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12.octobre.201912.10.2019 // Les Crises

Au Kénya, la course au développement menace ses immenses contrées sauvages. Par Adam Welz

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Source : Yale Environment 360, Adam Welz, 24-04-2019

Une girafe masaï côtoie une infrastructure d’énergie géothermique dans le parc national de Hell’s Gate, au Kenya. ADAM WELZ

Le Kenya poursuit le plan de développement d’un vaste réseau de routes, de lignes électriques, de barrages et d’infrastructures d’énergie renouvelable. Mais bon nombre de ces projets, y compris des parcs éoliens et des installations géothermiques, sont en voie de construction dans les parcs et les réserves de faune emblématiques du pays.

Par Adam WELZ

Le 24 avril 2019

Voilà longtemps que le Kenya représente pour le monde occidental la quintessence de l' »Afrique », une terre de vastes savanes dorées remplies de zèbres, d’éléphants, de girafes, et de lions. En dépit d’attaques terroristes très médiatisées et des prix élevés pratiqués par ses parcs nationaux et ses auberges éco-touristiques, le pays reste extrêmement prisé des étrangers qui veulent sortir des sentiers battus et avoir au moins un petit goût d’aventure. Les visites de touristes internationaux ont augmenté de 37 pour cent l’an dernier, atteignant 2 millions, avec des recettes touristiques atteignant 1,6 milliard de dollars.

Mais la réputation du Kenya en tant que destination éco-touristique de choix et leader de la préservation de la nature pourrait être en péril. Des milliards de dollars sont investis dans de nouveaux projets d’infrastructure – routes, chemins de fer, centrales électriques et lignes électriques – qui sont rapidement construits pour atteindre les objectifs du Kenya Vision 2030, plan du gouvernement pour faire du Kenya « un pays nouvellement industrialisé à revenu intermédiaire d’Afrique ». De nombreux projets sont en cours de construction dans des parcs nationaux et d’importantes zones de préservation, menaçant des espèces rares. « D’ici 2030, dit un document majeur du plan, il deviendra impossible de qualifier une région de notre pays de » reculée « .

Bon nombre des projets qui portent atteinte au patrimoine naturel du Kenya sont soutenus par des organismes de financement de développement durable comme le Programme des Nations Unies pour l’environnement, le Fonds pour l’environnement mondial (supervisé par la Banque mondiale), l’Agence des États-Unis pour le développement international et autres, car ils ont manifestement pour objectif des initiatives qui se veulent écologiques : centrales géothermiques, parcs éoliens, centrales hydrauliques et réseaux connexes de conduites, lignes et routes, en plus des barrages hydroélectriques et des réseaux de pipelines.

Les scientifiques ont identifié au Kenya pas moins de 23 sites ayant un potentiel de production d’énergie géothermique, y compris certains se trouvant dans ou très près de parcs nationaux et réserves, comme le Mont Longonot et le Lac Bogoria. Des parcs éoliens sont en expansion dans une zone située au sud de la capitale, Nairobi, même si des experts-conseils affirment qu’ils vont presque certainement tuer un nombre important d’oiseaux envoie d’exinction et protégés par la loi.

Les organismes sont incités à autoriser des infrastructures dans les zones protégées parce qu’ils reçoivent d’importantes indemnisations en compensation.

Le gouvernement kényan envisage de construire 57 grands barrages, dont un grand nombre pour la production d’hydroélectricité et un grand nombre dans des zones sensibles ou protégées ; selon les informations diffusées dans les médias kényans, des contrats d’une valeur de 7 milliards de dollars ont déjà été conclus ou sont en attente de signature. Ces projets vont de l’avant en dépit des craintes croissantes que le changement climatique et la sécheresse ne viennent menacer le potentiel hydroélectrique du pays.

Une gigantesque extension du réseau électrique est également en cours pour relier ces sources d’énergie, acheminer l’électricité vers les zones rurales et distribuer l’énergie entre le Kenya et les pays voisins ; de nombreuses lignes électriques nouvelles traverseront des parcs nationaux et des zones riches en faune et flore.

Il n’y a pas que l’énergie renouvelable, d’autres grands projets présentent en outre des risques pour la faune et la flore sauvages du Kenya, notamment le corridor de développement LAPSSET, considéré comme le plus grand projet d’infrastructure d’Afrique orientale, qui a pour objet de tracer dans certaines régions reculées du Nord du Kenya les routes, les voies de transport ferroviaire et pétrolier et les lignes électriques qui permettront de promouvoir une agriculture et une industrie à grande échelle. Les écologistes affirment que les organismes gouvernementaux chargés de protéger l’environnement sont inefficaces, soutenant qu’ils sont incités à autoriser les infrastructures dans les zones protégées parce qu’ils en reçoivent des paiements compensatoires élevés.[Le méga-projet LAPSSET (Lamu Port Southern Sudan-Ethiopia Transport) a pour but d’améliorer les liaisons de transport entre le Kenya, le Soudan du Sud et l’Éthiopie. Il se compose de voies ferrées, d’autoroutes, d’un oléoduc, de villages de vacances, d’aéroports et d’un port NdT]

Certes, certaines parties du Kenya restent préservées et sont susceptibles de protéger des étendues sauvages riches en vie sauvage, notamment les parcs nationaux emblématiques de Tsavo Est et Ouest et le cœur de la réserve nationale Maasai Mara, tout comme certaines réserves communales dans le Nord du Kenya. Mais même certaines parties de ces zones ont connu un développement d’infrastructures ces dernières années, et les tracés des routes et des lignes électriques proposées montrent qu’elles traverseraient de nombreux parcs ou réserves du Kenya.

Rassemblement de zèbres à côté d’une conduite raccordée à des puits géothermiques près de la centrale géothermique d’Olkaria, dans le parc national Hell’s Gate. ROBERTO SCHMIDT/AFP/GETTY IMAGES

A deux heures de route de la capitale, Nairobi, le Hell’s Gate National Park offre une vision inquiétante des changements à venir dans de nombreuses zones naturelles du Kenya. Les visiteurs sont séduits par les photos des falaises et des gorges abruptes de la région (dont l’une ressemble à la « porte de l’enfer ») et par les descriptions vivantes d’un paysage géologiquement actif avec ses coulées de lave, ses sources chaudes naturelles flamboyantes, ses fumerolles. On leur dit souvent que le Hell’s Gate est l’endroit rêvé pour apercevoir des rapaces spectaculaires et rares – grands aigles et vautours – et autres animaux sauvages.

