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16.décembre.201816.12.2018 // Les Crises

G-20 : Dernier tango à Buenos Aires… Par Guillaume Berlat

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Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 10-12-2018

« S’il fallait dire la messe que pour des anges, le prêtre la dirait devant des bancs » (Julien Green). Ce qui vaut pour la religion vaut également pour la diplomatie. Les grands-messes internationales traditionnelles de cette fin d’année 2018 n’échappent pas à la règle. Les 30 novembre et 1er décembre 2018, vingt grands de la planète se retrouvent pendant deux jours à l’occasion d’un G20 dans la capitale argentine pour tenter de résoudre quelques-uns des grands problèmes de la planète (commerce international, réchauffement climatique…) dans un contexte particulièrement tendu (guerre froide commerciale sino-américaine, tensions russo-ukrainiennes, rôle de l’Arabie saoudite dans la guerre au Yémen1 et dans l’assassinat de Jamal Khashoggi…). Sans parler du désintérêt croissant du 45ème président des États-Unis, Donald Trump pour tout ce qui respire de près ou de loin le multilatéralisme et la diplomatie. Enceinte de concertation économique et financière créée à la faveur des crises des années 1990, le G20 (à l’instar du G7) se transforme petit à petit en enceinte de confrontation, parfois de pugilat.

Le temps n’est plus à la coopération et au compromis, il est à la coercition et à la sanction. Le temps n’est plus au multilatéralisme, il est au bilatéralisme. Le temps n’est plus à l’apaisement, il est à l’anathème. Que pouvait-on attendre de concret d’une réunion se déroulant dans une atmosphère particulièrement lourde si ce n’est une rencontre chaotique en dépit de l’adoption d’une déclaration commune au forceps ? En dernière analyse, le moins que l’on puisse dire est qu’elle fut particulièrement improductive.

UNE ATMOSPHÈRE PARTICULIÈREMENT LOURDE

Force est de constater est que cette réunion du G20 de Buenos Aires au niveau des chefs d’État et de gouvernement ne se déroule pas sous les meilleurs auspices tant au niveau de la situation dans le pays hôte, l’Argentine qu’au niveau de la crispation des relations entre les principaux acteurs de ce grand « happening ».

Une Argentine fortement secouée par une crise intérieure

À Buenos Aires, l’atmosphère n’est pas à la fête bien que ce soit la première fois que l’Amérique du sud accueille un G20. La tension est palpable dans la capitale argentine. Des organisations sociales manifestent dans les rues, brandissant des pancartes sur lesquelles on peut lire : « Dehors le G20 ! Dehors le FMI ! ». L’atmosphère est à la grogne. Les manifestants dénoncent le chômage, la pauvreté, les conséquences des plans du FMI… À tel point que le président Mauricio Macri, qui espère redorer son blason grâce à ce grand raout, en appelle à la médiation du prix Nobel de la paix, Adolfo Pérez Esquivel pour instaurer un dialogue avec les opposants2. Il est vrai que, pendant ce temps-là et à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de l’Argentine, d’autres vêtus de « gilets jaunes » scandent près des Champs-Élysées : « Macron démission » lors d’un « Black Saturday » qui restera inscrit dans la mémoire collective. Mais, notre « président des riches », sourd et de plus en plus isolé – celui qui dit ne jamais commenter l’actualité intérieure française à l’étranger mais fait le contraire – encense dans le quotidien La Nacion le président argentin qui « a décidé de ne pas céder à la facilité, et veut transformer en profondeur l’économie argentine… Mais de telles transformations sont impopulaires, en particulier au début, lorsque les coûts sont visibles sans que les résultats soient encore tangibles. Il faut savoir maintenir le cap »3.

Comme dirait l’autre, suivez mon regard ! Et, miracle, l’Assemblée nationale française vote l’interdiction de la fessée, marquant ainsi son total décalage avec les préoccupations des citoyens. Brigitte Macron entreprend des travaux pharaoniques à l’Élysée en dépoussiérant les 365 pièces de l’hôtel d’Evreux4. C’est le contribuable qui n’en peut mais qui paiera. Sur la scène internationale, les choses ne sont guère réjouissantes en cette fin d’année chaotique et pleine de dangers de toutes sortes.

