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31.décembre.201631.12.2016 // Les Crises

Lettre ouverte aux journalistes de Mediapart (et à quelques autres), par Swank

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Intéressant psychodrame à Mediapart – qui aide à réfléchir sur l’information et les médias.

Dommage, j’aurais bien discuté avec l’auteur…

Je rappelle que je trouve l’expérience Mediapart formidable – et chacun mesure ce qu’on leur doit sur plein de sujets : politiques, éthique, économie (ah, Martine Orange…), libertés publiques, fraternité, etc. Je recommande vraiment de les soutenir en vous abonnant.

Après, c’est moins formidable au niveau international – du moins de mon point de vue, mais que voulez-vous, le média parfait n’existe pas. C’est d’ailleurs une grave erreur de trop en attendre, il ne faut jamais se fier à une seule source pour s’informer, bien au contraire.

Le souci n’est pas tant que vous ne trouviez pas que Mediapart soit parfait. Non, le souci évident c’est : mais pourquoi n’y a-t-il pas 20 Mediapart – et que faudrait-il faire pour y arriver ?

Source : Blog Mediapart, Swank, 19-12-2016

Lettre ouverte aux journalistes de Mediapart (et à quelques autres), par Swank

En optant pour un traitement à sens unique de la crise syrienne, les journalistes de Mediapart ont abandonné toute retenue déontologique pour verser dans la propagande de guerre la plus grossière. Lettre énervée d’un abonné dégoûté.

Les leçons de l’histoire n’ont visiblement pas été apprises. Le 20 Mars 2003, les Etats-Unis et leurs alliés déclenchaient une guerre éclair contre l’Irak, pour renverser le régime de Saddam Hussein, dictateur reconnu coupable d’entretenir des liens avec Al-Qaïda et de détenir des armes de destruction massive. L’artillerie lourde fut déployée (bombardements aériens, 100 000 hommes au sol et régiments de marines) sous l’œil de journalistes embedded souvent acquis à la cause, pour faire de cette guerre l’une des plus médiatisées de tous les temps. On connaît la suite : l’Etat Irakien fut pulvérisé en 2 mois, Saddam capturé à la fin de la même année puis pendu 3 ans plus tard. Les peuples d’Occident, abrutis par des médias bellicistes transformés en organes de propagande, étaient sommés d’applaudir à cette grande victoire du Monde Libre.

Jacques Chirac, qui devait conserver quelques restes de gaullisme enfouis quelque part, refusa d’engager la France dans cette mascarade. Et une bonne partie des Français, déjà bien échaudée par l’intoxication médiatique de la première Guerre du Golfe, ne marcha pas davantage dans la combine. L’histoire leur a donné raison. On découvrit assez vite que Saddam Hussein n’était pas un grand ami des terroristes d’Al-Qaïda, et que la présence d’ADM en Irak était un immense mensonge d’Etat, orchestré par l’Administration Bush et la CIA. Quant au plan des Alliés pour l’Irak, il tourna au fiasco intégral. En lieu et place du régime démocratique promis, le territoire irakien se transforma en un vaste champ de guérillas incontrôlables, et constitua le terreau idéal au développement de ligues fascistes obscurantistes et ultra-barbares. A l’heure qu’il est, l’armée américaine continue de larguer des bombes sur Mossoul pour vaincre Daech, une organisation terroriste créée sur les cendres de l’Etat Irakien détruit 13 ans plus tôt. Triste ironie de l’histoire.

Flash-back : c’est dans les geôles américaines de Camp Bucca, en plein désert irakien, que quelques pontes d’Al-Qaïda et d’anciens dirigeants baasistes du régime de Saddam Hussein fomentèrent la création de ce qui allait devenir la plus dangereuse et la plus abominable faction terroriste du monde moderne : l’Etat Islamique (ou Daech). Une organisation officiellement créée en 2006, qui dispose désormais de moyens considérables dans les régions qu’elle contrôle, capable de se projeter à un niveau international et de recruter par milliers des Occidentaux prêts à mourir pour la cause djihadiste. Le tout grâce aux généreux financements des monarchies pétrolières wahhabites du Golfe avec qui nous continuons de commercer sans aucun scrupule et dont nous recevons les dirigeants en grandes pompes à l’Elysée. Après avoir été frappé sur notre territoire avec une barbarie sans nom par Al-Qaïda en janvier 2015 et par Daech en novembre de la même année, par quel tour de passe-passe en sommes-nous venus à considérer Bachar Al-Assad comme le problème n°1 au Moyen-Orient alors même que Daech progresse dangereusement en Syrie ? Et pire comment en sommes-nous venus à envisager une alliance sur le terrain avec des rebelles appartenant à la branche syrienne d’Al-Qaïda ?