Peu de guides touristiques mentionnent que le Hell’s Gate est au centre des projets du Kenya pour devenir un leader mondial de la production d’énergie géothermique, ce qui signifie que les visiteurs entrant dans le parc par l’entrée Olkaria, comme je l’ai fait pendant une visite des lieux organisé pour les média le mois dernier, sont directement confrontés à ces infrastructures : Centrales électriques de type entrepôt, réseaux de routes, pipelines serpentant dans les collines, signalisation industrielle et maquis de câbles électriques. Des panaches de vapeur s’élèvent des condensateurs et des têtes de puits éparpillés à l’horizon et au-delà. Le bruit des machines est inévitable. Un petit groupe de girafes massaïs paissent dans les environs, ce qui rappelle le statut juridique de la région comme faisant partie d’un parc national.

Cyrus Karingithi, directeur adjoint du développement des ressources à la Kenya Electricity Generating Company (KenGen), l’entreprise en grande partie publique qui produit la majeure partie de l’électricité du Kenya, affirme que KenGen a actuellement la capacité de produire 1 630 mégawatts, mais 50 pour cent de cette électricité est hydroélectrique. C’est un problème : le climat du Kenya s’assèche et certains barrages hydroélectriques ne peuvent plus faire fonctionner leurs turbines de manière fiable. Conjuguée à une croissance rapide de la population, cette situation a provoqué des coupures de courant inacceptables, précise-t-il.

La situation du Kenya à cheval sur la vallée géologiquement active du Rift africain lui donne accès à d’énormes ressources géothermiques. Forez un puits à environ 3 km de profondeur et vous pouvez exploiter une source de vapeur pratiquement illimitée pour faire fonctionner de gigantesques générateurs de surface. À l’appui de Vision 2030, Karingithi affirme que KenGen fera plus que doubler sa capacité de production en seulement cinq ans, pour la porter à 3 330 mégawatts, dont la moitié sera géothermique. Le futur KenGen sera donc un « KenGen vert », dit-il.

La corruption est fréquente dans les projets d’infrastructure et « de terribles problèmes arrivent à ceux qui la dévoilent », selon un défenseur de l’environnement.

Si on compare l’énergie géothermique à la production conventionnelle de combustibles fossiles, elle produit beaucoup moins de gaz à effet de serre. Mais les centrales géothermiques peuvent libérer d’autres gaz nocifs et de l’eau polluée, et leurs infrastructures associées peuvent être dommageables pour l’environnement, comme ce fut le cas à Hell’s Gate.

Le parc et ses environs étaient autrefois bien connus comme site de reproduction pour les populations nidificatrices de charognards et d’oiseaux de proie, dont plusieurs espèces sont menacées comme le gypaète barbu, le vautour d’Égypte, le vautour de Rüppell, le vautour à dos blanc d’Afrique, le pygargue martial, et le pygargue couronné. De ces six espèces, une seule – le vautour de Rüppell – continue de se reproduire là et de nombreuses autres espèces de rapaces, moins menacées, ont disparu. Bien que l’énergie géothermique ne puisse pas être tenue pour seule responsable de la disparition des oiseaux, les scientifiques kényans ont la preuve que de nouvelles têtes de puits ont chassé les oiseaux de leurs territoires et que d’autres sont morts dans les cheminées géothermiques KenGen ou par collision ou électrocution sur des câbles électriques. Une immense marée d’eau contaminée provenant d’un puits KenGen s’est, par le passé, écoulée sur la principale falaise site de reproduction des vautours de Rüppell, à Hell’s Gate.

Les vautours jouent un rôle écologique important dans les régions sauvages de savane africaine et d’élevage du bétail. En nettoyant rapidement les carcasses, ils empêchent la propagation de maladies comme l’anthrax au sein des populations animales et humaines. Par rapport aux espèces américaines communes comme la dinde et le vautour noir, les vautours d’Afrique se reproduisent très lentement ; lorsque les espèces africaines disparaissent, il faut des décennies pour reconstituer des populations écologiquement fonctionnelles. La plupart des vautours d’Afrique déclinent rapidement ; l’Egyptien, le Rüppell’s et le fuligule à dos blanc d’Afrique sont classés par l’Union internationale pour la conservation de la nature comme en voie d’extinction à l’échelle mondiale.

Lors de ma récente visite à Hell’s Gate, je n’ai vu aucune preuve de véritables tentatives de construction d’infrastructures adaptées aux oiseaux ou de surveillance systématique de la mortalité des oiseaux. Ce qui était par contre évident, c’était l’utilisation intensive de lignes électriques et de pylônes électriques dont il a été prouvé qu’ils tuent un grand nombre d’individus ailleurs en Afrique. Les lignes pourraient être dotées de dispositifs pour effrayer les oiseaux ou être remplacées par des lignes plus sûres pour les oiseaux, mais cela n’a pas été fait. KenGen a également proposé cinq grandes zones industrielles juste à l’extérieur de la frontière sud de Hell’s Gate pour profiter de son énergie électrique et de sa vapeur.

Des impalas passent sous le chemin de fer à écartement standard (SGR = Standard Gauge Railway) dans le parc national de Nairobi. Après que les défenseurs de l’environnement eurent soulevé des objections, la voie ferrée a été surélevée pour permettre le déplacement de la faune. [La voie normale, aussi appelée « écartement de Stephenson », est une voie ferrée dont l’écartement des rails est de 1 435 millimètres. Cet écartement, considéré comme une référence par l’Union internationale des chemins de fer, est l’un des plus utilisés dans le monde, avec environ 60 % des lignes existantes

NdT] YASUYOSHI CHIBA/AFP/GETTY IMAGES

De nombreux écologistes kényans avertissent que Hell’s Gate n’est pas une exception. De hauts responsables kényans, y compris le président lui-même, ont clairement indiqué que les infrastructures seront implantées dans les parcs nationaux et les zones sensibles si elles sont considérées comme un moyen de réaliser les objectifs du programme Vision 2030.

