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18.avril.201918.4.2019 // Les Crises

Les Gilets jaunes, entre professionnels du désordre et salafistes. Par Samuel Gontier

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Source : Télérama, Samuel Gontier, 18-02-2019

Sous l’œil avisé de ses experts en manifestants “issus de l’ultraviolence”, BFMTV retransmettait le match du samedi entre les Bleus et les Jaunes… Jusqu’à ce que s’invitent les insultes proférées contre Alain Finkielkraut. Seule la formidable réussite du grand débat national pouvait me consoler.

« On parle de la violence des manifestants. » Comme tous les samedis. La présentatrice de BFMTV nuance : « Mais, il faut le rappeler, la plupart des manifestants ont manifesté pacifiquement. Et justement nous allons retrouver Loïc Besson sur l’esplanade des Invalides. » Et justement, « il y a eu une première charge des forces de l’ordre, qui sont la cible de nombreux projectiles… A l’instant, des jets de gaz lacrymogène ».

Cinq minutes plus tard. « On va retrouver Raphaël Maillochon, quelle est la situation ? » « Les forces de l’ordre avancent, vous entendez ces grenades de désencerclement alors qu’il tombe véritablement une pluie de gaz lacrymogène. » Cinq minutes plus tard. « Clémence Dibout est sur place… » Comme tous les samedis, pas moins de trois équipes et deux heures d’antenne sont dédiées à la retransmission des violences. « Tous les samedis, c’est extrêmement sensible. »

Entre deux averses de grenades, on parle donc de la violence des manifestants. « Comment l’exécutif peut-il sortir de ces violences de fin de manifestation ? » « C’est compliqué, admet Jannick Alimi, du Parisien. Pour Christophe Castaner et le gouvernement, il n’est pas question de passer pour des laxistes. » D’où leurs efforts répressifs. « Les statistiques sont là pour montrer que les gardes à vue, les interpellations sont d’une ampleur inédite. » Ce gouvernement a brillamment battu les records du précédent.

« Mais, d’un autre côté, le gouvernement ne veut pas faire d’erreur, entre guillemets ne veut pas faire de bavures… » Il ne manquerait plus que ça. « Il ne faut pas qu’il y ait des blessés, des blessés graves… » S’il y en avait eu, ça se serait su. « Et encore moins des morts. Dans l’absolu, c’est évidemment quelque chose souhaité par tout le monde. » Mais dans la pratique…« Parce que ça pourrait en plus se transformer en martyr pour les Gilets jaunes si bien sûr les blessés graves ou les morts – Dieu merci il n’y en a pas encore jusqu’à présent – étaient du côté des Gilets jaunes. » Dieu merci, ça n’est pas arrivé. Aucun leader des Gilets jaunes n’a perdu un œil, touché par un tir de LBD place de la Bastille, aucune octogénaire n’a perdu la vie, touchée par une grenade le 1er décembre à Marseille.

« Là on voit le DAR, dispositif d’action rapide », admire un syndicaliste policier, expliquant comment ses collègues procèdent pour interpeller « des gens issus de l’ultraviolence ». « Des professionnels de la casse et du désordre », précise Dominique Rizet. « Ils savent exactement comment opèrent les policiers et les gendarmes, ils sont rodés, complète Driss Aït Youssef. C’est dans ces circonstances qu’on a quelquefois des accidents. » Maudites circonstances. « Des policiers ou des gendarmes font usage de grenades de désencerclement ou de LBD et blessent injustement un manifestant qui n’est pas un Black Bloc. » Alors qu’ils doivent mutiler seulement les Black Blocs.

Comme tous les samedis, les experts s’extasient à l’arrivée de la cavalerie. Selon le syndicaliste, « c’est des chevaux de très haute stature. Et c’est des charges en bonne et due forme ». On n’est pas chez les sauvages. « Les policiers de la brigade équestre ont la capacité d’interpeller des individus en restant sur leur cheval. »Comment ça ? Au lasso ? « Ça permet de figer les situations. » En effet, il n’y a pas plus figée qu’une situation ayant reçu un coup de matraque sur la tête. « C’est totalement désorganisé, c’est une manifestation qui n’a ni queue ni tête », désespère Dominique Rizet, à deux doigts de cotiser à la CGT.