L’histoire se répète, donc. Sans la moindre honte, sans le moindre mea-culpa, les mêmes journalistes qui se sont fourvoyés dans tous ces honteux mensonges (ADM en Irak, massacre de la Ghouta, etc) pour justifier des positions idéologiques qui ont conduit à la mort de milliers d’innocents, continuent encore, et sans états d’âme, d’agiter les mêmes vieilles ficelles de la propagande otanienne. A vrai dire, ces journalistes lobotomisés par la pensée BHL, ont bien le droit de penser, que s’allier à Al-Qaïda et entrer en conflit direct avec la Russie – 2ème puissance nucléaire mondiale – permettra d’établir la démocratie en Syrie et de vivre dans un monde en paix. Ils ont bien le droit d’ignorer que l’ingérence occidentale pour renverser un Etat souverain, a toujours conduit, historiquement à des désastres monumentaux (l’Irak en étant l’un des exemples les plus éclairants). Mais qu’ils cadenassent à ce point tout débat contradictoire sur un problème géopolitique aussi complexe, démontre une régression sidérante dans une démocratie comme la France où la diversité d’opinions retranscrites par la presse devrait être une évidence. En 2003, probablement portée par un Chirac non-aligné, une partie des journalistes français avaient tout de même fait acte de résistance, au contraire de leurs homologues anglo-saxons illuminés dans leur délire va-t-en-guerre. En 2016, il est tragique de constater qu’en France, même ce dernier verrou a littéralement sauté. Ce à quoi nous assistons depuis quelques jours, c’est à une atlantisation du débat public à marche forcée. Pour mesurer l’étendue du désastre, il suffisait de lire la semaine dernière dans Libération, un classement des candidats à la Présidentielle en fonction de leur soutien à Poutine. Voici donc où se situe désormais le niveau du débat.

Mediapart, journal indépendant qui n’a même pas l’excuse d’être détenu par Patrick Drahi, verse tristement dans le même matraquage éditorial. Depuis la reprise d’Alep par les forces armées syriennes, les articles du site nous imposent le récit manichéen conforme à la ligne politique de Washington et du Quai d’Orsay. Si l’histoire est connue d’avance – celui d’un dangereux régime du Moyen-Orient qu’il faudrait faire tomber à tout prix en finançant et en armant de gentils combattants rebelles –, elle s’est rafraîchie d’un nouvel arrivant ou plutôt d’un revenant : la Russie. Soit le retour in full force and effect d’une puissance majeure sur la scène géopolitique mondiale qui donne des sueurs froides au sommet des puissances de l’OTAN. Et dont le dirigeant – Vladimir Poutine – représente le méchant idéal de l’histoire pour les médias aux ordres, qui n’ont plus qu’à retranscrire, le doigt sur la couture du pantalon, les informations des organisations installées sur place, aux côtés des rebelles, financées à coups de millions de dollars et de livres sterling par les Etats-Unis et le Royaume Uni. Et Daech dans tout ça ? Un détail de l’histoire qui ne semble même plus rentrer dans l’équation du problème pour les journalistes de Mediapart : au moment même où l’on nous répétait sur tous les tons que «L’humanité s’était effondrée à Alep», un défilé de camions coiffés du drapeau noir de l’Etat Islamique en provenance directe de Mossoul, s’engouffrait tranquillement dans la cité de Palmyre quelques mois après en avoir été chassés par l’armée syrienne et les Russes. Dans l’indifférence médiatique la plus totale.

