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11.octobre.202011.10.2020 // Les Crises

Procès Assange Jour 10 : Fairbanks assure que Trump a exigé l’arrestation d’Assange

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Source : Consortium News, Joe Lauria
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Consortium News suit virtuellement le déroulé du procès de Julian Assange à Old Bailey à Londres. Chaque jour, il publie un compte rendu détaillé de l’audience. L’équipe Les-Crises vous en propose la traduction exclusive.

5h01 EDT : La cour est en session. Le premier témoin de la défense est Christian Grothoff, professeur d’informatique à l’université de Berne, en Suisse. Il est spécialiste de la sécurité des réseaux et la cryptographie. Il a été chargé d’enquêter sur la diffusion dela version non expurgée des câbles diplomatiques en septembre 2011.

7h20 EDT : Le témoin de la défense Christian Grothoff, professeur d’informatique à l’université de Berne, en Suisse, a présenté la chronologie de la publication des câbles non censurés du Département d’État qui sont au cœur de cette affaire.

Il fait remonter ça à la publication du mot de passe dans le livre de David Leigh et Luke Harding de février 2011. Grothoff a ensuite expliqué que la publication allemande Freitag a écrit le 25 août 2011 que le mot de passe était disponible dans le livre, ce qui a conduit à la publication des câbles le 31 août sur un site torrent [Le torrenting est un protocole de partage de fichiers populaire basé sur la technologie peer-to-peer (P2P). Il permet à un grand nombre d’utilisateurs de se connecter et de partager du contenu sans avoir recours à une source unique de téléchargement, NdT], suivie de leur publication par Cryptome.org le 1er septembre.

WikiLeaks l’a ensuite publié le 2 septembre, et Grothoff a témoigné que WikiLeaks était un « éditeur responsable » qui a essayé de protéger les câbles non censurés. L’avocat de la défense Mark Summers a demandé directement à Grothoff si les fichiers étaient toujours disponibles sur Cryptome.

Grothoff : « Oui, j’y ai accédé la semaine dernière. »

Summers : « Cryptome a-t-il déjà été poursuivi pour ça ? »

Grothoff : « La défense ne m’a jamais donné d’informations à ce sujet, non. »

Lors du contre-interrogatoire, le procureur Joel Smith a tenté, comme l’accusation l’a fait avec pratiquement tous les témoins de la défense, de saper l’impartialité de Grothoff.

Smith : « Pouvez-vous penser à quelque chose qui prouverait que vous n’êtes pas impartial ? »

Grothoff : « Je ne sais pas à quoi vous pensez. Nous savons évidemment que M. Assange a publié des informations sur les crimes de guerre commis par des gouvernements, ce qui fait de lui un personnage sympathique. Mais cela ne me rend pas partial ».

Smith a ensuite déclaré que Grothoff avait signé une lettre ouverte au Président Donald Trump en 2017, lui demandant de mettre fin au grand jury et d’abandonner toutes les charges contre Assange en raison de la menace que cela représentait pour la liberté de la presse. Grothoff a déclaré qu’il ne se souvenait pas avoir signé la lettre.

Grothoff : « Je pense que ces poursuites sont injustes, mais j’ai seulement essayé de voir s’il existait un fondement pour des accusations et je n’ai rien trouvé ».

Smith : « Vous prenez parti, vous êtes partial. »

Grothoff : « Non, vous confondez les actions entreprises par WikiLeaks pour cacher ces câbles. Donc, quand vous dites que WikiLeaks a publié ces câbles en premier, vous vous trompez et n’avez pas fait votre travail. Il est injuste d’accuser M. Assange d’avoir publié ces câbles ».

Smith : « Quand vous avez signé cette lettre, aviez-vous connaissance de la publication des câbles non censurés ? »

Grothoff : « Oui. Même à ce moment-là, il m’a semblé clair que l’éditeur principal n’était pas WikiLeaks car ils étaient connus pour être des gens responsables. Je savais donc qu’il avait perdu tout contrôle sur les câbles. » Lors du contre-interrogatoire, Mark Summers, pour la défense, a déclaré que parmi les autres signataires de la lettre envoyée à Trump se trouvaient d’anciennes personnalités de l’armée et des services de renseignement américains, des juges et des membres du Bundestag allemand.