Quelques minutes plus tard, branle-bas de combat, la vidéo de la violente agression verbale contre Alain Finkielkraut s’invite dans le flux des violences pour les recouvrir toutes. Triste conclusion d’une journée de manifestation qui m’aura tout de même procuré le bonheur de revoir l’écran de BFMTV consacré à un tweet de Manuel Valls (qui manifestait avec l’extrême droite le week-end précédent à Madrid). Ça me manquait.

Le lendemain, dimanche, le caillassage d’un véhicule de police fait jeu égal avec les horreurs proférées contre Alain Finkielkraut. Le véhicule caillassé n’étant pas disponible, Apolline de Malherbe reçoit le philosophe. « Vous avez été hué, insulté avec hargne par des manifestants qui portaient le gilet jaune. » La présentatrice lui soumet une de ces alternatives dont elle a le secret. « Est-ce qu’il faut minimiser ou est-ce qu’il faut rendre compte d’un climat de haine qui s’installe en France ? »Quelle question ! Il faut minimiser, évidemment.

Je retiens du discours d’Alain Finkielkraut ce que Daniel Schneidermann met aussi en exergue ce lundi matin:

Suite à lire : Télérama, Samuel Gontier, 18-02-2019

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Fritz // 18.04.2019 à 07h39

J’attends la belle Apolline de BFM inviter la famille de Zineb Redouane, tuée par une grenade à Marseille : « Est-ce qu’il faut minimiser ou est-ce qu’il faut rendre compte des violences policières qui s’installent en France » ?

Poisson d’avril. Si on regarde la suite de l’article de Samuel Gontier, on s’aperçoit que BFM-TV est associée à la MGP, la « mutuelle des forces de sécurité ».

15 réactions et commentaires

  • Fritz // 18.04.2019 à 07h39

    J’attends la belle Apolline de BFM inviter la famille de Zineb Redouane, tuée par une grenade à Marseille : « Est-ce qu’il faut minimiser ou est-ce qu’il faut rendre compte des violences policières qui s’installent en France » ?

    Poisson d’avril. Si on regarde la suite de l’article de Samuel Gontier, on s’aperçoit que BFM-TV est associée à la MGP, la « mutuelle des forces de sécurité ».

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  • Duracuir // 18.04.2019 à 08h15

    « la formidable réussite du grand débat »
    La messe est dite. Inutile d’aller plus loin.
    C’est payant Télérama?
    Comme disait Coluche : »y en a qui payent pour ça ? »

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    • Fritz // 18.04.2019 à 08h38

      Gontier est ironique, comme le montre la suite de son texte… Cela dit, je n’aime pas Télérama, et je n’ai jamais payé un centime pour l’acheter.

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      • Marie // 18.04.2019 à 09h27

        Et moi j’aime Télérama depuis des décennies, ne serait-ce (et surtout!) que pour ses programmes détaillés de radio et de télé, le seul hebdo qui n’encense pas tout ce qui se produit et qui est « branché », y compris les sorties cinématographiques. Gontier n’est qu’un scribouillard parmi d’autres, un peu de recul, que diable!

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        • ima // 18.04.2019 à 09h34

          Oui Marie, vous oubliez juste une « petit détail », le nom du nouveau propriétaire de Télérama, ça explique certains comportements…

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        • Fritz // 18.04.2019 à 10h05

          Je ne voulais pas vous blesser, Marie. Je disais seulement mon absence d’attirance pour ce magazine. Vous êtes attachée aussi au Monde diplomatique, il me semble, comme d’autres sont attachés à Politis.

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      • Duracuir // 18.04.2019 à 09h33

        Je n’avais pas perçu l’ironie. D’autant plus que plein d’editocrates le pensent.