Une gouvernance internationale chahutée par les États-Unis

Alors que le monde a besoin de calme, de sérénité, de coopération pour essayer de surmonter les dissensus et les crises auxquels il est confronté, c’est l’emballement, la nervosité, la confrontation qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé dans le concert des nations. De toutes parts, les invectives et les menaces fusent. La voix traditionnelle des diplomates pèse de moins en moins face à la diplomatie compulsive du Tweet. Depuis, et même avant, sa prise de fonctions à la Maison Blanche, Donald Trump met en pratique son slogan de campagne « America First ». Au fil des mois, il déchire systématiquement les accords internationaux conclus par ses prédécesseurs pour marquer sa volonté de rupture avec le monde d’hier dont il n’a cure. Et la liste des textes, qu’il considère comme de vulgaires chiffons de papier destinés au classement vertical de l’Histoire, ne cesse de s’allonger : accord de Paris sur le climat, accord de Vienne sur le nucléaire iranien, traité FNI, ALENA (renégocié et signé) … Les institutions internationales ne trouvent pas grâce à ses yeux : ONU dont il réduit sa contribution, OTAN qu’il juge « obsolète », OMC qui dessert les intérêts américains au profit de ceux de la Chine, APEC aux réunions desquelles il se fait représenter par Mike Pence, Union européenne5 qu’il voudrait voir disparaître, G7/G20 qui s’accroche à une mondialisation désuète dont le grand bénéficiaire est la Chine (Cf. le retrait de son accord au communiqué commun lors du G7 de La Malbaie au Québec des 7 et 8 juin 2018) …

Donald Trump estime qu’il perd inutilement son temps avec de telles pantalonnades. Il participe épisodiquement aux séances de ce G20. Tout juste, ces grandes messes présentent-elles un intérêt, celui de rencontrer ses homologues sur le même lieu (Cf. son dîner de travail avec le président Xi Jinping). Le temps est désormais au rapport de force, au « deal » de maquignon, au bilatéralisme à l’ancienne. En dépit de leurs généreuses pétitions de principe, force est de constater que nombre de partenaires (Allemagne, Russie, voire France jupitérienne) se prêtent volontiers au jeu du bilatéralisme et de l’égoïsme national. Chacun pour soi et les vaches seront bien gardées, nous rappelle l’adage populaire. Mais, cela plus chic de clamer à la face du monde son attachement indéfectible à un multilatéralisme moribond.

C’est dans cet environnement dégradé que se déroule l’action. Dans ces conditions que pouvait-on raisonnablement attendre de tangible, de concret de ce G20 de Buenos Aires ? Rien ou presque rien pour baisser la tension et reconstruire un minimum de confiance entre les principaux acteurs de la planète. Si ce n’est un vulgaire bout de papier qui a pour nom communiqué ou déclaration commune.

UNE RÉUNION PARTICULIÈREMENT CHAOTIQUE

Si jusque dans un passé encore récent, le G20 a pu jouer son rôle d’instance de concertation sur les grands problèmes économiques du monde, il est clair qu’il est aujourd’hui paralysé par les dissensions, les oppositions entre ses membres et par le cavalier seul américain dans ses diverses croisades contre le commerce international et contre la protection de l’environnement.

Une structure de réaction aux crises économique et financière

Le Groupe des vingt (G20) est un groupe composé de dix-neuf pays et de l’Union européenne dont les ministres, les chefs des banques centrales et les chefs d’État se réunissent annuellement. Il a été créé en 1999, après la succession de crises financières dans les années 1990. Il vise à favoriser la concertation internationale, en intégrant le principe d’un dialogue élargi tenant compte du poids économique croissant pris par un certain nombre de pays. Le G20 représente 85 % du commerce mondial, les deux tiers de la population mondiale et plus de 90 % du produit mondial brut (somme des PIB de tous les pays du monde). Le 15 novembre 2008, pour la première fois de son histoire, les chefs d’État ou de gouvernement se sont réunis. Le G20 se décline sous trois formes : les G20 regroupant des chefs d’État et de gouvernement, les G20 finance regroupant les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales et, depuis les 20-21 avril 2010, des G20 sociaux, réunissant les ministres de l’emploi6.

Le G20 est avant tout une enceinte de dialogue dont les décisions ne sont pas juridiquement contraignantes. Ses dirigeants se sont réunis pour la première fois pour trouver une solution face à la crise financière de 2008. Il s’agissait de faire dialoguer de manière informelle les principales économies de la planète (85% du PIB de la planète) et de tenter de rechercher des compromis sur les grands défis économiques mondiaux. Et, l’exercice se poursuit au fil des ans comme aujourd’hui en Argentine au niveau des chefs d’État et de gouvernement. Mais, le soufflet est retombé tant l’Amérique ne veut plus jouer au jeu de l’amour et du hasard.

