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5.novembre.20115.11.2011
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Climat : Les cycles solaires longs

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Suite du billet sur les cycles solaires courts. L’index général de la série de billets sur le réchauffement climatique est disponible ici

Il apparaît clairement sur le graphique précédent que le Soleil ne connait pas que des cycles identiques se reproduisant tous les 11 ans.

En fait, les maxima connaissent également une variabilité dans le temps, qui suit elle-même plusieurs cycles, comme nous allons le voir.

Si nous représentons le nombre moyen de taches solaires sur 10 ans glissants (donc la durée d’un cycle), on obtient ce graphique :

Cycles solaires

On note bien la grande variabilité de cette moyenne, et apparaît alors un second cycle solaire : le cycle de Gleissberg , qui dure entre 80 et 90 ans.

Bien entendu, pour observer les cycles longs du soleil, il convient de disposer de beaucoup d’années de recul sur son activité.

Or, nous mesurons celle-ci essentiellement par le nombre de taches solaires, c’est-à-dire par un résultat réalisé à la main, qui l’est de manière assez fiable depuis 1750. Il n’y a guère d’observations antérieures…

Pour débloquer notre analyse, nous allons avoir d’un allié : le Carbone 14.

Le Carbone 14

Vous avez déjà entendu parler du Carbone 14, car celui-ci sert à dater de la matière organique. Le Carbone 14 est en fait un isotope du Carbone. Rappelons-en la définition.

Carbone 14Les particules principales constituant la matière sont les protons et les neutrons, dans le noyau et qui ont à peu près la même masse, et les électrons qui tournent autour et qui ont une masse négligeable en comparaison (l’électron est 1835 fois moins lourd que le proton). Les électrons tournent très loin du noyau : si on imagine un atome qui aurait 100 mètres de diamètre, le noyau aurait la taille d’un petit pois. Les atomes sont surtout faits de vide.

Carbone 14 Un élément chimique (il y en a une bonne centaine) est caractérisé par son nombre de protons (et d’électrons pour l’atome neutre). Dire l’atome aux 6 protons ou dire carbone, c’est la même chose, le carbone a par définition 6 protons. De même, le fer a 26 protons et l’or en a 79. C’est le numéro atomique, spécifique à chaque élément chimique. Par contre, le nombre de neutrons peut varier, ce qui va changer le poids de l’atome mais pas ses propriétés chimiques : ce sont les isotopes d’un élément chimique (de iso= même et tope= endroit, donc isotope= même endroit, en fait dans le tableau de Mendeleev qui reprend tous les éléments chimiques). La plupart des éléments chimiques ont plusieurs isotopes.

Le Carbone a deux isotopes stables : le Carbone 12 (6 protons et 6 neutrons, 98,89% du carbone) et le Carbone 13 (6 protons et 7 neutrons, 1,11% du carbone). Il a également un isotope instable, radioactif, le Carbone 14 (6 protons et 8 neutrons), très peu abondant : il y a environ un atome de Carbone 14 pour 750 milliards d’atomes de Carbone 12…

Carbone 14

Le Carbone 14 est radioactif, autrement dit il se désintègre et disparaît progressivement. Sa demi-vie est de 5 730 ans, c’est-à-dire qu’après 5 730 ans il en reste la moitié, après 11 460 ans, il en reste le quart, etc. Après 4 ou 5 périodes de demi-vie, il n’en reste plus que quelques pourcents.

Carbone 14

On comprend donc pourquoi on utilise le Carbone 14 pour la datation – c’est Willard Libby qui a mis au point la technique de datation au carbone 14. Il a d’ailleurs reçu le prix Nobel de chimie en 1960 pour son invention.

En effet, le carbone radioactif se lie avec de l’oxygène pour former du dioxyde de carbone ; respiré par les plantes, elles l’utilisent pour leur croissance grâce à la photosynthèse. Tant que l’endroit où se trouve le Carbone est en contact avec l’atmosphère, comme dans un être vivant ou de l’eau en contact avec l’atmosphère (rivières, lacs, océans, piscines, etc), le rapport entre le <sup>12</sup>C et le <sup>14</sup>C est celui de l’atmosphère et il reste constant. Par contre, dès que l’organisme meurt, ou si l’eau est enfouie dans le sol, le Carbone est isolé et le Carbone 14, se désintégrant, disparaît progressivement. La proportion de Carbone 14 va diminuer avec le temps et en la mesurant, on peut dire depuis combien de temps le matériau, organisme mort ou l’eau, a été enfoui. Le Carbone 14 est utilisable pour des matériaux datant de 500 à 70 000 ans environ.

