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19.novembre.201119.11.2011
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Climat : Modélisation des températures récentes

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Suite du billet sur El Niño et La Niña. L’index général de la série de billets sur le réchauffement climatique est disponible ici

NB. La modélisation de cette partie est une création de ma part, donc toute personnelle. Elle n’a pas vocation a être gravée dans le marbre, c’est un simple éclairage.

Je reprends ce graphique publié dans ce précédent billet :

Anomalies de températures Planète

On observe ainsi la hausse des températures, comme nous l’avons longuement étudiée, mais on note surtout qu’il est possible de décomposer cette courbe (rouge) en 2 :
Modélisation températures Planète

En effet, la courbe des températures peut s’analyser comme la somme de deux autres courbes :

  • une courbe de tendance relativement nette, à la hausse ;
  • plus une courbe relativement cyclique.

Analysons chacune plus en détail.

1°) Tendance croissante

Les scientifiques ont montré que la tendance à la hausse est très probablement liée à l’effet de serre du CO2. Rapprochons donc cette tendance de celle de la concentration en CO2 :
Modélisation températures Planète

Impressionnant, non ?

Je réponds par avance : cette courbe ne prouve rien si ce n’est qu’il y a une incroyable corrélation entre les deux. Ce sont les travaux scientifiques qui ont prouvé…

On est toutefois conforté par le fait que la Crise de 1929 puis la Seconde Guerre Mondiale ont entraîné une sérieuse dépression, qui a limité l’activité économique, ce qui a entrainé la cessation de la hausse des émissions, et donc la stabilisation pendant 15 ans du niveau de CO2. Cette stabilisation a entraîné en retour une cessation de la hausse des températures et leur stabilisation pendant 20 ans. Une telle situation ne s’est pas reproduite par la suite, ni pour la concentration en gaz, ni pour les températures.

La tendance récente est criante :
Modélisation températures Planète

On observe ainsi que, désormais, tous les 5 ans :

  • la concentration en CO<sub>2</sub> augmente de 10 ppm (ce qui correspond à une fraction des rejets humains, celle qui n’est absorbée par les océans ni par la végétation) ;
  • la température augmente de près de 0,1 °C.

Il est aisé de valider l’ordre de grandeur et le phénomène.

Nous avons vu dans ce billet que : l’effet de serre global est de l’ordre de +30 °C, et que le gaz carbonique est responsable d’environ 10 % de l’effet de serre total, soit +3 °C. Cet effet de serre est causé par une concentration de 300 ppm (parties par million) de CO2. On peut donc dire qu’il semble bien que 100 ppm de CO2 induisent 1°C de plus à conditions identiques.

Or, nous constatons qu’en 130 ans :

  • le CO2 que nous avons relâché a fait passer la concentration de 300 à 400 ppm ;
  • la température a augmenté de +1°C ;

ce qui est cohérent avec l’estimation précédente…

Nous allons alors passer à la part cyclique.

2°) Part cyclique

Revenons alors à la part cyclique de la température de la planète :

Modélisation températures Planète

Comme saute aux yeux un cycle d’une durée d’une dizaine d’années, on est tenté de chercher une corrélation avec la source évidente de chaleur : le Soleil (longuement étudié dans ce billet et celui-ci)

Modélisation températures Planète

On note une assez bonne corrélation – qui semble évidente, au demeurant : quand l’activité du Soleil est plus puissante, la température est logiquement un peu plus élevée…

Zoomons sur la période récente, et rajoutons les années El Niño et La Niña, phénomène étudié dans ce billet :

Modélisation températures Planète

On observe ici une très bonne corrélation jusqu’en 1995, un peu plus imparfaite depuis. El Niño et La Niña semblent être un bon facteur explicatif des écarts à l’estimation prévisible en fonction de la seule activité solaire.

Si on veut modéliser la part cyclique, on peut superposer les deux courbes :

Modélisation températures Planète

On observe ainsi qu’une activité solaire à ± 100 taches solaires semble influer à ± 0,10°C sur la température.

