’est la complémentarité des approches et non leur exclusivité qui doit prévaloir. Jules Bordet le disait à sa manière : « L’un des grands services que chaque science peut rendre à nos recherches, c’est de nous inviter, en servant d’introduction, à la quitter pour sa voisine ». Pour y revenir ensuite, ajouterons-nous…

Source : laviedesidees.fr

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Commentaire recommandé

Cathouchka // 13.05.2020 à 16h08

Excellent cet article. Parfaitement clair et didactique. Merci pour ce partage.

11 réactions et commentaires

  • Brigitte // 13.05.2020 à 09h40

    Ce dialogue entre patient et médecin est vraiment fictif. Quel médecin consacre autant de temps à parler à son patient ainsi, à part un homéopathe et encore?
    De tels dialogues auraient permis aux médecins de ville de tenir un registre des cas symptomatiques. Même sans tests, cela aurait permis d’avoir une idée de l’ampleur de l’épidémie, malgré le biais des symptômes psychosomatiques, dus à la peur.
    C’est dommage que le médecin, anciennement appelé « de famille » n’ait plus ce rôle central dans la prophylaxie, de même que l’école. Les dispensaires, qui couvraient le territoire jusque dans les années 60, jouaient un rôle majeur. Maintenant, il y a des centres de soins, où les personnels de santé tiennent boutique, sans lien entre eux sinon commerciaux.
    Il n’y a pas que la médecine hospitalière qui est en crise, mais aussi la médecine de ville, depuis des décennies, ayant relégué son rôle social aux services d’urgence. Crise de vocation, désert médicaux, tout le tissus social est en crise.

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    • Jeanne L // 13.05.2020 à 10h37

      Tout à fait d’accord, cette épidémie révèle l’état désastreux du suivi de la population à tous les échelons.
      Désert médicaux non seulement à la campagne, mais dans les villes et dans les banlieues.
      Médecine de protocole à tout -va où il n’y a plus de dialogue, mais le médecin qui vous écoute tout en tapant sur son ordinateur et après examen des constances totalement codifié, vous écrit toujours sur l’ordinateur une prescription type et ou vous renvoie à un spécialiste qui procède de même.
      Comme le dit Brigitte, plus de dispensaires, plus non plus de PMI (protection maternelle et infantile) qui assurait le suivi des enfants, plus de médecine du travail régulière obligatoire pour tout le monde (d’ailleurs la liquidation du code du travail a supprimé aussi les comités d’hygiène et de sécurité ,merci Macron) …
      Bref, la médecine ne traite ni les individus particuliers avec leur idiosyncrasie, leur complexion personnelle irréductible, ni n’a de perspective collective de santé publique avec visée de la santé pour tous et chacun.
      Une médecine du « protocole », avec des médecins en petit nombre, tous dans les mêmes lieux, une médecine qui se dit scientifique, mais qui n’est que bureaucratique et vaguement technique.L’écran comme écran entre le médecin et le patient et ce qu’attend le patient du médecin.
      Au bout du compte le désastre épidémique qu’on n’a pas su affronter et le désastre social prévisible et tragique;
      Toute la médecine est en crise c’est bien certain mais cette crise renvoie à la crise systémique de la société.

        +22

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    • ellilou // 13.05.2020 à 13h21

      Notre médecin de famille passait le temps nécessaire avec chaque patient ce dialogue aurait pu se passer ainsi avec lui, il est malheureusement décédé en 2016 d’un cancer. Nous sommes restés sans aucun suivi médical (nous avons l’immense chance d’habiter un désert médical à deux pas de Paris…) jusqu’à il y a quelques mois.

        +6

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      • Narm // 13.05.2020 à 13h40

        ou ceux qui n’ont pas eu la chance de perdre leur médecin de famille à cause du covid…..

        eh oui, cette crise aura démontré que dans quelque dossier que ce soit, tout ne se rentre pas en 0 et en 1

          +3

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    • Incognitototo // 13.05.2020 à 16h39

      Oui, c’est terrible… et si on fait un jour le compte de tous les morts collatéraux dus à l’asphyxie du système de santé, mais aussi à des interfaces administratives trop souvent totalement défaillantes, je pense qu’on va avoir de mauvaises surprises aussi.

      Expérience personnelle : suite à une anomalie inquiétante détectée par mon cardiologue, il me prescrit une IRM cardiaque en janvier… 1er problème : trouver un service de radiologie qui fasse ce type d’examen apparemment très spécialisé. J’en contacte 6, 4 ne répondront jamais à mes mails. Celui conseillé par mon cardio me donne un horaire qu’il sera impossible de modifier, le dernier me donne un rendez-vous à 3 mois…
      Je choisis cette dernière option, on verra bien, si en avril je serai toujours là…
      Je fais court… Après 3 reports de rendez-vous par ce service et une bagarre permanente pour les joindre (jusqu’à 25 appels/j sans que ça décroche), je ne passerai mon IRM que la semaine dernière. 5 mois de délai, pour un examen portant pourtant sur une fonction vitale… Je suis toujours là, mais je pense à tous ceux qui n’auront pas eu cette chance, parce que les interfaces administratives sont défaillantes et les services surchargés.

        +3

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      • Incognitototo // 13.05.2020 à 16h41

        (suite) Le pire est quand même que quand on se compare à d’autres, on ne devrait avoir (presque) aucune raison d’en être là.
        L’Allemagne du fait de son PPA/H supérieur dépense 15 % de plus par habitant pour la santé. Est-ce que ça qui explique que les prises charge sont beaucoup plus efficaces chez eux ? Comment font-ils pour payer leurs personnels de santé 20 à 100 % plus qu’en France ?
        Une réponse ? La gestion administrative du système de santé par habitant coûte 21 % plus cher en France qu’en Allemagne. Et quand on constate cependant leur inefficacité chronique, ça fait peur…

        Aussi à un moment, il faut regarder objectivement pourquoi ça ne fonctionne pas et pas seulement par manque de moyens et pourquoi c’est toujours aussi impossible de remettre en cause la gestion des « élites ».

