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2.janvier.20182.1.2018
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[RussEurope-en-Exil] Les États-Unis au miroir de Star Wars

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Billet invité

Thomas Snégaroff vient de publier un petit essai Star Wars – Le côté obscur de l’Amérique », chez Armand Colin[1]. Ce livre constitue une mise à jour, mais aussi un approfondissement, de l’ouvrage qu’il avait écrit en 2015 [2]. Ce livre est donc une tentative de décryptage de l’idéologie véhiculée tant dans les films que celle présente aux Etats-Unis. Il est intéressant à plus d’un titre. Il réjouira les amateurs de la triple trilogie (dont le numéro VIII sort ces jours-ci en France), mais il intéressera aussi tous ceux qui s’inquiètent de la politique américaine.

La thèse de l’ouvrage est double. Il soutient d’une part que l’histoire racontée dans les six premiers films n’est autre, en réalité, que celle des Etats-Unis, qui ont basculé de la « République » (largement mythifiée) vers l’Empire. La « peur », celle de l’autre bien entendu, étant l’un des responsables de ce tournant vers le « côté obscur ». D’autre part, il soutient que cette série a joué un rôle, qu’il soit involontaire ou non, dans le basculement, en « réarmant » les secteurs les plus réactionnaires de la politique américaine. L’auteur, cependant, concède que le tableau est certainement plus complexe, que Georges Lucas et ses co-auteurs, ont aussi mis des thèmes puissamment contestataires dans ces films, comme une dénonciation du libre-échange (et du néo-libéralisme) et – je l’ajouterai – une forme d’apologie de la souveraineté.

Si la première thèse ne faite guère de doute, et si l’on suit Thomas Snégaroff sans aucun problème dans sa démonstration, la seconde est nettement plus problématique. L’auteur en convient lui même à plusieurs reprises. Ce petit ouvrage, brillant sur certains points, contient aussi des parts d’ombres. Il vaut amplement la peine d’être lu, car il s’attaque à un mythe de la culture télévisuelle et de la contre-culture. Mais atteint-il complètement son but ? Le lecteur en jugera en le lisant et en lisant cette recension.

Les deux thèses du livre

La première thèse est largement développée dans la première partie du livre, intitulée La Trahison des Pères, et ces pères là sont, bien entendu, les « pères fondateurs » des Etats-Unis. Snégaroff se livre alors à un exercice tout à fait intéressant de double mise en parallèle, d’une part des discours des uns et des autres et de citations des six premiers films, et d’autre part des discours mais aussi de la réalité de la politique des Etats-Unis. On sait que ce pays ne reconnut jamais avoir de « colonies », mais qu’il en eut bel et bien, à Hawaï et aux Philippines en particulier, et ce sans compter Porto-Rico. Cette première partie met en évidence l’idée de l’exceptionnalisme américain[3], le « destin manifeste », et sa construction (largement mythique), tout comme ses dérives. Il montre bien que ce double traumatisme, celui de la défaite américaine au Vietnam et celui du Watergate[4], a servi de contexte fondateur à l’écriture des premiers films (ceux que l’on nomme aujourd’hui les épisodes IV à VI).

La construction de Richard Nixon en Palpatine (et donc celle de Kissinger en Dark Vador) est très démonstrative, et elle est même revendiquée par Georges Lucas, même si l’on peut s’interroger sur les raisons réelles de la haine qui entoura, longtemps, ce Président, certes haïssable à bien des titres, mais nullement plus que ses prédécesseurs ou que ses successeurs…Cela aurait mérité une réflexion sur l’image des Présidents américains, tant aux Etats-Unis que dans le monde. Il est clair que l’image de Kennedy (tout comme celle d’Obama) a été très injustement magnifiée [5]. On a ainsi oublié le passé Maccarthyste de J-F. Kennedy, et les liens très troubles de sa famille que ce soit avec la Mafia ou avec les Nazis avant-guerre… En un sens, la figure ambiguë de Lyndon B. Johnson, qui enferra les Etats-Unis dans la guerre du Vietnam tout en développant ce qui peut passer pour le plus « social-démocrate » des programmes sociaux américains (la « grande société »[6]) pourrait être considérée comme tout aussi emblématique du « côté obscur de la force ». Johnson n’a-t-il pas couvert la manipulation de l’incident du Golfe du Tonkin[7] (août 1964) qui fut décisive pour l’engagement direct des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam ? Et, à tout prendre, ceci était autrement plus grave que la tentative (maladroite) pour espionner le QG du Parti Démocrate (le Watergate). Ainsi, le couple Johnson-Mac Namara pourrait tout aussi bien figurer dans les précurseurs du couple Palpatine-Dark Vador.