3°) Modélisation finale et prévision

Ayant modélisé la tendance et la part cyclique, je vous propose le modèle de la température de la planète extrêmement simplifié suivant :

Estimation de l’Écart de Température = 0,0087*(CO2) + 0,0013*(Taches solaires) – 2,935 + 0,11 {depuis 1995}

ce qui donne :

Modélisation températures Planète

Modélisation températures Planète

Vous noterez que j’ai en quelque sorte « triché » : le modèle marche bien jusqu’en 1995, mais depuis cette date la température est bien plus élevée que prévu, et ce de façon quasi constante. J’ai donc dû redresser en dur de +0,11 °C à partir de 1995. Ceci est inquiétant, car cela pourrait être un signe d’un emballement du réchauffement climatique, c’est-à-dire de la difficulté qu’aurait la planète à limiter la hausse des températures dans le futur – certaines digues climatiques ayant été irrémédiablement détruites. À suivre pour confirmer ou infirmer…

Entendons-nous bien : il s’agit d’un simple modèle « coin de table », bien éloigné des modèles précis qui nécessitent des dizaines ou centaines de paramètres.

Il vise simplement à mettre en exergue les deux paramètres considérés actuellement par la communauté scientifique comme les moteurs du réchauffement climatique actuel.

Enfin, comme un modèle n’est utile que s’il aboutit à des prévisions fiables, je me lance et vous propose cette estimation du climat de la prochaine décennie :

Modélisation températures Planète

Ainsi, 2011, 2012 et 2013 devraient être sur une tendance plutôt croissante.

Rendez-vous en 2020 ! 🙂 (ok, nous ferons des points d’étape – mais soyez indulgents sur ce petit modèle…)

Dans le billet suivant, vous trouverez un décryptage de l’imposture Svensmark.

12 réactions et commentaires

  • prb // 19.11.2011 à 09h45

    Très impressionnant. Par le travail accompli, et par le résultat. Merci infiniment d’apporter ces données objectives et si parlantes au débat sur ce sujet complexe et vital.

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  • AlexHanin // 19.11.2011 à 15h33

    Pour le fléchissement de la courbe de températures au milieu du siècle, l’explication généralement avancée est celle des aérosols.
    La courbe du CO2 s’aplatit à la fin des années 30, mais il me semble que c’est un peu léger pour expliquer un tel effet sur la température.

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    • j f // 19.11.2011 à 21h00

      Merci pour vos compilations d’information j’ai une suggestion à faire a propos de l’emballement constaté récemment :
       ne serait il pas du aux effets du dévelloppement du  trafic aérien dans la stratosphére (vapeur d’eau ) depuis la fin des années 1950 ?
      Serait il possible d’ajouter sur un de vos graphiques une courbe représentant ce traffic ?

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  • henry38 // 19.11.2011 à 21h31

    Excellente démonstration, j’en reste scotché !
    J’habite à Lanzarote et je discutais avec un ingénieur agronome anglais qui me racontait qu’il y a quelques décennies encore, cette île qui est maintenant majoritairement désertique, était au moins sur les sommets, recouverte d’une végétation qui était propice pour la rétention de l’humidité relative des alizés. Nous n’avons pas évoqué de changement climatique mais ses remarques étaient troublantes.
    Maintenant, en ce qui concerne le piégeage du CO2 par le phytoplancton, le premier puits à CO2 de la planète, j’ai lu dans de nombreux articles la désertification des fonds coralliens mais peu de données sur la densité de phytoplancton. Comme vous ne l’ignorez pas, le phytoplancton est constitué d’organismes microscopiques photosynthétiques. Or quel est l’effet des rejets de xénobiotiques comme les phosphonates largement utilisés comme détergents et presque indestructibles. Personne n’a fait d’études documentées sur l’effet de la pollution générale sur le phytoplancton et ma remarque va dans le sens de vos modélisations. Il existe d’ors et déjà d’autres causes inconnues au décalage entre température et cycles solaires car les océans ne peuvent peut-être plus absorber le surplus de CO2 en raison de cette pollution invisible. Le zooplancton se nourrit de phytoplancton puis les crustacés se nourrissent de zooplancton (krill par exemple), or, on a retrouvé des polluants tels que des PCB dans les graisses de poissons, dans l’océan Antarctique en particulier, qui ne peuvent donc provenir que de la chaine alimentaire, c’est-à-dire du phytoplancton, le premier maillon de la chaine.
    Si les océans sont irréversiblement déjà pollués, ce sera la fin de l’humanité dans quelques décennies.
    A propos du CO2, j’ai bien apprécié le débat de cette semaine entre les socialistes et les écologistes, on va nager dans le gaz carbonique …
    Ceci étant je serai intéressé par votre opinion sur l’énergie nucléaire, quant à la mienne, il vous suffit d’aller sur mon blog … 