Une structure d’inertie face à la grave crise de gouvernance actuelle

À l’heure de Donald Trump, l’exercice le plus périlleux d’une réunion comme celle du G20 des grands-messes internationales relève de la mission impossible : la rédaction d’un communiqué commun, sorte de profession de foi censée engager tous les États participants. On mesure la difficulté de l’exercice si l’on sait que ce texte, comme les déclarations sur certains sujets spécifiques fait l’objet de longues et d’interminables négociations entre experts (dans le jargon, les « sherpas », conseillers diplomatiques des chefs d’État et de gouvernement). Difficulté multipliée par l’intransigeance américaine sur des sujets tels que le commerce et le climat, pour ne prendre que les plus emblématiques7. À l’heure d’un bras de fer entre Donald Trump et Xi Jinping sur les questions commerciales8, la tâche relève du rocher de Sisyphe. Il suffit de garder en mémoire les blocages américains sur les communiqués communs du G7 de la Malbaie et de l’OCDE, tout comme le sommet de l’APEC. L’Amérique de Donald Trump ne participe pas à ces sommets animée d’un esprit de compromis. Elle vient pour y défendre ses intérêts bien compris. Un point, c’est tout ! Qu’on se le dise dans les chancelleries occidentales…

À l’heure de la recomposition de l’ordre géopolitique, du changement de rapports de force entre puissances, de l’érosion du modèle occidental et de l’influence européenne dans le monde, de l’affaissement de la démocratie9, le G20 aurait pu servir d’instance d’échange de vue sérieux et de recherche de compromis bénéfiques pour tous. Or, il n’est rien. Bien au contraire, les tensions sont ravivées, les antagonismes exacerbés, le multilatéralisme fissuré surtout lorsque l’Assemblée générale de l’ONU s’arcboute sur un problématique pacte sur les migrations10. On l’aura compris, le temps n’est pas propice au multilatéralisme quoi que déclame Emmanuel Macron lors de ses interventions devant l’Assemblée générale de l’ONU, la troisième semaine du mois de septembre. Au mieux, l’enceinte multilatérale sert de lieu privilégié de rencontres bilatérales traitant de vrais sujets avec de véritables enjeux.

Comment imaginer parvenir à des résultats concrets dans un tel contexte aussi abîmé, y compris avec l’arrivée tardive d’Angela Merkel ? La diplomatie multilatérale n’a jamais été le terrain privilégié des miracles. Le Quai d’Orsay n’a pas encore été déménagé à Lourdes et l’hôtel du ministre sur les bords de la Seine n’est pas encore la grotte de Massabielle !

UNE RÉUNION PARTICULIÈREMENT IMPRODUCTIVE

Quoi qu’en dise Emmanuel Macron, l’adoption d’un communiqué commun ne fait pas le succès d’une conférence. Loin de là. Nous n’en prendrons qu’un exemple, le texte adopté lors de la COP21.

Un consensus a minima pour sauver la face

L’unilatéralisme de Donald Trump a, une fois de plus, forcé le sommet du G20 à adopter un consensus minimal, qui traduit des rapports de force de plus en plus inflexibles. Ce qui en soit est un exploit mais dont il ne faut pas surestimer l’importance. La dentelle diplomatique traduit souvent l’impossibilité de faire émerger un accord sur la substance. Finalement, une « déclaration des dirigeants du G20 » sur un « consensus pour un développement équitable et durable » a été adoptée le 1er décembre 2018 à Buenos Aires. Sur le commerce – pomme de discorde entre les États-Unis et l’Union européenne qui négocie au nom des Vingt-Sept États membres – les Européens ont fait une concession aux Américains en acceptant de rayer du texte le mot « protectionnisme ». L’Union européenne, comme les autres participants acceptent « la réforme nécessaire de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ». Même s’ils n’ont pas forcément les mêmes objectifs en tête, l’Union européenne, les États-Unis et la Chine sont en effet d’accord pour adapter l’OMC à l’économie du XXIe siècle. Les « Vingt » s’engagent à faire le point sur l’avancée de ce dossier lors du prochain Sommet, l’année prochaine à Osaka au Japon. C’est ce que l’on appelle botter en touche. Faute de trouver un accord aujourd’hui, on renvoie la patate chaude à des lendemains qui chantent. Signe patent d’une impuissance structurelle du G20 à jour son rôle d’amortisseur des chocs. Que ne ferait-on pas pour sauver les apparences ?11

Pour leur part, les Américains acceptent de faire figurer « la reconnaissance de la contribution du système de commerce international » à la croissance et la création d’emplois. Dans un grand élan de lyrisme diplomatique, Emmanuel Macron parle même d’un « soutien unanime au multilatéralisme ». Diantre ! Sur le climat, l’autre grand sujet qui fâche Trump contre le reste du monde, le constat de la division est marqué noir sur blanc. D’un côté, « les signataires de l’accord de Paris » (à la COP21 en 2015) « s’engagent à sa pleine mise en œuvre ». Conserver une mention de l’accord de Paris était « notre ligne rouge », rappelle Emmanuel Macron.

