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6.octobre.20186.10.2018 // Les Crises

La CPI ne se laissera pas décourager par les menaces américaines. Par Owen Bowcott

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Source : The Guardian, Owen Bowcott, 11-09-2018

La Cour pénale internationale publie une déclaration alors que John Bolton la menace de sanctions

Owen Bowcott

Mardi 11 septembre 2018

John Bolton a déclaré que les États-Unis envisageraient d’interdire aux juges et procureurs de la CPI d’entrer aux États-Unis, de bloquer les fonds qu’ils y détiennent et de les poursuivre devant les tribunaux américains. Photographie : Gagnez McNamee/Getty Images

La Cour pénale internationale (CPI) continuera d’enquêter sur les crimes de guerre « sans être intimidée » par la menace de sanctions de l’administration Trump contre ses juges, a déclaré l’organisation, basée à La Haye.

En réponse à un discours du conseiller américain pour la sécurité nationale, John Bolton, le tribunal soutenu par les Nations unies a déclaré qu’il ne serait pas intimidé ni dissuadé de sa mission mondiale.

L’attaque de Bolton, lancée lundi à Washington, ouvre un nouveau front dans la guerre entre la doctrine de l’exceptionnalisme américain et l’ordre juridique international soutenu par l’ONU.

Si la CPI lance une enquête sur des crimes de guerre présumés commis par des militaires et des agents des services de renseignement américains pendant la guerre en Afghanistan ou poursuit une enquête sur Israël ou d’autres alliés américains, ont averti M. Bolton, les États-Unis imposeraient des sanctions à la Cour et, si possible, poursuivraient leurs responsables en justice.

Dans une courte déclaration, la CPI a déclaré : « La Cour a été créée et constituée en vertu du Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour – auquel 123 pays de toutes les régions du monde sont parties et se sont engagés à apporter leur soutien par le biais de la ratification – en tant qu’instrument visant à assurer la poursuite pénale pour crimes choquant la conscience humaine. La Cour est une institution judiciaire indépendante et impartiale.

« La compétence du tribunal est soumise à la compétence première des États eux-mêmes pour enquêter et poursuivre les auteurs présumés de ces crimes et rendre justice aux communautés touchées. Ce n’est que lorsque les États concernés ne le font pas du tout ou véritablement que la CPI exercera sa compétence.

« La CPI, en tant que cour de justice, continuera à faire son travail sans être découragée, conformément à ces principes et à l’idée générale de la primauté du droit. »

L’allocution de Bolton a alerté de nombreux experts juridiques. Mark Ellis, directeur exécutif de l’International Bar Association [Association internationale du barreau, NdT], basée à Londres, a déclaré : « L’attaque extraordinaire lancée par… Bolton contre la CPI est non seulement en contradiction directe avec le principe de responsabilité pour crimes de guerre, mais renforce la politique répugnante d’exceptionnalisme de l’administration Trump, où elle exige le respect du droit international par tous les pays, sauf elle-même.

« Le langage belliqueux de Bolton selon lequel les juges et les procureurs de la CPI risquent d’être poursuivis aux États-Unis est une extension désolante de l’attaque de l’administration Trump contre le système judiciaire – tant national qu’international.

« La CPI a été créée dans le noble but de mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus odieux, y compris le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, lorsque les nations ne veulent ou ne peuvent poursuivre. »

Jamil Dakwar, directeur du programme des droits de l’homme de l’American Civil Liberties Union, a déclaré : « La menace de l’administration Trump de poursuivre et de sanctionner pénalement les juges et les procureurs des tribunaux pénaux internationaux est directement inspirée par une stratégie d’autoritarisme ».

« Cette menace sans précédent survient alors que les responsables américains font face, pour la première fois, au spectre d’une enquête criminelle complète par le tribunal pour d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Afghanistan, qui est un membre de la CPI. Cette politique malavisée et nuisible ne fera qu’isoler davantage les États-Unis de leurs plus proches alliés et conforter les criminels de guerre et les régimes autoritaires qui cherchent à échapper à la responsabilité internationale. »

La présidente de la commission afghane des droits de l’homme, Sima Samar, a déclaré qu’il était important d’établir la vérité sur les allégations de crimes de guerre dans son pays. « C’est très malheureux parce que rendre justice aux victimes aidera à faciliter le processus de paix en Afghanistan », a-t-elle dit. « La justice n’est pas un luxe. C’est un droit humain fondamental. »

L’Autorité palestinienne a déclaré qu’elle n’abandonnerait pas ses principes après la décision américaine de fermer le bureau de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington en représailles à sa demande d’une enquête de la CPI sur les crimes de guerre présumés d’Israël.