Rappelons que le premier film (aujourd’hui le quatrième dans l’ordre de la saga) fut réalisé de 1973 à 1977, soit dans la période du Watergate et du « syndrome du Vietnam ». Pourtant, en 2005, après l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis, et alors que le processus de passage de la « République » à « l’Empire » vient d’être complètement explicité (dans les films I, II et III) Georges Lucas suggéra George W. Bush et son vice-Président, Dick Cheney, comme incarnation réelle du couple Palpatine-Vador. Il est donc clair que la saga s’inscrit clairement dans un contexte politique déterminé. L’un des grands apports de Snégaroff est de le montrer clairement et de chercher à approfondir ce contexte, même si l’on peut s’interroger sur sa volonté de « démoniser » essentiellement des Présidents Républicains, alors que le comportement des Présidents Démocrates, de Kennedy à Obama, en passant par Clinton, est tout autant sujet à caution.

Une saga réactionnaire ?

Pour autant, et on l’a vu avec l’absence de Johnson (et de l’incident du Golfe du Tonkin), le contexte général n’est sans doute pas suffisamment approfondi. Où plutôt, plus précisément, Snégaroff ne retient que la vision de ce contexte qu’ont voulu donner Georges Lucas et ses co-auteurs, une vision qui correspond très bien (trop bien ?) à l’idéologie des libéraux d’Hollywood. Cette absence, alors que pour qui connaît la vie politique des Etats-Unis il y a là un moment symboliquement très fort, est donc pour le moins curieuse. Un problème le révèle. Snégaroff remarque, avec raison d’ailleurs, que dans le film de 1977 (l’épisode IV dans la numérotation actuelle), dans la scène dite du bar, l’exclusion des robots (C-P3O et R2D2) est une métaphore de l’exclusion des noirs américains. Mais, il ne revient pas sur le thème de l’esclavage, pourtant présente dans les épisodes I et II (sortis respectivement en 1999 et en 2002). Que le jeune Anakin et sa mère Shmy soient esclaves ne dérange nullement les autres personnages. On peut y voir une référence au statut des esclaves dans les Etats-Unis naissants, statut qui allait être entériné par la fameuse ligne « Mason-Dixon » au Nord de laquelle l’esclavage était illégal, mais devenait légal au Sud de cette ligne. Il y aurait eu beaucoup à dire sur ce point, mais, là, curieusement, Snégaroff est muet. Parce que cela remet en cause l’image de la « bonne » République face au « méchant » (evil) Empire ? Ou plus précisément, parce que cela contribuerait à complexifier sa thèse sur la guerre de Sécession, assurément provoquée en partie par des questions de tarifs douaniers, mais aussi – et il faut le savoir – par un long débat opposant les tenants de la propriété privée « à tout prix » (et donc au prix de l’esclavage) et ceux qui pensaient que l’on ne pouvaient ériger la propriété privée en dogme intangible. D’ailleurs, remarquons que la pratique de l’esclavage fut d’abord empêchée par un « Empire », l’empire britannique, sous la poussée des sectes protestantes, et dont les navires firent une chasse impitoyable aux navires négriers. Le refus d’aborder la complexité des choses est d’ailleurs l’une des caractéristiques de ce livre.

Car, le projet est à la fois plus simple et plus malin. Que Georges Lucas ait voulu gagner de l’argent avec La Guerre des Etoiles est une évidence, et ne saurait guère lui être reproché. Il est très peu de cinéastes qui font des films pour perdre de l’argent, même si sont en réalité nombreux ceux qui en perdent. De ce point de vue, considérer que la saga se range en définitive « du côté obscur » pour cette raison, ce qui est la seconde thèse de cet ouvrage, n’est guère pertinent. Non que la totalité de la seconde thèse (la dimension « réactionnaire » de la saga) soit fausse. Mais, en fait, elle l’est pour des raisons que Snégaroff semble complètement ignorer.