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        • R=C // 18.04.2019 à 10h57

          Et oui on en est là. Les paroles de ces « journalistes » sont tellement absurdes parfois… Que l’on en vient à se questionner sur le fait qu’ils soient ironiques…

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    • calal // 18.04.2019 à 08h43

      quand les clients se font rares, on met en place tout un circuit de circulation de monnaie pour les remplacer: d’abord c’etait prets des banques pour solvabiliser les journaux ,maintenant comme les banques vont exploser sous le poids des prets aux copains, on prefere le circuit augmentation des impots -> subventions .
      Les clients,la liberte du marche (liberte d’acheter ou liberte de NE PAS acheter) c’est tellement surfait…

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  • christian gedeon // 18.04.2019 à 12h05

    Curieux mouvement que celui « des » gilets jaunes. Aux désideratas contradictoires, et au sens politique incertain. Légitime toutefois,puisque mouvement populaire,et c’est bien là que réside une impossibilité politique. Les élections de l’ue pour le parlement fantoche risquent d’être une terrible déception. Evidemment on les clouera au pilori sous prétexte de « faible participation « …moi je dis votez,votez le plus possible,votez « contre  » cette ue. [modéré] Waterloo,morne plaine.

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  • Nicolas // 18.04.2019 à 15h05

    Le problème des sarcasmes, c’est que si un macroneu lit ce texte, il le prendra au premier degré…

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  • Frédéric // 18.04.2019 à 15h05

    La version moderne du sabre et du goupillon, la matraque et la plume (ou le micro). Heureusement, dans ses efforts pour préserver ses intérêts et perpétuer sa domination, l’oligarchie peut compter sur une foule de clercs séculiers de tout poil, sans tonsure mais au cou pelé, acquis à sa cause pour quelques bouts de gras

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    • vert-de-taire // 19.04.2019 à 18h48

      Oui mais c’est un système de marché donc de moins disant, donc de soumission par manque/pléthore.
      l’actionnaire a le pouvoir.
      Les journalistes SONT soumis et seule une minorité peut émerger, la grande majorité doit se soumettre ou crever de faim.
      Une bonne syndicalisation permettrait de pallier un peu cette soumission
      Une forte syndicalisation permettrait de pallier beaucoup cette soumission.

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  • Antoine // 18.04.2019 à 16h04

    Gontier était venu parler à un jeudi d’Acrimed il y a 2 ans. Il y avait aussi un journaliste, ancien de France 2, qui avait fait un sujet sur Bolloré en Afrique. Il était venu nous raconter comment, la veille du jour où le sujet devait passer à envoyé spécial, il avait été informé de sa déprogrammation et s’était vu convoqué au tribunal pour diffamation (il a bien sûr fini par gagner, Bolloré voulait juste le faire chier…).
    J’ avais demandé naïvement à Gontier s’il avait déjà subi des pressions concernant son travail à Télérama. Le gars s’était braqué (ce qui m’avait interloqué à l’époque) et m’avait demandé pourquoi je posais la question qu’il ne comprenait pas… Pour finir par dire que non il n’avait jamais subi de pressions, ce qui sous-entendait le caractère inoffensif de sa critique…
    D’où son mal-être à ma question.
    Tout ça pour dire que son travail n’est jamais allé, et n’ira sans doute jamais, plus loin que la critique bien-pensante et inoffensive quel que soit le sujet traité.

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  • jp // 18.04.2019 à 16h25

    j’ai relevé 7 fois le mot « violence »
    mais pas une fois dans le sens de la violence d’un système qui pousse au suicide et/ou burn-out agriculteurs, flics, chômeurs, infirmiers, et j’en oublie.
    Celle qui fait mourir prématurément entre 10 et 15 000 chômeurs par an, la violence de l’étalage de la consommation de luxe ou pas qui fait se sentir « minables » les jeunes pauvres, voire les poussent à la délinquance, la violence qui expulse des gens qui ne peuvent plus payer leur loyer et se retrouvent à la rue, y compris des handicapés, celle qui touchent les SDF et tous les sans-abris, immigrés ou non, etc.

    Vu dans le cimetière de ma ville : même après la mort la violence continue (symbolique ?), il y a des petits monuments genre chapelle pour les plus riches et au fond le carré des sans nom, parfois juste un prénom, même pas l’age, le tout à même le sol sans le moindre signe (croix ou autre truc religieux) et pas de fleurs etc.)

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