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Amazon : Forcés à travailler pendant une tornade, des salariés décèdent

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Six travailleurs ont été tués le mois dernier parce qu’Amazon a insisté pour qu’ils continuent à travailler pendant une tornade. Les mauvais résultats de l’entreprise en matière de sécurité et le taux de rotation du personnel très élevé sont dus à une seule chose : traiter les gens comme s’ils étaient jetables est meilleur pour les profits d’Amazon.

Source : Jacobin Mag, Clark Randall, Lucy Randall
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le centre de distribution d’Amazon à Edwardsville, dans l’Illinois, qui a été endommagé par une tornade le 10 décembre 2021, faisant six morts. (Photo de Tim Vizer / AFP via Getty Images)

Le 10 décembre 2021, une tornade s’est abattue sur Edwardsville, dans l’Illinois. À ce moment-là, De’Andre Morrow, un jeune homme de vingt-huit ans originaire de St. Louis, travaillait dans un entrepôt de livraison Amazon. De’Andre avait économisé de l’argent pour partir en voyage avec sa petite amie. Il a dit à son père qu’il prévoyait de la demander en mariage pendant ce voyage en Thaïlande.

De’Andre Morrow est l’un des six employés d’Amazon tués dans l’entrepôt d’Edwardsville (Illinois). Lorsque la tornade a frappé, quarante-six travailleurs étaient coincés dans le bâtiment, mais une seule salle de sécurité avait été désignée comme telle. Cette pièce était située à l’extrémité nord des installations de plus de neuf hectares. Selon certains témoignages, la tornade a touché le sol à 20 h 28 et l’entrepôt d’Amazon s’est effondré à 20 h 33. Les six travailleurs qui ont trouvé la mort cette nuit-là n’ont pas réussi à atteindre cette zone de sécurité délimitée.

Morrow et ses collègues sont morts lors d’une catastrophe naturelle. Mais ce serait une erreur de considérer leurs morts comme accidentelles ou comme des tragédies isolées. Ces travailleurs ont été tués parce qu’Amazon a pour politique de menacer l’emploi des gens et de contraindre les employés à continuer de travailler dans des situations dangereuses, qu’il s’agisse d’une tornade, d’une pandémie ou juste de la corvée quotidienne qui consiste à « faire du chiffre » pendant un roulement de dix heures.

Alors qu’Amazon a gardé secrète l’ampleur nationale des décès de travailleurs, Cori Bush, Alexandria Ocasio-Cortez et Elizabeth Warren exigent désormais une liste décennale de tous les décès sur site avec une explication. Amazon a déjà ignoré des demandes de ce type dans le passé. Ce que nous savons cependant, c’est que les blessures graves des travailleurs chez Amazon augmentent année après année, malgré la sous-estimation chronique de l’entreprise, et qu’elles sont déjà 80 % plus élevées que les moyennes du secteur.

Turnover incessant

Pendant la tornade à Edwardsville, l’un des chauffeurs-livreurs d’Amazon envoyait des SMS à son superviseur. Dans l’heure qui a précédé l’arrivée de la tornade, on a dit au chauffeur de « continuer à livrer », en dépit de ses demandes pour trouver un abri. Lorsque son superviseur a refusé, le livreur a accusé Amazon de « vouloir transformer cette camionnette en cercueil ».

Les employés des entrepôts et des services de livraison d’Amazon se plaignent régulièrement d’avoir le sentiment d’être considérés comme parfaitement jetables. Amazon a un taux de turnover hebdomadaire de 3 % à l’échelle nationale, soit environ trente mille employés, ce qui équivaut à un remplacement total de tous ses salariés à temps plein tous les huit mois. Alors que de nombreuses entreprises considèrent qu’un taux de turnover élevé est coûteux, le lieu de travail d’Amazon est conçu pour un remplacement rapide des employés.

