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16.juillet.202116.7.2021 // Les Crises

Chez Amazon, des accidents du travail 2 fois supérieurs à la moyenne du secteur

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Un nouveau rapport révèle que les employés d’Amazon subissent deux fois plus d’accidents de travail que la moyenne du secteur.

Source : Scheerpost, Andrea Germanos / Common Dreams
Traduit les lecteurs Les-Crises

« Le bilan abyssal d’Amazon en matière de santé et de sécurité n’est pas un accident », indique le rapport.

Un colis Amazon Prime. (Flickr / https://quotecatalog.com/)

Un nouveau rapport publié mardi accuse Amazon d’avoir un « bilan abyssal en matière de santé et de sécurité » en raison de son obsession pour les cadences de production, soulignant que les taux d’accidents du travail sont bien plus élevés que la moyenne du secteur de l’entreposage et de la distribution.

L’analyse, intitulée Primed for Pain : Amazon’s Epidemic of Workplace Injuries, a été publiée par le Strategic Organizing Center (SOC), un regroupement de quatre syndicats, et intervient dans un contexte d’examen approfondi des mauvais traitements infligés aux travailleurs par l’entreprise, parallèlement à une envolée des profits.

Le rapport est basé sur les données qu’Amazon a fournies à l’administration fédérale de la sécurité et de la santé au travail (OSHA) et couvre une période de quatre ans, de 2017 à 2020.

« Chaque jour, c’est juste go, go, go ! » a déclaré Safiyo Muhamed, qui a travaillé pendant deux ans et demi dans un centre de traitement des commandes d’Amazon à Shakopee, dans le Minnesota, et qui a été victime d’une hernie discale en manutentionnant une charge lourde.

« Amazon veut que vous travailliez comme un robot, comme une machine », a-t-elle déclaré dans un communiqué. « Chaque semaine, ils vous classent, ils vous surveillent par le biais de l’ordinateur. On vous demande une telle rapidité. Les humains ne sont pas capables de faire ça. »

Le constat de Mohamed n’est pas surprenant étant donné que le rapport affirme que « l’obsession d’Amazon pour la vitesse dans tous les domaines de son activité a été un élément clé de sa stratégie de croissance. »

« Mais l’obsession de l’entreprise pour la productivité a eu un coût énorme pour la main-d’œuvre d’Amazon », indique le rapport.

Les effectifs d’Amazon sont passés de 208 764 travailleurs en 2017 à 581 624 en 2020. Il y a eu des blessures dans 191 établissements en 2017, et dans 658 en 2020.

Selon l’analyse, les données révèlent des « taux d’accidents du travail nettement plus élevés » pour les travailleurs d’Amazon que pour ceux d’autres entreprises du même secteur.

En 2017, Amazon a enregistré 11 883 cas de blessures – dont environ 87 % concernaient des lésions qui ont rendu les travailleurs incapables d’exercer leurs fonctions professionnelles habituelles (service restreint) ou les ont obligés à s’absenter du travail (temps perdu).

En 2020, il y a eu 27 178 blessures comptabilisées, dont 90 % ont contraint les travailleurs à un service restreint ou à un arrêt de travail. Ce taux est d’autant plus significatif, selon le rapport, que la pandémie de coronavirus a contraint Amazon à procéder à des « changements opérationnels massifs » en 2020 qui ont probablement réduit les cadences.

Bien que le secteur des entrepôts soit notoirement dangereux, le rapport indique que le taux d’accidents d’Amazon est encore bien supérieur à celui des autres employeurs dans ce domaine.

« Au cours des quatre années pour lesquelles des données sont disponibles, le pourcentage d’accidents dans les entrepôts Amazon est nettement plus élevé que celui des employeurs non-Amazon dans le secteur général des entrepôts », peut-on lire dans le rapport.

En 2020 par exemple, il y a eu 6,5 accidents pour 100 salariés des plate-formes logistiques Amazon, contre 4 accidents pour 100 salariés dans toutes les autres.

Qui plus est, les blessures subies par les travailleurs d’Amazon sont plus graves. En 2020, le rapport indique qu’il y a eu 5,9 traumatismes graves pour 100 travailleurs d’Amazon, soit un taux supérieur d’environ 80 % à celui des autres employeurs du secteur de l’entreposage.

L’analyse a également comparé Amazon à son concurrent Walmart, spécialisé dans le commerce électronique de détail. « En 2020, le taux global de blessures dans les entrepôts d’Amazon (6,5/100 ETP – Equivalents Temps Plein) était plus de deux fois supérieur à celui de Walmart (3/100 ETP), tandis que le taux de blessés graves d’Amazon (2,6) était plus de deux fois et demie supérieur à celui de Walmart. »

SOC a recueilli d’autres données à partir d’une enquête menée en février 2021 auprès de 996 travailleurs d’Amazon dans 42 États. Quarante-deux pour cent des personnes interrogées ont déclaré qu’un accident du travail les avait fait manquer le travail, et environ 80 % d’entre elles ont attribué leur blessure à la pression ou à la cadence de production.

