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Google et la NSA, par Nafeez Ahmed

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Source : Insurge Intelligence, le 22/01/2015

Plongée à l’intérieur du réseau secret derrière la surveillance de masse, la guerre éternelle et Skynet. Par Nafeez Ahmed

Suite de cette première partie.

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La surveillance de masse passe par le contrôle. Ses promulgateurs soutiennent, et croient même, que ce contrôle est pour le bien commun, un contrôle qui est nécessaire pour limiter le désordre, afin d’être pleinement attentif à la prochaine menace. Mais dans le contexte d’une corruption politique effrénée, d’inégalités économiques qui se creusent et de la tension croissante autour des ressources due au changement climatique et à l’instabilité de l’offre énergétique, la surveillance de masse peut devenir un outil du pouvoir pour se perpétuer lui-même, au détriment des citoyens.

Une fonction majeure de la surveillance de masse qui est souvent oubliée est celle de connaître l’ennemi au point de pouvoir le manipuler jusqu’à la défaite. Le problème est que les ennemis ne sont pas que des terroristes. C’est vous et moi. De nos jours, bien que systématiquement ignoré par la plupart des médias, le rôle de l’information de guerre en tant que propagande bat son plein.

INSURGE INTELLIGENCE révèle ici comment la cooptation de géants de la technologie comme Google par le Highlands Forum du Pentagone, afin d’exercer une surveillance de masse, a joué un rôle clé dans des efforts secrets pour manipuler les médias dans le cadre d’une guerre d’information contre le gouvernement américain, le peuple américain et le reste du monde : pour justifier une guerre sans fin, et un expansionnisme militaire incessant.

La machine de guerre

En septembre 2013, le site internet de l’Initiative de Cyber Sécurité du Montery Institute for International Studies (MIIS CySec) posta une version finale d’un article sur la « cyber dissuasion » par le consultant de la CIA Jeffrey Cooper, le vice-président de SAIC [contractuel de la défense américaine, NdT] et membre fondateur du Highlands Forum du Pentagone. L’article fut présenté au général Keith Alexander, alors directeur de la NSA, à une réunion du Highlands Forum intitulée « Cyber Commons, Engagement and Deterrence » en 2010.

Le général Keith Alexander (au milieu), qui a servi en tant que directeur de la NSA, chef du Central Security Service de 2005 à 2014, et chef de l'US Cyber Command de 2010 à 2014, à la réunion du Highlands Forum de 2010 sur la cyber-dissuasion

Le général Keith Alexander (au milieu), qui a servi en tant que directeur de la NSA, chef du Central Security Service de 2005 à 2014, et chef de l’US Cyber Command de 2010 à 2014, à la réunion du Highlands Forum de 2010 sur la cyber-dissuasion

MIIS CySec est officiellement associé au Highlands Forum du Pentagone à travers un MoU [Memorendum of Understanding, document décrivant des accords multilatéraux entre plusieurs parties, NdT] signé entre le recteur et le président du Forum Richard O’Neill, alors que l’initiative est, elle, fondée par George C. Lee : le cadre de Goldman Sachs qui a dirigé les valorisations à dix chiffres de Facebook, Google, eBay, et d’autres compagnies technologiques.

L’article révélateur de Cooper n’est plus disponible sur le site de la MIIS, mais une version finale est disponible via les registres d’une conférence publique sur la sécurité nationale accueillie par l’American Bar Association (Association américaine du barreau). Actuellement, Cooper est l’agent d’innovation en chef de la SAIC/Leidos [Science Applications International Corporation, entreprise privée de défense qui travaille avec la NSA, devenue Leidos, NdT], qui fait partie d’un consortium d’entreprises traitant de la technologie de défense incluant Booz Allen Hamilton et d’autres engagées pour développer le potentiel de surveillance de la NSA.

Le rapport du Highlands Forum pour le chef de la NSA était commandé par un contrat du sous-secrétaire à la défense pour le renseignement, et basé sur des concepts développés lors de précédentes réunions du Forum. Il fut présenté au général Alexander pendant une « séance à huis clos » du Highlands Forum présidée par le directeur du MIIS CySec, le docteur Itamara Lochard, du Center for Strategic and International Studies (CSIS) à Washington.

De la SAIC/Leidos, Jeffrey Cooper (au milieu), membre fondateur du Highlands Forum du Pentagone, écoutant Phil Venables (à droite), associé principal de Goldman Sachs, lors de la séance de 2010 du Forum sur la cyber dissuasion au CSIS

De la SAIC/Leidos, Jeffrey Cooper (au milieu), membre fondateur du Highlands Forum du Pentagone, écoutant Phil Venables (à droite), associé principal de Goldman Sachs, lors de la séance de 2010 du Forum sur la cyber dissuasion au CSIS

Comme l’IO roadmap de Rumsfeld [Opérations d’information de la feuille de route, commandée par le Pentagone en 2003 et déclassifiée en janvier 2006. Elle décrit la vision de l’armée américaine sur la guerre de l’information, en mettant l’accent sur l’internet, NdT], le rapport de la NSA de Cooper décrit « des systèmes d’information numériques » autant comme une « grande source de vulnérabilité » que « des outils et armes puissants » pour « la sécurité nationale ». Il a défendu le besoin pour le cyber-renseignement américain de maximiser « la connaissance détaillée » d’ennemis réels et potentiels, afin qu’ils puissent identifier « tous les points de levier possibles » qui puissent être exploités pour la dissuasion et la riposte. « La dissuasion en réseau » nécessite que la communauté du renseignement américain développe « une forte compréhension et une connaissance précise des réseaux particuliers concernés et leurs modèles de relations, dont les types et la forces des liens, » aussi bien que l’usage de science cognitive et comportementale pour aider à prédire les modèles. Son article continue essentiellement à mettre en place une architecture théorique pour modéliser les données obtenues de la surveillance et de l’exploitation des réseaux sociaux sur les « adversaires » et les « contreparties » éventuels.

Un an après ce briefing avec le chef de la NSA, Michele Weslander Quaid —  une autre déléguée du Highlands Forum — a rejoint Google pour y travailler en tant que directeur technique (CTO), quittant ainsi son poste au Pentagone où elle conseillait le sous-secrétaire d’État à la défense pour le renseignement. Deux mois plus tôt, le groupe de travail sur le renseignement de la défense du Defense Science Board (DSB) publia son rapport sur les opérations de la contre-insurrection, le renseignement, la surveillance et la reconnaissance. Quaid faisait partie des experts du renseignement gouvernemental qui ont conseillé et briefé le groupe de travail du DSB pour préparer leur rapport. Un autre expert qui a briefé le groupe de travail était un vétéran du Highlands Forum, Linton Wells. Le rapport du DSB avait lui-même été commandé par James Clapper nommé par Bush, alors sous-secrétaire d’État à la défense pour le renseignement —  qui avait également commandé le briefing du Highlands Forum de Cooper au général Alexander. Clapper est dorénavant le nouveau directeur du renseignement national d’Obama, qualité en laquelle il a prêté serment au Congrès en déclarant en mars 2013 que la NSA ne collecte absolument aucune donnée sur les citoyens américains.

Le passé de Michele Quaid à travers la communauté du renseignement militaire américain était de répandre l’utilisation des outils internet et de la technologie du cloud [stockage de données sur serveur distant, NdT]. L’empreinte de ses idées est évidente dans les sections clés du rapport du groupe de travail, qui décrit son objectif d’« influencer les décisions d’investissement » au Pentagone « en recommandant des capacités de renseignement appropriées pour évaluer les insurrections, comprendre une population dans son environnement, et soutenir les opérations COIN [de contre-insurrection, NdT]. »

Le rapport a désigné 24 pays dans le sud et le sud-ouest de l’Asie, le nord et l’ouest de l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Amérique du sud, qui pourraient représenter « des défis COIN potentiels » pour l’armée américaine dans les années à venir. On y trouve le Pakistan, le Mexique, le Yémen, le Nigéria, le Guatemala, la Cisjordanie, l’Egypte, l’Arabie saoudite, le Liban, parmi d’autres « régimes autocratiques ». Le rapport déclare que « les crises économiques, le changement climatique, les pressions démographiques, les pénuries de ressources ou une mauvaise gouvernance pourraient être la raison pour laquelle ces États (ou d’autres) échouent ou deviennent si faibles qu’ils deviennent des cibles faciles pour les agresseurs ou insurgés. » A partir de là, « l’infrastructure mondiale de l’information » et les « médias sociaux » peuvent rapidement « augmenter la vitesse, l’intensité et la dynamique des événements » avec des implications régionales. « Ces zones pourraient devenir des sanctuaires à partir desquels il devient possible de lancer des attaques sur le territoire américain, recruter du personnel, trouver des financements, faire de l’entraînement et des opérations d’approvisionnement. »

L’impératif dans ce contexte est d’augmenter la capacité de l’armée à anticiper les intentions de l’ennemi comme le préconise « left of bang » [titre du livre de stratégie de Patrick Van Horne et Jason Rileydes, NdT] — avant de décider d’un engagement majeur des forces armées — pour éviter les insurrections ou les anticiper tout en restant dans une phase de début de conflit. Le rapport arrive à la conclusion que « Internet et les médias sociaux sont des sources critiques d’analyse des données des réseaux sociaux, dans les sociétés qui ne sont pas seulement alphabétisées, mais aussi connectées à Internet. » Cela nécessite « un suivi de la blogosphère et d’autres médias sociaux dans beaucoup de langues et de cultures différentes » pour la préparation « d’opérations centrées sur la population ».

Le Pentagone doit aussi augmenter sa capacité de « modélisation et simulation du comportement », afin de « mieux comprendre et anticiper les actions d’un peuple » à partir de « données sur les populations, les réseaux humains, la géographie et d’autres caractéristiques économiques et sociales. » De telles « opérations centrées sur la population seront également de plus en plus nécessaires dans les conflits de ressources qui se préparent, qu’elles soient fondées sur l’accès à l’eau, l’effort agricole et environnemental, ou la rupture des ressources minières. Cela doit inclure la surveillance de la démographie comme partie fondamentale du cadre des ressources naturelles. »

D’autres domaines de développement sont « une surveillance aérienne vidéo, des données à haute résolution du terrain, des capacités de cloud computing, de fusion de données pour toutes les formes de renseignement dans un cadre spatio-temporel cohérent pour l’organisation et l’indexation des données, le développement de cadres de sciences sociales qui peuvent soutenir le codage et l’analyse spatio-temporelle, la distribution de technologies d’authentification biométrique multi-formes [comme les empreintes digitales, les scans de la rétine et des échantillons d’ADN] au service de processus administratifs les plus élémentaires, afin de relier toutes les opérations aux individus qui les ont réalisées. De plus, l’académie doit être prête à aider le Pentagone à développer le côté anthropologique, socio-culturel, historique, géographique, éducationnel, de santé publique et de nombreuses autres formes de la vie sociale et des données de la science du comportement et de l’information afin de développer une compréhension approfondie des populations. »

Quelques mois après avoir rejoint Google, Quaid a présenté l’entreprise en août 2011 à la clientèle de la Defense Information Systems Agency (DISA) du Pentagone et du Forum de l’industrie. Le forum donnait l’opportunité aux « Services, à la direction des combattants, aux agences, aux forces de la coalition » de « dialoguer directement avec l’industrie sur des technologies innovantes afin de permettre et d’assurer des moyens du soutien de nos combattants. » Les participants à l’événement ont fait partie intégrante des efforts visant à créer une « entreprise de défense de l’environnement de l’information, » définie comme « une plate-forme intégrée qui inclut le réseau, l’informatique, l’environnement, les services, l’assurance de l’information, et les capacités de NetOps [Network Operations, chargé avec le DoD d’organiser le renseignement, NdT], permettant aux combattants de « se connecter, s’identifier, découvrir et partager des informations et de collaborer à travers l’éventail complet des opérations militaires. » La plupart des panélistes du forum étaient des fonctionnaires du DoD (Department of Defense), sauf pour seulement quatre panélistes de l’industrie, y compris Quaid de Google.

Des fonctionnaires du DISA ont également participé au Highlands Forum — comme Paul Friedrichs, directeur technique et ingénieur en chef du Bureau de sûreté de l’information du DISA.

La connaissance est le pouvoir

Compte tenu de tout cela, il est peu surprenant qu’en 2012, quelques mois après que Regina Dugan, la vice-présidente du Highlands Forum, quitte le DARPA [Defense Advanced Research Projects Agency, agence du DoD, NdT] pour rejoindre Google en tant que cadre supérieur, le général Keith Alexander (alors chef de la NSA) ait envoyé un email au cadre et membre fondateur de Google Sergey Brin pour débattre du partage de l’information concernant la sécurité nationale. Dans ces courriels, obtenus dans le cadre de la liberté de l’information par le journaliste d’investigation Jason Leopold, le général Alexander décrivait Google comme un « membre clé de la Défense industrielle de base [de l’armée américaine] », une position que Michele Quaid partage apparemment. L’entente cordiale qu’entretenait Brin avec l’ancien chef de la NSA est maintenant parfaitement logique, étant donné que Brin a été en contact avec des représentants de la CIA et de la NSA, qui ont en partie financé et supervisé la création du moteur de recherche Google, depuis le milieu des années 1990.

En juillet 2014, Quaid s’est entretenue avec un groupe spécial de l’armée américaine à propos de la création d’une « cellule d’acquisition rapide » pour faire avancer « les cyber-capacités » de l’armée américaine dans le cadre de l’initiative de transformation de la Force 2025. Elle a dit à des responsables du Pentagone que « beaucoup des objectifs de la Force 2025 peuvent être atteints avec la technologie disponible dans le commerce ou en développement aujourd’hui, » ré-affirmant que « l’industrie est prête à collaborer avec l’armée pour soutenir le nouveau paradigme. » Vers la même époque, la plupart des médias claironnaient l’idée que Google essayait de se libérer du financement du Pentagone, mais en réalité Google avait changé de tactique pour développer indépendamment des techniques commerciales en modifiant les applications à objectifs militaires du Pentagone.

Pourtant, Quaid est loin d’être le seul personnage-clé dans la relation de Google avec la communauté du renseignement militaire américain.