En ce qui concerne une main d’œuvre enracinée, Jeff Bezos estime que c’est là une « course vers la médiocrité ». Le renouvellement rapide du personnel est également bénéfique pour les résultats d’Amazon en rendant plus difficiles les stratégies à long terme telles que la syndicalisation et en empêchant les employés d’accéder aux avantages cumulés au fil du temps, ce que les porte-parole de l’entreprise ne cessent de vanter comme étant pourtant un des avantages quand on travaille chez Amazon.

Amazon a un taux de turnover hebdomadaire de 3 % à l’échelle nationale, ce qui équivaut à un remplacement total de tous ses travailleurs à temps plein tous les huit mois.

Un taux élevé de renouvellement accélère donc une course vers le bas par laquelle les salaires sont constamment ramenés à leur point de départ. Par une pratique qui est en cours de généralisation chez Amazon, les travailleurs, après leur première année d’emploi, se voient proposer des sommes croissantes en liquide s’ils décident de démissionner. Pour être plus clair, en 2019, Amazon a embauché environ 770 000 nouveaux travailleurs à temps plein, mais en avait licencié ou perdu plus de 660 000 à la fin de l’année. De l’avis général, ces tendances n’ont fait que s’accélérer avec la pandémie. Et c’est sans parler du sort des employés à temps partiel.

La politique et la pratique de de ce concept d’emplois jetables sont également visibles, notamment dans la mort de ces six travailleurs qui se trouvaient à l’intérieur de l’entrepôt d’Edwardsville. Les théories de l’emploi jetable ont été vulgarisées par les spécialistes de la critique raciale pour décrire comment la violence structurelle opère pour abandonner les populations racialisées, tuant par négligence. La politique du jetable interroge la manière dont nous pouvons comprendre la mort de Morrow et de ses collègues comme étant un résultat qu’Amazon a permis, escompté et anticipé.

Le travail à mort

Personne n’a peut-être abordé cette question avec plus d’acuité que James Tyner, auteur de Dead Labor : Toward a Political Economy of Premature Death [La mort au travail : vers une économie politique de la mort prématurée, NdT], publié en 2019. L’ouvrage de Tyner remonte le cours de l’histoire jusqu’aux années 1600 afin de comprendre comment la mort prématurée des travailleurs est devenue quelque chose de « calculable, gérable, prévisible et même rentable. »

L’œuvre de Tyner explore la contradiction de longue date au sein du capitalisme entre l’augmentation des exigences du travail et le maintien en vie des travailleurs. Comme le souligne Tyner, citant Karl Marx, « le capital […] ne tient pas compte de la santé et de la durée de vie du travailleur, à moins que la société ne l’y oblige. »

Les catastrophes naturelles telles que cette tornade ne peuvent pas être contrôlées. Mais elles sont prévisibles et, en fait, prédites. Il ne s’agit nullement ici d’un accident qui sqerait insolite, l’Illinois essuie en moyenne cinquante-quatre tornades par an, et l’état est situé à la lisière de ce qu’on appelle « l’allée des tornades. » Lorsqu’Amazon a décidé de construire cette installation à Edwardsville en 2018, la question a toujours été de savoir quand – et non pas si – une tornade allait frapper.

Lors d’une conférence de presse le lundi suivant, John Felton, premier vice-président d’Amazon chargé des services de livraison à l’échelle mondiale, a déclaré que « toutes les procédures ont été correctement suivies ». Et dans un sens, il avait raison : la procédure de l’entreprise est de garder des dizaines de travailleurs sur place pendant les catastrophes naturelles ; la procédure de l’entreprise est de continuer à travailler malgré les alertes de mauvais temps et les sirènes de tornade ; et la procédure de l’entreprise est d’attendre qu’une tornade ait effectivement touché le sol avant de permettre aux travailleurs d’arrêter de travailler et de rejoindre un abri.