Pour bien enfoncer le clou, Mediapart organisa un «débat» qui tourna à la discussion de salon entre cinq intervenants qui pensaient tous la même chose, le tout devant la moustache approbatrice d’Edwy Plenel, qui (dé)formé à bonne école au journal Le Monde, n’a jamais dévié de sa ligne idéologique atlantiste. Pendant plus d’une heure donc, nos invités – dont certains n’avaient plus mis les pieds en Syrie depuis des décennies – déroulèrent en toute tranquillité et sans qu’aucune contradiction ne leur soit opposée, le récit romantique de la révolution syrienne de 2011, agrémenté de quelques punchlines laissées à notre approbation («Bachar a tué plus de Palestiniens qu’Israël», «Daech est le co-produit du régime syrien», «Si l’OTAN n’était pas intervenu en Lybie, nous aurions une situation moins satisfaisante qu’aujourd’hui», «Alep, c’est notre Guernica», etc). Personne donc sur le plateau pour leur rétorquer que cette révolution (représentée à l’époque par l’ASL et d’authentiques aspirants à la démocratie) était malheureusement pliée depuis 2012 et que, comme le précisait récemment le géostratège Gérard Chaliand sur France Culture, l’opposition au régime est désormais ultra-majoritairement mené par Al-Qaïda et ses affiliés, repeints en Front Fatah-Al-Cham et Fatah Halab. Tristement, Edwy Plenel en fut réduit, pour continuer à défendre ses analyses hors-sol, à qualifier d’islamophobes, de poutinolâtres ou de complotistes tout ceux qui ne pensaient pas dans la ligne du parti. Final en apothéose, quand le sulfureux journaliste neo-con Nicolas Hénin, regretta que François Hollande n’ait pas saisi «cette belle fenêtre d’intervention en 2013» pour mener «des actions ponctuelles (…) moralement inattaquables (…) en dehors de tout cadre onusien». Et c’est soudain le spectre des «guerres justes» qui réapparut sur le plateau de Mediapart, celles des Nouveaux Philosophes en chaleur, avec de belles bombes estampillées «Droits de l’Homme». Comme en Lybie. Comme en Irak. Avec les résultats désastreux que l’on connaît. Nicolas Hénin que l’on retrouvait d’ailleurs quelques jours plus tard, sur France 2, interviewé dans le documentaire «Le Mystère Poutine». Pas de doute : la machine d’endoctrinement s’est bien remise en marche.

Affolés à l’idée qu’on puisse dévier du discours occidental officiel qu’ils imposent à la brutale depuis plusieurs jours, et submergés par une contre-propagande qui gonfle sur Internet, les médias français tentent tant bien que mal d’allumer partout des contre-feux. Car on le sait, l’information c’est le nerf de la guerre. Mais il ne suffira pas de taxer de conspirationniste la moindre vidéo posant des questions dérangeantes pour ne pas à avoir à y répondre. A savoir : Quelles sont les sources d’information à Alep-Est ? Qui les financent ? Quel est leur degré de neutralité ? Quand Hugo Clément journaliste à l’émission de grande écoute Quotidien interroge régulièrement Ismaël, un représentant des Casques Blancs pour témoigner de la situation à Alep-Est ou quand Nicole Ferroni bâtit toute une chronique larmoyante dans la matinale de France Inter sur le témoignage d’un autre Casque Blanc, il serait peut-être bon de préciser que ces fameux Casques Blancs sont une organisation humanitaire financée à hauteur de millions de dollars par Londres et Washington. Sans parler des chiffres baroques communiqués par l’étrange Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH) dirigé par un seul type à Londres.

Pendant ce temps, la presse britannique, elle, attaque. «There’s more propaganda than news coming out of Aleppo this week» titre The Independent. Le contenu du papier, lui, est édifiant . On y découvre le rôle joué par le gouvernement britannique pour financer des journalistes syriens au service de médias de propagande d’opposition ainsi que la reprise en mains progressive de la communication des rebelles par les organisations djihadistes. Dans le même journal, c’est le grand reporter Robert Fisk, qui signe un article faisant voler en éclat le scénario bien ficelé par les occidentaux de La Chute d’Alep : « Il est temps de dire l’autre vérité : nombre de « rebelles » que nous soutenons en Occident – et que notre absurde premier ministre Theresa May a indirectement bénis lorsqu’elle a fait acte d’allégeance devant les acheteurs d’hélicoptères saoudiens la semaine dernière – sont les plus cruels et les plus impitoyables combattants du Moyen-Orient. Et tandis que nous avons été abreuvés des horreurs de Daech pendant le siège de Mossoul (un événement trop semblable à celui d’Alep, bien que vous ne l’imagineriez pas en lisant notre version de l’histoire), nous avons volontairement ignoré le comportement des rebelles d’Alep ».