Un an après que Google ait acheté le logiciel de cartographie par satellite Keyhole, issu d’un projet de la CIA, à la société de capital-risque In-Q-Tel en 2004, le directeur de l’évaluation technique de cette dernière, Robert Painter — qui a joué un rôle clé dans l’investissement dans Keyhole à In-Q-Tel, est allé chez Google. A In-Q-Tel, le travail était axé sur l’identification, la recherche et l’évaluation des « nouvelles start-up technologiques que l’on pensait pouvoir proposer à une valeur considérable à la CIA, l’Agence nationale de renseignement géospatial et la Defense Intelligence Agency. » En effet, la NGA avait confirmé que les renseignements obtenus par Keyhole ont été utilisés par la NSA pour soutenir les opérations américaines en Irak à partir de 2003.

Ancien officier des opérations spéciales du renseignement de l’armée américaine, le nouveau poste de Painter chez Google à partir de juillet 2005 a été celui de directeur fédéral de ce que Keyhole allait devenir : Google Earth Enterprise. En 2007, Painter était devenu technologue fédéral en chef chez Google.

Cette année-là, Painter a déclaré au Washington Post que Google était « en phase de démarrage » de la vente de versions avancées et secrètes de ses produits pour le gouvernement américain. « Google a intensifié sa force de vente dans la région de Washington au cours de la dernière année pour adapter ses produits technologiques aux besoins de l’armée, des organismes civils et de la communauté du renseignement, » a rapporté le Post. Le Pentagone utilisait déjà une version de Google Earth développée en partenariat avec Lockheed Martin pour « l’affichage d’information pour les militaires sur le terrain en Irak, y compris la cartographie des régions clés du pays, et soulignant des quartiers sunnites et chiites de Bagdad, ainsi que des bases militaires des États-Unis et irakiennes de la ville. Ni Lockheed ni Google n’ont expliqué comment l’agence géo-spatiale utilise les données. » Google a tenté de vendre au gouvernement de nouvelles « versions améliorées de Google Earth et de moteurs de recherche qui peuvent être utilisés en interne par les agences. »

Des dossiers de la Maison-Blanche qui ont fui en 2010 montraient que les dirigeants de Google ont tenu plusieurs réunions avec des hauts fonctionnaires du Conseil de sécurité nationale des États-Unis. Alan Davidson, directeur des affaires gouvernementales chez Google, a tenu au moins trois réunions avec des représentants du Conseil national de sécurité en 2009, y compris avec le directeur principal de la Maison-Blanche pour les affaires russes Mike McFaul, et le conseiller au Moyen-Orient Daniel Shapiro. Il est également apparu à partir d’une demande de brevet pour une application Google que la compagnie avait délibérément collecté des données « payantes » à partir de réseaux wifi privés qui permettraient l’identification et la « géolocalisation ». Pendant la même année, nous le savons maintenant, Google a signé un accord avec la NSA donnant à l’agence un accès ouvert à l’information personnelle de ses utilisateurs, de son matériel et de ses logiciels, au nom de la cyber-sécurité — accords que le général Alexander était occupé à répliquer à des centaines de PDG d’entreprises de télécom à travers le pays.

Ainsi, ce n’est pas seulement Google qui est un facteur clé et un fondement du complexe militaro-industriel des États-Unis, c’est la totalité de l’internet, et le large éventail d’entreprises du secteur privé — beaucoup entretenues et financées secrètement par la communauté du renseignement américain (ou par des financiers puissants intégrés dans cette communauté) — qui soutiennent l’internet et l’infrastructure des télécommunications ; c’est aussi la myriade de start-ups de vente des technologies de pointe à la société de capital-risque de la CIA In-Q-Tel, où ils peuvent ensuite être adaptés et perfectionnés pour des applications destinées à la communauté du renseignement militaire. En fin de compte, l’appareil de surveillance mondiale et les outils classés secrets utilisés par des organismes comme la NSA pour l’administrer, ont été presque entièrement faits par des chercheurs externes et des entrepreneurs privés comme Google, qui opèrent en dehors du Pentagone.

Cette structure, reflétée dans le fonctionnement du Highlands Forum du Pentagone, permet au Pentagone de profiter rapidement des innovations technologiques, occasions qui autrement seraient manquées, tout en gardant le secteur privé indépendant, tout du moins en apparence, afin d’éviter des questions gênantes sur l’utilisation réelle de cette technologie.

Mais n’est-ce pas tellement évident ? La raison d’être du Pentagone est la guerre, qu’elle soit ouverte ou secrète. En aidant à construire l’infrastructure de surveillance technologique de la NSA, les entreprises comme Google sont complices de ce que le complexe militaro-industriel fait le mieux : tuer pour de l’argent.

Comme la nature de la surveillance de masse l’indique, son objectif est non seulement les terroristes, mais, par extension, des « suspectés de terrorisme » et des « terroristes potentiels ». Le résultat étant que des populations entières — des militants politiques notamment — doivent être visées par la surveillance du renseignement américain pour identifier les menaces actuelles et futures, et être vigilants face à des insurrections populaires possibles, tant dans le pays qu’à l’étranger. L’analyse prédictive et les profils comportementaux jouent ici un rôle essentiel.

La surveillance de masse et l’extraction de données a désormais un but opérationnel précis pour aider à l’exécution des opérations spéciales létales, le choix des cibles pour la frappe par drone des listes d’exécution de la CIA via des algorithmes douteux, par exemple, ainsi que la fourniture d’informations géo-spatiales et autres pour les commandants combattants sur terre, air et mer, parmi beaucoup d’autres fonctions. Un seul message posté sur un média social comme Twitter ou Facebook est suffisant pour être mis sur une liste secrète de surveillance uniquement en raison d’une intuition ou d’un soupçon vaguement défini ; et peut-être même de figurer comme suspect sur une liste d’exécution.

La pression en faveur d’une surveillance de masse totale et aveugle par le complexe militaro-industriel — qui englobe le Pentagone, les agences de renseignement, les entreprises de défense et les géants de la technologie soi-disant amicaux comme Google et Facebook — n’est donc pas une fin en soi, mais un instrument de pouvoir, dont le but est de se maintenir. Mais il y a aussi une raison rationnelle qui justifie cet objectif : tout en étant génial pour le complexe militaro-industriel, il est aussi, on est prié de le supposer, génial pour tout le monde.

La « longue guerre »

Il n’y a pas de meilleure illustration de l’idéologie du pouvoir réellement chauvine et narcissique dont se félicite le cœur du complexe militaro-industriel qu’un livre de Thomas Bartnett, délégué de longue date du Highlands Forum, The Pentagon’s New Map (La nouvelle cartographie du Pentagone). Barnett était assistant pour les stratégies futures au bureau de la transformation de la Force du Pentagone de 2001 à 2003, et avait été recommandé à Richard O’Neill par son patron le vice-amiral Arthur Cebrowski. En plus d’être devenu un best-seller du New York Times, le livre de Barnett avait été étudié de long en large dans l’armée américaine, par des hauts responsables de la défense à Washington et des commandants combattants opérant sur le terrain au Moyen-Orient.

Barnett a participé au Highlands Forum du Pentagone pour la première fois en 1998, et a ensuite été invité à y faire un exposé sur son travail le 7 décembre 2004, à laquelle ont participé de hauts responsables du Pentagone, des experts de l’énergie, entrepreneurs de l’internet et journalistes. Barnett a reçu une critique élogieuse dans le Washington Post de son copain du Highlands Forum David Ignatius une semaine plus tard, et l’approbation d’un autre ami du Forum, Thomas Friedman, qui ont tous deux renforcé massivement sa crédibilité et son succès auprès des lecteurs.

La vision de Barnett est radicalement néoconservatrice. Il voit le monde divisé en deux grandes parties : Le Noyau, qui comprend les pays avancés suivant les règles de la mondialisation économique (les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Europe et le Japon) ainsi que les pays en développement qui se sont engagés à y arriver (le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et quelques autres) ; et le reste du monde qui constitue La Périphérie, une jungle disparate de pays dangereux et sans foi ni loi définie essentiellement comme « déconnectée » des merveilles de la mondialisation. Cela comprend la majeure partie du Moyen-Orient et de l’Afrique, de larges pans de l’Amérique du Sud, ainsi que la majeure partie de l’Asie centrale et de l’Europe de l’Est. C’est du devoir des États-Unis de « rétrécir cette zone », par la diffusion de la « règle du jeu » culturelle et économique de la mondialisation qui caractérise Le Noyau, et en faisant respecter la sécurité dans le monde entier pour permettre à cette « règle du jeu » de se propager.

Barnett s’est emparé de ces deux fonctions de la puissance américaine au travers de ses concepts de « Léviathan » et « d’administrateur système ». Le premier concerne l’établissement de règles pour faciliter la diffusion des marchés capitalistes, régulés par les lois militaires et civiles. Le second consiste à projeter la force militaire dans cet espace dans une mission mondiale sans fin destinée à renforcer la sécurité et à participer à des constructions nationales. Non pas « reconstruction », il tient à le souligner, mais la construction de « nouvelles nations ».

Pour Barnett, l’introduction en 2002 du Patrioct Act à domicile par l’administration Bush, avec sa destruction de l’habeas corpus, et la stratégie de sécurité nationale à l’étranger, avec son ouverture sur une guerre préventive décidée unilatéralement, a marqué le début de la ré-écriture nécessaire des règles du jeu du Noyau afin de se lancer dans cette noble mission. Ceci est le seul moyen pour les États-Unis pour assurer la sécurité, écrit Barnett, parce que tant que la Périphérie existe, elle sera toujours une source de violence anarchique et de désordre. Un paragraphe en particulier résume sa vision :

« L’Amérique comme flic mondial apporte la sécurité. La sécurité crée des règles communes. Les règles attirent les investissements étrangers. Créent des infrastructures. Des infrastructures créent l’accès aux ressources naturelles. Les ressources créent de la croissance économique. La croissance crée la stabilité. La stabilité crée des marchés. Et une fois que vous êtes en croissance, représentant une part stable du marché mondial, vous faites partie du Noyau. Mission accomplie. »

Une grande partie des événements qui auraient besoin, selon Barnett, d’advenir pour concrétiser cette vision, et cela en dépit de son néo-conservatisme biaisé, sont toujours des objectifs sous Obama. Dans un avenir proche, Barnett l’a prédit, les forces militaires américaines seront envoyées au-delà de l’Irak et de l’Afghanistan, dans des endroits comme l’Ouzbékistan, Djibouti, l’Azerbaïdjan, l’Afrique du Nord-Ouest, le sud de l’Afrique et l’Amérique du Sud.

La présentation de Barnett a été accueillie avec un enthousiasme quasi universel. Le Forum avait même acheté des exemplaires de son livre et les avait distribués à tous les délégués du Forum, et, en mai 2005, Barnett a été invité à revenir participer à un Forum entier sur le thème de son concept « SysAdmin ».

Le Highlands Forum a ainsi joué un rôle de premier plan dans la définition de l’ensemble du concept du Pentagone de la « guerre contre le terrorisme ». Irving Wladawsky-Berger, vice-président d’IMB à la retraite qui a co-présidé l’Information Technology Advisory Committee (comité consultatif d’information technologique) de 1997 à 2001, a décrit son expérience lors d’une réunion du Forum en 2007 selon ces termes :

« Ensuite, il y a la guerre contre le terrorisme, que le DoD a commencé à qualifier de longue guerre, un terme que j’ai entendu pour la première fois au Forum. Il semble très approprié pour décrire le conflit global dans lequel nous nous trouvons. Ceci est un conflit véritablement mondial… j’ai le sentiment que les conflits dans lesquels nous sommes maintenant relèvent plus des guerres de civilisations ou de cultures qui tentent de détruire notre mode de vie et d’imposer le leur. »

Le problème est qu’en dehors de cette puissante clique hébergée par le Pentagone, tout le monde n’est pas d’accord. « Je ne suis pas convaincu que le remède de Barnett serait mieux que la maladie, » a écrit le Dr Karen Kwiatowski, un ancien analyste haut placé du Pentagone dans la section du Proche-Orient et de l’Asie du Sud, qui a dénoncé la façon dont son ministère a délibérément fabriqué de fausses informations qui ont conduit à la guerre en Irak. « Cela a certainement coûté beaucoup plus de libertés américaines, de démocratie constitutionnelle et de sang versé que cela n’en valait la peine. »

Pourtant, l’adéquation du « rétrécissement de la Périphérie » avec le maintien de la sécurité nationale du Noyau conduit à une pente glissante. Cela signifie que si les États-Unis sont empêchés de jouer ce rôle de leadership en tant que « gendarme du monde », la Périphérie s’étendra, le Noyau se contractera, et l’ensemble de l’ordre mondial pourrait s’effilocher. Selon cette logique, les États-Unis ne peuvent tout simplement pas se permettre un rejet de la part du gouvernement ou de l’opinion publique de la légitimité de sa mission. Si elle le faisait, elle permettrait à la Périphérie de croître de manière incontrôlable, ce qui nuit au Noyau, et pourrait potentiellement le détruire, ainsi que son protecteur de base, l’Amérique. Par conséquent, une « réduction de la Périphérie » est non seulement un impératif de sécurité : c’est d’une telle priorité vitale qu’elle doit être sauvegardée avec la guerre de l’information pour montrer au monde la légitimité de l’ensemble du projet.

Basé sur les principes d’O’Neill sur la guerre de l’information, comme il l’a expliqué dans son intervention de 1989 à la Marine des États-Unis, les objectifs de la guerre de l’information ne sont pas uniquement les populations de la Périphérie, mais les populations nationales du Noyau, et leurs gouvernements : y compris le gouvernement des États-Unis. Ce but secret qui, selon l’ancien haut fonctionnaire du renseignement américain John Alexander, a été lu par les hauts dirigeants du Pentagone, a fait valoir que la guerre de l’information doit être ciblée sur : les adversaires pour les convaincre de leur vulnérabilité ; les partenaires potentiels du monde entier afin qu’ils acceptent « la cause comme juste » ; et enfin, les populations civiles et les dirigeants politiques afin qu’ils croient que « le coût » en sang versé et en trésorerie en vaut la peine.

Le travail de Barnett a été approuvé par le Highlands Forum du Pentagone, car il correspond au but recherché, en fournissant une idéologie convaincante « qui fait du bien » au complexe militaro-industriel américain.

Mais l’idéologie néo-conservatrice, bien sûr, n’est pas seulement née avec Barnett. Il en est un promoteur relativement modeste, même si son travail a été extrêmement influent dans tout le Pentagone. La pensée régressive des hauts fonctionnaires impliqués dans le Highlands Forum est visible depuis longtemps avant le 11/9, qui a dégagé avec des acteurs liés au Forum une force puissante qui permettait et légitimait la direction de plus en plus agressive de la politique étrangère et de renseignement des États-Unis.