Si l’on considère ce que Tyner appelle l’économie politique de la mort, on peut déduire de cette catastrophe que la valeur de la vie des travailleurs d’Amazon est inférieure aux profits potentiels d’une seule journée, voire d’une seule heure, de travail. Si ces calculs étaient différents, Amazon aurait simplement permis aux travailleurs de rentrer chez eux une fois que le service national de météorologie a émis une alerte d’urgence. Ces calculs, dans l’ensemble, constituent ce que Tyner appelle une « bio-arithmétique économique », par laquelle on « laisse beaucoup de gens mourir pour que d’autres puissent profiter des fruits des travailleurs (morts) ». C’est là le prix à payer pour que Amazon Prime vous livre vos produits dès le lendemain.

Chaque jour, Amazon transfère aux employés la charge de prendre ces décisions de vie ou de mort, en mettant en balance leur travail et leur sécurité. À Boulder, dans le Colorado, un chauffeur d’Amazon a été qualifié de « héros » et « d’ange » pour avoir sauvé une famille de trois personnes pendant la tempête de feu qui a ravagé 2 500 ha et mille maisons la semaine dernière. Alors que l’incendie faisait rage, le chauffeur — Lou Ann — a traversé la zone d’urgence qui avait été évacuée afin de livrer une pompe à vélo à la famille. Newsweek a rendu compte de l’incident, exprimant sa perplexité, en écrivant que le chauffeur d’Amazon avait « apparemment décidé de risquer sa vie et sa santé pour livrer une pompe à vélo au milieu des feux de l’enfer » [italique ajouté].

La description faite par Newsweek est à la fois vraie et manifestement dépourvue de toute perspective syndicale. Sur les 190 personnes employées au dépôt de livraison d’Edwardsville, seules sept sont des travailleurs à plein temps d’Amazon. Le capitalisme de sous-traitance, incarné par la gig economy [économie des petits boulots. C’est un système basé sur des emplois flexibles, temporaires ou indépendants, NdT], dépend de ces notions illusoires de choix et de responsabilité des travailleurs. Tyner écrit : « Ni les entreprises ni l’État n’assument la responsabilité du sort d’un individu particulier, puisqu’on considère que comme tout agent totalement libre, il ou elle est supposé être entièrement responsable de son sort. »

Tous les travailleurs sont contraints de participer au marché du travail salarié afin de s’en sortir – tout travail est donc, dans une certaine mesure, contraint. Pourtant, Newsweek attribue à ce travailleur le statut d’agent libre – un acteur autonome prenant la décision non contrainte et pourtant illogique de distribuer des pompes à vélo en plein milieu d’un feu de forêt.

Des meurtres sociaux

Il nous faut insister ici sur une nouvelle lecture de ces morts tragiques à Edwardsville afin de les prendre pour ce qu’elles sont : des meurtres. Bien qu’elles se soient produites pendant une catastrophe naturelle, ce ne sont pas des morts naturelles. En parlant de la mort prématurée des ouvriers anglais au XIXe siècle, Friedrich Engels a écrit à propos de cette même déformation fréquente de la réalité : « Parce que personne ne voit le meurtrier, parce que la mort de la victime semble naturelle, parce que le délit est plus une omission qu’une commission.

Mais cela reste un meurtre. » Pour Amazon, la mort des travailleurs est le prix à payer pour faire des affaires, et cela coûte souvent moins cher que de les garder en vie. Dans un système capitaliste, permettre aux travailleurs de mourir de cette manière est un choix rationnel pour la rentabilité d’Amazon – et c’est un choix que l’entreprise fait encore et encore.

Marx a précisé cette équation dans le Capital, en écrivant que ce qui intéresse le capital est purement et simplement le maximum de force de travail pouvant être mis en mouvement dans une journée de travail. Il atteint cet objectif en raccourcissant la durée de vie de la force de travail, de la même manière qu’un agriculteur avide arrache davantage de produits à la terre en la privant de sa fertilité.