Le communiqué appelle au succès de la nouvelle conférence de l’ONU sur le climat (COP24) qui débute le 3 décembre 2018 à Katowice en Pologne et fait référence au dernier rapport alarmiste du GIEC sur les impacts du réchauffement. De l’autre, les États-Unis « réitèrent leur décision de s’être retiré de l’accord de Paris ». Au passage, les ONG écologiques soulignent que les rejets de gaz à effet de serre de 15 pays du G20 – dont la France – augmentent.

Un dissensus a maxima pour masquer la déroute

Le multilatéralisme ne sort pas grandi de cette festivité à grand spectacle. Brigitte Macron serait désormais la coqueluche des médias argentins. Revenons à nos moutons. Si l’on prend en minimum de hauteur par rapport à l’évènement et l’on analyse de près le contenu de la déclaration commune de six pages adoptée à Buenos Aires, on peut affirmer sans grand risque d’erreur que Donald Trump a peu ou pas concédé alors que ses homologues, Union européenne en premier lieu, sont allés à Canossa pour pouvoir exciper de l’existence d’un accord dont l’avenir est plus qu’incertain. En quittant le sol argentin, il n’est engagé à rien. On croit rêver lorsque l’on entend dire que, face aux coups de boutoir que Donald Trump porte au multilatéralisme (Cf. le discours de Mike Pompeo devant le German Marshal Fund à Bruxelles le 6 décembre 2018 au cours duquel il s’est livré à une violente charge contre le multilatéralisme12), les diplomates européens se réjouissent d’avoir conservé la mention d’un « ordre international fondé sur des règles » qu’il convient d’améliorer pour s’adapter à « un monde en transformation rapide ». Toutes choses qui ne veulent strictement rien dire de concret. Faute de pouvoir s’accorder sur la substance, on joue sur les mots pour faire illusion. Quant à Jupiter, il se livre à un exercice futile de philosophie des relations internationales !

Interrogé sur l’utilité de ces grandes messes que sont les sommets du G20, Emmanuel Macron propose de « raisonner par l’absurde ». Que nous dit-il ? « Si l’on ne se coordonnait pas », ce serait « à coup sûr l’état de guerre, état de guerre, commerciale ou pas ». Le président français, qui ne perd pas dans sa ligne de mire les élections européennes estime que « le grand message de ce sommet c’est que l’Europe se fait entendre quand elle est ferme et unie ». Or, la réalité est tout autre. Si les diplomates sont parvenus à échafauder un texte de consensus, Donald Trump a continué à mépriser le travail collectif en « séchant » la séance de l’après-midi consacré au commerce et à la fiscalité. Il a par ailleurs annulé sa conférence de presse, officiellement pour ne pas offenser la famille Bush après le décès de l’ex-président George Bush. Tandis qu’Emmanuel Macron allait regagner la France 11.000 km de Buenos Aires et sa capitale saccagée par les « gilets jaunes », Donald Trump se préparait à son dîner « très important » avec Xi Jinping. Nous sommes au cœur du problème de l’avenir de la gouvernance mondiale.

Le bilatéralisme sort lui conforté de ce grand spectacle diplomatique. Dans quel cadre se règle, du moins en partie et provisoirement pour ce que nous en savons, le sérieux différend entre Pékin et Washington sur les questions commerciales ? Dans les cadres des travaux du G20 ? Certainement pas. Il se négocie lors d’un dîner de travail entre les deux délégations conduites par leur chef d’État. Ni plus, ni moins. Lors de ce dîner de travail, Donald Trump et Xi Jinping ont trouvé un accord pour ne pas appliquer de nouveaux droits de douane après le 1er janvier13. Une rencontre infructueuse aurait débouché sur un durcissement de la guerre commerciale lancée par le président américain : l’imposition de nouvelles taxes, le 1er janvier 2019, sur les importations en provenance de Chine, qui aurait été probablement suivie par des mesures de rétorsion de Pékin. Cette nouvelle escalade n’aura pas lieu, du moins pas pour le moment.