Yoda et les Soviets

L’idéologie présentée par le Forum Highlands peut être découverte bien avant sa création en 1994, à une époque où l’ONA [Office of Net Assessment, un service du DoD, NdT] d’Andrew Marshall, surnommé « Yoda », était le principal centre d’activité du Pentagone sur la planification future.

Un mythe largement répandu et repris par les journalistes de la sécurité nationale pendant des années affirme que la réputation de l’ONA en tant que machine oracle résidente [comparaison avec la base de données Oracle, NdT] du Pentagone était en baisse à cause de la prévoyance analytique étrange de son directeur Marshall. Peut-être était-il parmi les rares qui pensaient de manière prémonitoire que la menace soviétique était exagérée par la communauté du renseignement américain. Il avait été, l’histoire le dit, la seule voix, mais une voix obstinée à l’intérieur du Pentagone, appelant les décideurs à réévaluer leurs projections de la puissance militaire de l’URSS.

Sauf que l’histoire n’est pas vraie. L’ONA ne parlait pas de l’analyse de la menace seule, mais de la projection de la menace sur les paranoïaques justifiant l’expansionnisme militaire. La politique étrangère de Jeffrey Lewis souligne que loin d’apporter la voix de la raison appelant à une évaluation plus équilibrée des capacités militaires soviétiques, Marshall a tenté de minimiser les résultats de l’ONA qui réfutaient le battage médiatique à propos d’une menace soviétique imminente. Après avoir commandé une étude concluant que les États-Unis avaient surestimé l’agressivité soviétique, Marshall l’a diffusée avec une note de couverture se déclarant « pas convaincu » par ses conclusions. Les diagrammes de Lewis montrent comment le sentiment de menace de Marshall a conduit à la mise en œuvre de recherches absurdes sur des liens (inexistants) entre Saddam et al-Qaïda, et a même abouti au rapport notoire d’un consultant du RAND (Research and Development) appelant à redessiner la carte du Moyen-Orient, présenté au Defense Policy Board du Pentagone sur l’invitation de Richard Perle en 2002.

Le journaliste d’investigation Jason Vest a également constaté dans des sources du Pentagone que, pendant la guerre froide, Marshall avait longtemps exagéré la menace soviétique et joué un rôle clé pour donner au groupe de pression néoconservateur, le Committee on the Present Danger (Comité sur le danger présent) l’accès aux données classées de renseignement de la CIA pour réécrire les estimations du renseignement national sur les intentions militaires soviétiques (National Intelligence Estimate on Soviet Military Intentions). Ce fut les prémisses de la manipulation du renseignement après le 11/9 pour justifier l’invasion et l’occupation de l’Irak. Les anciens membres du personnel de l’ONA ont confirmé le côté belliqueux de Marshall au sujet d’une menace soviétique imminente qui a persisté « jusqu’au bout. » Melvin Goodman, ex-soviétologue à la CIA, par exemple, a rappelé que Marshall a également contribué à fournir des missiles Stinger aux moudjahidines afghans — une action qui a rendu la guerre encore plus brutale, ce qui a encouragé les Russes à utiliser des tactiques de terre brûlée.

Enron, les talibans et l’Irak

La période après-guerre froide a vu la création du Forum Highlands du Pentagone en 1994 sous l’aile de l’ancien secrétaire à la Défense William Perry — un ancien directeur de la CIA et premier défenseur des idées néo-conservatrices telle la guerre préventive. Étonnamment, le rôle douteux du Forum comme un pont gouvernement-industrie peut être clairement établi par rapport aux flirts d’Enron avec le gouvernement américain. Tout comme le Forum avait élaboré des politiques d’intensification du Pentagone sur la surveillance de masse, il a simultanément induit directement la réflexion stratégique qui a abouti aux guerres en Afghanistan et en Irak.

Le 7 novembre 2000, George W. Bush « gagne » les élections présidentielles américaines. Enron et ses employés ont donné plus de 1 million de dollars au total pour la campagne de Bush. Cela comprenait une contribution de 10 500 dollars au comité de recomptage de Bush en Floride, et une autre de 300 000 dollars pour les célébrations inaugurales suivantes. Enron a également fourni des avions d’affaires pour servir de navettes aux avocats républicains entre la Floride et Washington et faire du lobbying au nom de Bush pour le recomptage de décembre. Des documents fédéraux des élections ont montré ensuite que, depuis 1989, Enron avait fait un total de 5,8 millions de dollars en dons de campagne, dont 73% aux républicains et 27% aux démocrates — avec pas moins de 15 hauts responsables de l’administration Bush possédant des actions dans Enron, y compris le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld, le conseiller principal Karl Rove, et le secrétaire de l’armée Thomas White.

Pourtant, à la veille de cette élection controversée, le président fondateur du Forum Highlands du Pentagone O’Neill a écrit au PDG d’Enron, Kenneth Lay, l’invitant à faire une présentation lors du Forum sur la modernisation du Pentagone et de l’armée. Le courriel d’O’Neill à Lay a été publié dans le cadre de l’affaire Enron Corpus, les emails obtenus par la Federal Energy Regulatory Commission, mais est resté inconnu jusqu’à présent.

Le courriel commençait ainsi : « Au nom du Secrétaire adjoint à la Défense (C3I) [Commandement, Contrôle et communications, NdT] et du CIO du DoD (Chief Information Officer du Department of Defense) Arthur Money » et invite Lay « à participer aux travaux de défense du Forum Highlands, » que O’Neill décrit comme « un groupe interdisciplinaire d’éminents universitaires, chercheurs, CEO/CIO/CTO de l’industrie, et des leaders des médias, des arts et des professions libérales, qui se sont rencontrés au cours des six dernières années pour examiner les domaines d’intérêt nouveau pour nous tous. » Il a ajouté que les sessions du Forum comprennent « des anciens de la Maison-Blanche, de la Défense et d’autres organismes du gouvernement (nous limitons la participation du gouvernement à environ 25%). »

Ici, O’Neill révèle que le but du Forum Highlands du Pentagone était, fondamentalement, de prospecter non seulement les objectifs du gouvernement, mais aussi les intérêts des leaders de l’industrie y participant, comme Enron. Le Pentagone, poursuit O’Neill, voulait agir en faveur de « la recherche de stratégies d’information et de transformation pour le DoD (et le gouvernement en général), » en particulier « à partir d’un point de vue commercial (transformation, productivité, avantage concurrentiel). » Il a fait l’éloge d’Enron comme « un exemple remarquable d’évolution dans une industrie réglementée très rigide, qui a créé un nouveau modèle et de nouveaux marchés. »

O’Neill indique clairement que le Pentagone voulait qu’Enron joue un rôle central dans l’avenir du DoD, non seulement dans la création d’une « stratégie opérationnelle impliquant la supériorité de l’information, » mais aussi par rapport à « l’entreprise commerciale mondiale géante qu’est le DoD, qui peut ainsi bénéficier d’un bon nombre des meilleures idées et pratiques venant de l’industrie. »

« ENRON est d’un grand intérêt pour nous, » a-t-il réaffirmé. « Ce que nous apprenons de vous peut aider le ministère de la Défense à mener à bien la grande tâche consistant à construire une nouvelle stratégie. J’espère que vous aurez le temps, malgré votre horaire chargé, de nous rejoindre au Forum Highlands autant de fois que vous pourrez, pour assister et parler avec le groupe. »

Cette réunion du forum Highlands a rassemblé des hauts responsables de la Maison-Blanche et des fonctionnaires du renseignement, y compris la directrice adjointe Joan A. Dempsey de la CIA, qui avait précédemment servi comme secrétaire à la Défense adjointe pour le renseignement, et en 2003 a été nommée par Bush directrice générale du Conseil consultatif du renseignement étranger de la Présidence, dans lequel elle a loué la capacité de partage de nombreuses informations avec la NSA et le NGA (National Geo-spatial-Intelligence Agency) après le 11/9. Elle est ensuite devenue vice-présidente exécutive chez Booz Allen Hamilton, un entrepreneur important du Pentagone en Irak et en Afghanistan qui, entre autres choses, a créé la base de données de l’Autorité provisoire de la Coalition pour suivre les projets de reconstruction en Irak, nous savons maintenant qu’ils étaient très corrompus.

La relation d’Enron avec le Pentagone battait déjà son plein l’année précédente. Thomas White, alors vice-président des services énergie chez Enron, avait utilisé ses nombreuses relations militaires américaines pour obtenir un protocole d’accord avec Fort Hamilton destiné à privatiser la fourniture d’énergie aux bases de l’armée. Enron était le seul soumissionnaire pour la transaction. L’année suivante, après l’invitation du PDG d’Enron au Forum Highlands, White a donné son premier discours en juin, juste « deux semaines après sa nomination comme secrétaire de l’Armée de terre, » où il a « promis d’accélérer l’attribution de ces contrats, » avec plus loin « une privatisation rapide » des services énergétiques de l’armée. « Potentiellement, Enron pourrait bénéficier de l’accélération de l’attribution des contrats, comme pourraient le faire d’autres entreprises, » a relevé USA Today.

Ce mois-là, sous l’autorité du secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld — qui détient une part importante dans Enron – le Pentagone de Bush a invité un autre dirigeant d’Enron et l’un des hauts conseillers financier externes d’Enron à assister à une nouvelle session secrète du forum Highlands.

Un courriel de Richard O’Neill daté du 22 juin, obtenu par l’intermédiaire du Corpus Enron, a montré que Steven Kean, alors vice-président et chef de la direction du personnel d’Enron, était prêt à donner une autre présentation au Highlands le lundi 25. « Nous sommes d’accord avec la secrétaire à la Défense qui a parrainé le forum Highlands et sommes très impatients de votre participation, » écrit O’Neill, promettant à Kean qu’il serait « la pièce maîtresse de la discussion. L’expérience d’Enron est très importante pour nous alors que nous envisageons sérieusement un changement profond dans le ministère de la Défense. »

Steven Kean est maintenant président et COO (Chief Operating Officer) (et prochainement CEO) de Kinder Morgan, une des plus grandes sociétés d’énergie en Amérique du Nord, et un grand partisan du projet controversé de pipeline Keystone XL.

Richard Foster, alors associé principal du conseil financier McKinsey, assistait à la même session du Forum Highlands avec Kean. « J’ai donné des copies du nouveau livre de Dick Foster, Creative Destruction, au secrétaire adjoint à la Défense, ainsi qu’au secrétaire adjoint, » a déclaré O’Neill dans son courriel, « et l’affaire Enron qu’il décrit permet des discussions importantes. Nous avons l’intention de distribuer des copies aux participants du Forum. »

McKinsey, du cabinet de Foster, avait fourni des conseils financiers stratégiques à Enron depuis le milieu des années 1980. Joe Skilling, qui en février 2001 devint PDG d’Enron, alors que Kenneth Lay, déplacé à la présidence, avait été responsable des activités de conseil en marché de l’énergie de McKinsey avant de rejoindre Enron en 1990.

McKinsey et son partenaire de l’époque Richard Foster étaient intimement impliqués dans l’élaboration des stratégies de gestion financière d’Enron responsables de la rapide, mais frauduleuse croissance de l’entreprise. Alors que McKinsey a toujours nié être au courant de la comptabilité douteuse qui a conduit à la disparition d’Enron, les documents internes de l’entreprise ont montré que Foster avait assisté à une réunion de la commission des finances d’Enron un mois avant la session du Forum Highlands pour discuter de la « nécessité de partenariats privés à l’extérieur pour aider à conduire la croissance explosive de la société » — les partenariats d’investissement sont effectivement responsables de l’effondrement d’Enron.

Des documents de McKinsey ont montré que l’entreprise était « pleinement consciente de l’utilisation importante de fonds hors bilan d’Enron. » Comme le remarque le rédacteur économique Ben Chu de The Independent, « McKinsey a souscrit pleinement aux méthodes comptables douteuses, » qui ont conduit à l’envol de la cotation d’Enron et « qui ont causé l’implosion de la société en 2001. »

En effet, Foster lui-même avait personnellement assisté à six réunions du conseil d’Enron d’octobre 2000 à octobre 2001. Cette période a plus ou moins coïncidé avec l’influence grandissante d’Enron sur les politiques énergétiques de l’administration Bush, et la planification du Pentagone pour l’Afghanistan et l’Irak.

Mais Foster était également un participant régulier du Forum Highlands du Pentagone — son profil LinkedIn le décrit comme membre du Forum depuis 2000, l’année où il renforce son engagement avec Enron. Il a également fait une présentation au Forum Island inaugural à Singapour en 2002.

L’implication d’Enron dans le Groupe de travail sur la politique énergétique de Cheney semble avoir été liée à la planification en 2001 par l’administration Bush des invasions de l’Afghanistan et de l’Irak, motivées par le contrôle du pétrole. Comme l’a noté le professeur Richard Falk, ancien membre du conseil d’administration de Human Rights Watch et ex-enquêteur à l’ONU, Kenneth Lay d’Enron « était le principal consultant confidentiel invoqué par le vice-président Dick Cheney pendant le processus très secret de la rédaction d’un rapport soulignant une politique énergétique nationale. Cette politique était largement considérée comme un élément clé de l’approche américaine de la politique étrangère en général et du monde arabe en particulier. »

Les réunions intimes secrètes entre les cadres supérieurs d’Enron et des fonctionnaires de haut niveau du gouvernement américain par le biais du Forum Highlands du Pentagone, de novembre 2000 à juin 2001 ont joué un rôle central dans l’établissement et le scellement d’un lien d’une symbiose de plus en plus intime entre Enron et le programme du Pentagone. Le rôle du Forum était, comme O’Neill l’a toujours dit, de fonctionner comme un laboratoire d’idées pour examiner les intérêts communs de l’industrie et du gouvernement.