Nabil Abu Rudeina, porte-parole du président palestinien, Mahmoud Abbas, a déclaré que l’autorité maintiendrait son engagement envers les résolutions ayant une légitimité internationale.

Source : The Guardian, Owen Bowcott, 11-09-2018

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Commentaire recommandé

RGT // 06.10.2018 à 08h46

« Ce n’est que lorsque les États concernés ne le font pas du tout ou véritablement que la CPI exercera sa compétence.

La CPI a été créée dans le noble but de mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus odieux, y compris le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, lorsque les nations ne veulent ou ne peuvent poursuivre. »

Ah bon ?

Pour l’instant, seuls les « grands criminels » de « l’axe du Mal » ont été poursuivis par cette juridiction qui s’est bien gardée d’aller fouiller dans les poubelles des « Grandes démocraties Exemplaires ».

La saillie de John Bolton ne fait que mettre sous les projecteurs la fatuité de cette « juridiction » qui aurait dû poursuivre de nombreux dirigeants occidentaux ou leurs « amis » au lieu d’embastiller des types qui ont été innocentés post-mortem. Oh pardon, les poursuites ont été « abandonnées » suite à leur décès.

En attendant, les « dirigeants exemplaires » ne sont pas inquiétés malgré toutes les preuves de leurs forfaits alors que d’autres se sont éteints (ou « rangés » dans l’attente de leur trépas) alors qu’il n’y a pas de dossier sérieux à leur encontre.

Si ce « conflit » pouvait faire exploser en plein vol cette institution et permettre l’émergence d’une véritable juridiction digne de ce nom ce serait un bienfait.

Il ne faut cependant pas rêver, relisez « les animaux malades de la peste » de Jean De La Fontaine, rien n’a changé depuis, et rien ne changera avant très très longtemps.

14 réactions et commentaires

  • Fabrice // 06.10.2018 à 07h05

    Intéressant mais d’ici que nous voyons les premiers procès et après des condamnations je crois que les calendes grecques se seront écoulées mais l’espoir fait vivre.

    Les bravades oratoires n’engagent que ceux qui y croient.

      +9

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  • Charles Michael // 06.10.2018 à 07h22

    La beauté du Guardian, journal de pointe des néo-cons dits de gauche, est l’opposition absolue au Donald
    et le soutien absolu aux politiques bellicistes anti- Russes et interventionnistes au Moyen Orient.
    Bellingcat et White Helmet constament en tête de gondole, Skypral et Novitcok à tous les étages.
    Bonjour la schizophénie !

    Bolton-Guardian : la Brute et l’Idiot Utile.

      +21

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  • P’tetbenkwui // 06.10.2018 à 08h33

    La CPI sait fort bien qu’elle est l’objet de nombreuses critiques, qu’elle est désavouée.
    Des manoeuvres juridiques  de certains magistrats prêts à coopérer avec d’inavouables stratégies d’états pour mieux s’exonérer de leurs lâchetés, aux guerres entre avocats souvent plus soucieux de leur ego que des parties civiles, on a une parfaite illustration du principe de la justice de clavier, modernisation de la justice de comptoir, qui prétend régler en quelques lignes péremptoires des affaires sensibles en affichant une totale indifférence , un abyssal mépris, pour les victimes.
    Les « elites » ont de bons avocats et beaucoup de complices.

      +5

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  • RGT // 06.10.2018 à 08h46

    « Ce n’est que lorsque les États concernés ne le font pas du tout ou véritablement que la CPI exercera sa compétence.

    La CPI a été créée dans le noble but de mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus odieux, y compris le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, lorsque les nations ne veulent ou ne peuvent poursuivre. »

    Ah bon ?

    Pour l’instant, seuls les « grands criminels » de « l’axe du Mal » ont été poursuivis par cette juridiction qui s’est bien gardée d’aller fouiller dans les poubelles des « Grandes démocraties Exemplaires ».

    La saillie de John Bolton ne fait que mettre sous les projecteurs la fatuité de cette « juridiction » qui aurait dû poursuivre de nombreux dirigeants occidentaux ou leurs « amis » au lieu d’embastiller des types qui ont été innocentés post-mortem. Oh pardon, les poursuites ont été « abandonnées » suite à leur décès.

    En attendant, les « dirigeants exemplaires » ne sont pas inquiétés malgré toutes les preuves de leurs forfaits alors que d’autres se sont éteints (ou « rangés » dans l’attente de leur trépas) alors qu’il n’y a pas de dossier sérieux à leur encontre.

    Si ce « conflit » pouvait faire exploser en plein vol cette institution et permettre l’émergence d’une véritable juridiction digne de ce nom ce serait un bienfait.