A l’issue de la rencontre, les Etats-Unis ont annoncé qu’ils renonçaient à ce nouveau volet de taxes. De son côté, la Chine s’est engagée à augmenter ses achats de produits américains, notamment agricoles et énergétiques, alors que Donald Trump s’est toujours montré extrêmement sensible à l’ampleur du déficit commercial enregistré avec Pékin. Xi Jinping a aussi accepté d’ouvrir des discussions sur une série de points sensibles, soulevés jusqu’ici sans succès par les administrations américaines successives : le respect de la protection de la propriété intellectuelle, l’ouverture de son marché intérieur, ou encore les transferts forcés de technologie pour les entreprises étrangères installées en Chine.

Soucieux manifestement de ménager son interlocuteur, alors que l’économie de son pays semble plus durement impactée par les effets des taxes américaines que celle des Etats-Unis par les ripostes chinoises, le président Xi a consenti en outre, selon la Maison Blanche, « un geste humanitaire merveilleux », en acceptant de mieux contrôler un opioïde produit notamment sur son territoire, le fentanyl, qui fait actuellement des ravages aux Etats-Unis14.

Sur le front russe, Donald Trump n’a pas souhaité rencontrer son homologue, Vladimir Poutine pour marquer son désaccord après la montée des tensions en Crimée. Il a indiqué qu’il espérait pouvoir organiser une deuxième rencontre avec son homologue nord-coréen, Kim Jong-un en janvier ou en février 2018. En marge du sommet, Donald Trump s’est entretenu avec son homologue sud-coréen Moon Jae-in. Les deux hommes ont « réaffirmé leur engagement de parvenir à une dénucléarisation finale et totalement vérifiée » de la Corée du Nord, a déclaré la porte-parole du président américain, Sarah Sanders.

La média(o)cratie tient toujours le haut du pavé. Voici ce que nos sérieux folliculaires nous narrent dans leurs gazettes. Ce ne sont que des petits moments interceptés par les caméras et les photographes lors de cette « photo de famille » qui n’a jamais aussi mal porté son nom. Les Vingt se devaient de poser tous ensemble pour respecter la tradition. Mohammed Ben Salman voit passer devant lui Donald Trump, qui lui décoche un sourire en coin, mais surtout le Turc Erdogan, sans un regard pour lui. MBS baisse les yeux, humilié.

Quelle revanche donc lorsque, quelques minutes plus tard, le prince héritier saoudien entre dans la salle immense du sommet et tombe sur Vladimir Poutine, qui lui tend la main en l’air comme pour mieux la claquer. Ces deux-là ne sont pas des basketteurs qui viennent de marquer un point mais deux grands producteurs de pétrole, deux guerriers – l’un en Ukraine et l’autre au Yémen -, deux autocrates dont les opposants se font tuer sans scrupule par des commandos aux méthodes effroyables.

Le président Macron ne joue pas dans la même cour. Lorsqu’il s’attarde quelques minutes avec MBS, on entend le chef de l’État français lui dire « je suis inquiet », avant de lâcher, raide, « vous ne m’écoutez jamais ». Extraits d’un échange qui illustre toute la tension qui règne désormais dans cette enceinte où les grands principes et les promesses ne semblent plus vouloir dire grand-chose15. Il faudra s’en souvenir à l’avenir…

« Le véritable doute consiste à douter de tout, y compris du bien-fondé de ce doute » (Descartes). Une fois de plus, ce sommet démontre que l’on ne donne pas à boire à un âne qui n’a pas soif ! Ceux qui sont théoriquement chargés de réformer la gouvernance mondiale en sont les meilleurs fossoyeurs16. Les Européens, Emmanuel Macron en tête, devraient commencer à tirer les leçons de tous ces sommets inutiles en changeant leur logiciel du monde d’hier pour l’adapter au monde de demain. Faute de quoi, leur navire continuera de filer sur l’iceberg à la manière du Titanic. L’Union européenne est un organisme affaibli, miné de l’intérieur. On peut parler à son propos d’une véritable crise existentielle tant le fossé entre les élites et les populations ne cesse de se creuser au fil des années.

Il faut prendre le monde de ce début du XXIe siècle tel qu’il est et non tel que l’on voudrait qu’il soit. « Le jeu international est devenu beaucoup plus diversifié et mouvant, notamment, en raison de la multiplicité des acteurs et des sujets »17. Le monde est aujourd’hui confronté à la fin des certitudes, à son incapacité à dégager du sens, une direction, une tendance dans l’épais brouillard de signaux contradictoires auxquels il est confronté.

Même si l’imprévisibilité du monde est dans l’ordre des choses, il importe de tenter de l’anticiper pour mieux en atténuer les conséquences négatives. Voici ce que l’on pouvait dire de ce G20 frappé du risque d’obsolescence qui avait toutes les allures d’un dernier tango à Buenos Aires.