S’il n’est pas question d’oublier les crimes perpétrés par le régime de Bachar Al-Assad qui a écrasé dans le sang la révolution démocratique de 2011 et dont l’armée a commis un nombre incalculable d’exactions depuis le début de la guerre civile, il va bien falloir constater l’échec de la stratégie occidentale en Syrie – celle du «regime change» – dont les seuls buts étaient d’affaiblir l’Iran et de débloquer le projet de pipeline du Qatar. Cette tactique s’est fracassée sur la réalité. La révolution ayant été tuée dans l’œuf dès la fin 2011 par le pouvoir syrien, s’allier avec des groupes terroristes – au premier rang duquel Al-Qaïda – pour renverser le régime, fut un jeu dangereux et inconscient auquel Poutine a définitivement mis fin il y a quelques jours. Pour la diplomatie pyromane Fabius/Ayrault, c’est la honte. Quant aux donneurs de leçons de morale, qui tentent de redorer leur blason politique ou médiatique sur la tragédie que vit la population syrienne, ils seraient bien avisés de comprendre qu’elle aurait pu prendre fin il y a trois ou quatre ans si l’on avait accepté de discuter avec Al-Assad et Poutine. Ce que Mélenchon avait conseillé à l’époque mais que personne n’a jamais voulu entendre. Pleurer, ils savent faire. Faire la paix, déjà moins.

Source : Blog Mediapart, Swank, 19-12-2016


Ce billet fut supprimé par l’équipe de modération de Mediapart… D’où :

Juste une mise au point

Source : Blog Mediapart, Swank, 25-12-2016

Lettre à mes amis abonnés et à quelques autres.

Comme certains d’entre vous l’ont remarqué, mon précédent billet a été effacé. Il portait un regard critique sur le traitement de la crise syrienne par Mediapart et plus globalement par les médias français. Ayant reçu beaucoup de messages m’interrogeant sur les raisons de la disparition soudaine de ce papier, je me sens obligé de préciser certaines choses :

1/ Mon article a bien été supprimé par Mediapart, sans même que j’en sois averti. J’en ignore donc la raison exacte. Je l’interprète comme un acte de censure au sein d’un espace, censé être de « libre expression ». Ironiquement, lorsque je découvrais au réveil que mon article avait disparu, je recevais dans le même temps la newsletter de Noël de Mediapart dans ma boîte de messagerie : « Offrez l’indépendance ». Sans commentaires.

2/ Quelques heures avant d’être effacé, mon article était relayé sur la page Facebook de Jean-Luc Mélenchon. Faut-il y voir un rapport de cause à effet ? Je l’ignore. Tout comme j’ignore l’état des relations entre l’équipe de Mélenchon et la rédaction de Mediapart (j’imagine simplement qu’elles ne sont pas au beau fixe). Ce n’est pas mon problème. J’écris mes billets de blog en toute indépendance et je ne suis pas le porte-parole de qui que ce soit. Ce que je publie est une modeste contribution au débat citoyen et chacun est libre de s’en emparer comme il le souhaite.

A la colère a succédé la tristesse. J’avais encore une croyance naïve dans la possibilité d’une presse libre, indépendante, critique, ouverte au dialogue et au débat. Cette illusion a disparue. Les Français ont une fâcheuse tendance à donner des leçons à tout le monde mais il faudrait pourtant avoir l’honnêteté de regarder notre pays tel qu’il est : cadenassé par des chiens de garde où il est de plus en plus difficile de débattre des choses fondamentales. Les citoyens français, qui ont durement été frappés par des attaques terroristes l’an passé, ont toute légitimité pour exiger une plus grande transparence de notre politique étrangère et en particulier de nos alliances stratégiques. La question du terrorisme n’est pas uniquement une question sécuritaire. C’est également un enjeu social et géopolitique. Il serait bien utile de s’en rappeler à quelques mois de l’élection présidentielle. J’ai personnellement été marqué par l’attaque du Bataclan car j’y ai perdu des connaissances et des amis proches ont failli y passer. J’y ai même consacré un papier, le plus triste que je n’ai jamais eu à écrire. Le terrorisme – et par conséquent la manière dont nous le combattons – n’est pas un sujet de plaisanterie pour moi.