L’accusation a évoqué un sondage mené par WikiLeaks sur Twitter et Facebook le 1er septembre 2011, après que les dossiers aient été publiés sur Cryptome. Le vote portait sur la question de savoir si WikiLeaks devait ou non diffuser les câbles. Smith a déclaré à la Cour que le « vote global » était de 100 contre 1 pour la publication.

La défense n’a pas soulevé le fait que la principale raison donnée lors du débat avant le vote était que les gouvernements seraient les plus susceptibles de trouver les fichiers sur Cryptome, ou de décrypter les fichiers eux-mêmes à partir du mot de passe que Leigh avait mis à disposition, et que WikiLeaks voulait utiliser son audience qui était plus large pour alerter les informateurs dont les noms avaient été révélés afin qu’ils se mettent en sécurité.

Grothoff avait déclaré, lors de l’interrogatoire direct, qu’Assange avait été extrêmement réticent à l’idée de donner à Leigh le code d’accès à l’ensemble des archives non expurgées, mais qu’il avait fini par céder. Lors de la re-direction, Summers a lu un passage du livre de Leigh dans lequel le journaliste du Guardian a fait pression sur Assange pour qu’il lui donne la totalité de la cache. Assange avait proposé à Leigh de lui donner 50% des archives. Leigh et Harding ont écrit :

« Leigh a refusé. Tout ou rien, a-t-il dit. Que se passe-t-il si vous vous retrouvez en combinaison orange en route pour Guantánamo avant de pouvoir divulguer l’intégralité des fichiers ? En échange, il promettait à Assange de garder les câbles en sécurité et de ne pas les publier avant le moment venu ».

Grothoff a déclaré que la mention de Guantanamo faisait partie des pressions exercées sur WikiLeaks. A l’époque, le 1er septembre 2011, The Guardian avait publié une déclaration :

« Il est absurde de suggérer que le livre WikiLeaks du Guardian ait compromis la sécurité de quelque façon que ce soit.

« Notre livre sur WikiLeaks a été publié en février dernier. Il contenait un mot de passe, mais aucun détail sur l’emplacement des fichiers, et on nous a dit que c’était un mot de passe temporaire qui expirerait et serait supprimé en quelques heures.

« C’était une information sans signification pour quiconque, sauf pour la ou les personnes qui ont créé la base de données.

« Aucune inquiétude n’a été exprimée lors de la publication du livre et si quelqu’un chez WikiLeaks avait pensé que cela compromettait la sécurité, ils ont eu sept mois pour supprimer les fichiers. Le fait qu’ils ne l’ont pas fait démontre clairement que le problème n’a pas été causé par le livre du Guardian ».

Il est possible que tout cela ait été une vraie bourde. Il est également possible que personne chez WikiLeaks n’ait vu le livre avant l’article du Freitag.

L’accusation semble vouloir brouiller les pistes en évoquant les 133 000 dossiers diplomatiques que WikiLeaks a publiés en août 2011, avant la publication des câbles non censurés. Ces dossiers étaient issus des missions américaines dans de nombreux pays dont l’Iran, la Chine, la Russie, Israël, le Yémen, la Syrie, l’Australie, le Bahreïn et le Zimbabwe. Grothoff a déclaré qu’il avait analysé tous ces dossiers et avait constaté qu’aucun de ceux-ci n’étaient classifiés.

Le gouvernement prétend que les noms de certains informateurs figuraient dans certains de ces documents. Le journaliste allemand John Goetz, qui a témoigné pour la défense mercredi dernier, a déclaré que si certains de ces documents portaient la mention « Strictement protégé », les noms des informateurs n’y figuraient pas.