Marx, et plus récemment Tyner, soulignent tous deux l’idée que les capitalistes comme Bezos, au sens le plus littéral, prévoient que leurs travailleurs meurent de manière évitable. Le capital, écrit Tyner, « se perpétue au prix de la vie du travailleur ».

Pourtant, les États-Unis assistent à une résurgence du mouvement ouvrier, avec un nombre historique de grèves et de campagnes syndicales dans de nombreux secteurs. Les travailleurs de l’entrepôt Amazon de Bessemer, en Alabama, entrent maintenant dans leur deuxième année de lutte pour former un syndicat. Et c’est alors que cette lutte est en cours que l’entrepôt de Bessemer a également fait les gros titres récemment lorsque deux travailleurs sont morts sur le sol de l’entrepôt, à quelques heures d’intervalle. L’un des travailleurs s’était vu refuser un congé de maladie quelques heures auparavant. Au total, six personnes sont mortes sur le site de Bessemer au cours de la seule année 2021.

S’ils remportent le nombre nécessaire de votes, Bessemer serait le premier entrepôt Amazon à se syndiquer dans le pays. Et en fin de compte, le pouvoir de négociation collective des travailleurs est l’une des seules, sinon la seule chose qui puisse forcer Amazon à changer. L’entreprise connaît une croissance exponentielle et devrait dépasser Walmart en tant que premier employeur du pays d’ici la fin de l’année. En 2022, les enjeux n’ont jamais été aussi élevés pour les travailleurs américains.

Personne ne comprend cela mieux que les travailleurs d’Amazon. Comme l’a dit un employé de Bessemer : « Vous êtes un corps. Une fois que ce corps est épuisé, ils font venir quelqu’un d’autre pour faire le travail. »

Clark Randall est écrivain indépendant, il est originaire de St. Louis, et vit désormais à Berlin. Son travail porte sur les questions de race, de classe et de logement aux États-Unis et dans le monde.

Lucy Randall est journaliste indépendante, elle travaille en tant qu’avocate spécialisée dans la défense des cas d’expulsions à Brooklyn, New York.

Source : Jacobin Mag, Clark Randall, Lucy Randall, 09-01-2022
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Le Belge // 03.02.2022 à 09h18

Le profit à tout prix : souffre -et meurt, s’il le faut- pendant que, moi, je vais m’amuser dans l’espace tout en disant que ceux qui, par leur travail, me permettent de le faire sont des bons à rien. Une pensée pour un célèbre philosophe allemand du XIXe siècle inhumé à Londres.

15 réactions et commentaires

  • Le Belge // 03.02.2022 à 09h18

    Le profit à tout prix : souffre -et meurt, s’il le faut- pendant que, moi, je vais m’amuser dans l’espace tout en disant que ceux qui, par leur travail, me permettent de le faire sont des bons à rien. Une pensée pour un célèbre philosophe allemand du XIXe siècle inhumé à Londres.

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  • RGT // 03.02.2022 à 09h59

    Les pratiques d’Amazon ne sont que la partie émergée de l’iceberg dans « notre » monde occidental qui prône les « valeurs sublimes » de la « liberté d’entreprendre » selon « nos » dirigeants.

    En France ça ne vaut pas mieux et les salariés sont pressés comme des citrons avec les « arguments convaincants » d’une délocalisation indispensable s’ils n’acceptent pas de devenir des esclaves corvéables à merci et jetables comme des mouchoirs jetables usagés.
    Et l’argument de la sauvegarde de délocalisation n’est en fait qu’un énorme mensonge car en fait les profits supplémentaires accumulés par le travail contraint des salariés serviront à financer ladite délocalisation, associée à des aides publiques destinées à « sauver l’emploi » qui en fait seront aussi détournées pour atteindre cet objectif.

    Et le tout bien sûr associé à des « politiques fiscales salvatrices » qui permettent aux plus fortunés d’être LÉGALEMENT (pas légitimement) exonérées d’impôts grâce à des montages fiscaux totalement inaccessibles aux « moins que rien ».

