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12.novembre.201112.11.2011
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Climat : Modélisation millénaire des températures

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Suite du billet sur les cycles de Milankovitch. L’index général de la série de billets sur le réchauffement climatique est disponible ici

Nous arrivons enfin à l’aboutissement des travaux précédents : la modélisation finale ! 🙂

Nous allons commencer aujourd’hui par la modélisation de la température passée depuis 400 000 ans.

Nous avons présenté dans ce billet passé son évolution :

Évolution Température Planète 400000 ans Vostok

Analysons.

Évolution des températures et cycles de Milankovitch

Comme il y a plusieurs cycles de Milankovitch, en voici la résultante depuis 250 000 ans, représentée sous la forme de l’irradiance solaire, c’est-à-dire de la quantité de chaleur reçue par la planète :

Irradiance solaire Irradiation

On note que la variation a été de ± 10 % d’énergie reçue.

Nous pouvons dès lors mettre en parallèle l’évolution des températures passées avec la résultante des cycles de Milankovitch :

Modélisation Température Planète cycle Milankovitch

On observe bien une influence assez claire de la quantité de chaleur reçue du soleil sur la température (c’est une évidence, notez…), mais que si la « corrélation temporelle » est claire, la « corrélation en intensité » est loin d’être parfaite.

En fait, comme nous l’avons vu dans ce billet, ces cycles sont bien le moteur des évolutions climatiques passées (comme l’ont montré mathématiquement plusieurs chercheurs), mais il y a eu en plus des phénomènes complexes de rétroaction et d’emballement (en particulier avec le CO2) qui ont largement amplifié le phénomène – l’astronomie « seule » ne peut expliquer de tels écarts de température…

En fait, pour le problème de « l’intensité » tout s’éclaire quand on représente bien les données de température, d’irradiance solaire et de concentration en gaz carbonique :

Modélisation Température Planète cycle Milankovitch

On observe bien 2 phénomènes distincts :

  1. Dans les temps historiques :
    • l’irradiance solaire a augmenté, plus de chaleur a donc atteint la Terre ;
    • la température de la Planète a donc augmenté ;
    • en réponse, la Planète (les Océans pour être précis) et la Biosphère ont dégagé et produit plus de CO2 ;
    • le CO2 a contribué à augmenter l’effet de serre, et donc a encore plus augmenté la température ;
    • et ce phénomène de rétroaction s’est auto-entretenu, d’où la très forte hausse des températures observée.
  2. Actuellement, le phénomène est différent. L’irradiance solaire baisse, mais c’est cette fois la hausse du CO2 (relâché par l’Homme) qui entraîne la hausse des températures, par effet de serre.

Au final, nous allons voir qu’il est possible de travailler « à l’envers », pour décomposer la courbe des températures en plusieurs sous-cycles.

Décomposition empirique 1

Quand on observe la courbe des températures, passés les premiers instants où tout semble confus, il apparaît assez rapidement une espèce de cycle complexe. On peut dès lors le décomposer empiriquement.

Observons en effet cette série de 5 cycles réguliers :

Modélisation Température Planète cycle

Ils ont été déterminées par un laborieux travail empirique de tâtonnement (pour coller le mieux à la courbe historique) que j’ai réalisé à partir d’une idée de Jean Laherrère, que je remercie chaleureusement pour son aide (vous pouvez d’ailleurs consulter ici ses récentes analyses du pic pétrolier, dont il est un des spécialistes mondiaux).

Si on les cumule, on obtient la courbe suivante :

Modélisation Température Planète cycle

Et cette courbe s’ajuste plus que bien à la courbe des températures réelles :

Modélisation Température Planète cycle

Ainsi, on a décomposé « à la main » la courbe de la température comme étant approximée par la somme de 5 cycles réguliers d’environ 100 000 ans, décalés d’environ 20 000 ans.

Mais si on est à ce stade satisfait du petit travail réalisé, on comprend que son interprétation soit assez complexe.

Nous allons en fait l’améliorer dans la partie suivante.

Décomposition empirique 2

En fait, la simulation précédente n’était qu’une première étape, car nous avons décomposé en 5 cycles indépendants.

Or, le décalage observé nous laisse penser que le découpage choisi (5 cycles régulièrement espacés) n’était pas le plus pertinent. On peut conjecturer que les cycles n’étaient pas indépendants, et que, par exemple, il devait exister un cycle de 20 000 ans présent partout.