Certains environnementalistes à qui j’ai parlé ont refusé d’être nommément désignés ou de voir leurs propos cités, craignant pour leur emploi ou leur sécurité personnelle. La corruption est chose courante dans les projets d’infrastructure, m’a-t-on dit, et  » de terribles problèmes arrivent à ceux qui dévoilent des affaires de corruption au Kenya « .

Le chemin de fer à écartement standard (SGR), une composante centrale de Vision 2030, est souvent cité par les environnementalistes comme un parfait exemple de la détermination du gouvernement à faire fi des lois et considérations environnementales. Le SGR est une ligne financée par la Chine et construite en Chine (qui fait partie de l’initiative mondiale Belt and Road Initiative [Nouvelle route de la Soie Ndt]) qui reliera le port kényan de Mombasa avec l’intérieur du pays et les pays voisins. La phase 1, de Mombasa à Nairobi, a été achevée en 2018 pour un coût de 3,2 milliards de dollars. La phase 2, actuellement en construction, reliera Nairobi à Naivasha, une ville située à quelque 80 km au nord-ouest.

Sept itinéraires alternatifs à partir de Nairobi ont été proposés pour la ligne , dont certains à travers le parc national de Nairobi, un parc mondialement connu à la périphérie de la ville. Les écologistes ont souligné que la loi kényane stipule clairement qu’aucune infrastructure ne peut être construite dans un parc national si ce parc ne dispose pas d’un plan de gestion actualisé. Le plan de gestion du parc national de Nairobi a expiré en 2010. Néanmoins, le gouvernement a annoncé en 2016 qu’il avait choisi un tracé divisant le parc en deux. Cette situation a fait l’objet de nombreuses contestations judiciaires de la part de défenseurs de l’environnement, dont au moins deux ont donné lieu à des ordonnances d’arrêt de construction. Le gouvernement a décidé que la piste serait surélevée sur des piliers au sein du parc, afin que la faune puisse passer, et que le Kenya Wildlife Service (KWS), qui gère tous les parcs nationaux, recevrait d’importants paiements compensatoires pour acheter des terres aux fins de l’agrandissement du parc.

Les groupes de défense de la nature ont averti qu’un parc éolien médiocrement implanté aurait un effet « direct et dévastateur » sur les vautours rares.

Nonobstant les ordonnances d’arrêt rendues par le tribunal et les poursuites judiciaires en cours, les entrepreneurs chinois du chemin de fer, protégés par des gardes forestiers armés du KWS [ Service de la faune kényane NdT] , se sont implantés dans le parc en février 2018 et ont depuis lors procédé à sa construction à une cadence rapide. « Le gouvernement a enfreint de façon flagrante ses propres lois « , déclare Jim Karani, directeur des affaires juridiques de Wildlife Direct, une organisation à but non lucratif kényane. Karani dit qu’il semble maintenant que l’argent de la contrepartie a été utilisé pour les dépenses d’exploitation de KWS et que le parc ne sera pas agrandi après tout. (KWS n’a pas répondu aux demandes de commentaires.) « Si le gouvernement peut faire cela sous notre nez, au parc national de Nairobi, me dit un autre militant environnemental, quel espoir ont les parcs moins connus ?

Les écologistes mentionnent également une liste de parcs éoliens prévus dans une région au sud de Nairobi comme exemple de projets prétendument verts et dommageables pour l’environnement que le gouvernement a imposés dans le cadre de ses plans. Le premier de ceux-ci, Kipeto, est en construction en dépit du fait que ses partisans et ses opposants s’entendent pour dire que ses 60 grandes turbines tueront probablement un nombre important d’espèces menacées et protégées de vautours et d’aigles.

« Kipeto coche toutes les cases d’un parc éolien désastreux », explique Andrew Jenkins, un biologiste sud-africain spécialiste des oiseaux de proie qui a participé à de nombreux projets éoliens sur le continent et qui a fait des recherches sur le site de Kipeto. Selon lui, sa proximité avec la plus grande colonie de vautours de Rüppell, une espèce en danger critique dans le sud du Kenya et au cœur d’une voie aérienne empruntée par des oiseaux migrateurs menacés, fait que « cela ne devrait pas se faire » pour des raisons juridiques et de préservation. « C’est l’un des trois pires sites pour un parc éolien que j’ai vu en Afrique en termes de potentiel pour tuer les oiseaux menacés, » a-t-il ajouté.

Au tout début, un consortium d’organisations respectées de protection de la nature à but non lucratif , dont BirdLife International, The Peregrine Fund et Nature Kenya, a approuvé la position de Jenkins. Dans une lettre adressée aux actionnaires de Kipeto en mars 2017, ils ont qualifié le parc éolien de  » menace directe et dévastatrice pour les vautours Rüppel et ceux à dos blanc – oiseaux qui sont considérés en grave danger sur la Liste rouge des espèces menacées de l’IUCN « . Ils ont averti qu’avec l’énergie éolienne kényane à ses débuts,  » ce projet créera un précédent important pour les projets futurs  » et qu' » aucune mesure d’atténuation ou de contrepartie ne pourra compenser  » son impact sur la biodiversité, qui a fait échouer les normes établies par la Société financière internationale, investisseur pionnier dans Kipeto.

Éoliennes du projet du lac Turkana dans le nord du Kenya. Certains parcs éoliens kényans sont situés dans des zones abritant des populations importantes d’oiseaux menacés. YASUYOSHI CHIBA/AFP/GETTY IMAGES

Au milieu de l’année 2018, la société d’investissement londonienne Actis a racheté 88 % de Kipeto. De multiples sources ayant une connaissance directe de la question disent qu’Actis a décrit la construction de Kipeto comme étant inévitable, puis ont dit aux membres du consortium de conservation des oiseaux qu’environ un million de dollars par an pourrait être mis à disposition pour des travaux palliatifs, dont la protection des vautours pour qu’ils ne soient plus victimes d’intoxications ailleurs au Kenya et cela, afin de remplacer les oiseaux qui sont décimés par les turbines.