Je ne vais pas réécrire mon article censuré. Mais je maintiens les points de désaccord avec la rédaction de Mediapart au sujet de la crise syrienne. J’en dénombre trois, essentiels :

1/ Un désaccord sur la situation actuelle en Syrie et notamment sur les forces en présence et leur composition. Je conteste la vision manichéenne d’une guerre qui opposerait l’armée d’un méchant dictateur et de gentils révolutionnaires démocrates. Ce n’est plus du tout la réalité du terrain.

2/ Un désaccord sur la manière de résoudre le conflit. Je m’oppose à l’ingérence occidentale, à des alliances douteuses et encore davantage à une intervention armée qui ne provoquerait qu’une dangereuse escalade du conflit. Je défends une résolution diplomatique de la guerre avec des discussions entre ses différents acteurs. J’estime que cela aurait du être fait depuis 3 ou 4 ans.

3/ Enfin, je propose une lecture géopolitique qui semble absente des analyses médiatiques de ce conflit. Les intérêts géopolitiques, aussi bien des Occidentaux que des Russes et de leurs alliés respectifs, y jouent pourtant un rôle fondamental. C’est bien le rôle de la presse que de les analyser.

Pour résumer, mon article n’était en aucun cas une ode à Poutine (qui défend une vision idéologique qui n’est pas la mienne). Encore moins une ode à Bachar Al-Assad (le dernier paragraphe de mon article était, faut-il le rappeler, sans aucune ambiguïté à ce propos). C’était une ode à la paix, à la raison et à la politique. Et une dénonciation de l’hypocrisie et de la propagande de l’émotion.

Je n’avais jamais envisagé de résilier mon abonnement à Mediapart. J’estime qu’il est normal et même sain d’avoir des sujets de désaccord et de débat avec la rédaction. Je continue de penser que Mediapart est un bon journal en ligne, doté de journalistes de qualité. Mais cette fois-ci, une ligne rouge a été franchie. Je ne peux décemment pas continuer à payer l’abonnement d’un organe de presse qui censure mes billets de blog. Je constate – et je ne pense pas être le seul – que l’approche des élections présidentielles entraine un durcissement de la ligne éditoriale du journal. Ce n’est pas la première fois que je publie un article en rupture avec la pensée dominante. Au printemps 2015, je m’étais fendu d’un billet en défense d’Emmanuel Todd – qui se faisait littéralement carboniser dans les médias avec son livre « Qui est Charlie ? ». J’y développais un point de vue sensiblement différent de celui d’Hubert Huertas de Mediapart. Cela n’avait pas empêché Edwy Plenel de tweeter mon article. The Times They’re A-Changin.

J’ai la conviction profonde que Mediapart, en voulant fermer le débat, se trompe de stratégie. C’est par la confrontation d’idées et le dialogue, aussi dur soit-il, que nous vaincrons l’obscurantisme, le populisme, le complotisme, le racisme et toutes ces saloperies que nous combattons quasiment tous ici. Pour l’heure, je ne souhaite pas alimenter ce débat sans fin. A vrai dire, tout cela me dépasse déjà. Je suis un pacifiste qui aspire à une vie tranquille et paisible. Si Mediapart ne souhaite pas que des points de vue contradictoires à sa ligne soient publiés dans son Club alors tant pis. Il est temps pour moi de quitter le navire et de vous souhaiter à tous bon vent.

Source : Blog Mediapart, Swank, 25-12-2016


Commentaire de Edwy Plenel en réponse

Source : Blog Mediapart, Swank,

Cher Swank, nous avons republié votre « lettre énervée d’un abonné dégouté » (elle est ici). Elle avait été dépubliée par l’équipe restreinte chargée de la permanence du week-end qui a parfois bien le droit d’être à son tour « énervée et dégoutée ». Une chose est en effet de discuter et critiquer les choix éditoriaux de Mediapart, autre chose est de verser dans un dénigrement aveugle, tissé de préjugés et de mensonges, d’amalgames et d’excommunications, dans le déni de toute vérité sur ce qu’est ce journal.