En fait cette saga, mais ceci est classique dans le Space-Opéra – genre revendiqué par Star Wars – situe un affrontement qui paraît politique dans un contexte largement apolitique. Plus exactement, elle fait disparaître les peuples, ou les « masses », au profit d’individus, et remplace les questions de politique par des ressorts individuels (comme, ce que montre fort bien Snégaroff d’ailleurs, la quête du père). Le lien avec les romans de « Chevalerie », de Chrestien de Troyes à Walter Scott, est évident. Le recours à une arme « archaïque » mais intelligemment modernisée (le sabre-laser), si elle permet des effets visuels intéressant (quoi que très inspirés des films japonais « en costume »), souligne l’importance de l’individu, du « héro ». Ainsi, la « guerre » se réduit une série de combats individuels décisifs (les combats collectifs servant à mettre en scène les combats individuels) et les personnages sont soit dotés de capacités extraordinaires (les Jeudi, grâce à la « Force »), soit ont des qualités hors du commun. C’est une vision idéologique du conflit armé qui est profondément réactionnaire, mais qui a imprégné le militarisme japonais, avec son culte de l’excellence individuelle et de la « bataille décisive »[8]. Or, les guerres se gagnent par la politique et la logistique, et non par l’excellence tactique, ce qui fut une des grandes erreurs des généraux allemands de la seconde guerre mondiale. Notons ici que les Jedi n’hésitent pas à tuer. Dans Il est difficile d’être un dieu, publié en URSS en 1964, les frères Arcadi et Boris Strougatski faisaient du « héro », Don Roumata/Anton, un champion de l’escrime, mais qui se refuse à tuer, ce qui le dénonce d’ailleurs à son adversaire comme n’étant pas celui qu’il prétend être[9]. C’est sous le coup de la colère, suite à l’assassinat de sa bien aimée, qu’il se décide à tuer…

Si ces caractéristiques sont typiques du gente Space-Opéra, elles ne sont pas obligatoires. De fait, Snégaroff aurait pu regarder une autre saga, antérieure à la Guerre des Etoiles, mais qui a servi de source d’inspiration : Dune. Il n’est donc pas aussi évident qu’il veut bien le présenter que Star Wars ait contribué au succès du Reaganisme. Mais il est clair que la saga était en conformité avec des canons de l’idéologie américaine, et que ces canons ont été réactivés dans le cours de la présidence de Ronald Reagan.

Un oubli important

Il faut ici souligner que l’interprétation d’une œuvre comme Star Wars ne peut se faire sans mentionner les œuvres jumelles, ou celles qui ont pu l’influencer. Vouloir isoler Star Wars de son contexte culturel réduit bien entendu à néant une grande partie de la démonstration sur la contextualisation politique de la saga. Car la contextualisation ne peut être seulement politique. Une œuvre se nourrit aussi d’influences diverses, qu’elles soient conscientes ou inconscientes.

Or, ce contexte culturel est aussi celui des œuvres qui ont inspiré tant visuellement que scénaristiquement l’œuvre. De fait Dune de Frank Herbert, publié en 1965 (et traduit en français en 1970 chez Robert Laffont) est probablement le roman de science-fiction le plus vendu dans le monde avec plus de 12 millions de livres vendus. C’est une source d’inspiration constante, et la planète Tatooine[10] où se déroulent les premières aventures de Star Wars est clairement inspirée d’Arrakis la planète emblématique de Dune. Il s’agit, la aussi, d’un monde sans eau, où rodent de dangereuses créatures du désert.

Dune partage avec Star Wars (du moins dans le premier film) d’être l’histoire de l’éducation d’un adolescent qui passe par diverses épreuves pour arriver à l’âge d’homme. Mais, là ou Luke ne peut compter que sur l’aide d’Obi-Wan-Kennobi et de Han Solo, Paul Atréides s’inscrit dans un cadre familial complexe (sa mère Jessica, son père Leto, et l’image de son grand-père à laquelle un de ses précepteurs quand il le retrouve le compare), avec ses soutiens (Thufir Hawat, Duncan Idaho et Gurney Halleck) et bien entendu ses adversaires (les Harkonnens mais aussi l’Empereur et ses troupes d’élites, les Sardaukars dont on retrouve une image dans les Stormtroopen de Star Wars). La grande différence est que pour Paul, le combat n’est pas seulement celui de la découverte de lui-même mais aussi de rallier à sa cause le plus grand nombre. Paul Atréides fait de la politique, et il le sait parfaitement (et sa mère ne perd pas une occasion de le lui rappeler).

La dimension sociale (et aussi écologique) de Dune est incomparablement supérieure à celle de Star Wars. Le choix de Georges Lucas de concentrer l’histoire sur un champ individuel (voire, comme le soutient Snégaroff psychanalytique) et d’en exclure la dimension politique (au sens de la conquête des masses) et sociale est significative. En cela, la saga Star Wars s’inscrit bien dans un courant réactionnaire, ou plus précisément conformiste, tout en pouvant avoir, par ailleurs, des côtes contestataires.

L’absence dans l’ouvrage de Snégaroff de toute référence à Dune et à sa suite, le Messie de Dune, publié en 1969, est l’un des points faibles, voire aveugles, du livre.