    Le tout basé sur une violence illimitée impliquant les « gardes chiourme » des entreprises mais surtout TOUS les services de l’état (sans compter les médias appartenant aux esclavagistes) qui causent une insécurité permanente qui pèse sur les épaules des gueux.

    Non seulement les salariés ne peuvent plus revendiquer le simple droit de vivre décemment au sein de l’entreprise sous peine d’être licenciés (ou d’avoir droit à une « rupture conventionnelle de contrat équitable » qui permet à l’employeur de se débarrasser de salariés « gênants » sans risquer la moindre sanction) mais de plus la propagande incessante des médias de masse les lobotomise et les convainc qu’il n’y a aucune alternative et qu’ils crèveront immédiatement suite à la pluie de crapauds vénéneux qui ne manqueraient pas de tomber si d’aventure ils ne votaient pas « comme il faut ».

    Bien que n’étant pas du tout marxiste, je regrette amèrement l’époque où le PCF offrait un garde-fou solide aux velléités des pires prédateurs de tous les temps.
    Mitterrand, grand sournois devant l’éternel, a bien réussi son coup en explosant le rempart communiste et en transférant tous les mécontents vers la « peste brune » si facile à combattre dans un « élan républicain ».

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    • Incognitototo // 03.02.2022 à 14h36

      Le « plan » mitterrandien pour pousser la peste brune était juste fait pour diviser et affaiblir la droite (condition nécessaire pour sa réélection parce qu’il n’y a jamais eu de majorité de « gauche » en France), pas pour diminuer le PCF.

      Ce dernier n’a eu besoin de personne pour se décrédibiliser tout seul. Rappelez-vous de son positionnement stalinien (envers et contre tout), de ses silences ou acquiescements des agressions de l’ex-URSS, de son décalage avec les jeunes de mai 68, de ses purges régulières de tous ceux qui à l’intérieur de leur parti avaient une pensée un peu différente de celle de la « ligne », de ses positionnements réactionnaires (comme celui contre les syndicats de soldats), de ses renoncements dans le gouvernement de 1981, de ses magouilles pour ses financements, et cetera…

      Il y a quelques années, il y a eu sur Arte un doc en plusieurs parties sur l’histoire du PCF ; où entre autres ils interrogeaient de vieux militants qui ont vécu la période stalinienne et ont été exclus parce qu’ils s’opposaient à la politique de l’ex-URSS ; un vrai gâchis humain de gens bien, c’était à pleurer… et Fabien Roussel va être le fossoyeur final de ce parti qui a perdu son âme depuis trop longtemps.

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      • Ernesto // 04.02.2022 à 00h09

        « pas pour diminuer le PCF » affirmation fausse très facilement vérifiable: en 1973, à Vienne, devant le congrès de l’internationale socialiste, Mitterrand explique à ses camarades sociaux-démocrates qui s’inquiètent, pourquoi il a signé un programme commun de gouvernement avec les communistes: « pour faire la démonstration que sur 5 millions de voix communistes, 3 peuvent voter socialiste! ».Pari réussi, le PCF sort affaibli des élections et n’aura que quatre ministres dans le nouveau gouvernement.Cette phrase passera sous les radars médiatiques et la direction du PCF la cachera aux militants pour ne pas entamer la formidable dynamique qui mènera la gauche à la victoire.Ayant vécu ce moment de près, je peux en témoigner. Preuve que « tonton » était bien plus « tordu » en politique que tout ce qu’on peut imaginer, prêt à tout pour accéder au pouvoir suprême et le conserver.