    Il ne faut cependant pas rêver, relisez « les animaux malades de la peste » de Jean De La Fontaine, rien n’a changé depuis, et rien ne changera avant très très longtemps.

      +25

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    • Charles Michael // 06.10.2018 à 09h34

      Oui,
      et le Guardian (j’en fut un lecteur régulier) muté en ImMonde continue à défendre le criminel Tony Blair
      et cette défence hypocrite du CPI est d’abord une attaque exprimant le regret de l’échec de la totalement belliciste et corrompue Hillary Clinton.
      ce qui n’empêche que Bolton est aussi répugnant, isu du même marécage Washingtonnesque.

        +17

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      • Alfred // 06.10.2018 à 11h03

        Votre commentaire a remué un couteau dans une plaie: il fut un temps deja lointain où écoeuré par libération et déçu par le monde j’allais chercher de l’information de qualité (pensais-je) sur le guardian…Quel naïf. Il bien fallu se rendre à l’évidence.

          +12

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        • Fritz // 06.10.2018 à 11h22

          Moi aussi, Alfred, je lisais parfois le Guardian… Comme j’ai lu fidèlement Marianne à partir de la guerre du Kosovo, et avec un désappointement croissant jusqu’en 2011, où j’ai arrêté… Il est dur de se défaire d’une addiction.

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          • booster // 07.10.2018 à 19h06

            idem, à cela je rajouterai le « suddeutsche zeitung ».

              +1

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  • Emmanuel // 06.10.2018 à 08h56

    Réaction seine de la part de la CPI, et qui décrédibilise encore un peu plus le gouvernement USA. Même si le « machin » onusien n’est pas parfait, il ne faudrait surtout pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Depuis leurs creations, les agences des nations-unies ont réalisé un travail considérable. La tentation d’un Bolton et compagnie de supprimer un tel système rappelle le destin funeste de la SDN et la période sombre de l’histoire qui a suivi. On a eu précédemment la sortie des USA et d’Israël de l’UNESCO : pitoyable, voire minable.

      +4

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    • booster // 07.10.2018 à 19h10

      Laisser ce pouvoir à une bande de magistrats (99% sont corrompus et partiaux, donc intellectuellement incapables d’objectivité), est très dangereux. Ce seront les premiers à condamner un dirigeant honnête combattant pour le bien-être de son peuple, et donc contre tous les lobbies, les bien-pensants et les mondialistes. Cette utopie est trop dangereuse.

        +1

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  • Pierre D // 06.10.2018 à 09h18

    Que la CPI se croit obligée de répondre aux propos polémiques d’un conseillé de passage (comme les autres) à la Maison Blanche, c’est faire entrer la Justice dans des chicanes qui n’augurent rien de bon sur sa sérénité… en tout cas ça ne masque pas sa complaisance sur les crimes contre l’humanité (entre autres) des USA.

    Ce n’est pas une bonne nouvelle.

      +5

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  • Fritz // 06.10.2018 à 09h43

    Taratata !

    Réponse héroïque de la CPI à l’affreux méchant Bolton : « La CPI, en tant que cour de justice, continuera à faire son travail sans être découragée, conformément à ces principes et à l’idée générale de la primauté du droit, et à juger les dictateurs de l’Axe du Mal qui lui seront désignés par Sa Majesté les États-Unis d’Amérique. »

    Taratata ! Tsoin tsoin !!

      +8

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  • jdautz // 06.10.2018 à 15h15

    La CPI-2 va devenir un vrai tribunal international au lieu d’être le bras armé d’une certaine idéologie ? Il y a un sacré boulot a faire, mais je serais prêt a les croire au mot, en attendant les actes : c’est un challenge qui assainirait considérablement les relations internationale dans le monde et serait infiniment bénéfique aux 99%

    Par contre il va falloir renoncer aux vols 1e classe, aux confrérences-petits-four et quelques trucs comme ça. Il n’y a que des coups a prendre, le financement va être difficile, les pressions immenses, il va falloir une une volonté et une opiniâtreté sans faille, et ce ne sera pas sans risque physique pour les personnes, comme l’a montré l’histoire des juges anti-mafieux en Italie si je puis me permettre la comparaison.

    Je suis prêt a y croire, mais comme St Thomas, avec des preuves.

      +4

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    • booster // 07.10.2018 à 19h13

      La fin justifiant les moyens, ils seront disposés à sacrifier quelques uns des leurs pour vous faire croire à leur probité. Le meilleur moyen de préserver nos libertés est justement dans la dilution des pouvoirs, de tous les pouvoirs.

        +1

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