Snégaroff et la question de la « peur »

Ce point aveugle conduit à s’interroger sur la signification de la « peur » comme moteur essentiel du glissement de la République à l’Empire. Snégaroff construit sa démonstration en partie sur la fin de l’épisode III (La revanche des Siths). Anakin a peur de perdre Padmè, qui porte son (ses) enfants. Soumis à la tentation par Palpatine, il bascule vers le « côté obscur » pour éviter que sa femme ne meure. Mais, cela ne fait que reprendre le thème du Messie de Dune. Dans le livre, Chani, la concubine de Paul, porte ses enfants (des jumeaux) mais va mourir. Les adversaires de Paul cherchent à le tenter en lui promettant de sauver sa compagne. La ressemblance entre les deux histoires est trop forte pour n’être que fortuite. Dune était déjà, dans les années 1970, une œuvre majeure de la contre-culture aux Etats-Unis.

Que Snégaroff l’ignore est étrange, pour un spécialiste des Etats-Unis. Qu’il ne se pose pas la question de la parenté entre la saga Star Wars et Dune l’est bien plus encore. Car, dans Dune on trouve, aussi, l’idée que la peur conduit au désastre personnel (voir la « Litanie contre la Peur »[11]). Et Paul est soumis, au début du livre, à une terrible épreuve qui vise à mesurer sa résistance à la souffrance et à la peur. Mais, cette épreuve est révélatrice du type de Peur dont il convient de se défaire. Ce qu’il faut rejeter, c’est la « peur panique », ce que les grecs attribuaient au Dieu Pan, soit une peur qui paralyse la Raison.

Snégaroff indique bien que la peur est vue comme une chose positive par la tradition antique et classique. Il en déduit une suspicion sur cette tradition (et en particulier sur Hobbes), parce que la peur abolit la raison. Mais, il ne comprend pas de quel type de peur il parle. La peur ici en question, celle que Yoda évoque, celle qui « conduit vers le côté obscur », c’est la peur panique et non la peur raisonnée, la crainte raisonnable, qui elle, au contraire, est une force positive et pousse à la construction des institutions. Cette incompréhension des registres de la peur conduit alors Snégaroff à tomber dans une idéologie boboïsante, mâtinée de Jean-Paul II (« n’ayez pas peur »). Et cela affaiblit considérablement sa démonstration.

De fait, ce que cherchent les Tyrans qui sommeillent dans nos démocraties, c’est de nous faire basculer de craintes raisonnées vers des paniques irrationnelles. Or, ces paniques ont généralement pour point de départ des faits bien réels, mais que notre esprit transforme en des fétiches et ces fétiches nous aliènent conduisant à la réification de ce qui devrait rester humain. Le couple Aliénation-Fétichisme a été analysé de manière très fine par Marx, que Snégaroff aurait eu profit à lire. Nous sommes ici au cœur de ce qui constitue un point aveugle décisif dans l’ouvrage. Et, ce point aveugle pourrait bien, lui aussi, faire basculer Snégaroff « du côté obscur »…

Retour sur la deuxième thèse

Sur d’autres points, aussi, on peut s’étonner que Thomas Snégaroff ait manqué le coche. Outre Dune, visuellement Star Wars emprunte beaucoup à Valerian de Christin et Mézières. Cette référence n’a été que très élusivement reconnue par Georges Lucas[12]. On peut y voir la volonté (farouche) de Lucas de défendre son œuvre (et ses droits dérivés…). Car, et on le rappelle, l’un des buts de Star Wars était bien de faire de l’argent, même si par la suite il ne fut plus le seul.

Leïa et Luke rencontrent Laureline et Valerian dans un tripot de Rubanis…

La référence à l’URSS stalinienne, et au couple Staline-Beria, est assez juste. Il faut ici suivre Snégaroff quand il écrit que ce couple a aussi servi à celui de l’Empereur et de Dark Vador. Sauf que Palpatine n’a plus, dans les films IV à VI aucun des traits de fausse bonhomie que pouvait prendre Staline et avec lesquels il dupait, en partie, son entourage. Par contre, il est tout aussi étonnant qu’il n’ait pas vu à quel point l’esthétique des forces impériales dans le premier film (l’épisode IV) est inspirée des forces japonaises (pour les uniformes) et des combats aéronavals de la Guerre du Pacifique. C’est en particulier évident lors de la bataille finale qui aboutit à la destruction de l’Etoile de Mort quand les « chasseurs » de la Rébellion manoeuvrent comme des avions torpilleurs américains et leur escorte de chasse ou quand les défenses de l’Etoile de Mort reprennent (recul y compris) la cinématique des tourelles doubles de 5 pouces qui constituaient l’armement anti-aérien des unités navales américaines. On retrouve ceci dans la scène initiale de bataille qui ouvre le troisième film (La Revanche des Siths – 2005) où l’on peut voir, sur le navire amiral de Grievous, des lasers éjectant des cartouches comme sur les canons de 127-mm et de 152-mm de la marine des Etats-Unis. L’influence des films d’actualités tournés de 1942 à 1945 essentiellement sur la Guerre du Pacifique, semble bien avoir été visuellement une source majeure d’inspiration. La guerre contre le Japon a façonné de manière indélébile l’imaginaire aux Etats-Unis jusqu’à la fin des années 1980, que ce soit dans les conditions du début de cette guerre (Pearl-Harbour) ou que ce soit dans la logique exterminatrice, et à vrai dire raciste, qui prédomina dès 1942. Il y a là une autre source de réflexion à faire sur la Saga.