          +5

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    • Basile // 14.05.2020 à 06h22

      @ Brigitte : ah que ça fait du bien de lire du vieux français, avec ce mot « dispensaire ».
      Datant du temps déjà très lointain d’avant tous ces mots de novlangue que sont : mobilité, distanciation sociale, geste barrière, plage dynamique.

      PS : je fréquente toujours le mien depuis 70 ans. Il a juste perdu sa bonne odeur de peinture laquée au lissé parfait qui sentait le propre. Remplacée par des toiles de verre rugueuses.

        +1

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  • D.R. // 13.05.2020 à 12h01

    Donc il faut attendre quinze jours avant de faire des tests sérologiques !
    Cela pose la question clé des questions de sécurité : fait-il attendre qu’une solution soit sûre à 100% avant d’agir, ou, en attendant, peut-on se contenter d’une solution sûre à 50% mais à effet immédiat ?
    On nous a déjà dit ça : les masques c’est dangereux (en fait y en a pas) les tests par écouvillonnage c’est pas sûr (en fait y en a pas non plus) Donc rester confiné et laver vous les mains !
    En fait tout l’effort de la lutte contre la pandémie repose sur l’effort de la population !
    Le déconfinement devait être liés à des tests de façon à isoler seulement les personnes malades. 250 000 tests par semaines étaient promis. Ils sont où ? Des lieux de confinement spécifique, et hors du domicile familial, pour qu’un malade n’infecte pas toute la famille, devait apparaitre ! Ils sont où ? Des masques pour toute la population étaient promis. Mais ce ne sont que des initiatives privés ou d’administrations locales qui agissent (je viens d’en recevoir deux de ma Mairie)
    L’État est toujours aussi dramatiquement absent ! Une deuxième vague ? La faute à tous ces gens qui ne respectent pas « les gestes barrières ». Alors que l’État nous donne de si bon conseil !
    En somme, devant cette incurie on nous « démerdez vous » !
    Et devant ce manque de moyens on nous dit de bonne foi (je ne doute que ce soit le cas du médecin interviewer) ou de mauvaise foi (souvenez-vous des masques dangereux pour la santé) que tout ce qui manque, ça ne sert à rien, voire c’est dangereux.

      +6

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  • Cathouchka // 13.05.2020 à 16h08

    Excellent cet article. Parfaitement clair et didactique. Merci pour ce partage.

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  • .Josy // 13.05.2020 à 22h06

    le système ne fonctionne plus parce qu’on a remplacé un personnel efficace et coordonné par des bureaucrates et des contrôleurs et prescripteurs en tous genres. On a supprimé une prise en charge du patient par une gestion à l’acte ;:on ne tient compte que d’un exercice technique .La psychiatrie fait face à un désastre innommable. La mise en place des ARS a suivi la fermeture des dispensaires : ils ont été fermés comme ceux de la croix rouge sous le ministère Mattei qui a accompagné la canicule. Récemment une nouvelle structure s’est ajoutée qui ajoute aux financements des hôpitaux au détriment la aussi du personnel efficace . Il s’agit du ciss qui représente les usagers qui sont formés pour la représentation et qui sont encadrés pour ? contrôle? rapports? justification d’un pôle de dépenses?
    Il faudrait faire un audit de tous les postes en surplus du côté de la gestion comptable et des personnels de direction à qui on a offert des salaires hors grille de la fonction publique . En contrepartie comme on l’a vu pour la « pandémie » on manque de tout dans les hôpitaux et ce tout c’est le plus important : ce qui permet le soin.

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    • Incognitototo // 14.05.2020 à 04h06

      Absolument, en France, en plus des hiérarchies politiques, il y a 5 niveaux de « pouvoir » avant d’arriver aux directions des services médicaux, et tous les niveaux sont eux-mêmes doublés hiérarchiquement avec un sous-directeur. Une vraie armée mexicaine…
      Ma longue expérience d’auditeur d’entreprises me fait affirmer que c’est sans conteste le type de structures qui dysfonctionne le plus. Ça donne généralement des cadres qui passent leur temps à justifier leur place auprès de leur hiérarchie (quitte à inventer n’importe quoi pour faire croire qu’ils bossent), et une base en conséquence totalement démotivée (souvent sous-payée en plus).
      C’est quasiment un schéma hiérarchique type aussi bien étatique que privé pour toutes les structures qui dysfonctionnent. Il n’y a qu’à voir comment les communautés de communes ont fait exploser tous les budgets de gestion locaux depuis 10 ans, pour comprendre qu’on a un vrai souci avec la bureaucratie et les petits chefs en France.
      Le remède est pourtant simple (100 fois appliqué et 100 fois gagnant) : virée les cadres qui ne servent à rien et fonctionner par objectifs avec la base, avec majoration de salaires en fonction des résultats ; sans oublier de réduire l’organigramme à 3 niveaux hiérarchiques. On en est très très loin en France. Pire l’inflation structurelle ne semble jamais pouvoir s’arrêter : un problème = une création de direction ; ce qui permet de ne jamais se demander pourquoi le problème est apparu et de réformer en conséquence.
      L’Allemagne a mis en plus en place une plate-forme pour les patients qui jugent (selon de nombreux critères) les services, et les résultats sont publics… un vrai plus pour tous.

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