Guillaume Berlat
10 décembre 2018

1 Georges Malbrunot, Les victimes oubliées de la guerre du Yémen. Dans le Yémen en guerre, l’interminable calvaire de la population civile, Le Figaro, 30 novembre 2018, pp. 1-2-3.
2 Louise Michel, L’Argentine en crise accueille le G20, Le Figaro, Économie, 30 novembre 2018, p. 25.
3 Christine Legrand/Marie de Vergès, Macron loue les réformes « impopulaires » de Macri en Argentine, Le Monde, 1er décembre 2018, p. 3.
4 Cédric Pietralunga, À l’Élysée, coup de jeune sur les ors de la République. Brigitte Macron veut dépoussiérer les 365 pièces de l’hôtel d’Evreux, Le Monde, 1er décembre 2018, pp. 14-15.
5 Isabelle Lasserre, La diplomatie d’Emmanuel Macron peine à s’imposer en Europe, Le Figaro, 30 novembre 2018, p. 8.
6 https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_des_vingt
7 Marie de Vergès, Un périlleux communiqué commun, Le Monde, Économie & Entreprise, 30 novembre 2018, p. 4.
8 Marie de Vergès/Gilles Paris, Au G20, l’heure de vérité entre Pékin et Washington, Le Monde, Économie & Entreprise, 30 novembre 2018, p. 4.
9 Isabelle Lasserre, La diplomatie d’Emmanuel Macron peine à s’imposer en Europe, Le Figaro, 30 novembre 2018, p. 8.
10 Éric Ciotti, Le pacte sur les migrations de l’ONU : vers un droit à l’immigration opposable, Le Figaro, 30 novembre 2018, p. 20.
11 Gilles Paris/Marie de Vergès, Au G20 de Buenos Aires, un sommet pour sauver les apparences, www.lemonde.fr , 1er décembre 2018.
12 Isabelle Lasserre, Pompeo théorise la fin du multilatéralisme, Le Figaro, 7 décembre 2018, p. 12.
13 Gilles Paris/Marie de Vergès, Fragile trêve entre les États-Unis et la Chine, Le Monde, 4 décembre 2018, p. 2.
14 Gilles Paris, La Chine et les États-Unis s’entendent sur une trêve dans leur guerre commerciale, www.lemonde.fr , 2 décembre 2018.
15 Sommet du G20 : Macron à la peine au milieu des fauves, www.lejdd.fr , 1er décembre 2018.
16 Éditorial, Il faut sauver la gouvernance mondiale, Le Monde, 10 novembre 2018, p. 25.
17 Hubert Védrine, La tragédie d’Alep symbolise l’effondrement des politiques occidentales guidées par la morale et l’éthique, Le Monde, 15-16 janvier 2017, pp. 14-15.

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Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 10-12-2018

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Commentaire recommandé

Chris // 16.12.2018 à 16h26

« Nous sommes déjà venu à votre rescousse 2 fois »
En effet, les US sont venus deux fois… pour tirer les marrons du feu. Deux interventions mineures qui contribuèrent à la bonne fortune du CMI et mainmise sur une Europe affaiblie.
Mais vous avez raison sur un point : si Washington doit se battre à force de provoquer, ce sera jusqu’au dernier européen !

10 réactions et commentaires

  • Daniel // 16.12.2018 à 09h23

    Le G20 n’est plus ce qu’il était : un club privé des « maîtres de la Terre » qui ressemble à un vestige du monde d’avant .
    Le bilatéralisme sort lui conforté de ce grand spectacle diplomatique.
    Il y a un nouveau contexte qui se crée avec la dynamique des Nouvelles Routes de la Soie (Initiative Une Ceinture, Une Route), une démarche inclusive où tout le monde peut venir échanger ensemble des idées, des projets, des biens, des gens et de la culture.
    Dans ce cadre, les relations entre Etats Nation Souverain sont la norme : Accord Bilatéraux, Trilatéraux valable sur de nombreuses années … et même avec d’anciens pays en froid (Chine- Inde / Chine – Japon /Ethiopie – Érythrée / Corées du Nord et du Sud …).
    Le contenu de ces accords sont principalement du co-Développement physique mutuel entre pays (l’exemple de l’Afrique est particulièrement parlant).
    Bienvenu dans le Monde d’Après : Développement d’une économie physique entre Nations
    Au revoir au monde d’Avant : Finance supra-nationale prédatrice
    Quel sera le passage définitif entre les 2 : l’élimination des causes de la crise financière de 2008 (toujours très actuelles)
    Un Nouveau Bretton Woods sera donc nécessaire : Accord entre nation définissant les règles internationales.