Le quasi-refus de Georges Lucas et de son équipe à assumer leurs emprunts (jusque dans la forme du vaisseau de Han Solo directement inspiré des dessins de Valerian) en dit aussi long sur l’impérialisme inconscient (mais parfois aussi tout à fait conscient) des concepteurs de cette saga.

Le vaisseau de Valerian

Que des considérations commerciales aient prévalu est plus que probable. Mais, ce refus est aussi symboliquement très significatifs. Une œuvre « américaine » ne peut avoir son inspiration de l’étranger. En cela, Star Wars est effectivement très représentatif d’une idéologie, qui imprègne tant les libéraux hollywoodiens que les reaganiens, celle de l’exceptionnalisme. Et, cette communauté de pensée explique les passages entre une apparence contestataire et une réalité finalement très conformiste.

On retrouve ainsi la deuxième thèse de Snégaroff, mais dépouillée de ce qu’il faut bien appeler sa naïveté d’origine. Il ne faut pas voir dans Star Wars une œuvre ayant servi à préparer le Reaganisme mais une œuvre issue en réalité du même moule exceptionnaliste, qui est partagé tant par Hollywood que par la droite américaine, ce qui explique les passages possibles de l’un à l’autre. C’est le refus de rompre avec cette idéologie, et ce qu’elle charrie, qui peut être reproché aux concepteurs de la saga et non un hypothétique « ralliement ». Snégaroff semble l’avoir pressenti mais, faute d’une contextualisation suffisante, cette réalité finit par lui échapper.

Pourtant, son livre constitue une plus qu’intéressante tentative pour tenter de lire l’histoire des Etats-Unis au miroir d’une œuvre multiforme. Il interroge un « phénomène culturel » et le met dans son contexte. Qu’il ne le fasse ni complètement, ni avec la complexité nécessaire ne doit pas être un prétexte pour ignorer ce livre.

Jacques Sapir

Notes

[1] Snégaroff T., Star Wars – Le Côte Obscur de l’Amérique, Paris, Armand Colin, 2018, 217p.

[2] Snégaroff T., Je Suis Ton Père, Paris, Naive, 2015.

[3] Voir Sapir J., « Endiguer l’isolationnisme interventionniste providentialiste américain », in Revue internationale et stratégique, 2003/3 (n° 51), pp. 38-44, https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2003-3-page-38.htm

[4] http://www.history.com/topics/watergate

[5] Voir Chomsky N., Rethinking Camelot: JFK, the Vietnam War, and U.S. Political Culture, New York, South End Press, 1st edition, 1999.

[6] Andrew, J. A., Lyndon Johnson and the Great Society, Chicago, Ivan R. Dee, 1999.

[7] http://www.historynet.com/case-closed-the-gulf-of-tonkin-incident.htm

[8]Kantaï Kansen ; Evans, David C.; Peattie, Mark R., Kaigun: Strategy, Tactics, and Technology in the Imperial Japanese Navy, 1887-1941, Annapolis, US Naval Institute Press, 1997.

[9] A. et B. Strougatski, Il est difficile d’être un dieu, [Трудно быть богом] publié en URSS en 1964, traduit en Français chez Denoël, Paris, en 1973.

[10] Faut-il dans ce nom voir une référence au très réel Tataouine des Bat d’Afs ?

[11] « Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi. »

[12] https://kitbashed.com/blog/valerian-and-laureline

Commentaire recommandé

Yab Léo // 02.01.2018 à 07h58

Salut.

Un impressionnant Mr Sapir, qui décrypte aussi bien la culture que l’économie. Un bagage intellectuel de plus qui enrichi la vision globale de ces analyses.

… Un régal de lecture.

47 réactions et commentaires

  • Jean // 02.01.2018 à 06h06

    Une version moins hollywoodienne de la guerre et de l’Histoire des USA :

    http://www.politicoboy.fr/donald-trump/imperialisme-americain/

      +8

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  • Yab Léo // 02.01.2018 à 07h58

    Salut.

    Un impressionnant Mr Sapir, qui décrypte aussi bien la culture que l’économie. Un bagage intellectuel de plus qui enrichi la vision globale de ces analyses.

    … Un régal de lecture.