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        • Incognitototo // 04.02.2022 à 01h52

          Le machiavélisme de Mitterrand n’est pas à démontrer, et c’est entre autres pourquoi je n’ai jamais eu confiance en cet homme.
          Je répondais uniquement à RGT sur les motivations de Mitterrand à avoir favorisé l’émergence de la peste brune, qui selon lui avait pour but d’affaiblir le PCF, ce qui à mon sens est une erreur.
          Qu’il ait depuis toujours voulu piquer des voix au PCF, c’est une évidence, mais qu’il ait voulu se servir de l’extrême droite pour l’affaiblir, c’est absurde. Son objectif était uniquement de diviser la droite, qui est le seul moyen pour que le PS ait une chance d’arriver au pouvoir.
          C’est pourquoi je soulignais par ailleurs les (trop nombreuses) raisons qui font que le PCF n’a eu besoin de personne pour perdre ses électeurs… Je vous rappelle en outre qu’en 81 le « programme commun » (dont on ferait bien de s’inspirer encore aujourd’hui ainsi que celui du CNR) n’existait plus formellement et que le ralliement quasiment sans condition (sauf celles affichées pour la télé) du PCF à Mitterrand pour le deuxième tour a été une erreur stratégique majeure.
          Pour le reste, c’est facile d’avoir toujours raison quand on ne répond jamais à ce qui est dit et seulement à ce qui est dit.

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    • Recits d’Yves // 07.02.2022 à 08h56

      La gauche n’est pas majoritaire en France.
      Pour gagner les élections, la gauche devait faire un calcul basé sur le rassemblement de ses propres forces et la division du camp d’en face.
      Mitterrand a donc fait ce calcul avec le programme commun en 74 et avec Chirac qui a torpillé VGE. C’est la popularité de VGE ( plus jeune) à l’époque qui fait la différence (de peu) au second tour et pas le programme commun en ces temps de crises pétrolières qui clos les 30 glorieuses.
      En 81′, le rassemblement est compliqué à gauche mais Mitterrand sait qu’il peut compter sur ces voix au second tour. A droite, Chirac fait le taf’ contre VGE..
      Il faut se rendre à l’évidence, la France est plutôt de centre droit:
      – les ouvriers rêvent d’être riches.
      – La classe moyenne veut être propriétaire.
      – La bourgeoisie est sensible à la transmission par l’héritage.

      Aujourd’hui, sans fondation idéologique sociale, trop portée vers le marketing politique, la gauche n’existe plus que par mis les militants.
      Les élites de gauche, la bourgeoisie esthétique, nous ont trahis, c’est tout.

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  • Savonarole // 03.02.2022 à 15h08

    Pays sans code du travail.
    Pensez y quand un candide à l’érection de la présipauté viendra vous proposer les mesures « d’assouplissement » du code du travail ou une quinzième  » réforme des retraites » sous diktat des Komissaires de l’UE (donc des US et du Kapital).
    Déjà que selon Hidalgo, un des plus pauvres sur quatre n’arrive même pas à survivre jusqu’à l’age de la retraite… en France , un pays avec « égalité » et « fraternité » dans sa devise. Honteux.

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  • Ives // 03.02.2022 à 16h22

    Je trouve aussi dommage que nous n’évoquions pas la responsabilité des utilisateurs/consommateurs d’Amazon. Personnellement, je n’achète vraiment que très rarement sur ce site (en fait uniquement les livres en langue étrangère que je ne sais pas trop où trouver ailleurs aussi « facilement ») depuis le jour où ayant commandé un vendredi j’ai été livré deux jours après le dimanche par un « pauvre gars » dans sa voiture un brin âgée vers 20h. Je me suis dit alors, que je participais par mes achats à cette exploitation. Ce qui m’avait également surpris, c’est que quand j’en ai parlé autour de moi, la plupart des gens trouvaient cela normal puisque « c’est Amazon Prime » et impossible de les faire sortir de là, même en leur demandant ce qu’ils penseraient s’ils étaient à la place du livreur. Alors, je me dis que tant qu’il n’y aura pas une conscience « sociale » ou que 0.1% de la population s’arrange pour diviser les 99.9% restant en les faisant s’exploiter entre eux, nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

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    • Orhan // 03.02.2022 à 19h49