      +8

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  • max // 16.12.2018 à 11h19

    On est de nouveau dans un monde bipolaire à supposer même que le monde multi a un jour existé.
    Les enjeux du G20 ont tourné autour des hautes technologies, que ce soit la G5 ou l’IA et leurs corollaires.
    Canada et Mexique ont déjà accepté de passer sous tutelle économique et commerciale des USA et l’UE prend la même orientation.
    Les récalcitrants déclarés sont la Chine et la Russie le reste est en gris particulièrement en Asie.
    La bataille des normes et brevets entre les USA et la Chine fait que vous utiliserez des normes made in China ou Made in USA mais pas les deux, c’est particulièrement juste pour la 5G.
    Quelques explications ci-dessous.
    https://reseauinternational.net/huawei-la-guerre-commerciale-2-0/
    Et
    https://nationalinterest.org/blog/the-buzz/china-touts-5g-network-speed-20g-per-second-25970
    Ou
    https://nationalinterest.org/feature/huawei-doorway-chinas-police-state-38532
    C’est une guerre qui va durer des années peut être même des 10enes d’années.
    Les USA ne laissent pas le choix ceux qui sont pour la Russie/Chine sont contre eux et vice-versa.

      +3

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  • Les Mouches // 16.12.2018 à 13h46

    Oui et les instances supranationales type ONU ont largement prouvés leurs inutilités si ce n’est pour installer une oligarchie mondiale.
    Donc oui Trump est notre allié depuis le début, il est bien dommage que certains ne soient pas capables de voir au-delà d’un clivage politique qui sert l’oligarchie depuis des décennies ou qui n’arrivent pas à aborder le thème de l’immigration autrement que par la doctrine « accueillir c’est bien ». On a un président US qui pourri les instances supranationales, c’est un peu inespéré par les temps qui court et espérons que cela aboutisse.

      +0

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  • Louis Robert // 16.12.2018 à 14h00

    Le G-20 n’est plus qu’un « backstop », à peine…. Un filet de sécurité? Comme il en fallait un au Brexit? — Nouvelle mode dans un monde qui se désagrège. Et tous de faire semblant…

    «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres». (Gramsci?)

      +3

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  • René Fabri // 16.12.2018 à 15h14

    A la fin de ce G20, Emmanuel Macron a annoncé cinq nouvelles dépenses : plus d’argent contre le Sida en Afrique, plus d’argent pour l’éducation des filles en Afrique, plus d’argent pour le GIEC, de l’argent pour le prochain G7 à Biarritz, et de l’argent pour le prochain G20 à La Jamaïque.

      +2

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  • Louis de Constance // 16.12.2018 à 16h14

    Bonjour de DC et merci ; très intéressant ! Le Président Trump a compris que ces grandes messes ne servent à rien et en attendant de trouver mieux … Les électeurs de Donald Trump qui bénéficie de 50% d’avis favorables dans l’opinion publique américaine ( combien déjà pour le Jupiter élyséen?!) savent et en ont assez que le Trésor américain finance de assemblées internationales qui ronronnent à grands frais; quant à l’OTAN qui coûte fort cher aux Américains, il serait temps que les pays concernés payent ce qu’ils doivent payer. Surtout que la menace supposée, les Russes, toujours et encore, s’ils sont vraiment la Menace, ne ferait qu’une bouchée des Européens, OTAN ou pas et il n’est même pas certain que Washington interviendrait à la rescousse : America First !!! Nous sommes déjà venus à votre rescousse 2 fois, même si jamais 2 sans 3. Mais, en cas d’invasion par les troupes de Moscou, avec le soutien non négligeable de tous les gauchistes locaux, le scénario le plus probable résiderait dans un accord / consensus / statuquo « supportable » entre Washington, Moscou et Pékin. Et le monde continuerait à tourner et faire son commerce …

      +2

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    • toto // 17.12.2018 à 18h31