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  • jails // 20.11.2011 à 01h35

    C’est du très bon boulot, pour 95, je m’intéresserais à la fonte des glaces et l’Albedo.
    Si t’as une décale plus tard ne t’inquiète pas, c’est le permafrost qui commence…

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  • Tonton Jack // 21.11.2011 à 07h48

    Bonjour,
    Je me permets de mettre deux bémols au travail fournis.
    D’une part, d’un point de vue physique, la mesure de la température du globe est quelque chose d’étrange : les modalités ont variés au cours des trente dernières années, la méthode notamment de maillage est sujette à caution, les mesures au sol ne bénéficient pas souvent d’un contrôle qualité suffisant.
    D’autre part, je vous mets en lien le graphique fait aussi sur le site de la NASA : http://www.climate4you.com/GreenhouseGasses.htm#Temperature%20records%20versus%20atmospheric%20CO2
    : il y a changement du climat – si on peut le mesurer au niveau global – , mais comme pour Svenmark – cf. l’expérience Cloud au CERN qui tend à montrer qu’il se passe quelque chose, quoi, on ne sait pas encore précisément – il y a là un hiatus : le CO2 monte, et plus la température.
    Le lien causal est sans doute beaucoup plus compliqué qu’on peut le penser – d’ailleurs le AR2 et AR3 mentionnaient les doutes, pas leur executive summary for decidors, hélas… –
    Cordialement,
     
     

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  • tchoo // 21.11.2011 à 11h29

    Un simple constat tout à fait empirique à partir de données qui ont permis à Leroy-Ladurie de reconstituer un scénario des climats passés avec les dates des vendanges dans une région donnée.
    Si l’on a constaté, des dates de vendanges de plus en plus précoces entre les années 60 et la fin des année 90, et surtout un resserrement des dates de maturité entre les différents cépages dans une même région, depuis 4/5 ans on s’aperçoit que ces dates tendent à nouveau à s’éloigner.
    Que faut-il en conclure?
    je ne sais, surement trop tôt pour comprendre
    toutefois, les courbes, issus des mesures, sur long très long terme peuvent cacher une tendance nouvelle qui apparait.

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  • Khorix // 29.11.2011 à 16h42

    tout d’abord, bravo pour votre blog que je viens de découvrir avec beaucoup de plaisir (grâce à votre passage à arretsurimages.net).

    Je voudrais tout d’abord préciser que, sur le fond, je ne remets pas en cause le lien qu’il peut exister entre CO2 dans l’atmosphère et températures (je n’en aurais pas les moyens, n’étant pas météorologue mais plutôt économiste).Cependant, j’aimerais commenter une méthode que vous employez dans ce billet qui me semble approximative. 

    Dans les 3ème et 4ème figures (concentration de CO2 versus températures), vous rapprochez deux courbes qui donnent l’impression de se suivre, et vous commentez en parlant de « tendance criante ». Or, il s’agit là d’un raccourci bien connu des économistes (lorsque cela est formalisé à la façon de l’économétrie) sous le nom de « régression fallacieuse »: vous auriez tout aussi bien pu prendre taux de scolarisation au Burkina-Faso (je n’ai pas vérifié en particulier pour le Burkina-Faso), que cela aurait été tout aussi « criant ». La source de cela, pour faire simple, est justement l’existence d’une tendance pour ces deux courbes (on dira que ce sont des variables non stationnaires). Avec un simple changement d’échelle et d’origine, vous pourriez faire cela avec beaucoup (beaucoup) de variables.
     