      +31

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  • gracques // 02.01.2018 à 08h13

    Amateurs de SF je ne peut que m’incliner devant la science de M SAPIR , expert il’est vrai en histoire parallèle .
    Que dire de cet article , il est superbement éclairant comme beaucoup d’autre de l’auteur et dans divers domaines.
    Les crises à un invite de choix.

    Un souhait , à quant un billet sur le cycle de la culture de Iain Banks ? Cette civilisation aussi ‘exceptionelle’ , ‘ideale’ qu’ impérialiste et qui’repose toute entière sur une abondance dont on ne connaît pas l’origine concrete et sur des ‘deus ex machina’ bien problématiques.

      +16

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  • Homère d’Allore // 02.01.2018 à 08h30

    Analyse fine d’une analyse moins fine…

    En revanche, par pitié, que l’on écrive « héros » en français et non « hero » à l’anglo-saxonne. Cette graphie se répand comme la vérole dans quasiment toute la presse française.

      +30

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    • Sapir // 02.01.2018 à 10h01

      Dont acte.
      Mais, le correcteur orthographique corrige systématiquement héro en hero….

        +15

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      • Charles // 02.01.2018 à 12h04

        Héro est le diminutif d’héroïne (pas la femme, la drogue).

        Héros dont l’adjectif est héroïque s’écrit TOUJOURS avec un S à la fin, même au singulier.

          +11

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        • Catherine Kasmi // 04.01.2018 à 21h24

          excusez-moi, mais héros vient de héros , demi-dieu, et n’a rien à voir avec la drogue, qui vient de héroiné, grec, médicament (drug en anglais signifiait et signifie encore médicament), je viens de vérifier dans mon dico étymologique…à part ça, moi qui vient de voir quelques épisodes de Starwars pour la première fois, je renchéris sur J.Sapir, et trouve que ces films, tout-à-fait hollywoodiens et symboliques de la politique impériale cachée par la soi-disant république (l’absence du peuple est frappante, et seulement en version boite de nuit et jeux du cirque), et en le comparant spontanément à Dune, il perd vraiment tout intérêt cinématographique et philosophique, à part certaines réussites esthétiques et numériques…

            +2

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  • Johann // 02.01.2018 à 08h42

    L’analyse est pertinente mais, pêche selon moi par le non-visionnage de l’épisode VIII.

    Cet opus est, en effet, assez remarquable par son parti pris explicitement politique qui tend à déconstruire les aspects les plus réactionnaires de la série comme ceux cités ici. L’épisode s’engage d’ailleurs très clairement dans une lutte des classes populiste et anti-aristocratique (et donc anti-Jedi, ce qu’il fallait oser quand même). Tout n’est pas parfait, mais cet épisode est politiquement très inattendu de la part d’une super-production Disney.

      +4

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    • La Hire // 02.01.2018 à 18h35

      Inattendu ? C’est tout le contraire. Cet épisode s’inscrit bien dans le pire du libéralisme (au sens US du terme) que l’on pouvait attendre d’une corporation comme Disney, qui détruit les racines mythologiques classiques de la saga originelle (Merlin/Obi-Wan, Thésée/Siegfried/Luke, etc) pour essayer d’imposer son agenda pro diversité / pro minorité / pro féministe / anti élitiste, etc.
      Plusieurs scène sont risibles tant elles sont cousues de fil blanc en terme de propagande politique. On veut faire de Chewbacca un « vegan » et de la Force une donnée universelle et égalitariste, alors que c’était par définition le média d’une élite de moine guerrier ayant subi la plus stricte des initiations. Désormais, n’importe quel balayeur peut maîtriser la Force sans initiation (cf. scène finale). Ce n’est plus du cinéma, mais de l’ingénierie sociale de la pire espèce.

        +22

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      • V_Parlier // 04.01.2018 à 14h22

        En effet on sent bien qu’à partir de l’épisode 7 (reprise en main par Disney) ça n’a plus rien à voir avec la série de Lucas. Autant par le message politique et par la mise en forme, que par la l’originalité du scénario, c’est une destruction totale. (Même si j’avais déjà rêvassé sur les parallèles parfois ambigus qu’on pouvait faire dans les épisodes 1 à 6. J’avais pour ma part un penchant pour l’UE dans le rôle de la république devenant l’empire, je voyais plus petit…).

        En fait, Star Wars peut être utilisé comme instrument pour prendre la température des « valeurs » en vogue aux USA à l’époque où les épisodes sortent.

          +1

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  • Pierre Tavernier // 02.01.2018 à 09h36

    Petit détail concernant la note 10 :
    Le nom de la planète Tatooine est effectivement inspiré de la ville de Tataouine, dans les environs de laquelle furent tournées les scènes désertiques du film.