Au mépris du travail informatif de Mediapart et de l’équipe qui le réalise, sans aucune source ni preuve – et pour cause, car c’est un pur délire (François Bonnet a rappelé ici quelques uns de nos articles qui le démontrent) –, votre billet nous qualifie ainsi de relais « de la propagande otanienne », épousant « le récit manichéen conforme à la ligne politique de Washington et du Quai d’Orsay », fidèles à une « ligne idéologique atlantiste », simples rouages d’une « machine d’endoctrinement ». Diaboliser ainsi ceux avec qui on est en désaccord, ce n’est pas débattre ni argumenter. C’est insulter leur libre arbitre, leur indépendance éditoriale et leur compétence professionnelle au prétexte d’une campagne aveuglément partisane. C’est surtout verser dans une vision complotiste du monde, propre aux idéologies les plus régressives et les plus obscures, ennemies de la raison et de l’émancipation, pour lesquelles l’adversaire est forcément manipulé, influencé, corrompu ou gangréné par une force étrangère.

La rédaction de Mediapart est donc en droit de rappeler à tout abonné que la Charte éditoriale, dont il a accepté les termes en souscrivant à Mediapart, prohibe explicitement, y compris envers notre rédaction, le « dénigrement », c’est-à-dire « toute contribution ayant pour objet d’attaquer la réputation d’un participant, de médire sur son compte, d’en parler avec malveillance et de manière répétitive » (relire ici la Charte). Ce rappel est une protection élémentaire pour un journal participatif qui compte à ce jour 128.000 abonnés actifs, d’horizons et de sensibilités diverses, ce nombre ne cessant de croître, de jour en jour. Nous ne pouvons accepter que les espaces contributifs soient pris en otage par des campagnes de dénigrement à sens unique, d’où qu’elles viennent, qui n’ont pas pour but de convaincre par le débat mais de discréditer par l’invective.

Nous sommes d’autant plus fondés à assumer cette position de ferme modération a posteriori que Mediapart ne filtre pas a priori les contributions de ses abonnés, au nom d’un « free speech » qui repose sur leur responsabilité et, donc, leur autodiscipline (comme le rappelle la Charte). Ce choix, que nous assumons, est unique dans le paysage de la presse, et d’autant plus de la part d’un journal dont l’audience n’est en rien confidentielle. C’est, par ailleurs, une prise de risque qu’aucun site de parti politique ou de candidat en campagne n’assume : toutes les contributions y sont filtrées préalablement, triées et, donc, censurées a priori afin de ne pas nuire à la cause ou au candidat défendu. Ceux qui abusent de la liberté offerte à Mediapart ne pourraient donc jamais faire de même sur les sites partisans des causes qu’ils prétendent défendre.

Comme je l’ai dit à un autre abonné en colère (c’est ici), le sectarisme brutalement exprimé depuis quelques jours par quelques abonnés qui se réclament de Jean-Luc Mélenchon et de sa campagne présidentielle ne sert ni leur cause ni leur candidat. Nous ne confondons évidemment pas cette surenchère avec la famille politique dont elle se réclame. Les dirigeants du Parti de gauche tout comme l’entourage du candidat savent ce qu’il en est : l’une d’entre eux, Corinne Morel-Darleux, était récemment notre invitée face à Yannick Jadot (c’est ici) ; Christophe Gueugneau couvre avec assiduité la campagne de « La France insoumise » (voir ses articles) ; en une année, nous avons réalisé et publié pas moins de trois longues interviews de Jean-Luc Mélenchon (elles sont ici, et ) ; enfin, lancée depuis cet été, notre invitation à ce qu’il soit l’invité principal de l’un de nos « MediapartLive », mensuels devenus hebdomadaires, est toujours pendante, n’attendant que la date qui lui conviendra – sans doute après la fin de la primaire socialiste.