Autre conclusion de cette enquête : 52 % des salariés sondés ont déclaré que depuis que la pandémie a éclaté, Amazon a licencié, sanctionné ou menacé les travailleurs qui ne maintenaient pas le rythme de travail.

« Les récits des travailleurs sur la pression de production extrême en 2021 donnent à penser que la réduction des taux de blessures d’Amazon pendant la période Covid pourrait ne pas être poursuivie si l’entreprise revient à ses pratiques antérieures », avertit le rapport.

Ce ne serait pas imprévisible, selon l’analyse.

« Le bilan abyssal d’Amazon en matière de santé et de sécurité n’est pas un accident », indique le rapport. « Il s’agit plutôt du bilan prévisible d’une entreprise qui privilégie la productivité, la croissance et les profits à la santé et à la sécurité de ses employés. »

« Malheureusement », poursuit la publication, « ce taux alarmant de blessures graves sur le lieu de travail est susceptible de se poursuivre, à moins qu’Amazon ne soit contraint par les travailleurs et par d’autres intervenants à prendre des mesures concrètes et pérennes pour rendre ses lieux de travail plus sûrs. »

Eric Frumin, directeur de la santé et de la sécurité de SOC, n’a pas mâché ses mots dans son évaluation du devoir d’Amazon envers ses employés.

« En ignorant de fait les conséquences évidentes de leurs propres décisions, » a déclaré Frumin, « les dirigeants d’Amazon ont manqué à leur responsabilité légale, éthique et morale de protéger leurs propres employés contre les risques graves et contre le danger très réel d’accidents mettant en danger leur carrière. »

Source : Scheerpost, Andrea Germanos / Common Dreams, 01-06-2021
Traduit les lecteurs Les-Crises

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Casimir Ioulianov // 16.07.2021 à 13h36

Tu vois ça mon fils , ben ça c’est un pays sans droit du travail. Vous savez le truc néfaste qu’il faut à tout prix supprimer ici bas qu’il nous a dit tête à claques.
Mais ne croyez pas que les capitalistes peuvent pousser le bouchon toujours plus loin sans être rattrapés tôt où tard … par exemple , dans une boite comme celle dont parle l’article , la réputation n’aide pas et les demandeurs d’emplois ne sont plus bien chaud pour sacrifier leur santé à la gloriole d’un niaiseux : https://www.businessinsider.fr/us/amazon-warehouse-turnover-worker-shortage-2021-6
Notez, c’est pas forcement le pire : quand vous suivez l’actualité US de prêt, vous pouvez tomber sur de véritables comptes de faits orwelliens : https://www.foodandwine.com/news/frito-lay-worker-strike-topeka
Perso je connaissais pas le concept de « suicide shifts ».
On a une société hypocrite : ça s’indigne des filets anti-suicide chez Foxconn … mais il faut « flexibiliser le marché du travail » , « maximiser les potentiels » , « libérer les énergies » … attendez les guignols : la seule énergie qui va être libérée c’est celle des tartes que vous allez vous mangez pleine poire !

9 réactions et commentaires

  • LibEgaFra // 16.07.2021 à 09h45

    « les dirigeants d’Amazon ont manqué à leur responsabilité légale, éthique et morale de protéger leurs propres employés contre les risques graves et contre le danger très réel d’accidents mettant en danger leur carrière. »

    Et depuis quand les capitalistes se préoccupent-ils du bien-être de ce qui n’est qu’une ressource entièrement renouvelable et exploitable jusqu’au trognon pour en extraire la plus-value?

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    • J // 17.07.2021 à 08h24

      Il faut croire alors que ses concurrents s’en préoccupent davantage, ou moins mal. Le « tous dans le même sac », on sait où ça peut conduire.

      La solution, en attendant une très hypothétique révolution, serait que cela soit largement connus, et que suffisamment de gens, à offre égale, se détournent d’Amazon.

        +2

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      • Kasper // 18.07.2021 à 02h33

        Ca c’est comme les ecolos du dimanche qui disent « à prix égal je prends le produit local/equitable/respectueux de l’environnement »

        Sauf qu’il y a une raison pour que le prix soit différent: respecter des normes sociales ou environnementales a un cout, et produire en France est plus cher qu’au Maroc ou au Bangladesh. Donc le producteur moins disant n’aura jamais aucun mal à être moins cher, et la condition « à prix équivalent » signifie qu’on va toujours choisir celui ci.

        Si Amazon livre gratuitement aussi vite, c’est en faisant pisser ses livreurs dans des bouteilles. Pour proposer une « offre égale » il faut s’aligner sur leurs pratiques (innover c’est bien gentil, mais Amazon a de gros moyens de ce cote la, et l’avantage est temporaire puisqu’ils auront tôt fait de vous imiter). Si les gens ne sont pas prêts à payer plus ou être moins bien servis, le jeu de la concurrence fera que bientôt tous les livreurs devront les imiter.