      +7

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  • Marc Michel Bouchard // 02.01.2018 à 09h52

    Pensant parallèlement à Star Trek, quoique en dormance actuellement. Voici une autre production SF et U.S sur plusieurs décennies qui pense la civilisation dans le mode du fédéralisme qui Union de planètes dont la Terre par ses explorations spatiales organiserait l’univers et ses civilisations par la diplomatie et le mode préventif de la prévention des conflits en vue de la logique des intérêts et de la paix entre les peuples du cosmos. Un modèle fiction plaisant mais qui aurait anticipé notre globalisation douteuse présente à prétention pacifique par la réduction de la souveraineté des nations. Si ce n’est que séries et films de STrek n’ont jamais pu par le fédéralisme démontrer un cosmos profondément pacifique. Tout comme pour les souverainetés, Star Fleet doit faire face aux conflits, aux intérêts opposés des parties. La paix se gagne, se négocie, elle n’est pas garantie. Autrement, Star War fixe le conflit direct dans la dualité, l’opposition forte des camps. La SF est politique.

      +1

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    • Sapir // 02.01.2018 à 10h03

      Exact.
      Mais, je suis moins familier des films de la série Star Trek

        +3

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      • step // 02.01.2018 à 14h01

        alors je vous recommande « insurrection » pour ce qui est du droit des peuples à disposer d’eux même, la notion d’intérêt général et de violence « nécessaire », en passant par l’aliénation technologique.

        Bon c’est très bon enfant voir « bisounours », mais ça peut faire réfléchir en famille y compris les plus jeunes, alors que la majorité des films traitant de ce genre de sujet sont souvent inaccessibles aux plus jeunes.

          +1

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      • matou // 07.01.2018 à 00h05

        Bonjour Monsieur Sapir, et merci pour vos livres et votre blog.
        Star Wars et Star Trek ont eu en commun d’avoir des créateurs voulant dire quelque chose au spectateurs.
        Star Trek a réussi à survivre à son créateur et à approfondir son message, celui d’une humanité évoluée.
        Pour un économiste et un homme de culture tel que vous, je ne peux que vous recommander les séries des années 80, 90 et 2000.
        Ces séries sont marquées par l’esprit dominant de l’époque mais possèdent de vraies pépites de questionnement moraux ou de sf.

        Il est à noter que ST et SW ont été depuis vidées de leur substance et sacrifiées sur l’autel du divertissement idiot, consensuel.

          +1

        Alerter
  • Marc Michel Bouchard // 02.01.2018 à 10h09

    Au sujet de l’exceptionnalisme américain et du développement idéologique du libéralisme. Il faut voir que la démocratie libérale U.S est pleine de ses zones d’ombre. Les tribus autochtones étaient hors système de la providence divine, de l’idéologie élective des individus dits accomplis ou de nations, de l’idée de l’égalité des chances fondé sur le mérite devant la providence ou de toutes ces choses vécues sur le plan mythique avec sa dose de mythe du progrès. Une idéologie de fond démocratique qui a établi le bien du mal s’est fait une idée d’autrui le balayant de son espace conquis sans culpabilité et de façon féroce. L’esclavage réservé aux noirs, n’étant à ses débuts de la république que le sort réservé à des peuples non croyants un peu comme dans la bible. La république U.S prétendant à l’universel n’y croit que pour un univers américain.

    J.Sapir a oui une culture diversifiée!

      +3

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  • enkidou // 02.01.2018 à 10h16

    Bonjour à tous,
    peut-être pourrai-je ajouter sur les jedi’s, 3 différences au moins je marquerai.
    1 seul Maître (absolu et bienveillant)à son seul jugement pour former se fie.
    D’une prise de sang, trouvé est l’élu, de l’eugénisme se méfier il faut.
    De défendre la république ils ont choisi, une république de sénateurs nommés et non élus.
    N’est on pas entrain de vivre le même déroulement?

      +9

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  • olivier // 02.01.2018 à 13h20

    Pas inintéressant mais lacunaire. Quitte a pointer les angles mort, il en manque un gros.

    Si la SF est politique ( Herbert, Asimov, K Dick, C.Clarck, Ron Hubbard, Wells, Heinlein… ), toute oeuvre, et encore plus cinématographique, est politique : Hollywood et pentagone (Reagan, Orson Wells & Roosevelt, Schwarzenegger… indépendance day, matrix ou terminator).

    Mais l’angle n’est pas la. Dune et Starwars partage un autre point commun qui n’est pas mentionné ici : la mise en abyme typique de la tragédie Grec. L’analyse du succès et de son contenu – sois disant réactionnaire et-ou individualiste (en se focalisant sur le concept du héros (mon correcteur orthographique prend bien l’orthographe)) oblige a se tourner vers un autre auteur : Joseph Campbell. Primordial pour comprendre Hollywood. Ce spécialiste des mythes a analysé et développé le schéma narratif archétypique. Cela sers aujourd’hui à Disney pour savoir si un scénario et bon : une fabrique a blockbuster.