Enron et la planification de la guerre du Pentagone

En février 2001, lorsque les dirigeants d’Enron, y compris Kenneth Lay, ont commencé à participer de manière concertée au Groupe de travail sur la politique énergétique de Cheney, un document classé du Conseil national de sécurité ordonnait aux membres du personnel du NSC (National Security Council) de travailler avec le groupe sur la politique énergétique en « fusionnant » des questions jusque-là distinctes : « des politiques opérationnelles envers les États voyous » et des « actions visant à s’emparer des champs de pétrole et de gaz existants et nouveaux. »

Selon le secrétaire au Trésor sous Bush Paul O’Neill, cité par Ron Suskind dans The Price of Loyalty (2004), les responsables du cabinet ont discuté d’une invasion de l’Irak lors de leur première réunion du NSC, et avaient même préparé une cartographie du travail d’après-guerre consistant au repérage et au partage des champs de pétrole en Irak. Le message à cette époque du président Bush était que les fonctionnaires devaient « trouver un moyen de le faire. »

Des documents du Groupe de travail sur la politique énergétique de Cheney obtenus par Judicial Watch grâce au Freedom of Information act [loi pour la liberté de l’information du 4 juillet 1966, NdT] ont révélé qu’en mars, avec une importante contribution de l’industrie, le groupe de travail a préparé des cartes des pays du Golfe et en particulier des champs pétrolifères, des pipelines et des raffineries irakiens, ainsi qu’une liste intitulée « Prétendants étrangers pour des contrats sur les champs pétroliers irakiens. » En avril, le rapport d’un groupe de réflexion commandé par Cheney, supervisé par l’ancien secrétaire d’État James Baker, et mis en place par un comité de l’industrie de l’énergie et des experts de la sécurité nationale, a exhorté le gouvernement américain « à faire un examen immédiat de la politique envers l’Irak, y compris militaire, énergétique, et des évaluations économiques et politiques ou diplomatiques, » pour faire face à « l’influence déstabilisante » de l’Irak sur les flux du marché mondial du pétrole. Le rapport contient des recommandations du délégué du Forum Highlands et président d’Enron, Kenneth Lay.

Mais le Groupe de travail sur la politique énergétique de Cheney travaille également activement à faire avancer les projets en Afghanistan impliquant Enron, qui ont été initiés sous Clinton. À la fin des années 1990, Enron a travaillé avec la société énergétique américaine Unlocal basée en Californie pour développer un pipeline de pétrole et de gaz qui puisera dans les réserves du bassin de la mer Caspienne, et transporter le pétrole et le gaz à travers l’Afghanistan, en fournissant le Pakistan, l’Inde et potentiellement d’autres marchés. Le projet a eu la bénédiction officielle de l’administration Clinton, et plus tard de l’administration Bush, qui a tenu plusieurs réunions avec des représentants des talibans pour négocier les conditions de l’accord sur le pipeline au cours de l’année 2001. Les talibans, qui avaient reçu une assistance secrète sous Clinton pour la conquête de l’Afghanistan, ont eu la reconnaissance formelle comme gouvernement légitime de l’Afghanistan en échange de la permission d’installer le pipeline. Enron a payé 400 millions de dollars une étude de faisabilité du gazoduc, dont une grande partie a servi à verser des pots de vin aux dirigeants talibans, et a même embauché des agents de la CIA pour faciliter les accords.

Puis pendant l’été 2001, alors que les responsables d’Enron faisaient la liaison entre les hauts fonctionnaires du Pentagone et le Forum Highlands, le conseil national de sécurité de la Maison-Blanche mettait sur pied un « groupe de travail » inter-départements dirigé par Rumsfeld et Cheney pour aider à l’achèvement d’un projet Enron en Inde, une centrale électrique de 3 milliards de dollars à Dabhol. L’usine était prévue pour recevoir son énergie de l’oléoduc Trans-Afghanistan. Le « groupe de travail de Dabhol » du NSC, présidé par la conseillère à la sécurité nationale Condoleeza Rice sous Bush, a mis au point une série de tactiques pour améliorer la pression du gouvernement des États-Unis sur l’Inde pour terminer l’installation de Dabhol — pression qui a continué jusqu’au début de novembre. Le projet Dabhol, ainsi que le pipeline Trans-Afghanistan, étaient de loin les marchés les plus lucratifs conclus par Enron à l’étranger.

Tout au long de 2001, des représentants d’Enron, dont Ken Lay, ont participé au Groupe de travail sur la politique énergétique de Cheney, ainsi que des représentants des secteurs de l’énergie de tous les États-Unis. A partir de février, peu de temps après que l’administration Bush a pris ses fonctions, Enron a été présent dans environ une demi-douzaine de ces réunions du Groupe de travail sur la politique énergétique. Après l’une de ces réunions secrètes, un projet d’offre énergétique a été modifié pour inclure une nouvelle disposition proposant d’augmenter considérablement la production de pétrole et de gaz naturel en Inde d’une manière qui ne serait applicable qu’à la centrale d’Enron à Dabhol. En d’autres termes, assurer l’acheminement du gaz bon marché vers l’Inde via le gazoduc Trans-Afghanistan était devenu une question de « sécurité nationale » pour les États-Unis.

Un ou deux mois plus tard, l’administration Bush donnait aux talibans 43 millions de dollars, justifiés par la lutte contre la production d’opium, en dépit de sanctions de l’ONU imposées par les EU interdisant toute aide au groupe pour n’avoir pas livré Oussama ben Laden.

Puis, en juin 2001, le même mois où le vice-président d’Enron Steve Kean participait au Forum Highlands du Pentagone, les espoirs de la société pour le projet Dabhol ont été anéantis quand le projet de pipeline Trans-Afghanistan ne s’est pas concrétisé. En conséquence, la construction de la centrale électrique de Dabhol s’est arrêtée. L’échec du projet de 3 milliards de dollars a contribué à la faillite d’Enron en décembre. Ce même mois, les responsables d’Enron ont rencontré le secrétaire au commerce de Bush, Donald Evans, à propos de la centrale, et Cheney a fait pression sur le principal parti d’opposition indien pour le projet Dabhol. Ken Lay aurait également contacté l’administration Bush à cette époque pour informer les fonctionnaires sur les problèmes financiers de l’entreprise.

En août, désespérés d’obtenir l’accord, les responsables américains ont menacé de guerre les représentants talibans s’ils refusaient d’accepter les conditions américaines : à savoir, cesser les combats et rejoindre une alliance fédérale avec le parti d’opposition Alliance du Nord ; et renoncer à leurs exigences de consommation locale du gaz. Le 15 du même mois, le lobbyiste d’Enron Pat Shortridge annonça alors au conseiller économique de la Maison-Blanche Robert McNally qu’Enron allait droit vers une crise financière qui pourrait paralyser les marchés de l’énergie du pays.

L’administration Bush devait avoir anticipé le rejet de l’accord par les talibans parce qu’ils avaient prévu une guerre sur l’Afghanistan dès juillet. Selon le ministre des Affaires étrangères pakistanais d’alors Niaz Naik, qui avait participé aux négociations EU-Talibans, les responsables américains lui ont dit qu’ils avaient l’intention d’envahir l’Afghanistan à la mi-octobre 2001. A peine la guerre commencée, l’ambassadeur de Bush au Pakistan, Wendy Chamberlain, a appelé le ministre du pétrole pakistanais Usman Aminuddin pour discuter « du projet de gazoduc Turkménistan-Afghanistan-Pakistan proposé, » selon le Frontier post, un journal pakistanais de langue anglaise. Ils auraient convenu que le « projet ouvre de nouvelles voies de coopération régionale multidimensionnelle en particulier compte tenu des récents développements géopolitiques dans la région. »

Deux jours avant le 11/9, Condoleeza Rice a reçu le projet d’une directive présidentielle officielle de sécurité nationale que Bush devrait signer immédiatement. La directive contenait un plan global pour lancer une guerre mondiale contre al-Qaïda, y compris une invasion « imminente » de l’Afghanistan pour renverser les talibans. La directive a été approuvée aux plus hauts niveaux de la Maison-Blanche et des responsables du Conseil national de sécurité, y compris bien sûr Rice et Rumsfeld. Les mêmes responsables du NSC ont en même temps engagé le groupe de travail sur Dabhol à sécuriser le planning de la centrale indienne pour le projet de gazoduc Trans-Afghanistan d’Enron. Le lendemain, la veille du 11/9, l’administration Bush a officiellement donné son accord pour le plan d’attaque des talibans.

Le lien de fond du Forum Highlands du Pentagone avec les intérêts en jeu dans tout cela montrent qu’ils ne sont pas propres à l’administration Bush — ce qui explique pourquoi, alors qu’Obama se préparait à retirer les troupes d’Afghanistan, il a réaffirmé le soutien de son gouvernement pour le projet de pipeline Trans-Afghanistan, et son désir que ce soit une société américaine qui le construise.

Le magouilleur de la propagande du Pentagone

Au long de cette période, la guerre de l’information a joué un rôle central dans le racolage du soutien du public pour la guerre — et le Forum Highlands a ouvert la voie.

En décembre 2000, un peu moins d’un an avant le 11/9 et peu de temps après la victoire électorale de George W. Bush, les membres clés du forum ont participé à un événement à la Fondation Carnegie pour la paix internationale qui consistait à explorer « l’impact de la révolution de l’information, de la mondialisation et de la fin de la guerre froide sur le processus d’élaboration de la politique étrangère des États-Unis. » Plutôt que de proposer « des réformes supplémentaires, » la réunion a consisté pour les participants à « construire à partir de zéro un nouveau modèle qui soit optimisé pour les propriétés spécifiques du nouvel environnement mondial. »

Parmi les problèmes signalés dans la réunion était le « Contrôle de la révolution mondiale », c’est à dire que le côté « distributif » de la révolution de l’information a été modifié en « dynamique clé de la politique mondiale par la remise en cause de la primauté des États et des relations inter-États. » Cela « créait de nouveaux défis pour la sécurité nationale, réduisant la capacité des États de premier plan à contrôler les débats politiques mondiaux, éprouvant l’efficacité des politiques économiques nationales, etc. »

En d’autres termes, comment le Pentagone peut-il trouver un moyen d’exploiter la révolution de l’information pour « contrôler les débats politiques mondiaux, » en particulier les « politiques économiques nationales » ?

La réunion a été co-organisée par Jamie Metzl, qui à l’époque siégeait au Conseil de sécurité nationale de Bill Clinton, où il venait de conduire la rédaction de la directive 68, selon la décision présidentielle sur l’information publique internationale (IPI), un nouveau plan multi-agences destiné à coordonner la diffusion de l’information publique des États-Unis à l’étranger. Metzl a ensuite coordonné l’IPI au département d’État.

L’année précédente, un haut fonctionnaire sous Clinton a révélé au Washington Times que l’IPI de Metzl était vraiment destiné à « orienter le public américain, » et qu’il était « hors de question que le public américain refuse de soutenir la politique étrangère du président Clinton. » L’IPI diffuserait des reportages favorables aux intérêts américains via la télévision, la presse, la radio et les autres médias basés à l’étranger, dans l’espoir qu’ils soient repris dans les médias américains. Le prétexte était que « la couverture des évènements est déformée chez nous et qu’ils ont besoin d’utiliser tous les moyens possibles pour présenter les nouvelles dans le bon sens. » Metzl a travaillé à ces opérations de propagande à l’étranger pour l’IPI en Irak et au Kosovo.

D’autres participants à la réunion Carnegie en décembre 2000 incluaient deux membres fondateurs du Forum Highlands, Richard O’Neill et Jeff Cooper de la SAIC — ainsi que Paul Wolfowitz, un autre acolyte d’Andrew Marshall, qui était sur le point de rejoindre l’administration Bush en tant que secrétaire adjoint du secrétariat à la défense de Rumsfeld. Était également présent un personnage qui est vite devenu particulièrement notoire dans la propagande sur l’Afghanistan et la guerre d’Irak en 2003 : John W. Rendon Jr, président fondateur de The Rendon Group (TRG) et un autre membre de longue date du forum Highlands du Pentagone.

John Rendon (à droite) lors du Forum Highlands, accompagné de Nik Gowing, présentateur à la BBC (à gauche) et Jeff Jonas, ingénieur analytique en chef chez IBM (au centre)

John Rendon (à droite) lors du Forum Highlands, accompagné de Nik Gowing, présentateur à la BBC (à gauche) et Jeff Jonas, ingénieur analytique en chef chez IBM (au centre)

TRG est une entreprise notoire de communication qui travaille pour le gouvernement des États-Unis depuis des décennies. Rendon a joué un rôle central dans la gestion des campagnes de propagande du département d’État en Irak et au Kosovo sous Clinton et Metzl. Ses services ont reçu entre autres une subvention du Pentagone pour créer un site web de nouvelles, le Balkans Information Exchange, et un contrat de l’agence américaine pour le développement international (USAID) pour promouvoir la « privatisation. »

Le rôle central de Rendon pour aider au battage médiatique de l’administration Bush sur la menace inexistante des armes de destruction massive (WMD) pour justifier l’invasion militaire des États-Unis est maintenant bien connu. Comme l’a exposé James Bamford dans son enquête pionnière pour Rolling Stone, Rendon a joué un rôle déterminant pour le compte de l’administration Bush dans le développement de la notion de « gestion de la perception » destinée à « créer les conditions de l’éviction d’Hussein du pouvoir » lors de contrats de plusieurs millions de dollars avec la CIA et le Pentagone.

Parmi les activités de Rendon on trouve la création du Congrès national irakien d’Ahmed Chalabi (INC) au nom de la CIA, un groupe d’exilés irakiens chargés de la propagande, y compris une grande partie des faux renseignements sur les armes de destruction massive. Ce processus a commencé en concertation avec l’administration de George H.W. Bush, puis a continué allègrement sous Clinton sans tambour ni trompette, avant l’escalade qui a suivi le 11/9 sous George W. Bush. Rendon a donc joué un rôle important dans la fabrication d’actualités fausses et de reportages trompeurs à propos de l’Irak, en échange de contrats lucratifs de la CIA et du Pentagone — et il l’a fait dans la période allant jusqu’à l’invasion de 2003 en tant que conseiller du Conseil de sécurité nationale de Bush. C’est ce même NSC, bien sûr, qui a planifié les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak, obtenues avec la participation des dirigeants d’Enron, lesquels étaient simultanément embauchés par le Forum Highlands du Pentagone.

Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Des documents déclassifiés montrent que le Forum Highlands était intimement impliqué dans les processus cachés par lesquels les principaux responsables ont manigancé ce qui a mené à la guerre en Irak, sur la base d’une guerre de l’information.

