Depuis une semaine, l’IGPN est la cible de critiques virulentes. Sur les réseaux sociaux, beaucoup ragent contre la synthèse de l’enquête administrative de la police des polices, rendue publique mardi par le Premier ministre, Edouard Philippe. En substance, ce document n’établit aucun lien direct entre l’intervention des forces de l’ordre, la nuit du 21 au 22 juin, et les chutes de fêtards dans la Loire. L’un d’eux, Steve Caniço, 24 ans, a perdu la vie. Vendredi, durant deux bonnes heures, la directrice l’IGPN, Brigitte Jullien, et le chef de l’unité de coordination des enquêtes, David Chantreux, ont répondu aux questions de Libération. Un entretien musclé, notamment lorsque nous avons abordé le contenu des vidéos de l’opération de police, révélées sur notre site le 12 juillet.

Depuis mardi et la divulgation de la synthèse de votre enquête administrative sur l’opération de police qui s’est déroulée la nuit de la disparition de Steve à Nantes, l’IGPN est accusée de blanchir les fonctionnaires. Comment réagissez-vous ?

David Chantreux : C’est faux. Nous n’avons jamais écrit ça, et nous n’avons jamais eu la volonté de blanchir qui que ce soit. La colère et les attaques que nous subissons affectent terriblement nos enquêteurs, en premier lieu ceux de la délégation de Rennes, qui ont rédigé ce rapport. Quand j’allume la radio et que j’entends que c’est terminé, que l’IGPN a complètement dédouané les forces de police et que c’est la fin de l’histoire, moi aussi je m’insurge. Je comprends que quand on leur dit ça, les gens soient en colère. Mais ce n’est pas la réalité.

Comment votre enquête a-t-elle été ­menée ?

D.C. : C’est une enquête administrative prédisciplinaire, qui répond au devoir de réaction de l’administration. La disparition de quelqu’un à l’occasion d’une intervention de police constitue un devoir de réaction, indépendamment de la légitimité ou de l’illégitimité de l’usage de la force. Car une procédure judiciaire [une instruction «pour homicide involontaire» a été ouverte mardi par le procureur de Nantes, Pierre Sennès, ndlr] ne vaut jamais réponse de l’administration. Toutefois, cela ne veut pas dire que l’on doit faire toute la lumière. Cela veut dire qu’on doit faire ce qu’on peut avec les moyens dont on dispose dans le cadre d’une enquête administrative. Et ce ne sont pas des moyens de police judiciaire : ce sont les mêmes moyens que n’importe quelle autre administration. Il n’est par exemple pas possible d’accéder aux procès-verbaux de plainte. On ne peut pas non plus convoquer des tiers, ils doivent se présenter spontanément. Mardi, on a donc rendu les conclusions d’une enquête administrative, qui est circonscrite, et qui au regard de l’ampleur de l’affaire et de la gravité des faits, ne peut pas répondre en trois semaines à la question posée. Quand l’administration ne parvient pas à établir la vérité, la loi permet d’ailleurs, et heureusement, à la justice d’apporter des faits nouveaux à l’administration.

Puisque la justice vous a également saisi de l’enquête judiciaire, vous avez donc des policiers de l’IGPN qui travaillent pour les juges avec tous les moyens dont ils disposent. En cela, ils vont recueillir des éléments intéressants, entendre de potentielles victimes. Et, dans le bureau d’à côté, vous avez d’autres policiers de l’IGPN, qui doivent eux aussi comprendre s’il existe un lien entre cette même intervention et les chutes de personnes dans la Loire, mais ils ne peuvent pas se parler, et n’ont pas accès à tout ça car ils mènent une enquête administrative ?

D.C. : Bien sûr qu’ils vont se parler. Mais […]

Lire la suite sur : Libération, Willy Le Devin, Ismaël Halissat, 04-08-2019