Observons en effet cette série de 3 cycles de durées différentes (encore obtenue empiriquement) :

Modélisation Température Planète cycle

Si on les cumule, on obtient la courbe suivante :

Modélisation Température Planète cycle

Et cette courbe s’ajuste plus que bien à la courbe des températures réelles :

Modélisation Température Planète cycle

Ainsi, on a décomposé « à la main » la courbe de la température comme étant alors approximée par la somme de 3 cycles relativement réguliers (il faudrait creuser encore plus, rajouter peut être 1 ou 2 autres cycles…) d’environ 20 000 ans, 40 000 ans et 100 000 ans. Ce sont justement les durées des 3 cycles de Milankovitch

La cyclicité étant l’apanage des phénomènes astronomiques, ceci permet démontrer la qualité des travaux de Milankovitch… En 1976, Nick Shackleton a démontré que les variations climatiques correspondent bien aux cycles de Milankovitch, mais sans qu’on puisse expliquer pourquoi, depuis 400 000 ans, ce sont les cycles liés à l’excentricité (100 000 ans) qui paraissent commander les glaciations, alors qu’avant c’était plutôt l’inclinaison de l’axe (40 000 ans). Le mathématicien et astronome belge André Berger a grandement complété ces travaux dans les années 1980 et 1990.

Prochaine glaciation : d’ici 10 000 ans – couvrez-vous bien… 😉

Dans le billet suivant, nous étudierons le phénomène El Niño, préalable à la compréhension des évolutions récentes des températures de la planète…

8 réactions et commentaires

  • yoananda // 12.11.2011 à 10h46

    bravo pour la qualité du travail effectué, mais il y a des outils mathématiques pour décomposer une courbe. Pourquoi le faire à la main ?

      +1

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  • obregon // 12.11.2011 à 12h49

    Votre travail est impressionnant.
    Un grand merci très sincere pour nous donner à comprendre ces décompositions périodiques du type « series de Fourier quasipériodiques » c’est à dire possédant ici deux ou plusieures périodes fondamentales.

      +0

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  • Grégory // 12.11.2011 à 14h01

    « Observons en effet cette série de 5 cycles réguliers : »
    Pas du tout compris : je ne vois qu’irrégularité d’amplitude et de fréquence. Kezako ?

      +0

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  • henry38 // 13.11.2011 à 09h56

    Cher Monsieur,
    c’est un plaisir de se plonger dans votre blog si clair et si didactique.
    En observant avec attention le graphique illustrant la corrélation entre l’irradiance solaire, la température et la concentration en CO2 depuis 250 000 ans, je remarque des similitudes et en même temps des différences entre les trois pics à – 240 000, – 130 000 et -20 000 ans.
    Pour le pic le plus ancien l’augmentation de CO2 apparaît après le pic d’irradiance et peu après le pic de température qui coïncide avec le pic d’irradiance. On peut dire que c’est logique puisque le taux de CO2 suit la loi de Henry : plus la température des océans est basse, plus la solubilité du CO2 augmente.
    Pour le pic vers – 130 000 ans, les trois phénomènes semblent synchrones avec comme pour le pic le plus ancien, une décroissance du taux de CO2 retardée par rapport à la décroissance de la température (encore la loi de Henry).
    Pour le pic d’irradiance vers -10 000 ans environ, l’augmentation des température et CO2 semble identique à celle du pic – 130 000 ans et la diminution de la température qui est observée avec, disons 8000 ans de latence n’apparait plus aujourd’hui alors que la température aurait du déjà revenir à une valeur de -3, -4 degrés.
    On peut approximativement en déduire que le différentiel de perturbation climatique est déjà de 5 à 6 degrés si l’on s’en tient aux scénarios des pic – 240 et -130 000 ans.
    C’est donc beaucoup alarmant qu’on ne veuille oser le dire !!!

      +2

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    • Alain34 // 13.11.2011 à 17h51

      L’hypothèse de Ruddiman est assez intéressante a ce sujet.
      Mais ca reste une hypothèse 🙂

        +0

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  • TZYACK // 11.02.2012 à 16h10

    Pourquoi ne pas parler en plus de cycles, de fréquences, d’amplitude, de phase, de déphasage, d’harmoniques et de sous-harmoniques qui sont les termes scientifiques utilisés dans les analyses des phénomènes ondulatoires ?

      +1

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