Un rapport expurgé de 2007 de l’inspecteur général du DoD révèle que l’un des entrepreneurs largement utilisés par le Forum Highlands du Pentagone pendant et après la guerre en Irak était nul autre que le groupe Rendon. TRG a été engagé par le Pentagone pour organiser des sessions du Forum, pour déterminer les sujets de discussion, ainsi que pour convoquer et coordonner les réunions du Forum. L’enquête de l’inspecteur général avait été déclenchée par des accusations soulevées au Congrès sur le rôle de Rendon dans la manipulation de l’information pour justifier l’invasion de 2003 et l’occupation de l’Irak. Selon le rapport de l’Inspecteur général :

« … le secrétaire adjoint à la Défense pour les réseaux et le responsable de l’information et de l’intégration ont employé TRG pour mener des forums qui feraient appel à un groupe interdisciplinaire de dirigeants considérés à l’échelle nationale. Les forums formaient des petits groupes discutant des informations, des technologies et de leurs effets sur les processus scientifiques, organisationnels et commerciaux, les relations internationales, l’économie et la sécurité nationale. TRG a également mené un programme de recherche et des entrevues pour formuler et développer des thèmes pour le groupe de discussion du Forum Highlands. Le bureau du secrétaire adjoint à la Défense pour l’intégration des réseaux et de l’information aurait approuvé les sujets, et TRG aurait facilité les réunions. »

Rendon, bras armé de la propagande privée du Pentagone, a ainsi joué un rôle central dans l’exécution à la lettre du processus du Forum Highlands du Pentagone qui a réuni des hauts fonctionnaires du gouvernement avec les dirigeants de l’industrie pour générer la stratégie de la guerre de l’information.

L’enquête interne du Pentagone a absous Rendon de tout acte répréhensible. Ce qui n’est pas surprenant, étant donné le conflit d’intérêts en jeu : l’inspecteur général à l’époque était Claude M. Kicklighter, désigné par Bush, et qui avait directement supervisé les opérations militaires clés de l’administration. En 2003, il a été directeur de l’équipe de transition du Pentagone en Irak, et, l’année suivante, il a été nommé au Département d’État à titre de conseiller spécial sur les opérations de stabilisation et de sécurité en Irak et en Afghanistan.

La connexion surveillance-propagande

Fait davantage éloquent, les documents du Pentagone obtenu par Bamford pour son article dans la revue Rolling Stone révèlent qu’on a donné à Rendon l’accès aux données de contrôle top-secrètes de la NSA afin qu’il mène à bien son travail pour le compte du Pentagone. Les documents du Département de la Défense ont affirmé qu’il est autorisé à « rechercher et à analyser les informations classées jusqu’au niveau Top Secret/SCI/SI/TK/G/HCS. »

« SCI » signifie « Information Compartimentée et Sensible », ce sont des données classées plus haut que Top Secret, tandis que « SI » signifie « Renseignement Spécial », c’est à dire des communications hautement confidentielles interceptées par la NSA. « TK » renvoie à Talent/Keyhole, un nom de code pour l’imagerie des avions de reconnaissance et des satellites espions, tandis que « G » signifie « Gamma », des interceptions de communications environnantes à partir de sources extrêmement sensibles ; puis « HCS » renvoie à « Système de Contrôle du Renseignement Humain » dont les informations proviennent d’une source humaine très sensible. Selon les dires de Bamford :

« Pris ensemble, les acronymes indiquent que Rendon bénéficie de l’accès aux informations les plus confidentielles à partir de trois formes de collecte de données : l’écoute aux portes, l’imagerie des satellites et les espions humains. »

Donc, le Pentagone avait :

1. signé un contrat avec Rendon, une entreprise de propagande ;

2. donné à Rendon l’accès aux données les plus classifiées de la communauté du renseignement, notamment celles provenant de la surveillance de la NSA ;

3. chargé Rendon de faciliter la stratégie des opérations de développement des informations du Département de la Défense en gérant les modalités du Forum Highlands ;

4. et qui plus est, chargé Rendon de superviser l’exécution concrète de cette stratégie développée à travers les modalités du Forum Highlands, au cours des opérations d’information réelles dans le monde en Irak, Afghanistan et au-delà.

Le directeur général du Groupe Rendon, John Rendon, reste étroitement impliqué au sein du Forum Highlands du Pentagone et des opérations d’informations du DoD en cours dans le monde musulman. Sa biographie de novembre 2014 pour le cours des « Leaders Emergents » de la Harvard Kennedy School le décrit comme « un actif au sein des think-tanks d’avant-garde tel que le Forum Highlands, » « l’un des premiers leaders de pensée à exploiter le pouvoir des technologies émergentes dans le soutien des informations en temps réel, » et un expert sur « l’impact de l’émergence des technologies de l’information sur le comportement et la manière de penser des populations. » La biographie de Rendon à Harvard le crédite aussi de concevoir et d’exécuter « des initiatives de communications stratégiques et des programmes d’information reliées aux opérations tels que Odyssey Dawn (Libye), Unified Protector (Libye), Guerre Globale contre le Terrorisme (GWOT), Liberté Irakienne, Liberté Immuable (Afghanistan), Force Alliée et Entreprise Conjointe (Kosovo), Bouclier du Désert, Tempête du Désert (Koweït), Renard du Désert (Irak) et Juste Cause (Panama) entre autres. »

Le travail de Rendon sur le management de la perception et sur les opérations d’information a aussi « assisté un nombre d’interventions militaires américaines » en tout lieu, et aussi exécuté des opérations d’information en Argentine, en Colombie, à Haïti ou au Zimbabwe – en fait, un total de 99 pays. En tant qu’ancien directeur général et directeur politique national du Parti Démocrate, John Rendon demeure une figure puissante à Washington sous l’administration Obama.

Les enregistrements du Pentagone montrent que le Groupe Rendon a reçu plus de 100 millions de dollars du Département de la Défense depuis 2000. En 2009, le gouvernement américain a annulé un contrat de « communications stratégiques » avec le Groupe Rendon après que ce dernier ait révélé que cet argent était utilisé pour éliminer des journalistes qui pourraient écrire des articles contre l’intervention militaire américaine en Afghanistan, et pour promouvoir uniquement ceux qui soutenait cette politique américaine. Pourtant, en 2010, l’administration Obama a signé un nouveau contrat avec Rendon afin de fournir des services pour la « tromperie militaire » en Irak.

Depuis lors, le Groupe Rendon a fourni des conseils au US Army’s Training and Doctrine Command, au Special Operations Command, et il est toujours sous contrat avec l’Office of the Secretary of Defense, le US Army’s Communications Electronic Command, et il fournit aussi un « soutien de communications » au Pentagone et aux ambassades américaines sur des opérations de lutte contre le trafic de drogue.

L’entreprise se targue aussi sur son site internet qu’elle fournit un « soutien à la guerre irrégulière », notamment un « soutien opérationnel et planificateur » qui « aide notre gouvernement et nos clients militaires à développer de nouvelles approches pour contrer et éroder la volonté, l’influence et le pouvoir d’un adversaire. » Une grande partie de ce soutien a été lui-même peaufiné pendant toute la dernière décennie ou plus au sein du Forum Highlands du Pentagone.

La guerre irrégulière et le pseudo-terrorisme

Le lien intime du Forum Highlands du Pentagone avec les opérations de propagande poursuivies sous les présidences de Bush et d’Obama, via Rendon, en soutien de la « Guerre Longue », démontre le rôle essentiel de la surveillance de masse à la fois dans la guerre irrégulière et les « communications stratégiques ».

L’un des partisans majeurs de ces deux dernières est le Professeur John Arquilla de la Naval Postgraduate School, l’analyste de renommée de la défense américaine crédité d’avoir développé le concept de « netwar », et qui aujourd’hui recommande ouvertement le besoin de surveillance de masse et l’extraction de données massives afin de soutenir des opérations préventives et de contrarier les complots terroristes. Il apparaît donc qu’Arquilla est un autre « membre fondateur » du Highlands Forum du Pentagone.

Une grande partie de son travail sur l’idée de « la guerre liée au réseau », de « la dissuasion liée au réseau », de « la guerre de l’information » puis de « l’essaimage », largement écrite pour la RAND sous contrat avec le Pentagone, fut incubée par le Forum durant ses premières heures et elle devint ainsi primordiale à la stratégie du Pentagone. Par exemple, au cours de l’étude réalisée en 1999 pour la RAND intitulée « L’Emergence de la Noopolitik : Vers une Stratégie de l’Information Américaine », Arquilla et David Ronfeldt, son co-auteur, expriment leur gratitude envers Richard O’Neill « pour son intérêt, son soutien et ses conseils, » et envers « les membres du Forum Highlands » pour leurs commentaires anticipés sur l’étude. La majorité de son travail pour la RAND crédite le Highlands Forum et O’Neill pour leur soutien.

Le professeur John Arquilla de la Naval Postgraduate School, et un membre fondateur du Forum Highlands du Pentagone

Le professeur John Arquilla de la Naval Postgraduate School, et un membre fondateur du Forum Highlands du Pentagone

Le travail d’Arquilla fut cité dans une étude de 2006 de l’Académie Nationale des Sciences sur l’avenir de la science du réseau commissionnée par l’armée américaine, laquelle, basée sur les recherches d’Arquilla, trouva que : « Les avancées sur les nouvelles technologies de l’information et des communications permettent aux réseaux sociaux de faciliter les affiliations de groupe, notamment les réseaux terroristes. » L’étude associe les risques à la terreur et aux groupes activistes. « Les implications de ce fait pour des réseaux criminels, terroristes, de protestation et d’insurrection ont été explorées par Arquilla et Ronfeldt (2001) et sont un sujet commun de débat pour des groupes tels que le Forum Highlands, qui réalisent que les États-Unis sont hautement vulnérables à l’interruption des réseaux critiques. » Arquilla continua d’aider au développement des stratégies de guerre d’information « pour les campagnes militaires au Kosovo, en Afghanistan et en Irak, » selon l’historien militaire Benjamin Shearer dans son dictionnaire biographique Home Front Heroes (2007), qui une fois encore illustre le rôle direct joué par certains membres clés du Forum dans l’exécution des opérations d’information du Pentagone sur les théâtres de guerre.

Au cours de son enquête pour le New Yorker en 2005, le lauréat du Prix Pulitzer, Seymour Hersh, mentionna une série d’articles écrits par Arquilla élaborant une nouvelle stratégie « anti-terroriste » à l’aide d’un pseudo-terrorisme. Arquilla affirma qu' »il faut créer un réseau pour en combattre un autre », utilisant la thèse qu’il avait promue au sein du Pentagone à travers le Forum Highlands depuis sa fondation :

« Lorsque les opérations militaires conventionnelles et les bombardements échouèrent à vaincre l’insurrection Mau Mau au Kenya durant les années 1950, les britanniques formèrent des équipes d’hommes provenant des tribus amicales Kikuyu qui se mettaient à faire semblant d’être terroristes. Ces « pseudo gangs », comme ils étaient appelés, jetèrent rapidement les Mau Mau sur la défensive, soit en se liant d’amitié avec eux et en leur faisant des embuscades, soit en guidant les bombardiers vers les camps terroristes. »

Arquilla continua de prôner que les services de renseignement occidentaux devraient utiliser le cas britannique comme modèle pour créer de nouveaux groupes terroristes, identifiés comme « pseudo gangs », comme un moyen de miner les « vrais » réseaux terroristes.

« Ce qui a fonctionné au Kenya il y a un demi-siècle a une chance formidable de miner la confiance et le recrutement parmi les réseaux terroristes d’aujourd’hui. Former de nouveaux pseudo gangs ne devraient pas être difficile. »

D’une manière essentielle, l’argument d’Arquilla était que seuls les réseaux peuvent combattre les réseaux et que la seule manière de vaincre les ennemis qui mènent une guerre irrégulière était d’utiliser ces mêmes techniques contre eux. Finalement, le facteur déterminant dans la victoire n’est pas en soi la défaite militaire conventionnelle, mais dans la mesure où la direction du conflit puisse être calibrée pour influencer la population et rassembler leur opposition contre l’adversaire. La stratégie d’Arquilla des « pseudo gangs » était déjà appliquée par le Pentagone, selon les dires de Hersh :

« On m’a raconté que sous la nouvelle approche de Rumsfeld, on permettrait aux opérations militaires américaines de s’installer à l’étranger en tant qu’hommes d’affaires étrangers et corrompus cherchant à acheter des articles de contrebande qui pourraient être utilisés dans des systèmes d’armements nucléaires. Dans certains cas, des citoyens locaux pourraient être recrutés pour rejoindre les guérillas ou les terroristes, selon les conseillers du Pentagone.

Les nouvelles règles permettront à la communauté des Forces Spéciales d’installer ce qui est appelé des « équipes d’action » au sein des pays cibles qui peuvent être employées pour trouver et éliminer des organisations terroristes. « Est-ce que vous vous souvenez des groupes d’exécution de droite qui ont sévit au Salvador ? » m’a demandé un ancien militaire haut gradé du renseignement, se référant aux gangs paramilitaires qui ont commis des atrocités au début des années 1980. « Nous les avons trouvés et nous les avons financés, » a-t-il dit. « L’objectif maintenant est de recruter des locaux dans n’importe quelle zone que nous voulons. Et nous ne l’avons pas raconté au Congrès. » Un ancien officier militaire, qui a connaissance des capacités de commando du Pentagone, a affirmé : » Nous allons chevaucher avec les racailles. »

La confirmation officielle qui affirme que cette stratégie est maintenant opérationnelle est venue avec la fuite d’un manuel de terrain des opérations spéciales de l’armée américaine de 2008. Le manuel montre que l’armée américaine peut mener une guerre irrégulière et non-conventionnelle en employant des groupes non-étatiques de remplacement tels que « des forces paramilitaires, des individus, des entreprises, des organisations politiques étrangères, des organisations rebelles, des expatriés, des adversaires au terrorisme transnational, des membres du terrorisme transnational désabusé, des acteurs du marché noir, et d’autres organisations politiques ou sociales « indésirables ». D’une manière choquante, le manuel reconnaît particulièrement que les opérations spéciales américaines peuvent impliquer à la fois le contre-terrorisme et le « Terrorisme », ainsi que : « des activités criminelles transnationales dont le trafic de drogues, les ventes d’armes illicites, et les transactions financières illégales. » L’objectif de telles opérations de couverture est essentiellement le contrôle de la population. Elles « se concentrent particulièrement sur l’exploitation d’une partie de la population indigène afin qu’elle accepte le statuquo, » ou bien qu’elle accepte « un quelconque résultat politique » imposé ou négocié.