Au début de Mediapart, lors de premières tensions participatives (car il y en eut plusieurs autres déjà, venant d’autres horizons politiques, de l’extrême droite, de la droite, du centre ou de la gauche), nous aimions rappeler ce qu’énonce la deuxième Déclaration des droits de l’homme, celle qui sert de préambule à la Constitution de l’An I, la première des constitutions républicaines : « La liberté est le pouvoir qui appartient à lhomme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits dautrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait. »

Cher Swank, cette dépublication éphémère de votre billet est un rappel à ce principe de base d’une discussion argumentée et raisonnée, dans le respect de toutes celles et de tous ceux qui en sont témoins.

Source : Blog Mediapart, Swank,


Vidéo Mediapart du 21 décembre 2016 :

Vidéo Médiapart du 15 décembre : Quelle Syrie après Alep ? (dont il est fait mention)

Débat vidéo avec Ziad Majed, chercheur et politologue libanais, Farouk Mardam-Bey, historien et éditeur franco-syrien, Leyla Dakhli, historienne, Hala Abdallah, cinéaste syrienne, et Nicolas Hénin, auteur de Jihad Academy et La France russe.

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Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

lesnievsky // 31.12.2016 à 04h17

Vous m’avez tout à fait convaincu, Monsieur Plenel.
En conséquence, j’annule mon abonnement à Mediapart.

174 réactions et commentaires - Page 2

  • nours77 // 01.01.2017 à 14h28

    Il me semble évident que nous avons a faire essentiellement a de la censure, sinon pourquoi ne pas attacher la réponse de médiapart a cette article exposant leurs point de vue aussi fulminant soit il… Non il a été supprimé… Ce n est pas de la colère mais de la peur qui a animée l équipe du weekend, M Edwy Plenel. La peur de ce que pourraient penser les lecteurs de mediapart en lisant cette lettre ouverte…

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  • Arcousan09 // 01.01.2017 à 17h59

    Il existe, sans conteste, une allégeance sans conditions de Médiapart ( ou Plénel) aux thèses officielles qui relèvent davantage de la manipulation de cervelles (au service des financiers et autres pétroliers) que de l’information. Un ersatz en quelque sorte …
    Dommage et heureusement qu’il existe d’autres sites afin de nous éviter d’être décérébrés …
    Par ailleurs, en écartant ce sujet de la Syrie et du Moyen Orient, Médiapart apporte des informations intéressantes

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  • Cognominal // 01.01.2017 à 22h02

    C’est, un peu, la même chose. La partition de la Syrie signifierait sans doute que le Golan occupé par Israël deviendrait territoire israëlien reconnu par l’ONU. Une première depuis la reconnaissace d’Israël par l’ONU, je crois

      +2

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  • Dufour Eric // 02.01.2017 à 06h31

     » (…) la stratégie occidentale en Syrie – celle du «regime change» – dont les seuls buts étaient d’affaiblir l’Iran et de débloquer le projet de pipeline du Qatar. »

    Parfaite analyse !

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  • Dufour Eric // 02.01.2017 à 06h40

     » Diaboliser ainsi ceux avec qui on est en désaccord, ce n’est pas débattre ni argumenter. C’est insulter leur libre arbitre, leur indépendance éditoriale et leur compétence professionnelle au prétexte d’une campagne aveuglément partisane. C’est surtout verser dans une vision complotiste du monde, propre aux idéologies les plus régressives et les plus obscures, ennemies de la raison et de l’émancipation, pour lesquelles l’adversaire est forcément manipulé, influencé, corrompu ou gangréné par une force étrangère.  »

    Et c’est un maître en la matière, M. Plenel, qui l’écrit !

    Pas mal aussi la « psychiatrisation » des propos de l’adversaire, en début du même paragraphe, pour les discréditer :  » (…) c’est un pur délire « 

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  • VAZY Francky // 02.01.2017 à 11h11

    Les gars, au lieu de vous palucher avec des mots, réveillez vous, reprenez donc vos vies en main, et virez nous de là tout ces hommes politiques et médias corrompus. Agir, c’est sans commune mesure avec tout vos blablas qui même s’ils sont intéressants, ne feront jamais avancer le schmilblick. Le constat, on le connait tous, maintenant il faut agir, manifester notre plus grand mécontentement, et le faire savoir fort et clair à tout le monde, en organisant nous même des manifestations monstres qui leur feront aussi peur qu’ils ne cherchent à nous terroriser !