      Oui, mais comme dirait Appoline de Malherbe : « vous êtes qui, vous, pour empêcher quelqu’un d’acheter un clou à 4h16 du matin la nuit de samedi à dimanche » ?
      Blague à part (elle a bien fait une question de ce genre à Ruffin par contre), on peut tancer les consommateurs sur ce sujet comme sur d’autres, mais pour reprendre Lordon, le système d’affects et de désirs de la société de consommation est tellement puissant qu’il est presque impossible d’y résister. Comme une drogue quoi, une véritable addiction de la consommation instantanée. Il faudrait d’ailleurs se pencher sur les ressorts biologiques et chimiques (sûrement que quelqu’un a déjà travaillé dessus).
      Ce qui est drôle c’est qu’on éduque les enfants pour leur apprendre la patience et d’intégrer qu’on ne peut pas obtenir tout ce que l’on désire, alors que les adultes se comportent de façon opposée.

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      • Rgotfra // 06.02.2022 à 22h19

        Sur ce sujet, je vous invite à lire le « bug humain » de Sébastien Boehler.
        Un ouvrage de vulgarisation des neurosciences expliquant pourquoi la crise écologique se cache dans note cerveau…. Passionnant !

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  • jp // 03.02.2022 à 19h42

    je n’ai jamais utilisé amazon mais je ne suis pas non plus optimiste, le neo capitalisme a transformé tout un chacun en client trop exigeant
    cf « La livraison rapide, ou comment le capitalisme a fait de nous des bourreaux capricieux »
    https://www.frustrationmagazine.fr/livraison-rapide/

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  • Ernesto // 03.02.2022 à 20h05

    [modéré] : il y a belle lurette que le PCF a fait son auto-critique sur son passé stalinien et son retard à définir une voie indépendante et originale pour un « socialisme » ou pourquoi pas un « communisme » à la française.

    Mais qu’importe, RGT a raison: du temps où le monde communiste, malgré toutes ses tares, tenait en respect le monde occidental et son chef de file les USA, les capitalistes n’avaient pas les coudées franches et la peur des »rouges » les obligeait à moduler leur domination en fonction des rapports de force. Le rapport capital/travail était beaucoup moins défavorable au second.

    Les choses ont bien changé avec « la fin de l’histoire et le triomphe du premier sur toute la planète. Il peut maintenant donner sans entraves libre cour à sa logique mortifère. Et c’est évidemment une chimère que de croire qu’il n’existe nul autre avenir sur terre que ce système qui, tel un trou noir de l’univers, engloutit tout et conduit l’humanité et la nature à leur disparition.

    Le travail capitaliste, c’est la mort (AMAZON), il faut l’abolir et passer au travail communiste qui est « déjà là » comme le prouve Bernard Friot : lire « Bernard Friot, Frédéric Lordon, En travail, conversations sur le communisme, La dispute, sept 2021 ».

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    • MICHEL // 04.02.2022 à 05h55

      TOUT JETER dit JUAN BRANCO, Coluche en son temps aura pas mal dénoncé mais en vain…Pire manipulé avec le système des restos du cœur, ce qui montra les gaspillages infernaux tandis que crèvent les exploités et exploitées aussi!!! Depuis lors??? Il ne se vend plus de suppositoires tels que j’en ai reçu dans mes jeunes années…Probablement que cela rappellerait trop de choses. Donc d’actualité avec le toujours plus bien ancré et donc appliqué et agréé. Donc par TOUS!!! Et TOUTES. La parité je suis pour sans con-dition depuis toujours. Alors si il n’y avait QUE amazon hein?TOUT le système est condamné sans retour car le code du capital est inscrit dans les gênes, et ce n’est PAS un virus ARNn qui le fera changer. Un VRAI virus bien réel oui…Que cela arrive vite il est GRAND temps…Perrette et le pot au lait il me semble. Quoiqu’en pensent les malades de l’IA une nécessité nécessaire se précise et se dessine gentiment pour cette année fort probablement, vu que la valorisation ne se fait pas-plus et que alors quoi???Bonne chance à tous.