        La solution au problème ce sont des normes décentes, la surveillance des acteurs pour qu’elles soient appliquées et des sanctions dissuasives en cas d’infraction (tout ce qu’on ne fait pas maintenant, quoi). Et du protectionnisme pour éviter de se faire damer lepion par des produits faits dans des pays moins regardants.

          +2

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  • Casimir Ioulianov // 16.07.2021 à 13h36

    Tu vois ça mon fils , ben ça c’est un pays sans droit du travail. Vous savez le truc néfaste qu’il faut à tout prix supprimer ici bas qu’il nous a dit tête à claques.
    Mais ne croyez pas que les capitalistes peuvent pousser le bouchon toujours plus loin sans être rattrapés tôt où tard … par exemple , dans une boite comme celle dont parle l’article , la réputation n’aide pas et les demandeurs d’emplois ne sont plus bien chaud pour sacrifier leur santé à la gloriole d’un niaiseux : https://www.businessinsider.fr/us/amazon-warehouse-turnover-worker-shortage-2021-6
    Notez, c’est pas forcement le pire : quand vous suivez l’actualité US de prêt, vous pouvez tomber sur de véritables comptes de faits orwelliens : https://www.foodandwine.com/news/frito-lay-worker-strike-topeka
    Perso je connaissais pas le concept de « suicide shifts ».
    On a une société hypocrite : ça s’indigne des filets anti-suicide chez Foxconn … mais il faut « flexibiliser le marché du travail » , « maximiser les potentiels » , « libérer les énergies » … attendez les guignols : la seule énergie qui va être libérée c’est celle des tartes que vous allez vous mangez pleine poire !

      +18

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  • le prolo // 17.07.2021 à 00h20

    Que devient le : Prendre des mesures de sécurité = C’est réduire les risques potentiel d’accident ! En France , grâce aux actions collectives des salariés(es) : Des moyens de protections ont étés prévus ! Mais , si collectivement les salariés(es) ne se syndiquent plus et ne sont plus collectivement rassemblés (es) Elles , ils s’exposent aux appêtits féroces des patrons grâce à leurs chiourme et se défont du droit Français , pour lui préférer ? le droit du travail Européen défini par des non élus(es) = N’agissent plus en représentation des peuples Européens !
    Les salariés(es) Français(ses) vont donc être de plus en plus exposés à l’exploitation de l’homme par l’homme !

      +1

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    • RGT // 17.07.2021 à 11h20

      La France n’est pas non plus le paradis pour les victimes d’accidents du travail.

      J’ai été victime d’un accident du travail en 2004 (explosé le dos en m’asseyant sur une chaise pourrie qui n’avait pas été changée pour ne pas pénaliser les profits des actionnaires) et depuis ma vie est devenue un enfer.
      Particulièrement ma vie privée car j’ai été contraint d’arrêter de très nombreuses activités (en fait, quand je rentre du boulot je me couche pour faire baisser le niveau de douleurs afin de pouvoir continuer à bosser et à être « productif »).

      Alors que les médecins me signalent que je ne peux plus travailler à plein temps (ils conseillent un mi-temps thérapeutique), la « sécu » m’a attribué un taux d’invalidité de 15% ce qui fait que je reçois une indemnité de misère et que je suis contraint de prendre des congés (payés ou non) pour arriver à tenir.

      Tout ça (stratégie globale de la sécu) pour faire baisser les cotisations des employeurs (qui seuls payent pour les accidents du travail car ils en sont responsables) en laissant les victimes dans la merde avec une double peine : Leurs problèmes de santé ET une reconnaissance méprisante de leur taux d’invalidité (et donc d’indemnisation pour survivre).

      Pendant ce temps, comme dans le cas d’Amazon, les dividendes des actionnaires croissent chaque année largement plus vite que l’inflation et les réévaluation salariales.

      J’espère que les lecteurs de ce blog ne connaîtront jamais l’expérience d’un accident du travail réellement handicapant.

      Surtout quand la prise en compte du handicap est largement minimisée et qu’elle ne tient pas compte de la vie extra-professionnelle qui est totalement ruinée.

        +5

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  • Paul // 17.07.2021 à 12h37

    a ma zone
    bientôt la monnaie, et le médical

    l’avenir de la planète entre leur main

    c’est ça que vous voulez ?
    https://youtu.be/YmERglBC1s4?t=1889

      +2

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  • E-Gwen // 17.07.2021 à 20h43

    Oui, mais comme la cadence est 2,5 fois supérieure à la moyenne du secteur, du coup en ratio temps/travail, on tombe encore moins malade statistiquement chez Amazon.

    Vous en voulez du rationnalisme ? En voilà.

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    • V_Parlier // 23.07.2021 à 21h53

      Ca c’est pour expliquer la prochaine réforme de Macron, assurément!

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