Par cette logique tordue, le terrorisme peut être défini dans certains cas comme un outil légitime de l’appareil d’État américain par lequel il influence les populations en leur faisant accepter un « résultat politique » particulier, le tout au nom du combat contre le terrorisme.

N’est-ce pas ce que le Pentagone faisait en organisant le financement, à partir des monarchies du Golfe, de presque un milliard de dollars des rebelles anti-Assad, dont la plupart a terminé dans les coffres des extrémistes islamistes liés à al-Qaïda, et qui ont engendré l' »État Islamique » ?

La raison de cette nouvelle stratégie fut officiellement présentée pour la première fois au cours d’un briefing d’août 2002 pour le Conseil d’Administration Scientifique de Défense du Pentagone, qui préconise la création d’un « Groupe d’Opérations Préemptives et Proactives » (P2OG) au sein du Conseil de Sécurité Nationale. Ce groupe, proposé par le Conseil d’Administration, doit mener des opérations clandestines afin d’infiltrer et d' »encourager des réactions » parmi les réseaux terroristes, de les faire réagir pour faciliter ainsi leur ciblage.

Le Conseil d’Administration Scientifique de la Défense, comme toute autre agence du Pentagone, est intimement lié au Forum Highlands, dont le travail alimente la recherche du Conseil, qui en retour est régulièrement présenté au Forum.

Selon des sources du renseignement américain qui se sont entretenues avec Hersh, Rumsfeld s’était assuré que la nouvelle marque des opérations occultes serait entièrement dirigée sous la juridiction du Pentagone, isolée des commandants militaires régionaux américains et de la CIA, et exécutée par son propre commandement des opérations spéciales secrètes. Cette chaine de commandement inclurait, excepté le secrétaire à la Défense lui-même, deux de ses adjoints et notamment le sous-secrétaire à la Défense pour le renseignement qui supervise le Forum Highlands.

Communications stratégiques : la propagande de guerre chez soi et à l’étranger

Au sein du Forum Highlands, les techniques des opérations spéciales explorées par Arquilla ont été utilisées par quelques autres personnes dont la détermination s’est de plus en plus concentrée sur la propagande et, parmi eux, nous trouvons le Docteur Lochard, comme nous l’avons vu précédemment, ainsi que la doctoresse Amy Zalman, qui se consacre particulièrement à l’idée que l’armée américaine utilise « des récits stratégiques » afin d’influencer l’opinion publique et gagner des guerres.

Tel son collègue, Jeff Cooper, qui est membre fondateur du Forum Highlands, Zalman a été éduquée dans les entrailles de Leidos (ex-SAIC). De 2007 à 2012, elle fut une stratégiste supérieure de la SAIC, avant de devenir Présidente de l’Intégration de l’Information du Département de la Défense à l’Ecole de Guerre Nationale de l’armée américaine, où elle a réfléchi à comment affiner la propagande afin de susciter des réponses désirées à partir de groupes ciblés et basé sur une complète compréhension de ceux-ci. Elle devint, l’été dernier, la PDG de la World Futures Society.

La Docteur Amy Zalman, une ancienne stratégiste de la SAIC, est la PDG de la World Futures Society, ainsi qu'une conseillère déléguée de longue date du Forum Highlands du Pentagone pour le gouvernement américain, spécialiste des communications stratégiques au sein de la guerre irrégulière

La Docteur Amy Zalman, une ancienne stratégiste de la SAIC, est la PDG de la World Futures Society, ainsi qu’une conseillère déléguée de longue date du Forum Highlands du Pentagone pour le gouvernement américain, spécialiste des communications stratégiques au sein de la guerre irrégulière

En 2005, la même année qu’Hersh rapporta que la stratégie du Pentagone consistant à « engranger des réactions » parmi les terroristes en les provoquant avait déjà commencé, Zalman délivra des instructions au Forum Highlands du Pentagone intitulées « En Soutien d’une Approche Théorique et Narrative de la Communication Stratégique Américaine ». Depuis lors, Zalman a été une déléguée de longue date du Forum Highlands, et a présenté son travail sur les communications stratégiques à une série d’agences gouvernementales américaines, aux forums de l’OTAN, ainsi qu’à des soldats lors de cours sur la guerre irrégulière à l’Université des Opérations Spéciales Américaines.

Ses directives de 2005 ne sont pas disponibles au public, mais la poussée participative de Zalman au sein de la composante de l’information pour les stratégies des opérations spéciales du Pentagone peut être glanée à partir de quelques-unes de ses publications. En 2010, alors qu’elle était encore liée à la SAIC, son article publié sur le site de l’OTAN constata qu’une composante clé de la guerre irrégulière est de « gagner un certain degré du soutien émotionnel de la population en influençant leurs perceptions subjectives. » Elle recommanda que le meilleur moyen de réussir une telle influence va au-delà que la propagande traditionnelle et des techniques de communication. Sans aucun doute, les analystes doivent « se mettre dans la peau des gens sous observation. »

Zalman sortit un autre article la même année via le journal de l’Institut des Opérations d’Information, publié par le même organisme, qui se décrit comme un « groupe d’intérêt particulier » de l’Association Old Crows. Cette dernière est une association professionnelle pour des théoriciens et des professionnels de la guerre électronique et des opérations d’information, présidé par Kenneth Israël, lui-même vice-président de Lockheed Martin, et vice-présidé par David Himes, qui démissionna l’année dernière de sa position de conseiller supérieur en guerre électronique au Laboratoire de Recherche de l’Armée de l’Air américaine.

Dans cet article intitulé « Le Récit en tant que Facteur d’Influence dans les Opérations d’Information », Zalman déplore que l’armée américaine ait « trouvé compliqué d’élaborer des récits convaincants ou des histoires, soit pour exprimer ses visées stratégiques, soit pour communiquer dans des situations distinctes, telles que des morts civils. » A la fin, elle conclut que « la question complexe des morts civils » devrait être approchée non seulement par « des excuses et de la compensation » – ce qui n’arrive que rarement, de toute façon – mais aussi par propagation de récits qui dépeignent des personnages en qui l’audience se reconnaît (dans ce cas, « l’audience » est « la population dans les zones de guerre »). Cela est fait afin de faciliter le fait que la population résolve ses luttes de « manière positive », définies par les intérêts militaires américains bien entendu. Capter émotionnellement de cette manière avec « ces survivants parmi les morts » de l’action militaire américaine pourrait « prouver que ce soit une forme empathique d’influence. » A travers cet article, Zalman est incapable de remettre en cause la légitimité des visées stratégiques américaines, ou de reconnaître que l’impact de ces visées dans une accumulation de morts civils est précisément le problème qui doit être résolu, indépendamment de la manière dont elles sont idéologiquement encadrées pour des populations sujettes à l’action militaire.

L' »Empathie » ici est simplement un instrument par lequel s’effectue la manipulation.

En 2012, Zalman écrivit un article pour The Globalist en cherchant à démontrer comment la définition de « hard power » et « soft power » devait être surmontée, et aussi à reconnaître que l’utilisation de la force requiert le bon effet symbolique et culturel pour garantir le succès :

« Tant que notre diplomatie économique et de défense restera dans une boîte labélisée « hard power », nous échouerons à voir comment leurs succès dépendent de leurs effets symboliques ainsi que de leurs effets matériels. Tant que nos efforts culturels et diplomatiques seront rangés dans une boîte étiqueté « soft power », nous échouerons à voir la manière dans laquelle elles peuvent être employées de manière coercitive ou produire des effets qui seront les mêmes que ceux fabriqués par la violence. »

Etant donné l’implication profonde de la SAIC au sein du Forum Highlands du Pentagone et le développement des stratégies de l’information sur la surveillance, la guerre irrégulière et la propagande à travers celle-ci, il est à peine étonnant que la SAIC fut l’autre entreprise clé de défense privée sous-traitante, en coopération avec le groupe Rendon, pour générer la propagande dans le contexte de la guerre en Irak en 2003.

« Les dirigeants de la SAIC ont été impliqués à tous les niveaux… de la guerre d’Irak, » rapporte Vanity Fair, ironiquement, sur la propagation de fausses affirmations à propos des armes de destruction massive, puis sur l’enquête de « l’échec des services de renseignement » au sujet de ces fausses affirmations. David Kay, par exemple, qui a été recruté par la CIA en 2003 pour traquer les armes de destruction massive de Saddam en tant que chef du Groupe d’Investigation en Irak, était, jusqu’en octobre 2002, vice-président du SAIC et fustigea « la menace iraquienne » en accord avec le Pentagone. Quand aucune arme de destruction massive ne fut trouvée, la commission du président Bush qui enquêta sur cet « échec des services de renseignement » incluait trois dirigeants du SAIC, dont Jeffrey Cooper, membre fondateur du Forum Highlands. L’année même de la nomination de Kay au Groupe d’investigation sur l’Irak, le secrétaire à la défense sous le mandat de Clinton, William Perry (qui a par ailleurs organisé la création du Forum Highlands), rejoignit la direction du SAIC. L’enquête menée par Cooper et les autres membres a permis d’innocenter l’administration Bush de la mise en place d’une propagande afin de légitimer la guerre, ce qui est peu surprenant, étant donné le rôle prépondérant de Cooper au sein même du réseau du Pentagone ayant fabriqué cette propagande.

Le SAIC faisait aussi partie des nombreux bénéficiaires qui ont profité abondamment de contrats pour la reconstruction de l’Irak, et a été à nouveau sollicité après la guerre pour promouvoir des idées pro-américaines à l’étranger. Dans la même veine que les travaux de Rendon, l’idée était de créer des témoignages à l’étranger que les média pourraient ensuite reprendre pour le lecteur américain.

Représentants du Pentagone au 46ème Forum Highlands en décembre 2011, de droite à gauche : John Seely Brown, responsable scientifique et directeur au Xerox PARC de 1990 à 2002 et un des premiers dirigeants de In-Q-Tel ; Ann Pendleton-Jullian, co-auteur avec Brown d'un manuscrit, Design Unbound ; Antonio et Hanna Damasio, neurologue et neurobiologiste faisant partie d'un projet de propagande financé par le DARPA

Représentants du Pentagone au 46ème Forum Highlands en décembre 2011, de droite à gauche : John Seely Brown, responsable scientifique et directeur au Xerox PARC de 1990 à 2002 et un des premiers dirigeants de In-Q-Tel ; Ann Pendleton-Jullian, co-auteur avec Brown d’un manuscrit, Design Unbound ; Antonio et Hanna Damasio, neurologue et neurobiologiste faisant partie d’un projet de propagande financé par le DARPA

Mais la promotion des techniques avancées de propagande du Forum Highlands n’est pas destinée seulement à des représentants de longue date comme Rendon et Zalman. En 2011, le Forum a reçu deux scientifiques dont les projets ont été financés par le DARPA, Antonio et Hanna Damasio, tous deux principaux chercheurs pour le projet « Neurobiology of Narrative Framing » (Neurobiologie du Cadrage Narratif) à l’Université de Californie du Sud. Evoquant les besoins du Pentagone, mis en avant par Zalman, pour des opérations visant à déployer une « influence empathique », le nouveau projet du DARPA vise à montrer comment des récits peuvent « faire appel à des valeurs fortes et sacrées afin de produire une réponse émotionnelle, » mais de différentes façons en fonction des cultures. L’élément le plus troublant de la recherche est l’accent mis sur la compréhension des nouveaux moyens que la recherche pourrait apporter pour mettre en place des récits qui influenceraient les auditeurs, ceci en contournant les réflexions classiques dans le contexte d’actions moralement discutables.

La description du projet explique que la réaction psychologique à des évènements racontés est « influencée par la façon dont le narrateur reformule les évènements, en fonction des valeurs, connaissances et expériences de l’auditeur. » Le cadrage narratif, ciblé par « les valeurs sacrées de l’auditeur, qui comprennent l’identité personnelle ainsi que les valeurs nationalistes et/ou religieuses, est particulièrement efficace pour influencer l’interprétation des évènements par les auditeurs, » parce que ces « valeurs sacrées » sont fortement liées à la « psychologie d’identité, de l’émotion, de la prise de décisions morales et de la cognition sociale. » En appliquant ce cadrage sacré à des problèmes mêmes sans intérêt, ces problèmes peuvent « accéder à ces valeurs sacrées et produire une forte aversion à utiliser une réflexion classique afin de les interpréter. » Les deux Damasios, [Damasios propose une théorie expliquant en termes biologiques le sentiment de soi, NdT] et leur équipe explorent le rôle joué par « les mécanismes linguistiques et neuropsychologiques » afin d’établir « l’efficacité du cadrage narratif grâce aux valeurs sacrées en vue d’influencer l’interprétation des évènements par un auditeur. »

La recherche vise à extraire des millions de textes de blogs américains, iraniens et chinois, et analyser de manière automatique leur sémantique afin de les comparer quantitativement à travers trois langues différentes. Les chercheurs poursuivent ensuite avec des expériences comportementales avec des lecteurs et auditeurs de cultures différentes afin de mesurer leur réaction aux différents textes où « chaque texte fait appel à une des valeurs sacrées afin d’expliquer ou de justifier un comportement moralement discutable décrit par l’auteur. » Enfin, les scientifiques effectuent une IRM du cerveau afin de trouver une corrélation entre les réactions des individus, leur profil et la réaction du cerveau.

Pourquoi les fonds de recherche du Pentagone sont-ils destinés à comprendre comment exploiter les « valeurs sacrées » des gens en vue de contourner leur raisonnement logique et développer leur ouverture émotionnelle à des « comportements moralement discutables ? »

L’accent mis sur l’anglais, le persan et le chinois pourrait aussi révéler que les sujets intéressant le Pentagone aient incontestablement le but de développer des opérations de renseignement contre deux partenaires clés, l’Iran et la Chine. Cela rejoindrait donc effectivement les grands projets de stratégie d’influence au Moyen Orient, en Asie Centrale et en Asie du Sud-Est. De même, l’accent mis sur l’anglais, et en particulier sur les blogs américains, laisse entendre que le Pentagone est impliqué dans des projets de propagandes pour influencer l’opinion publique sur son propre territoire.