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  • Ernesto // 04.02.2022 à 19h28

    Il n’est pas du tout absurde de penser que Mitterrand ait voulu aussi se servir de l’extrême droite pour affaiblir le PCF. En expert en coups politiques, il a joué en fait sur tous les tableaux : 1/ Pousser au vote utile à gauche (voter plutôt PS que PC, c’est plus sûr, raisonnable, moins risqué).
    2/ Pousser à l’émergence de la peste brune pour diviser la droite et la rendre inéligible. 3/ Pousser à transférer les mécontents communistes vers l’imposture populiste du FN qui s’adresse en priorité aux couches populaires et donc vider le PCF de ses électeurs « naturels ».

    Enfin, il est évident que si Marchais ne s’était pas rallié à Mitterrand pour le second tour, c’est Giscard qui gagnait et le PCF aurait supporté seul la responsabilité de la défaite. L’union est un combat dans lequel les communistes ont fait le job : le contenu, la diffusion du programme commun ont été massivement l’œuvre des militants du PC, tout en sachant que les retombées seraient plus profitables pour les socialistes.

    C’est un peu facile de faire porter le chapeau du déclin au seul parti quand ce sont les électeurs qui décident, plus ou moins influencés par de multiples facteurs que les « appareils » ne maîtrisent pas ou mal.

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    • Incognitototo // 05.02.2022 à 00h29

      Pas plus que celui de RGT, votre raisonnement ne tient face à la réalité de la répartition des votes. Cela aurait été suicidaire d’œuvrer pour faire tomber dans l’escarcelle du FN des voix dont Mitterrand avait absolument besoin pour se faire réélire… et puis concrètement, vous ne pourrez pas citer un seul fait qui démontrerait que dépouiller le PCF au profit du FN était un objectif de Mitterrand.
      Par contre, je pense qu’il a très bien analysé (avec notamment l’opposition acerbe de VGE / Chirac) que plus la droite était divisée et plus les 46,8 % que faisait la gauche au premier tour (tous partis de « gauche » confondus à l’exception du MEP, soi-disant « apolitique » à l’époque), contre 49,3 % pour la droite, étaient suffisants pour gagner au deuxième tour.
      Donc, je répète : manœuvrer pour donner des voix du PCF au FN – même 1 % – aurait été totalement suicidaire ; et je ne pense pas que ce machiavel était bête au point de se tirer une balle dans le pied de ses ambitions personnelles délirantes.

      Je ne sais pas pourquoi cette thèse – d’un Mitterrand favorisant le FN pour dépouiller le PCF – fondée sur absolument aucun fait concret (et donc limite complotiste) a prospéré et qu’on l’entend encore aujourd’hui. Mais au vu de la déresponsabilisation dont vous dotez le PCF, c’est vrai qu’elle est assez commode pour excuser et exonérer ce parti d’avoir fait n’importe quoi ; et pire que ça n’ait posé apparemment aucun problème à certains de ses militants de rejoindre le FN, sans que le PCF n’arrive jamais à endiguer ce transfert (apparemment) contre nature.
      Je peux vous présenter des amis proches qui y militaient à l’époque et ils en ont gardé une sacrée amertume d’avoir été aussi peu entendus, notamment sur les trahisons successives de ce parti et son incapacité à comprendre ce qui se déroulait sous ses yeux ; à l’image d’ailleurs de ce qui se passait en URSS, où malheureusement le PCF prenait encore ses ordres (et ne venez pas me contester ce fait parce que je l’ai vécu en direct avec certaines entreprises dont je m’occupais qui travaillaient, entre autres, avec le PCF et la CGT).

      Cependant, si vous voulez continuer à croire à cette thèse du complot de Mitterrand contre le PCF (pour faire gagner des voix au FN), et (ou, pour) exonérer ce parti de ses propres responsabilités, libre à vous.

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