Les principaux membres du consortium ont mis fin à leur opposition et demandent maintenant leur quota de financement pour les mesures d’atténuation. BirdLife International a déclaré dans un courriel qu’elle travaillait avec les propriétaires de parcs éoliens pour  » aider à améliorer les perspectives pour les espèces de vautours « . Le groupe a refusé de fournir des détails sur les travaux de mitigation proposés et n’a pas répondu aux questions à savoir si sa décision de renoncer à son opposition à la ferme éolienne était liée à sa garantie de recevoir des fonds annuels pour la mitigation.

Le « Kenya Wildlife Service » s’est associé à des projets au sein des parcs et des aires protégées après avoir reçu l’assurance qu’il recevrait une compensation financière. De nombreuses sources soulignent que le financement gouvernemental de KWS a été fortement réduit au cours des dernières années, et elles disent que si l’agence acquiesce à des infrastructures dans les parcs, cela lui permet de demander des fonds pour la mitigation et équilibrer son budget. Karani de Wildlife Direct soutient qu’il est donc dans l’intérêt à court terme de KWS de dégrader les parcs qu’elle a pour mission de protéger, ce qui est pervers. [Le Kenya Wildlife Service est l’agence publique kényane chargée de la conservation de la nature. Créée en 1990 par la loi du Parlement nᵒ Cap 376, elle gère tous les parcs et réserves naturels, aussi bien terrestres que maritimes, du Kenya hormis la réserve nationale du Masai Mara qui est gérée par le comté de Narok NdT]

« Je n’ai jamais vu un seul projet soutenu par le gouvernement se voir dénié un permis d’impact environnemental par KWS ou l’Autorité nationale de gestion environnementale », dit Karani. « Ils sont captifs. »

Les écologistes décrivent les projets financés par la Chine comme étant plus difficiles à faire évoluer dans une direction respectueuse de l’environnement.

Selon les médias, KWS s’est vu attribuer une indemnisation d’environ 90 millions de dollars pour le chemin de fer à écartement normal (SGR) et les autoroutes qui ont été aménagées dans des parcs nationaux.

Les défenseurs de la nature se plaignent que les détails de la localisation des infrastructures sont souvent gardés secrets jusqu’au dernier moment, ce qui les empêche de participer de façon significative aux décisions. Le gouvernement kényan affirme qu’il doit garder les sites secrets pour empêcher la spéculation foncière et la corruption qui pourraient faire échouer des projets, soulignant les projets où cela s’est produit, comme le projet éolien Kinangop, qui a échoué à la suite de violents conflits au sujet des dédommagements dus aux propriétaires terriens.

Lucy Waruingi, directrice exécutive du Centre africain pour la conservation, explique que les infrastructures sont souvent situées dans des zones protégées ou reculées car elles rencontrent moins d’obstacles non naturels comme les maisons et les champs cultivés, dont les propriétaires devraient recevoir une compensation. « Les régions considérées comme éloignées sont aussi celles qui abritent la plus grande partie de notre biodiversité, dit-elle. « Dans un sens, il est presque inévitable que les infrastructures traversent des zones riches en faune. » [L’African Conservation Center est une organisation non gouvernementale basée au Kenya. Le groupe a été fondé en 1995. En 2007, il a reçu une subvention de 200 000 USD de la Fondation Ford.NdT]

Waruingi ajoute que  » s’il s’agit d’une zone protégée, alors c’est  » plus facile « [pour le promoteur]. Les ingénieurs vous diront que les directives de leur siège social sont de faire des conceptions à moindre coût. S’ils tiennent compte de tous les coûts, en particulier de l’indemnisation, ils peuvent décider de faire transiter l’infrastructure par une zone qui ne compte qu’un seul propriétaire foncier, le gouvernement du Kenya, plutôt que par une zone qui compte des dizaines de propriétaires privés.

Un puits géothermique dans le parc national de Hell’s Gate. Ce puits, encore en phase d’essai, produira suffisamment d’électricité pour alimenter 50 000 foyers kényans. ADAM WELZ

De nombreux environnementalistes kényans ont décrit les projets d’infrastructure financés par la Chine comme étant plus difficiles à mettre en œuvre en respectant l’environnement que ceux financés par l’Occident. Peu de choses seraient divulguées, étant donnée l’influence de la Chine sur l’élite politique du Kenya. Mais ils notent que de nombreux organismes de financement occidentaux, comme la Banque mondiale, ont une certaine forme de normes environnementales, même si elles ne sont pas toujours pleinement respectées. D’autre part, les lignes directrices environnementales de la Chine en matière d’aménagement de la Nouvelle Route de la Soie sont vagues, et les processus de planification et la culture d’entreprise des compagnies chinoises sont particulièrement opaques. La Chine est fière d’être un bailleur de fonds d’infrastructure  » sans conditions « , ce qui la distingue des bailleurs de fonds occidentaux qui font de l’ingérence et ont des modalités et conditions  » néocoloniales « .

En dépit des difficultés, certaines organisations de la protection de la nature tentent d’établir des relations avec les planificateurs du gouvernement kényan et les sociétés d’infrastructure étrangères dans le nord du Kenya, où le corridor de développement LAPSSET – qui fait également partie de l’initiative chinoise Belt and Road – est destiné à amener les industries et infrastructures dans des régions éloignées et à nouer des liens vers des corridors similaires du Sud Soudan et d’Ethiopie. Le LAPSSET est contrôlé depuis le bureau du président kényan et, tel qu’il est actuellement proposé, il s’agit d’un canal d’infrastructure de 500 mètres de large avec des bandes de 50 kilomètres de large de chaque côté qui sont affectées à l’agriculture intensive et au développement d’activités industrielles.