Les États-Unis reconnaissent que WikiLeaks n’a pas été le premier à publier des câbles diplomatiques non censurés, mais que c’est celui qui a eu la plus grande portée

8h24 EDT : L’accusation lundi matin tentait d’établir que même si WikiLeaks n’était pas le premier à publier des câbles non censurés du département d’État contenant les noms des informateurs (même si seul Julian Assange est poursuivi pour cela), cela rendait WikiLeaks plus responsable que les autres qui ont publié les premiers, car WikiLeaks a une plus grande portée sur Internet et a inclus un moteur de recherche avec les fichiers, contrairement à ceux qui ont publié des câbles avant lui.

C’est un curieux argument du gouvernement dans la mesure où, jusqu’à présent, il a tenté d’établir que WikiLeaks était le premier, ou le seul, à avoir publié. L’acte d’accusation contre Assange ne fait aucune mention de la chronologie de la publication, ce qui est crucial car, comme la défense tente de l’établir, WikiLeaks n’aurait pas du tout publié les archives non expurgées si d’autres ne l’avaient pas fait en premier. Cela pourrait équivaloir à une poursuite sélective.

L’argument de l’accusation est similaire à l’abandon de son affirmation selon laquelle Assange n’est pas un journaliste, en précisant que rien ne s’oppose à ce que les États-Unis inculpent un membre des médias pour avoir divulgué des informations relatives à la défense nationale.

Grothoff (YouTube)

9h38 EDT : L’accusation a fait valoir que ce n’est que ce matin là qu’elle avait appris la comparution du témoin de la défense suivant, le journaliste Andy Worthington, et qu’elle n’avait donc pas eu le temps de préparer le contre-interrogatoire. Ce qui est quelque peu étonnant, car les témoins de la défense ont à plusieurs reprises fait savoir qu’ils recevaient un tas de documents de l’accusation parfois quelques heures seulement avant qu’ils ne témoignent, ce qui ne leur laissait pas le temps de préparer le contre-interrogatoire.

Il semble que Worthington ne comparaîtra pas en tant que témoin et que la journaliste Cassandra Fairbanks pourrait être la suivante.

Fairbanks témoigne que c’est Trump qui a exigé l’arrestation d’Assange

11h48 EDT : La journaliste Cassandra Fairbanks a témoigné du fait que le président Donald Trump avait personnellement décidé de l’arrestation de Julian Assange au sein de l’ambassade équatorienne à Londres en avril 2019.

Cassandra Fairbanks (Twitter)

Fairbanks a déclaré avoir appris en octobre 2018, directement d’Arthur Schwartz, partisan de Trump et membre du cercle restreint du président, que les États-Unis voulaient faire enlever Assange de l’ambassade équatorienne ; qu’il ne serait accusé que des fuites de Chelsea Manning et non des communiqués par mails de la CIA ou de la DNC diffusés par Vault 7 ; que les États-Unis allaient de nouveau faire pression sur Manning pour qu’elle témoigne contre Assange ; que Richard Grenell, alors ambassadeur des États-Unis en Allemagne et plus tard directeur des services de renseignements nationaux, avait conclu un accord avec l’Équateur pour remettre Assange, que l’ordre d’extrader Assange était venu directement de Trump et que les États-Unis ne demanderaient pas la peine de mort afin de rendre l’extradition possible.

Toute cela s’est réalisé, a témoigné Fairbanks. Armée de ces informations, elle s’est rendue à Londres depuis Washington et a rencontré Assange à l’ambassade où elle lui a révélé ces détails.

À son retour, elle dit avoir été contactée par Schwartz qui était furieux d’avoir appris, manifestement par le biais du réseau de surveillance de l’ambassade, qu’elle avait informé Assange. Lorsqu’elle a tweeté à ce sujet, Grenell a contacté son employeur à The Gateway Pundit et a tenté de la faire licencier. Schwartz en panique l’a informée qu’une enquête était en cours pour savoir qui lui avait transmis cette information. Fairbanks a mis en ligne l’enregistrement audio de l’appel de Schwartz, dans lequel il craignait d’aller en prison.