Rosemary Wenchel (à gauche) du Ministère de l'Intérieur avec Jeff

Rosemary Wenchel (à gauche) du Ministère de l’Intérieur avec Jeff « Skunk » Baxter, un ancien musicien et maintenant consultant au ministère de la Défense ayant travaillé pour des groupes comme le SAIC et le Northrup Grumman. Jeff Cooper, dirigeant de SAIC/Leidos se trouve derrière eux

Au cas où quelqu’un évoquerait que l’envie du DARPA de fouiller dans des millions de blogs américains pour ses recherche en « neurobiologie du cadrage narratif » ne soit qu’un des projets parmi tant d’autres, une des co-dirigeantes du Forum Highlands de ces dernières années est Rosemary Wenchel, ancienne directrice du cabinet des capacités numériques et des opérations de soutien au ministère de la Défense. Depuis 2012, Wenchel est secrétaire adjointe pour la stratégie et la politique du ministère de l’Intérieur.

Tout comme l’important financement du Pentagone pour la propagande en Irak et en Afghanistan le montre, l’influence de la population et la propagande sont critiques non seulement dans des théâtres éloignés à l’étranger, mais aussi aux États-Unis, afin d’atténuer les risques que l’opinion publique vienne remettre en cause la légitimité de la politique du Pentagone. Sur la photo ci-dessus, Wenchel discute avec Jeff Baxter, un consultant de longue date pour le renseignement et l’armée américaine. En septembre 2005, Baxter faisait partie d’un groupe d’étude soi-disant « indépendant » (dirigé par Booz Allen Hamilton, partenaire de la NSA) commissionné par le ministère de l’Intérieur, qui recommanda de donner plus d’importance aux satellites espions pour la surveillance de la population des États-Unis.

Pendant ce temps, Zalman et Rendon, qui s’impliquaient grandement dans le Forum Highlands, continuaient à être courtisés par l’armée américaine pour leur expertise sur les opérations d’information. En octobre 2014, tous deux ont participé à une conférence majeure pour une étude stratégique multi-niveaux financée par le ministère de la Défense et le chef d’état-major, intitulée « Un nouveau paradigme de l’information ? Des gènes au Big data et d’Instagram à la surveillance continue… Implications pour la sécurité nationale. » D’autres représentants étaient présents comme des hauts responsables de l’armée américaine, des dirigeants des industries de défense, la communauté des services de renseignement, des think-tanks de Washington et des universitaires.

John Rendon, PDG du groupe Rendon, au Forum Highlands de 2010

John Rendon, PDG du groupe Rendon, au Forum Highlands de 2010

Rendon et le SAIC/Leidos, deux entreprises qui ont été indispensables dans l’évolution de la stratégie des opérations d’information du Pentagone à travers leurs engagements essentiels dans le Forum Highlands, continuent d’être contactés pour des opérations clés sous l’administration Obama. Un document du Service Général de l’Administration Américaine, par exemple, montre que Rendon a remporté un important contrat de 2010 à 2015 pour fournir des services de communications et de média pour plusieurs agences fédérales. De même, le SAIC/Leidos a obtenu un contrat de 400 millions de dollars de 2010 à 2015 avec le Laboratoire de recherche militaire américain pour des « guerres expéditionnaires ; guerres irrégulières ; opérations spéciales ; opérations de stabilisation et de reconstruction » — un contrat qui est « sur le point d’être reconduit. »

L’empire contre-attaque

Sous Obama, le noyau d’entreprises, d’industries et de puissances financières représentées par les intérêts qui participent au Forum Highlands du Pentagone s’est consolidé à un degré jamais égalé.

Pure coïncidence, le même jour où Obama annonça la démission de Hagel, le DoD a publié un communiqué de presse montrant comment Robert O. Work, l’adjoint à la Défense de Hagel nommé par Obama en 2013, compte prendre les rênes de l’Initiative pour l’Innovation de la Défense que Hagel avait annoncée une semaine auparavant. La nouvelle initiative mettait l’accent sur la transformation à long terme du Pentagone pour faire face aux nombreuses technologies disruptives dans le domaine des opérations d’information.

Quelles que soient les véritables raisons de l’éviction de Hagel, il s’agit d’une victoire symbolique et concrète pour la vision de Marshall et du Forum Highlands. Le co-directeur du Forum Highlands et chef de l’Office of Net Assessment [office fédéral américain au sein du département de la Défense, il s’agit d’un laboratoire d’idées interne planifiant des stratégies à long terme, NdT], Andrew Marshall, a peut-être pris sa retraite, mais le Pentagone post-Hagel est maintenant dirigé par ses partisans.

Robert Work, qui est maintenant à la tête du processus de transformation du ministère de la Défense, est un loyal acolyte de Marshall qui a auparavant dirigé et analysé des jeux de guerre pour l’Office of Net Assessment. Tout comme Marshall, Wells, O’Neill et les autres membres du Forum Highlands, Work est aussi un fou de la robotique et a co-écrit l’étude, « Se préparer pour la guerre à l’ère de la robotique » (Preparing for War in the Robotic Age), publié l’année dernière par le Centre pour une Nouvelle Securité Américaine (CNAS).

Work cherche aussi à déterminer le futur de l’Office of Net Assessment (ONA), assisté par son stratège Tom Ehrhard et le sous-secrétaire à la Défense pour le renseignement Michal G Vickers, sous l’autorité duquel le Forum Highlands se tient actuellement. Ehrard, partisant pour « intégrer des technologies disruptives au ministère de la Défense, » a travaillé auparavant à l’ONA en tant qu’assistant pour l’armée auprès de Marshall, alors que Mike Vickers – qui supervise les agences de surveillance comme la NSA — a aussi été recruté par Marshall pour travailler avec le Pentagone.

Vickers est aussi un grand partisan de la guerre irrégulière. En tant qu’assistant secrétaire à la Défense pour les opérations spéciales et les conflits de faible intensité sous les ordres de l’ancien secrétaire à la Défense Robert Gates (sous les administrations de Bush et d’Obama), la vision de la guerre irrégulière de Vickers promeut les « opérations réparties dans le monde entier, » y compris « dans les pays avec lesquels les États-Unis ne sont pas en guerre, » dans un programme de « contre-réseau de guerre » en utilisant « un réseau pour combattre un réseau » — une stratégie qui a bien entendu été étudiée intégralement par le Forum Highlands. Au cours d’un de ses précédents postes sous Gates, Vickers a augmenté le budget des opérations spéciales en incluant les opérations psychologiques, les transports furtifs, le déploiement du drone Predator et « l’utilisation de nouvelles technologies de surveillance et de reconnaissance pour traquer et cibler des terroristes et insurgés. »

Pour remplacer Hagel, Obama nomma Ashton Carter, ancien adjoint au secrétaire à la Défense de 2009 à 2013, dont l’expertise des budgets et des achats, selon le Wall Street Journal, « devrait stimuler certaines initiatives soutenues par l’adjoint au Pentagone, Robert Work, grâce à une volonté de développer de nouvelles stratégies et technologies pour préserver les avantages des américains sur le champ de bataille.

En 1999, après trois ans en tant qu’assistant pour le secrétaire à la Défense de Clinton, Carter a co-écrit une étude avec l’ancien secrétaire à la Défense William J. Perry promouvant une nouvelle forme de « guerre par contrôle à distance » facilitée par la « technologie numérique et le flux constant d’information. » Un des collègues de Carter au Pentagone au cours de son mandat était Linton Wells, co-directeur du Forum Highlands ; et c’est bien sûr Perry, en tant que secrétaire à la Défense, qui demanda à Richard O’Neill de créer le Forum Highlands en tant que think tank du Pentagone en 1994.

Perry, éminence grise du Forum Highlands, rejoignit la direction du SAIC avant de finalement devenir directeur d’un autre géant de la défense, Global Technology Partners (GTP). Et Ashton Carton était au comité de direction de GTP sous Perry, avant qu’il ne soit nommé secrétaire à la Défense par Obama. Au cours de sa précédente mission au Pentagone sous Obama, Carter a travaillé en étroite collaboration avec Work ainsi que l’actuel sous-secrétaire à la Défense Frank Kendall. Plusieurs sources dans l’industrie se réjouissent de voir que la nouvelle équipe du Pentagone compte « augmenter de manière spectaculaire » les chances de mettre en chantier de « grands projets de réformes » au Pentagone, « et de les faire aboutir. »

En effet, la priorité de Carter comme candidat au poste de chef de la défense est l’identification et l’acquisition de nouvelles « technologies perturbatrices » commerciales permettant aux États-Unis d’améliorer leur stratégie militaire — en d’autres termes, l’exécution du plan Skynet du DoD.

Les origines de la nouvelle initiative d’innovation du Pentagone peuvent ainsi remonter à des idées qui ont été largement diffusés à l’intérieur du Pentagone il y a des décennies, mais qui n’ont pas réussi à s’implanter complètement jusqu’à maintenant. Entre 2006 et 2010, la même période pendant laquelle ces idées ont été mises au point par des experts du Forum Highlands comme Lochard, Zalman et Rendon, parmi beaucoup d’autres, le bureau d’évaluation du réseau a fourni un mécanisme pour transformer directement ces idées en stratégie concrète et en politique de développement par le biais des examens quadriennaux de défense (Quadrennial Defense Reviews), où l’apport de Marshall était principalement responsable de l’expansion du monde « noir », c’est à dire : « d’opérations spéciales, » « de guerre électronique » et « d’opérations d’information. »

Andrew Marshall, maintenant retraité de la direction du bureau de surveillance des réseaux du DoD et vice-président du Forum Highlands, lors d'une session du Forum en 2008

Andrew Marshall, maintenant retraité de la direction du bureau de surveillance des réseaux du DoD et vice-président du Forum Highlands, lors d’une session du Forum en 2008

La vision antérieure au 11/9 de Marshall d’un système militaire entièrement en réseau et automatisé a trouvé sa réalisation dans l’étude Skynet du Pentagone publié par la National Defense University en septembre 2014, qui a été co-écrite par un collègue de Marshall du Forum Highlands, Linton Wells. Bon nombre des recommandations de Wells sont maintenant exécutées via la nouvelle Initiative Innovation Défense par les anciens combattants et les membres de l’ONA et du Forum Highlands.

Étant donné que le livre blanc de Wells a souligné le vif intérêt du Pentagone à monopoliser la recherche en IA afin d’avoir l’exclusivité de la guerre de robots en réseau autonome, il n’est pas tout à fait surprenant que les partenaires du parrainage du Forum à la SAIC/Leidos affichent une sensibilité bizarre à propos de l’usage public du mot « Skynet. »

Sur une entrée (fictive) de Wikipedia intitulée « Skynet », les gens qui utilisent des ordinateurs de la SAIC ont supprimé plusieurs paragraphes de la section « Trivia » qui indiquaient des exemples réels de « Skynets, » tel le système de satellites militaires britanniques, et divers projets des technologies de l’information.

Le départ de Hagel a ouvert la voie à des responsables du Pentagone liés au Forum Highlands pour consolider l’influence du gouvernement. Ces fonctionnaires sont intégrés dans un réseau de l’ombre de longue date de politiques, d’industriels, de médias et de dirigeants d’entreprise qui sont présents de manière invisible derrière chaque siège du gouvernement, et qui écrivent littéralement les politiques de sécurité nationale et étrangères, que l’administration soit démocrate ou républicaine, en déterminant les « idées » et en forgeant des relations gouvernement-industrie.

C’est ce genre de réseau à huis clos qui a rendu inutile le vote américain. Loin de protéger l’intérêt public ou d’aider à lutter contre le terrorisme, la surveillance globale des communications électroniques a été systématiquement détournée au profit de l’intérêt des industries de l’énergie, de la défense et des technologies de l’information.

L’état de guerre globale permanente qui a résulté des alliances du Pentagone avec des entrepreneurs privés, et l’exploitation inexplicable des savoir-faire de l’information, non seulement n’améliore la sécurité de personne, mais a donné naissance à une nouvelle génération de terroristes sous la forme d’un soi-disant « État islamique » lui-même un Frankenstein, sous-produit de la combinaison putride de la brutalité d’Assad et des opérations secrètes américaines de longue date dans la région. L’existence de ce Frankenstein est maintenant cyniquement exploitée par des entrepreneurs privés qui cherchent à tirer profit de la croissance exponentielle de l’appareil de sécurité nationale, à un moment où l’instabilité économique fait pression sur les gouvernements pour réduire les dépenses de défense.

Selon la Securities and Exchange Commission, de 2008 à 2013, les cinq plus grands entrepreneurs de défense des États-Unis ont perdu 14 pour cent de leurs employés, avec la réduction progressive des guerres américaines en Irak et en Afghanistan, et conduit à une baisse d’activité et comprimé les revenus. La poursuite de la « longue guerre » déclenchée par l’EI a, pour l’instant, provoqué des revers de fortunes. Les entreprises qui profitent de la nouvelle guerre comprennent de nombreux connectés au Forum Highlands, comme Leidos, Lockheed Martin, Northrup Grumman et Boeing. La guerre est, en effet, une activité criminelle.

Assez de zones d’ombre

Pourtant, sur le long terme, les impérialistes de l’information ont déjà échoué. Cette enquête repose entièrement sur les techniques open source, une solution durable qui rappelle en grande partie la révolution de l’information qui a permis à Google d’exister. L’enquête a été financée entièrement par des fonds publics, à l’aide de financement participatif. Et l’enquête a été publiée et diffusée en dehors des circuits de médias traditionnels, précisément pour souligner que, dans cette nouvelle ère numérique, la concentration descendante et centralisée du pouvoir ne peut pas triompher du pouvoir du peuple, de son amour de la vérité et de la justice, et de son désir de partage.

Quelle leçon peut-on tirer de ce paradoxe ? Elle est vraiment simple : La révolution de l’information est intrinsèquement décentralisée et décentralisatrice. Elle ne peut être contrôlée et récupérée par Big Brother. Les efforts visant à le faire finiront toujours par échouer, parce que cette méthode est par nature vouée à l’échec.

La dernière tentative totalement folle du Pentagone de dominer le monde par le contrôle de l’information et des technologies de l’information n’est pas un signe de toute-puissance du réseau souterrain, et la tentative de freiner le déclin de son hégémonie est plutôt le symptôme de son désespoir bercé d’illusions.

Mais il est bien sur le chemin du déclin. Cette histoire, comme tant d’autres qui l’ont précédée, est un petit signal montrant que les possibilités de mobiliser la révolution de l’information pour le bénéfice de tous, malgré les efforts occultes du pouvoir, sont plus fortes que jamais.