Bien que son tracé final détaillé ne soit pas encore public, il traversera presque certainement d’importantes réserves communautaires, affectera les parcs nationaux et coupera les routes migratoires de la faune dans certaines des régions les plus riches en biodiversité du pays. Certains défenseurs de la nature affirment qu’ils ont une légère influence positive sur le processus de planification, mais on ne connaît pas encore l’impact potentiel du LAPSSET.

Karani, de Wildlife Direct, affirme que son militantisme lui a valu de nombreuses menaces et insultes, et qu’il est souvent accusé d’être anti-développement et donc anti-Kényan ; un larbin pour les écologistes blancs étrangers. « Je ne veux pas que les gens continuent à vivre dans la pauvreté, me dit-il. « J’ai vécu à l’étranger dans un pays riche [les États-Unis, où il a obtenu une maîtrise en droit]. Moi aussi, je veux ces belles choses. Mais faut-il tuer l’oie qui pond des œufs d’or – nos parcs nationaux – juste pour savourer un peu de sa chair ? »

Le voyage d’Adam Welz au Kenya a été financé par le Programme des Nations Unies pour l’environnement.

Adam Welz est un écrivain, photographe et cinéaste sud-africain qui vit à Cape Town. Son travail comprend un film primé sur les ornithologues excentriques de New York et des exposés sur la criminalité environnementale dans toute l’Afrique australe. Il écrit des articles sur les questions internationales et africaines relatives à la faune sauvage pour Yale Environment 360.

Source : Yale Environment 360, Adam Welz, 24-04-2019

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Commentaire recommandé

Jean D // 12.10.2019 à 13h03

Vous avez raison, laissons les pays pauvres :
• faire face à leur misère
• assurer pour la collectivité la préservation de la faune sauvage

Pourvu que le Kenya continue à nous fournir du thé et des roses, il n’y a aucune raison qu’on les aide autrement qu’en se faisant du pognon :
• via des projets d’infrastructures polluants
• via des traités de libre-échange

Évidemment il y aurait d’autres façons de faire. Par exemple, financer un programme d’éducation et mettre en place une couverture sociale / retraite serait le plus efficace pour accélérer la transition démographique (déjà bien amorcée).

Mais ce serait sans doute contraire aux intérêts particuliers des firmes internationales et des corrompus sans frontière qui se gavent sur le dos des populations et de la Nature.

Votre argument selon lequel intervenir serait du néocolonialisme ne me paraît pas valide : c’est ne pas intervenir qui laisse la voie libre aux prédateurs privés et à la corruption. Et à terme, je ne suis pas certain que ni les population ni les lions se portent mieux.

Croire que le développement économique est corrélé au développement humain me paraît un mythe. Un observateur même distrait peut s’apercevoir qu’il repose sur du vent, et c’est peut-être la raison pour laquelle on le recycle sans peine depuis si longtemps.

32 réactions et commentaires

  • James Whitney // 12.10.2019 à 07h32

    La photo fait mouche et me fait mal au cœur.

      +11

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    • Myrkur34 // 12.10.2019 à 11h16

      De prime abord, j’ai cru que cette photo était un montage, pour le futur du lieu-dit.

      Déjà que chez nous les barrages vont de moins en moins se remplir alors au Kenya……

        +2

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    • Vassili Arkhipov // 12.10.2019 à 12h20

      Certes, mais le développement passe par ce genre de dilemmes. Peut-être préférez-vous la photo d’un petit Kenyan au ventre ballonné par la malnutrition? Doit on vouloir les voir rester pauvres pour avoir le plaisir de faire des safaris ?

      Je comprends très bien votre malaise et je le partage. Le développement de l’homme se fait toujours au détriment de la nature. Je demande juste de bien assumer l’alternative.

        +5

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      • jean 2 // 13.10.2019 à 10h11

        vous n’imaginez tout de même pas que les « progrès » techniques vont permettre aux affamés de manger à leur faim! ce serait très exactement la fin du capitalisme qui se fout pas mal des ventres ballonnés…en Afrique comme ailleurs (cf les usa pourtant très très très « développés »)

          +2

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        • Patrick // 13.10.2019 à 13h21

          ben non
          la faim est en recul très net depuis des décennies , grâce aux nouvelles techniques et au méchant capitalisme.
          les épidémies ont également reculé et l’espérance de vie a augmenté partout dans le monde.

            +2

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          • Frédéric // 13.10.2019 à 14h26

            En Syrie par exemple? en Afghanistan? En Lybie? En Argentine? En Ucraine? Au Congo? Aux USA? En France?

              +3

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  • Owen // 12.10.2019 à 08h40

    Lesdites réserves ressemblant plus au parc d’attraction de Thoiry qu’à ces lieux jadis de férias géantes ou se côtoyaient les espèces animales en milliers de têtes, et même dizaines de milliers.

    Dans les années 80, déjà, pour rechercher une bête plus rare, il suffisait de regarder les voitures. Agglutinées, elles indiquaient la présence d »un félin. Étendues en lignes irrégulières, c’était un rhinocéros.

      +4

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  • jules Vallés // 12.10.2019 à 10h20

    Mais le problème est mondial….La religion du progrès dans toute son horreur, sur terre comme au Kenya, mais aussi en mer, mais là ce n’est pas grave, ça ne se voit pas, et dans les airs ! Il est même probable qu' »on » ait pollué la Lune et Mars. Il y a des «  »chances » » qu' »on » n’arrête nos destructions inconsidérées que lorsque nous aurons réussi à nous auto-détruire, au nom du progrès tout-puissant!

      +9

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  • monsipoli // 12.10.2019 à 10h28

    Parcs nationaux, réserves, espaces protégés, sites naturels, patrimoine, etc. Tout passera bientôt à la moulinette du libéralisme – pour lui, tout ce qui est naturel est un obstacle – dont le cadet de ses soucis est de se comporter intelligemment. La rentabilité par le saccage n’a jamais posé aucun problème d’ordre moral au capitalisme, c’est même son adn et « on ne peut rien contre sa nature ». Fort de ses réussites passées dont la liste est infinie pourquoi douterait-il aujourd’hui de ses inclinations morbides alors que toutes structures transnationales lui prémâche tout le travail de prédation, ce serait ballot non ?