      Bonjour de Paris,
      Vous êtes venu 2 fois…..à la fin de la guerre, regarder les stats sur les pertes allemandes et renseignez vous.
      En termes de mobilisation et de perte la 1GM est une guerre franco-allemande, la 2GM est une guerre US/Japon + Allemagne/URSS..
      Et vous avez rafler la mise en débarquant les troupes à la fin et en accordant un crédit à la reconstruction (mais bon business is business) en même temps vous ne nous devez rien.
      A la rigueur vous nous avez évité d’être envahi par l’armée rouge et encore faut il pouvoir tenir sur autant de territoire.
      Déjà pendant la guerre froide il y avait beaucoup de fantasme sur les possibilités de l’armée rouge d’envahir l’Europe de l’ouest mais alors la Russie de 2018 ??
      -La Russie n’est pas l’URSS et l’armée de conscription c’est fini, maintenant ce sont des armées de pro qui coûtent plus cher à entretenir et ont donc moins de soldats et de matériel.
      De plus la Russie subi un embargo depuis quelques années et en prenant en compte la courbe d’évolution du matériel de guerre de + en + cher (même les USA ne sont pas épargné cf F35 B2 F22 ou CVN Ford)
      elle ne peut avoir du matériel de dernière génération en quantité ( SU57 + T14 <50 unités).
      Et ne parlons même pas du plus important qui est la logistique. Paris Moscou = 3000 km dans des pays qui vous sont déjà hostile de base ….
      Par avion ou bateau ce n'est pas possible non plus car pas assez de cargo + Europe peu établir des zones A2AD

      -La Russie n'est plus du tout communiste ni même socialiste donc de quelle sympathisant vous parlez ?
      En effet la plupart des pays de l'Est européen hormis la Biélorussie sont hostile à Moscou …

      Pour ce qui est de L’OTAN les USA en sont le + gros contributeurs mais seulement avec 20% suivi par l'Allemagne et la France qui à eux deux financent 24%.
      Mais si on regarde d'un point de vu US/Europe, c'est l'Europe qui finance L’OTAN à 80%.
      Dans les journaux ils rajoutent les financement indirecte en proportion du PIB et donc la forcement les US avec leur budget monstrueux dépassent tout le monde mais je ne suis pas d'accord dans le sens ou il faudrait également rajouté les contributions des bases fournies par l'Europe plus tout les contrat d'achats Européen au Industriel de défense US….

        +3

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  • Chris // 16.12.2018 à 16h26

    « Nous sommes déjà venu à votre rescousse 2 fois »
    En effet, les US sont venus deux fois… pour tirer les marrons du feu. Deux interventions mineures qui contribuèrent à la bonne fortune du CMI et mainmise sur une Europe affaiblie.
    Mais vous avez raison sur un point : si Washington doit se battre à force de provoquer, ce sera jusqu’au dernier européen !

      +8

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  • christian gedeon // 17.12.2018 à 17h55

    Pour ma part,je me réjouis sans réserve de voir les mammouth internationaux,Onu,Unesco,
    Omc,Fmi, et autres organisations aux coûts de fonctionnement faramineux et pharaoniques chanceler sous coups de boutoir du retour aux réalités…merci qui? merci Trump,mais aussi et à sa façon,Poutine.Et je forme le voeu que l’UE si dangereuse pour l’Europe et les peuples européens soit secouée dans ses fondements,et que nos pays retrouvent leur souveraineté,enfin. Le chemin sera long et difficile,et se débarrasser de ces cohortes de fonctionnaires dits internationaux,qui vivent aussi grassement qu’ils sont inefficaces relève de la gageure…

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  • Dominique65 // 17.12.2018 à 21h00

    « Ces deux-là [MBS et Poutine sont ] deux guerriers – l’un en Ukraine et l’autre au Yémen -, deux autocrates dont les opposants se font tuer sans scrupule par des commandos aux méthodes effroyables. »
    Alors comme ça, la Russie est en Ukraine de la même façon que l’Arabie Saoudite est au Yémen. Je suppose que les habitants de Kiev sont terrorisés, quand on connait la puissance de feu de la Russie. Non, soyons sérieux. Poutine n’est pas en Ukraine comme le fait croire l’auteur. Par contre, on y voit beaucoup d’Officiers Des États-Unis et d’autre pays venant former les Ukrainiens.
    Parlons maintenant d’autocratie. Ce n’est vrai ni de l’un ni de l’autre. MBS a bénéficié avant tout de népotisme. C’est plutôt à Assad qu’il faudrait le comparer. Quant à Poutine, il n’a pas conquis le pouvoir d’autorité, mais parce que le Président Précédent le lui a laissé. S’il est toujours, c’est parce qu’il a gagné les dernières élections. Et Contrairement à bien d’autres, il n’a pas fait changer la constitution pour pouvoir faire trois mandats de suite, bien qu’on puisse apprécier modérément son tour de passe-passe avec Medvedev. Enfin, pour « les commandos aux méthodes effroyables » de Poutine, tout ce qu’on en sait c’est ce que nous en disent les gouvernements hostiles, ceux qui voyaient des armes de destruction massive partout en Irak. C’est peut-être vrai, mais je trouve l’auteur très sûr de lui.

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