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    • Alfred // 02.01.2017 à 16h20

      Vas-y Franky on te suit……

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  • georges glise // 02.01.2017 à 15h23

    j’étais naguère abonné à mediapart, et j’avais envisagé de m’y réabonner cette année, because élection présidentielle! finalement je ne me réabonnerai pas.je m’étais désabonné parce que plenel me semblait trop proche des islamistes du type frères ramadan. je ne me réabonnerai pas parce que je partage le dégoût de svank devant l’alignement de médiapart devant la doxa des medias main street en ce qui concerne la syrie, les méchants bachar et poutine et les gentils rebelles. la russophobie de mediapart a atteint la même proportion que celle du gouvernement français. cette vision univoque de l’histoire m’est insupportable, je suis un vieux monsieur de 75 ans qui en a vu bien d’autres, je me consolerai.en tout cas, merci à monsieur svank pour sa recherche de la vérité.

      +0

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  • Pinouille // 02.01.2017 à 16h36

    Edwy Plenel prétend dans sa réponse que les journalistes de Médiapart :
    – ont leur libre arbitre
    – sont indépendants
    – sont compétents
    Leur travail à contre courant sur maintes affaires sensibles me porte à le croire (ce n’est pas le cas de tout le monde sur ce blog manifestement).

    Ce qui me navre, en revanche, c’est qu’il réduit à tort la critique de Swank à une tentative de diabolisation du journal. Dès lors, Edwy Plenel dégaine très (trop) rapidement les qualificatifs dont il est friand: aveuglement, complotisme, obscurantisme.
    Fin du débat… Et il manque du coup de répondre aux critiques de fond de Swank.

    Gageons que la réalité du terrain Syrien, telle qu’exposée par Swank et bien d’autres, fasse à minima l’objet d’un débat au sein du journal. Si les analyses ne sont pas partagées, ce sera au moins l’occasion rêvée de traiter des sujets oh combien actuels:
    – la propagande en 2017
    – fiabilité de l’information de guerre
    – où s’arrête le journalisme et où commence l’idéologie?

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  • juju77 // 02.01.2017 à 17h35

    J’ai été abonné à Médiapart pendant près d’un an.
    Le traitement de l’affaire « Clearstream 1 » et surtout les articles mettant en cause Denis Robert m’ont rapidement détourner durablement de ce journal.
    Et malgré tout l’excellent travail sur pleins d’autres sujets internes, je me demandais quand même si
    cet excellent travail d’information sur pleins de sujets mineures ne cachait pas le fait que sur tous les sujets majeurs (clearstream, crises internationales, ..) le traitement de médiapart restait en général indigne et propagandiste « main-stream ».
    L’argument d’Olivier se tient peut être mais à force de se décridibiliser sur des sujets d’importances cela ne donne aucune envie de les appuyer sur des sujets mineurs.
    ça fait penser au Canard Enchainé qui n’a plus sortis de scandales majeurs depuis si longtemps
    ou pire France Inter qui a découvert en 2016 la possibilité de sortir un « scoop » sur les moeurs machistes à l’assemblée nationale et dans les ministères (Denis Baupin, Michel Sapin, ..) – whaouh on découvre l’eau froide et les sujets majeurs restent dans le fond du panier ..
    pour finir: Non je ne soutiendrais plus Médiapart il y a tellement d’autres bons médias indépendant et/ou militants qui ont besoin de notre publicité .

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  • BOURDEAUX // 03.01.2017 à 20h13

    Quand Swank écrit : « Ayant reçu beaucoup de messages m’interrogeant sur les raisons de la disparition soudaine de ce papier, je me sens obligé de préciser certaines choses : », l’entretien d’OB après l’élection de TRUMP me revient en mémoire…j’avoue que l’absence totale d’explication d’Olivier sur la disparition de cet entretien est un peu frustrante, d’autant que tout commentaire s’interrogeant sur le sujet a été systématiquement censuré pour une raison que j’ignore mais qui, en l’espèce est forcément mauvaise. Donc quand je lis les billets relatifs à l’info transparente sur ce blog, je suis devenu très dubitatif…

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