Selon elle, Schwartz avait déclaré qu’Assange et tous les autres membres de WikiLeaks devraient recevoir des « injections mortelles ».

Son témoignage a été lu par l’avocat de la défense Edward Fitzgerald après que le gouvernement s’y soit opposé. Mais la défense a fait valoir que les règles du ouï-dire ne s’appliquent pas aux témoignages politiques. Son témoignage, en particulier sur le rôle de Trump, a renforcé l’argument de la défense selon lequel l’accusation d’Assange est politique et viole donc le traité d’extradition entre les États-Unis et le Royaume-Uni.

Il était probablement préférable que l’accusation renonce au contre-interrogatoire, ne dise rien et laisse simplement le témoignage de Fairbanks être lu au tribunal. Elle a déclaré qu’elle était une partisane de WikiLeaks et que donc le procureur ne pouvait pas la poursuivre pour avoir caché son parti pris. Il aurait été difficile de laisser de côté son témoignage, d’autant plus qu’elle avait des enregistrements. Et le procureur n’aurait pas voulu aborder la question de la surveillance à l’ambassade ni le fait que ce soit Trump qui ait exigé l’arrestation.

Source : Consortium News, Joe Lauria, 21-09-2020
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Commentaire recommandé

Rond // 11.10.2020 à 10h06

« La raison du plus fort est toujours la meilleure » … « Tu la troubles reprit cette bête cruelle et je sais que de moi tu médis l’an passé » … « On me l’a dit : il faut que je me venge. »
Qui est « votre Majesté », Trump, une autre marionnette, ou la machine infernale qu’ils servent et vénèrent ?
Tenez bon !

5 réactions et commentaires

  • Rond // 11.10.2020 à 10h06

    « La raison du plus fort est toujours la meilleure » … « Tu la troubles reprit cette bête cruelle et je sais que de moi tu médis l’an passé » … « On me l’a dit : il faut que je me venge. »
    Qui est « votre Majesté », Trump, une autre marionnette, ou la machine infernale qu’ils servent et vénèrent ?
    Tenez bon !

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    • Rond // 11.10.2020 à 20h04

      A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire …
      Moyennement étonné que le procès d’Assange intéresse aussi peu. Encore un héro de moins en plus, dans une série glauque, au scénario bâclé, à la fin ultra prévisible. A moins que … Que ce monde me surprenne !
      Tenz bon !

        +1

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  • Lupo // 12.10.2020 à 06h32

    Le vrai pouvoir est celui qui est reconnu, plébiscité … pas celui qui est imposé.

    Les USA ne tiennent encore leurs pouvoirs que par la force, la crainte, la peur. L’Etat américain n’est qu’une machine à broyer, Julien Assange n’est, malheureusement, qu’un exemple, un crucifié à tort …

    La reconnaissance de toute le bien que Julien Assange a fait ne pourra avoir liue que quand la bête ne sera plus, c’est à dire pas pour le moment !

    Julien Assange, c’est une affaire pour Amnesty International, les enjeux dépassent largement les pouvoirs de la juctice (qui ne porte pas son nom). Enfin moi, je n’y crois plus …

      +3

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  • Fatie // 12.10.2020 à 09h25

    Le problème d’Assange c’est que son affaire arrive à un moment où les ONG telles AI, HRW, TI, ont perdu toute crédibilité. D’ailleurs on ne les entend pas beaucoup car elles-mêmes l’ont bien compris et il en est de même pour les médias, même ceux qui se prétendent vertueux. Tout ce beau monde, au lieu de défendre le juste, indépendamment de tout autre considération, s’est fourvoyé dans la manipulation pour se conformer à des agendas douteux. Un proverbe africain dit : pour grimper à un arbre il faut avoir la culotte propre. Cela fait longtemps que leur culotte a été salie et je crois bien qu’ils n’ont même plus de culotte

      +1

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  • Rémi // 13.10.2020 à 10h00

    Ce que j’aimerias bien savoir c’est si et comment les gouvernement tiennent la juge. Cela mériterais quelques investigations.

      +0

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