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    • monsipoli // 12.10.2019 à 10h52

      Correction : « …alors que toutes SES structures transnationales lui prémâcheNT tout le travail de prédation… »

        +1

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    • Matt // 12.10.2019 à 13h56

      Patrick

      « c’est le principal problème avec le libéralisme , il permet à l’humanité de sortir de la misère. »

      Vous confondez peut-être libéralisme et énergies fossiles.
      Cf Jancovici : https://youtu.be/Vjkq8V5rVy0?t=667

      Le libéralisme est une doctrine (un ensemble cohérent d’idées), les énergies fossiles sont des biens physiques. Si vous croyez que c’est le monde éthéré de la pensée qui a créé nos sociétés thermo-dynamiques, c’est que vous croyez aux fables d’un monde enchanté.

      A titre d’exemple, la fin de l’esclavage n’est pas une « invention » du libéralisme, c’est une conséquence de la machine à vapeur. Le libéralisme intervient ensuite, par exemple pour indemniser les propriétaires d’esclaves qui se sont sentis lésés (https://youtu.be/3VUSPKko8Do?t=189)

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  • christian gedeon // 12.10.2019 à 11h20

    Ben m…e alors! le Kenya, dont la démographie explose, devrait donc,ne pas avoir de production d’énergie,ne pas avoir de voies ferrées, ni de routes,ni,ni,ni….écrit l’européen qui a tout çà à profusion. Et il voudrait quoi le monsieur? Que les kényans soient habillés en pagne,la, lance à la main et vivant sous la hutte? Parfois,la suffisance des occidentaux me laisse pantois. Tiens,à ce propos,on n’entend et on ne lit guère d’opinions aussi tranchées sur la Chine,devenue le théâtre d’un désastre écologique permanent,et qui l’exporte avec enthousiasme…en Afrique. Vous avez compris les kényans? pour vous,pas d’électricité,pas de trains,pas de voitures,pas d’industrie,parce que le monsieur veut pouvoir faire son safari photo en toute tranquilité! je le redis,m…e alors!

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    • Anouchka // 12.10.2019 à 12h36

      Mais enfin Christian, comment ne comprenez-vous pas?! Ils doivent retourner cultiver la terre de leurs ancêtres avec leurs mains et laisser tranquille les animaux et les ressources naturelles que mere nature, bien trop généreuse jusque là leur a laissé gaspiller ! Et espérons qu’il comprendront cette fois ci qu’il ne faudra pas répéter les mêmes erreurs que leurs ancêtres, justement, ont commises lors du début de l’agriculture : explosion démographique et développement. Le plus prudent serait de leur dire qu’ils s’en tiennent à l’âge de pierre.

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  • fred // 12.10.2019 à 11h29

    Et alors !!
    Les kényans font ce qu’ils veulent.
    Bientôt un nouveau concept de devoir d’ingérence au nom de la nature ?
    Je trouve cet article très « occidental », c’est a dire condescendant et paternaliste bref ce qu’on appelle aussi néo-colonialiste et qui est très souvent le masque d’un suprématisme et d’un réel racisme (invisible et inconscient mais très rependu a « gauche »).
    Ou quand l’humanitaire et l’écologisme vient au secours de l’impérialisme idéologique occidental avec bien sur un antiracisme de façade.
    Maintenant si ces gens veulent que l’Afrique reste un immense parc naturel, il faut le dire explicitement mais visiblement la démographie qui a explosé par notre immersion sur ce continent va poser un problème.

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    • Jean D // 12.10.2019 à 13h03

      Vous avez raison, laissons les pays pauvres :
      • faire face à leur misère
      • assurer pour la collectivité la préservation de la faune sauvage

      Pourvu que le Kenya continue à nous fournir du thé et des roses, il n’y a aucune raison qu’on les aide autrement qu’en se faisant du pognon :
      • via des projets d’infrastructures polluants
      • via des traités de libre-échange

      Évidemment il y aurait d’autres façons de faire. Par exemple, financer un programme d’éducation et mettre en place une couverture sociale / retraite serait le plus efficace pour accélérer la transition démographique (déjà bien amorcée).

      Mais ce serait sans doute contraire aux intérêts particuliers des firmes internationales et des corrompus sans frontière qui se gavent sur le dos des populations et de la Nature.

      Votre argument selon lequel intervenir serait du néocolonialisme ne me paraît pas valide : c’est ne pas intervenir qui laisse la voie libre aux prédateurs privés et à la corruption. Et à terme, je ne suis pas certain que ni les population ni les lions se portent mieux.

      Croire que le développement économique est corrélé au développement humain me paraît un mythe. Un observateur même distrait peut s’apercevoir qu’il repose sur du vent, et c’est peut-être la raison pour laquelle on le recycle sans peine depuis si longtemps.

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      • Ernst J // 12.10.2019 à 13h57

        Je suis d’accord avec vous. Le développement humain n’est pas synonyme du développement économique.
        Néanmoins je trouve que vous contournez le problème un peu vite en parlant de « développement économique » et non pas de « développement technique ». Car si nous sommes (je pense) tous d’accord pour dénoncer les méfaits du liberalo-capitalisme débridé sur l’environnement et par ricochet sur la vie des hommes, nous buttons sur la question de la technique.
        Et c’est bien pour cette raison que la « crise énergétique » nous crispe tous autant. Sans source d’energie extérieure à nous même (Ne serait-ce que le feu de bois), pas de technique. Serions-nous encore des hommes sans technique ?

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      • Jean D // 12.10.2019 à 14h25

        « Serions-nous encore des hommes sans technique ? »

        Je ne pense pas que la question soit de se passer de technique mais de réduire (volontairement et plus sûrement par la contrainte physique) l’exosquelette que nous avons pu obtenir grâce aux énergies fossiles.

        Il va falloir se dépouiller du superflu et s’appuyer sur l’énergie restant disponible. Cela passe par repenser le rapport à la nature (s’appuyer sur elle et non chercher à la dominer), c’est à dire repenser notre nature propre.