Source : Insurge Intelligence, le 22/01/2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.


Le Dr. Nafeez Ahmed est un journaliste d’investigation, auteur à succès et spécialiste de la sécurité internationale. Ancien auteur au Guardian, il écrit la chronique « System Shift » pour le Motherboard de VICE et est également chroniqueur pour le Middle East Eye. Il est le lauréat d’un Project Censored Award en 2015 pour un journalisme d’investigation exceptionnel, en vertu de son travail au Guardian. Il a également écrit pour The Independent, le Sydney Morning Herald, The Age, The Scotsman, Foreign Policy, The Atlantic, Quartz, Prospect, New Statesman, Le Monde Diplomatique, New Internationalist, Counterpunch, Truthout, parmi d’autres.

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Commentaire recommandé

Duracuir // 09.12.2017 à 09h39

Ne croyant plus au père Noêl depuis quelques décennies et connaissant le goût marqué de la culture US pour les contes de fée « succès story » et leur capacité hollywodienne pour fabriquer du héros, j’ai toujours été convaincu que Google était une création des services US avec ses gamins « créateur » offerts au public béat d’admiration en modèles du nouveau rêve américain.
Soyons sérieux, connaissant les colossaux moyens technique qu’il a fallu à google pour démarrer, qui va faire croire autrement qu’à des débiles lobotomisés que deux gamins de 24 ans ont pu collecter les milliards de dollar qu’il a fallu pour ne serait-ce que démarrer les moteurs de recherche. Soyons sérieux.
Et je pense que si on gratte un peu derrière l’incroyable montée au firmament de Face-Book qui pourtant ne cesse de perdre du fric depuis le début, on va trouver aussi du trois lettre derrière ça. Surtout quand on voit la place que prend ce réseau dans la propagande impériale.

20 réactions et commentaires

  • paysanpiekougami // 09.12.2017 à 08h31

    Ah tiens les Damasios ici, de ces rares neurologues qui ramenaient les émotions au coeur des neurosciences d’où elles étaient sorties depuis plus d’un siècle (et oui c’était Darwin encore lui et L’expression des émotions chez l’homme et les animaux de 1872) ; ces Damasios, lecteur de spinoza dont les hypothèses de travail sur la conscience de soi m’ont beaucoup plu par leur simplicité et continuent de me faire gamberger… Mais que faisaient ils dans cette galère…!!
    Je m’en vais dormir là-dessus et relirait demain cette passionnante enquête de Nafeez Ahmed si riche en enseignement.
    Voyant cela, j’ai envie d’inviter ceux qui ne l’ont pas encore croisé à s’intéresser aux travaux d’Henri Laborit. Bien que mort depuis plus de 20 ans ce neuro-scientifique nous a offert des outils d’autodéfense essentiels. A voir ici où un passionné québecois a regroupé du stock dans l’ élogedelasuite.net
    Je remercie O.B. et ce site qui me sont a la fois une bouée et un phare depuis des années.

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  • Duracuir // 09.12.2017 à 09h39

    Ne croyant plus au père Noêl depuis quelques décennies et connaissant le goût marqué de la culture US pour les contes de fée « succès story » et leur capacité hollywodienne pour fabriquer du héros, j’ai toujours été convaincu que Google était une création des services US avec ses gamins « créateur » offerts au public béat d’admiration en modèles du nouveau rêve américain.
    Soyons sérieux, connaissant les colossaux moyens technique qu’il a fallu à google pour démarrer, qui va faire croire autrement qu’à des débiles lobotomisés que deux gamins de 24 ans ont pu collecter les milliards de dollar qu’il a fallu pour ne serait-ce que démarrer les moteurs de recherche. Soyons sérieux.
    Et je pense que si on gratte un peu derrière l’incroyable montée au firmament de Face-Book qui pourtant ne cesse de perdre du fric depuis le début, on va trouver aussi du trois lettre derrière ça. Surtout quand on voit la place que prend ce réseau dans la propagande impériale.

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    • Un_passant // 09.12.2017 à 10h23

      Certains oublient au passage qu’une grosse partie des starts-uppers passent par Berkeley, MIT, Stanford etc. Et devinez leur profil? Le plus souvent des étudiants qui se destinent à des doctorats (c’est clairement le cas de Brin et Page) et oh surprise!, ils ont des directeurs de thèse. Ces derniers sont bien payés, bien placés pour déceler les projets à potentiels et certains sont des business-angles réputés. Il n’y a pas besoin de complot là dedans, le népotisme et la cooptations suffisent, côté complexe militaro-industriel l’intérêt stratégique fait le reste.

      Et les USA sont le pays le mieux doté au monde en business-angels et sociétés d’investissement de capital risque. C’est aussi le pays où historiquement les particuliers sont les plus gros investisseurs en bourse, c’est culturel chez eux, chose que les français sont incapables de comprendre, étant parmi les plus frileux (environ 50% aux USA, malgré la crise de 2007, contre moins de 8% en France).

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      • Amora // 09.12.2017 à 12h22

        …à part que les bénéficiaires de bourse sont pieds et poings liés pour la vie par leurs créditeurs. Le système est boiteux.

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        • Un_passant // 09.12.2017 à 12h29

          Je ne parle pas DES bourses au sens crédit mais de LA bourse. Il ne faut pas mélanger les deux…
          La bourse, ce sont d’abord les actions (qui sont liquides, au sens qu’il n’y a pas de contrainte de durée); les obligations, des assurances vie ou des contrats à terme, c’est autre chose… Ce ne sont pas les PEL ou PEA français.

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      • Duracuir // 09.12.2017 à 13h39

        Vision idyllique. Et qui parle de « complot »? Rien que ce mot vous disqualifie.
        Surtout que finalement, vous reconnaissez vous même l’aspect capital u complexe militaro-industriel.
        Que les deux gamins aient eu une idée et de la compétence certes. Mais les premiers promoteurs financiers n’étaient pas de simple investisseurs privés.
        Exactement comme pour Microsoft, mis en place par IBM sur l’exploitation gracieusement offerte du brevet d’interface graphique par Xerox. Deux sociétés dont on sait bien qu’elles n’ont rien à voir avec les centres de décisions stratégiques US. 🙂
        En plus vous finissez par un coup de mépris contre la France frileuse et moisie face à des USA de citoyens hardis. Vous êtes une caricature. 🙂
        C’est simplement que dans l’Histoire de France, contrairement à l’histoire moderne anglo-saxonne, c’est l’état qui a toujours été à la source des grands projets économiques. Ce n’est pas mieux ni moins bien. C’est comme ça. Pourquoi de suite mépriser notre culture?
        Elle a pourtant su créer des géants économiques que des nains politiques sont entrain de brader, et elle maintient notre petit pays de 65 millions d’habitants et avec peu de ressource naturelles au 5e rang des puissances mondiales, parmi des pays autrement plus peuplés, plus étendus et plus riches en ressources.

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        • Un_passant // 09.12.2017 à 19h09

          Ce sont vos préjugés qui vous font penser que j’en ai une vision idyllique. Vous voudriez quoi? Qu’ils n’investissent pas pour vous faire plaisir? Ils peuvent, ils veulent, ils le font, dans la logique anglo-saxonne, c’est légal, ils font, point-barre. Rien d’idyllique, je constate.

          Je ne méprise pas notre culture, je suis exaspéré par ces gens qui passent leurs temps à projeter leurs fantasmes jacobino-colbertistes mâtinés de droit latin/romain et de communisme mal digéré sur le droit anglo-saxon.

          Et ce que vous mettez en avant en France, on le doit à De Gaulle, pas à ceux qui se succèdent depuis quarante ans. Pire, ça fait quarante ans que nous sommes gouvernés par des catastrophes.

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        • Un_passant // 09.12.2017 à 19h38

          Un truc en passant, ce n’est pas du mépris, que de dire que les gens ont une aversion au risque. Frileux ne signifie rien d’autre. Est-ce une insulte de dire de quelqu’un qu’il craint le froid? Misère… Si j’avais voulu être insultant, croyez moi, j’aurais trouvé un autre terme.

          Mon commentaire sur le financement répondait à la phrase, je cite « qui va faire croire autrement qu’à des débiles lobotomisés que deux gamins de 24 ans ont pu collecter les milliards de dollar qu’il a fallu pour ne serait-ce que démarrer les moteurs de recherche ». Phrase qui trahit une méconnaissance totale du fonctionnement du capital-risque, des business-angels et les moyens dont ils disposent.

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        • Un_passant // 09.12.2017 à 19h48

          Le temps que je trouve une source intéressante :
          https://www.sites.univ-rennes2.fr/urfist/internet_chiffres

          Rappel, Google est créé en 1998. Chacun en tirera les conclusions qu’il veut sur les ressources nécessaires à l’époque (autant techniques de financières). A l’époque (2000/2001), Exalead était un concurrent français sérieux (comme quoi même en France c’était possible, mais les gens ont préféré google). L’entreprise existe toujours et propose des solutions B2B.

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    • Splissken // 11.12.2017 à 11h11

      Facebook qui perd du fric???
      N’importe quoi, 10 milliards de dollars de bénéfices en 2016.

      https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Facebook_(entreprise)

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  • Thibaut // 09.12.2017 à 10h09

    De Nafeez Ahmed, voir aussi : « La guerre contre la vérité : 11 septembre, désinformation et anatomie du terrorisme. »

    Peut-être cet auteur des plus sérieux et pointilleux repris ici dans cet article, permettra-t-il à Mr. Berruyer, au travers de la lecture de l’ouvrage remarquable cité plus haut, de tempérer ses opinions arrêtées au sujet de la « version officielle » des attentats du 11 septembre. Dans tous les cas, une lecture conseillée.

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    • christian gedeon // 09.12.2017 à 11h46

      On ne va quand même pas recommencer là dessus,non? je veux dire par là que les « vraies  » conspirations et manoeuvres souterraines sont tellement nombreuses que c’est pure perte de temps et d’énergie que d’essayer encore et encore de démontrer que ces attentats sont le fait d’on ne sait quel bureau secret américain. Et « en même temps  » ces essais permettent aux « intéressés  » de discréditer les vraies révélations en hurlant au conspirationnisme et à la paranoïa…avez vous réfléchi au fait que les théories conspirationnistes au sujet de 9/11 apportent de l’eau au moulin de ceux qui essayent de discréditer toute contestation? çà crève pourtant les yeux,non?

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      • Supedro // 09.12.2017 à 14h50

        Bonjour Gédéon, non çà ne creve pas vraiment les yeux…

        Et d’ailleurs Nafeez Ahmed n’en a pas plus les yeux crevés, qu’il en a écrit un des meilleurs bouquins sur les mensonges systémiques de la VO du 11/9.

        L’avez vous lu? Avant de venir donner des leçons sur la cécité?

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      • Thibaut // 09.12.2017 à 14h55

        Je vous suis mal mr gedeon; je vous parle d’un auteur auquel ce site, en publiant son article, semble reconnaître quelque crédit. Ce qui me permet de conseiller la lecture d’un livre de Mr Nafeez Ahmed – eh oui, consacré au 9/11, dont on peut dire sans grand risque de se tromper, qu’il fut un catalyseur de la surveillance généralisée dont il est question. En sautant à la conclusion sous-entendue que cet auteur aussi « essaye encore et encore de démontrer que ces attentats sont le fait d’on ne sait quel bureau secret américain », et en agitant à nouveau le chiffon rouge du conspirationnisme [il semble d’ailleurs, à vous lire qu’il y ait conspiration et conspiration sans qu’on sache bien vos critères de sélection] vous lui faites dire ce que ni lui ni moi n’avons prétendu. Peut-être après la lecture de l’ ouvrage dont il est question, arriverions-nous à nous accorder sur une base commune de discussion argumentée.

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        • Christian Gedeon // 10.12.2017 à 15h14

          On ne se comprend pas…ce que je dis assez clairement je crois,c’est que les théories conpiratioonistes a propos de 9/11 permettent aux outils classiques de propagande de déconsidérer tout le reste…ni plus,ni moins.

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          • Supedro // 11.12.2017 à 01h14

            Bonjour, oui il est clair qu’il y a incompréhension.
            Donc il y a des « vraies conspirations  » et des fausses, et vous décidez desquelles sont ok selon si elles apportent de l’eau au moulin propagandiste auquel cas elles deviennent des théories conspirationnistes.
            Quel étrange façon de raisonner…
            Vous n’avez pas peur d’être facilement manipulé avec cette approche utilitaire de la vérité?

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    • Supedro // 09.12.2017 à 14h36

      Salut Thibault, et merci de ta remarque sur l’enquete de Ahmed sur le 11/9.

      Comme tu dis, il serait bon qu’Olivier lise ou relise plus attentivement aussi ce livre « La guerre contre la vérité », en tenant compte de la trés haute qualité de son auteur et de son travail en général, il mettrait peut être un peu plus d’eau dans son vin concernant les ‘conspirationnistes’ et les détracteurs de la VO du 11/9.

      Ceci dit merci Olivier pour ce site qui est quasiment salvateur dans l’ambiance pensée unique / mainstream dans laquelle nous baignons.

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  • christian gedeon // 09.12.2017 à 11h53

    Cet article passionnant et très fouillé est une mine d’informations. mais in fine que dit il? Que les puissants essayent de contrôler et de manipuler informations et les faits dans le sens de leurs intérêts. Et que les grands de l’industrie de ce monde sont en collusion avec les pouvoirs politiques. ben,c’est vieux comme le monde,n’est ce pas? Seuls les moyens ont changé. Le boulot de Vidocq et de Fouché n’était pas autre chose. Et la collusion entre marchands d’armes et gouvernements ne date pas d’aujourd’hui…les nouvelles armes sont le big data comme on dit,sous toutes ses formes.

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    • Galien // 10.12.2017 à 11h18

      Tout à fait. Ce qui cloche c’est l’aspect gigantesque des manipulations aujourd’hui. Lire aussi le bouquin du général Smedley Butler « War is a Racket ». citation du général (origine wikipédia) :« Quand je repense à tout ça, je pourrais donner à Al Capone quelques conseils. Le mieux qu’Al Capone pouvait faire, c’était de racketter trois quartiers. Moi, j’agissais sur trois continents. »

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  • Silk // 12.12.2017 à 01h21

    Un grand merci pour cette traduction : c’est très long mais très important.
    C’est une vrai valeur ajoutée pour les crises. Bravo

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