    De cette façon, si votre estimation sur les tâches solaires me semble a priori tout a fait valide, celle sur le CO2 ne l’est pas, il faudrait là aussi raisonner en éliminant les tendances (ce qui est complexe pour des phénomènes de si long terme). C’est d’ailleurs ce que vous ébauchez en parlant de 1929 et de la guerre de 40, mais il faudrait regarder cela plus précisément.
     
    La seule parade que je connaisse est alors de construire un modèle théorique qui puisse justifier de la relation entre les deux variables, ce qui existe bien sur, mais n’est pas mentionné ici (je crois me rappeler de cours de physique sur la réflexion des ondes due aux molécules de CO2, mais sans plus de détails).
     
    Petit point sur Svensmark à cette occasion : à première vue, dans son cas, le rapprochement des courbes aurait pu être valide, si ce n’est les innombrables failles que vous mentionnez dans l’article, du fait qu’elles semblent ne pas présenter de tendance. Cela demande bien sur vérification, mais si les tests adéquats n’ont pas été faits, cela pourrait faire un point supplémentaire à votre article.
    J’espère avoir été clair et ne pas avoir dit d’âneries…

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  • sissa // 30.11.2011 à 12h55

    Bonjour,
    Billet très intéressant. j’ai beaucoup apprécié la partie finale sur la séparation entre la tendance de fond et la variabilité; C’est un bon moyen de montrer la stupidité de certains argumentaires du genre: « le réchauffement s’est arrêté depuis 10 ans »..
    Je m’intéresse moi aussi à cette question. Avec mes lectures j’ai compris un certain nombre de choses, il me semble qu’il y a deux ou trois erreurs dans votre exposé.
    Sur la corrélation températures-CO2: il faut savoir que la hausse des températures jusqu’en 1940 est attribuée en premier lieu à des causes naturelles(même si l’effet de serre a joué un rôle) et que la pause entre 1940 et 1970 est elle attribuée à l’effet des aérosols anthropiques . C’est seulement depuis ces trente-quarante dernières années qu’on estime que l’effet de serre est prépondérant. Pour arriver à cette conclusion, la corrélation entre les deux courbes n’intervient que de façon marginale.
     
    Ensuite, le raisonnement que vous utilisez pour calculer la hausse des températures à la suite d’une augmentation de 100 ppm de CO2 n’est pas valide: les chiffre de 33°C pour l’effet de serre est un calcul « toute chose égale par ailleurs » qui ne peut être utilisé dans ce contexte(en fait sans effet de serre, la terre serait une boule de glace donc beaucoup plus froide que -18°C en raison des variations de  l’albédo) et que d’autre part que l’effet du CO2 n’est pas proportionnel à la concentration, mais évolue logarithmiquement par rapport à celle-ci.
    Pour calculer les conséquences d’une hausse de 100 ppm, on calcule l’accroissement de l’effet de serre dû au CO2, et on prend en compte les différentes rétroactions du système climatique, lesquelles, selon le point de vue couramment admis, amplifient le réchauffement.
    Ceci dit, il se trouve que le chiffre  auquel vous aboutissez correspond à peu près à ceux obtenus par les chercheurs.
     

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  • TZYACK // 11.02.2012 à 16h42

    Qui de l’oeuf ou la poule était le premier ?
    En chimie, il est bien connu que la taux de concentration de certains élèments dissous dans un fluide augmente avec la température de ce dernier, et inversement ?
    L’analyse du déphasage des courbes d’évolution de ces paramètres permet de connaître qui en est à l’origine.

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  • Tietie007 // 03.06.2012 à 06h12

    Il faudra attendre la catastrophe finale pour que les Etats, dépassant leurs égoïsmes nationaux, prennent enfin des mesures drastiques pour réduire le rejet de C02 dans l’atmosphère.

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