        Notre conception actuelle de l’homme s’est principalement forgée au XIXe. La notion d’individu par exemple n’existait pas au Moyen Age. Que cette notion émerge en même temps que le libéralisme politique et que la société thermo-industrielle n’est pas qu’une coïncidence historique.

        Voir ce qu’en disait Foucault : « L’homme n’est pas le plus vieux problème ni le plus constant qui se soit posé au savoir humain. » http://1libertaire.free.fr/MFoucault419.html

        Défaire / se défaire de notre société thermo-industrielle aura certainement des conséquences profondes et anthropologiques. En plus des catastrophes humaines que l’on devine.

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        • Ernst J // 12.10.2019 à 15h21

          Votre référence a Foucault qui a théorisé la « mort de l’homme » est un peu étrange dans le cadre votre réponse à mon objection. Comme si vous actiez la dévalorisation de la notion d’humanité dans une sorte de geste nihiliste de destruction des anciennes valeurs (l’humanisme) pour en créer de nouvelles. Lesquelles ? La collaboration avec la nature plutôt que sa domination ? Pourquoi pas. Mais, à mon sens, il reste à prouver que ces nouvelles valeurs sont viables à long terme.
          Rappelons tout de même aussi que Foucault avait déclaré que le seul philosophe qu’il lisait tous les jours était Heidegger. Or Heidegger, qui est célèbre précisément pour avoir voulu « en finir avec l’humanisme » est aussi célèbre pour certaines autres choses pas très reluisantes. Pas vraiment le genre de personnage à qui on a envie de faire confiance pour « créer de nouvelles valeurs ».

          Sinon plus concrètement : est-ce que vous considérez les lunettes à verres progressifs comme relevant de cet « exosquelette » que vous dénoncez?

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        • Jean D // 12.10.2019 à 16h40

          Je n’ai pas d’à-priori concernant Foucault et ses lectures. Peut-être ai-je tort.

          Je trouve qu’en la circonstance il permet d’historiciser la notion d’individualisme. Ma modeste compréhension du phénomène est qu’il est contemporain de l’émergence de notre société d’abondance et du libéralisme. Je ne juge pas en termes de valeur (c’est bien / c’est mal ou quelque part entre les deux)

          En revanche il me paraît très probable que la notion d’individu elle-même sera bousculée avec l’effondrement de nos sociétés d’abondance : elles sont apparues ensemble, ont cru ensemble …

          Par exosquelette « superflu », il faut plutôt entendre les machines inutiles qui produisent des gaz à effet de serre. Par exemple, les avions qui permettent le tourisme de masse ou les paquebots qui déménagent le monde (https://fr.wikipedia.org/wiki/Transport_maritime#Flotte_marchande_mondiale)

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      • Owen // 12.10.2019 à 14h50

        « pour accélérer la transition démographique (déjà bien amorcée). »

        Non. http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMPagePyramide?codePays=KEN
        Le schéma habituel de la transition démographique patine, depuis le début des années 2000 pour les pays encore à haute natalité. Et, de fait, pour la plupart des pays Africains. Ce qui est plus sûrement commencé est la disparition du bestiaire africain, si spécifique à celui mondial. Et ça me rend triste, colon ou pas.

        Au delà du capitalisme, c’est le productivisme qui est le problème. C’est à dire l’accélération des transports des matériaux, qui ont densifié la fabrication et accéléré l’évolution de ces fabrications. Cette accélération a commencé avec le charbon et a continué au pétrole. Le phénomène a simplement commencé Occident avant de se généraliser sur le reste du monde. Qui préfère avoir une maison en torchis, peaux ou bâches plastiques, plutôt qu’en dur avec un isolant au sol ? Qui ne voudrait pas d’un congélateur qui conserve les aliments ? Pourquoi toutes les populations quelles qu’elles soient vont vers les villes ?

        Le capitalisme ? Bah, c’est tout le monde, pas personne en tout cas. Les humains sont dotés pour prendre ce qu’il y a. Les animaux aussi, mais juste pour manger, pas pour aménager.

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    • Jean D // 12.10.2019 à 13h35

      Pourquoi « tout arrêter » ?

      Il n’y a pas de solutions toutes faites entre ces deux impératifs :
      • préservation de la biosphère (et pour le Kenya en particulier, préservation de la faune sauvage)
      • développement humain

      Mais il y a des chemins assez bien connus :
      • coopération internationale plutôt que concurrence
      • redistribution équitable des richesses / lutte contre la corruption
      • sanctuarisation des parcs / implication des population autochtones
      • …

      Votre réaction moqueuses est assez grossièrement simpliste, légitime l’inaction et la perpétuation des inégalités. Égoïsme qu’on pourrait qualifier d’occidentalo-centré.

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      • Patrick // 12.10.2019 à 14h17

        il m’arrive d’aller travailler en Afrique pour installer des équipements industriels.
        La prochaine fois que vous achèterez des aliments en conserve ou en bocaux , regardez les provenances ( Haricots du Kenya ou de Madagascar , thon depuis Mada ou la Côte d’Ivoire … ).

        Ces usines permettent d’améliorer la vie des populations locales et font rentrer des devises pour acheter d’autres produits ou équipements. Le commerce international permet souvent à ces populations de sortir de la misère.

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      • Jean D // 12.10.2019 à 14h39

        Votre biographie est certainement passionnante mais nous ne nous comprenons pas.

        Il n’y a aucune raison d’importer des haricots africains puisqu’on sait les faire pousser localement, de même il faut arrêter la surpêche à Madagascar, etc.

        Les économistes sont comme des collégiens en cours de physique, ils raisonnent dans le vide. Les forces de frottement / le réel est oublié : sans énergies fossiles tout s’écroule.

        Il serait plus sage de développer la coopération que la concurrence. Votre logique économiciste est celle qui nous conduit dans le mur 🙁

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    • Frédéric // 13.10.2019 à 14h40

      C’est un peu le même problème ici en Grèce. Il y a un conflit d’intérêt entre les éoliennes et le tourisme: Le type qui a investi dans un hôtel avec vue magnifique sur la montagne va s’arracher les cheveux quand la ligne de crête ressemblera à la tête de sa femme quand elle fait sa mise en plis.