Ceci étant, ce n’est cet utilité du Carbone 14 qui nous intéresse, mais le fait que Carbone 14 est en fait créé par les rayons cosmiques dans la haute atmosphère 🙂

En effet, s’il reste encore du carbone 14 à l’heure actuelle alors que la Terre a été formée il y a 4,55 milliards d’années, c’est parce que le carbone 14 est produit en permanence dans l’atmosphère : les rayons cosmiques comprennent des neutrons libres qui entrent en collision avec l’air qui comprend à 78 % de l’azote et ces neutrons arrivent de temps en temps à prendre la place d’un proton. Un atome d’azote (7 protons) qui perd un proton devient du carbone (6 protons). Comme l’azote possède 7 neutrons auxquels s’ajoute le neutron cosmique, ce carbone néoformé possède 8 neutrons, ce qui fait une masse de 14, c’est le carbone 14.

Carbone 14

En fait, ce qui nous intéresse ici, c’est que le niveau du rayonnement cosmique est inversement proportionnel à l’activité solaire.

En conclusion de cette partie un peu technique, il suffit juste de retentir qu‘il existe un lien très fort entre l’activité solaire et le niveau de Carbone 14 dans l’atmosphère.

Comparons les 2 données depuis 400 ans :

Cycles solaires

(l’échelle du Carbone 14 est inversée comme vous le notez, pour bien voir la corrélation).

Signalons que cette corrélation ne marche plus depuis le XXe siècle, comme la méthode de datation au Carbone 14 depuis cette période. En effet, le problème de cette méthode est qu’elle repose sur une hypothèse de taux stable de gaz carbonique dans l’atmosphère et du Carbone 14. Or, depuis le siècle dernier, la concentration de Carbone 14 a été très fortement influencée par l’activité humaine, par 2 phénomènes contraires :

  • la concentration a tendance à fortement diminuer en raison de l’utilisation des hydrocarbures qui relâchent dans l’atmosphère du CO2, quasiment dépourvu de 14C, qui s’est désintégré depuis longtemps dans le sous-sol… ;
  • la concentration a explosé lors des tests nucléaires atmosphériques, qui ont créé énormément de 14C.

Observons en effet la concentration récente en 14C de l’atmosphère :
Cycles solaires

Les niveaux de carbone 14 sont donc en train de se rapprocher de la normale.

L’effet des tests nucléaires atmosphériques est patent… Bien que nous nous éloignons de notre propos, mais l’information étant intéressante et titillant ma propension à la digression, je vous propose ces 4 graphiques illustrant les essais nucléaires passés. Commençons par le total mondial des essais par nation :

Essais nucléaires

et par ceux qui ont été seulement aériens (ils s’opposent aux souterrains) :

Essais nucléaires aériens

voici le même exercice avec la puissance dégagée, très variable suivant l’essai :

Essais nucléaires

Essais nucléaires atmosphériques

On voit immédiatement la raison du retour vers la normale du 14C : le Traité de Moscou de 1963… {NB. : merci à Alain pour son aide !}

Les cycles solaires très longs

Concluons donc notre étude des cycles solaires.

DendrochronologieNous pouvons dès lors étudier la concentration passée du Carbone 14 en analysant les stries concentriques des troncs d’arbres les plus anciens : c’est la dendochronologie.

Dendrochronologie

Comme nous avons mis en avant la corrélation entre l’activité solaire et la concentration du Carbone 14, nous allons pouvoir utiliser cette dernière mesure pour remonter dans le temps sur 1 200 ans :

Cycles solaires

Un nouveau cycle de 150 à 200 ans, dit cycle de Suess apparaît alors. Il est probablement en relation avec le cycle des planètes géantes gazeuses Jupiter et Saturne.

Il détermine de nettes périodes de minima et maxima d’activité, correspondant à des minima et maxima de températures de la planète :

  • Minimum de Oort : 1010-1050
  • Maximum médiéval (dit Optimum médiéval) : 1100-1250
  • Minimum de Wolf : 1280-1350
  • Minimum de Spörer : 1450-1550
  • Minimum de Maunder : 1645-1715
  • Minimum de Dalton : 1790-1830
  • Maximum moderne : 1950-1990

Enfin, nous pouvons pousser le modèle dans ses retranchements, et observer l’activité solaire depuis 11 000 ans :

Cycles solaires

On observe alors les 2 derniers cycles très longs du soleil :

  • le cycle de Hallstattzeit, de 2 300 ans ;
  • et un super-cycle d’environ 6 000 ans…

En conclusion, rappelons les 5 cycles du soleil :

  • le cycle de Schwabe : 11 ans ;
  • le cycle de Gleissberg : 80 à 90 ans ;
  • le cycle de Suess : 150 à 200 ans ;
  • le cycle de Hallstattzeit : 2 300 ans ;
  • le « super cycle » : 6 000 ans.

Dans le billet suivant, vous trouverez une présentation des cycles de Milankovitch.

6 réactions et commentaires

  • JPS1827 // 05.11.2011 à 07h46

    Bravo pour cette série remarquable !