      C’est vrai qu’il peut y avoir des problèmes autre que l’esthétique: Le morcellement des territoires des animaux sauvages, les nuisances lors de la construction etc. Mais vu l’attaque généralisée sur les restes naturels (Amazonie, Insulinde, destruction des habitats arctiques etc.) l’argent gagné au Kenya, s’il n’est pas détourné dans les poches de quelques-uns, et là c’est un autre problème, devrait pouvoir servir aussi à entretenir réellement la bonne relation entre l’homme et la nature autrement que par le tourisme, aléatoire et dépendant trop de l’argent des étrangers.

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  • Larousse // 12.10.2019 à 13h04

    Démographie, explosion, explosion, explosion…
    On peut se faire plaisir sans engendrer…mais ça c’est tabou… dans la tête de nombre de décideurs, moralistes, etc…

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  • Patrick // 12.10.2019 à 13h17

    mais qu’est-ce que c’est que ces Africains qui veulent sortir de la misère , ne plus voir leurs gosses mourir de faim et qui veulent même l’électricité ???
    encore de futurs esclaves du capitalisme !!

    ( je précise que c’est de l’humour )

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    • Matt // 12.10.2019 à 13h27

      Vous faites bien de préciser que c’est de l’humour, j’hésitais entre cynisme et pet de l’esprit 🙂 (humour hein)

      Moins drôle peut-être : https://www.theeastafrican.co.ke/scienceandhealth/Masai-giraffes-face-extinction/3073694-5240932-axnr97/index.html

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      • Ernst J // 12.10.2019 à 15h57

        Il y a un élément que ceux qui disent prendre le parti de la nature et de sa préservation ne questionnent pas c’est leur rapport à la beauté. La beauté de la nature. Tous veulent préserver les animaux africains (ou d’autres) parce qu’ils les trouvent beaux (c’est en tout cas un argument qui revient très souvent pour légitimer leur engagement).
        Mais dans quelle mesure est-on fondé a dire que la nature est belle en soi? Peut-elle être belle en dehors du regard que les hommes portent sur elle?
        Dans l’antiquité, différents courants de pensée voyaient la beauté comme la manifestation de quelque chose de non-naturel, de sur-naturel. La nature était vue par ces philosophies comme un cloaque atroce où régnait en maître la putréfaction, la prédation et la souffrance. Et la beauté de la nature, perçue par les hommes (certains en tout cas) était le signe d’une autre réalité par-delà l’horreur du monde naturel, foncièrement sur-naturelle.
        Dans cette perpective, refuser la domination -meme bienveillante- de l’homme sur la nature au nom de la préservation des beautés qu’elle recèle me paraît pour le moins paradoxal.
        En tout cas, je ne pense pas que cela pourra devenir une valeur féconde capable de fonder un monde devenu parfaitement « bio »

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      • Ernst J // 12.10.2019 à 16h08

        Je complète mon commentaire qui va peut-être apparaître comme pas très clair à certains : le gaspillage de ressources naturelles n’a pas toujours pour object le confort et le plaisir. Il est bien souvent motivé essentiellement par la quête de la beauté – la beauté incarnée, celle qui est immédiatement perceptible par nos sens. Faudra-t-il renoncer à cette quête dans le monde idéalement bio- compatible de demain?

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        • Owen // 13.10.2019 à 06h12

          A quoi servent les peintures rupestres ou celles des peuples de l’Omo ? A rien. L’homme a toujours eu cette propension à tracer des gestes inutiles.
          À quoi servent le dessin de la peau du zèbre, le cou de la girafe ou la trompe de l’éléphant ? A rien. En tout cas du pip* de chat a justifier, écologiquement, à côté de l’abeille ou du ver de terre.
          La nature dispose d’une imagination encore plus folle que la nôtre. Au moins, on peut dire que si on détruit l’imaginaire naturel, on abîme certainement le nôtre. Et l’enchantement qui va avec.

          « Regarde, c’est beau! ». L’être humain est la seule espèce a être dotée de la conscience de sa conscience et de sentiments qu’il peut exprimer. On en voit des indices chez les animaux, mais la différence est de nature, plutôt que de degrés.

          J’ai passé des journées à contempler les oeuvres de Gaudi sur les façades de Barcelone. J’étais dubitatif: c’est délirant, chargé, mais est-ce beau ? C’est en rentrant en France, en voyant le défilement de façades mornes, lisses, aveugles que j’ai compris. Il n’y a pas photo. Bon sang, pourquoi est-ce si laid ?Pourquoi sommes nous si tristes ?

          J’aimerais bien écrire que la beauté réduit la barbarie, mais je sais que c’est faux, en tout insuffisant. Si on mesurait la somme d’horreurs et souffrances quotidiennes que la nature produit, le résultat serait monstrueux.
          (suite …).

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          • Owen // 13.10.2019 à 06h29

            Les conquérants qui ont empilé des massacres, ont multiplié les rencontres et découvertes qui ont raffiné les goûts. Ils ont laissé des vestiges splendides Aix horreurs accumulees.

            Si on compare la Terre avec les autres planètes du système solaire, il n’y a pas photo. La vie est exubérante ici, c’est tout juste si on arrive à trouver ailleurs quelques traces, à peine des chiures qu’on s’excite à croire découvrir avec les fusées.

            Peut-être que la Terre est un endroit et un moment où il est advenu la nature, un projet de l’histoire de l’univers, ou de sa course vers la complexité.
            De même que les humains avons des sens et des capacités advenues pour esquisser des cultures, dans tous les sens de ce mot.
            On fait des esquisses: on sait élaborer et c’est tellement tentant. Mais pas forcément encore maîtriser.

            On y est presque. Mais…

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  • Patrick // 12.10.2019 à 16h25

    la corruption est générale en Afrique , à tous les niveaux de l’administration , avec ou sans Chinois, avec ou sans occidentaux.
    C’est vrai que les Chinois sont en train de faire main basse sur tout le continent, il faut les comprendre , ils manquent de ressources en Chine.

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