      +0

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  • Bob Visser // 05.11.2011 à 09h55

    Magnifique!! Merci beaucoup pour cet article fort interessant.
    Salut BV
    Jobourg RSA
    384V

      +0

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  • Alain34 // 05.11.2011 à 14h18

    Vraiment très intéressante cette série.

    Outre le coté curiosité scientifique, ‘historique’, connaissance de notre monde, de notre univers, attention aux conclusions que l’on pourrait en tirer, que ce soit pour le climat ou pour autre chose.
    Tout cela se passe sur des échelles de temps monstrueuses et il nous manque beaucoup de données.

    Alors, certes, on peut faire certaines suppositions fort probablement justes tel qu’on le voit ici, mais personne ne peu dire si par exemple, une comète ne c’est pas crachée sur le soleil en -9000 créant ainsi un ‘cycle’ non ‘prévu’. De plus, le soleil est quand même une énorme (et le mot est faible) explosion thermonucléaire, contenant probablement des phénomènes quantiques qui nous dépassent encore… et parler de ‘cycles’ et de super-cycles dans ces conditions me semble un peu osé.

    Pour moi c’est plus l’équivalent d’un bruit aléatoire dont on cherche a déterminer avec une fréquence d’échantillonnage de 1 an,  la ‘couleur’ en étant placé a l’instant T et dont on a qu’une idée assez précise de ce qu’il a été entre T et T-200 et une très faible idée de ce qu’il a pu être entre T et T-11000… et je parle même pas de T-10000000… Autrement dit, un échantillon ridiculement petit.

    Exemple : prenez en aveugle un CD dans votre CDthèque (avec les mp3 et la compression c’est plus compliqué 🙂 ), choisissez (toujours en aveugle) un morceau de musique sur un CD, donc échantillonnée a 44kHz (0.000023 secondes). Positionnez vous n’importe ou sur le morceau. Prenez 200 échantillons en amont, vous aurez 0.004 secondes de ‘musique’. Remontez de 11000 échantillons (mais en en prenant 1 sur 100 seulement, on manque de précision) , vous en aurez 0.25 secondes, mais pas très précises, vous aurez surtout les basses, les aigus passent à la trappe.

    Avec cela, essayez de deviner si c’est du Mozart ou du Ramstein, quel titre, etc etc… et notamment quelle va être la suite ?

    Donc oui, on peut y trouver des cycles, et même en faire une ‘analyse spectrale’, mais il ne faut pas perdre de vue que l’on a un échantillon extrèmement petit, et donc faire attention aux conclusion à en tirer.
    De plus, ne pas oublier que les répercutions sur la terre sont encore plus complexe, atmosphère et océan ‘amortissent’ les effets direct du soleil, là encore de manière extrèmement complexe. Auquel il faut rajouter l’activité de la terre (noyaux chaud), de l’homme, des rayons cosmiques, des champs magnétiques, etc etc…

    Bref, prévoir le climat de demain c’est savoir comment tout cela se comporte…
     

    En électronique, ça reviendrait a essayer de deviner le signal qui sortirait d’une boite noire active (le noyaux de la terre apporte de l’énergie) et perturbé par des éléments que l’on ne maitrise pas (rayons cosmiques, champs magnétiques, etc) quand on lui envoi un signal dont on a seulement un petit échantillon imprécis. pour couronner le tout le signal de sortit serait réinjecté dans la boite noire…
    Donc, en gros, on cherche a comprendre les réaction d’un système asservi actif a un signal aléatoire dont on à un très faible échantillon incomplet.

    Prenez un électronicien de base , demandez lui de faire un montage avec des composants de bases : résistances, condensateurs, selfs, transistor, une pile, pour bidouiller au maximum votre échantillon de musique. Puis écoutez e CD… ça risque d’être très surprenant… maintenant, mettez le montage dans une boite noire et donnez le avec l’échantillon de 0.25s a une armée de prix nobel de math, physique et tout ce que vous voulez, et demandez leur de deviner la forme du signal qui doit sortir de la boite quand on y injectera la suite de la musique (qu’ils ne connaissent pas bien sur)………
     
    PS : tout cela n’enlève absolument rien a l’intérêt de la chose 🙂
    PS2: j’ai du en larguer quelques uns en route, désolé, j’suis coincé par les intempéries, je m’occupe 🙂

      +1

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  • AlexHanin // 06.11.2011 à 18h47

    @Alain Honnêtement, je pense que vous devriez vous intéresser plus au sujet en question en moins aux comparaisons hasardeuses visant à démontrer que « blanc » peut en fait signifier « noir » et vice-versa.

      +1

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  • Beru // 12.02.2013 à 13h42

    Bonjour, bravo pour cet article. Mais j’ai une question, pour la datation, sachant que nous pouvons prélever le taux de carbone suite à la mort d’un organisme, comment savons-nous le taux avant la mort? Comment savons-nous le taux de C14 dans notre organisme? Par exemple, le taux de C14 d’un être humain est de combien en moyenne? D’après moi cela dépend de la masse de la personne non?

      +0

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