    C’est cette base qui inspira G Lucas (tres bien documenté). L’ignorer et se focaliser sur un comparatif politico-culturel du 20e siècle, c’est passer a côté de l’essentiel et trouver ce que l’on veut trouver. L’essentiel se trouve déjà dans l’Odyssée avant Valerian. Inutile d’employer « réactionnaire » à la connotation politique évidente qui enferme la pensée dans un manichéisme stérile…

    Le véritable succès de Starwars se trouve dans la tradition, une tradition classique qui résonne encore et toujours chez des personnes même totalement ignorante.

    The Hero with a Thousand Faces

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    • RMM // 02.01.2018 à 17h03

      Olivier,
      Le mythe est nécessairement multivoque. C’est d’ailleurs ce qui fait son intéret.
      Tout dépend de la clé d’interprétation. On a proposé, en rapport avec les grands mythes des différentes traditions, de sept clés possibles – sept points de vue, ou angles d’interprétation…
      Campbell a fait un beau travail sur les films de Lucas, tous ceux qui l’ont lu sont d’accord avec vous. Mais il n’a utilisé que la clé psychologique, liée à la croissance intérieure ou au développement psychologique de l’individu. Il y en a d’autres.
      Une clé politique, par exemple, est tout aussi valable, et dans le cas de figure, son emploi a été productif, surtout enrichi par les réflections de M. Sapir, qui en rectifie certaines interpretation, ou les complète.
      Autant dire que le dogmatisme dans l’interprétation des mythes n’est guère de mise…

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      • olivier // 03.01.2018 à 07h25

        StarWars serait un mythe.
        ahum.

        Voila qui est bien dogmatique. Mais c’est peut-être la source du problème. Starwars est un divertissement calibré pour rapporter de l’argent, une franchise sur la structure d’un conte, d’une fable, avec les ingrédients d’un mythe. Le reste sers essentiellement à noircir du papier.

        Pourquoi s’arrêter à 7 : Politique (On a même trouvé que darkvador étais un symbol raciste http://bit.ly/1Qxx1jA.) Cuisine http://bit.ly/2Ce7APB , philosophie , sportif (Sport Saber League) musique, architecture http://bit.ly/2CGvy79, science physique, religieux, Christique même (ici Sapir fait la même erreur que Chomsky) http://bit.ly/1PaljKa http:/ /amzn.to/2Cd3NSn http:/ /amzn.to/2EEYjBM … Avec un passepartout maitre des clef accompagnant les héros modernes engagés dans une quête formatée et répétitive, prime time oblige (alo Sisyphe ? sors sors la clepsydre !).

        Il en a été noircis du papier, rendez-vous compte : un film sur lequel un universitaire écris un livre, et qu’un autre universitaire commente, lui même commenté dans les commentaires. Une vraie tragédie grecque.

        Ulysse, Prométhé et Luc Skywalker… voila la tristesse de notre monde moderne. On retrouve ici ce que dénonce JC Michéa : la collusion entre les libéraux économique avec les libéraux culturels. L’un n’allant pas sans l’autre. Les premiers produisant a la chaine des sources de revenus, les second s’imaginant s’inventer une culture, le tout dans une immense foire d’onanisme et d’argent.

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    • KaM // 02.01.2018 à 21h25

      Dans sa biographie, Isaac Asimov s’est d’ailleurs amusé des similitudes de Star Wars par rapport à son cycle de Fondation… lui-même s’était inspiré de « La chute de l’empire romain ». Comme quoi, il est ttoujours question d’empires, et de leur lente chute.

        +5

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  • Zevengeur // 02.01.2018 à 16h01

    Très intéressante analyse de J. Sapir sur un sujet inattendu.
    Deux remarques cependant, ne sommes nous pas un peu dans un syndrome du « quand on cherche on trouve (quelque chose) ? »
    Car l’aspect politique de la série des Star Wars ne saute pas aux yeux, contrairement à un film comme Starship Troopers où plusieurs niveaux de vision sont flagrants et de la volonté de Paul Verhoeven sans ambiguïté.

      +8

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    • Raphaël // 03.01.2018 à 00h17

      Sauf que chaque niveau de vision de Starship Troopers est d’un ennui abyssal.

        +1

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      • Zevengeur // 04.01.2018 à 08h11

        Vous avez sans doute mal regardé ST car c’est l’antithèse des navets manichéistes que sont la série des Star War.

          +4

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  • thecis // 02.01.2018 à 16h10

    Dans la même veine, on aurait pu analyser « 2001, l’Odyssée de l’espace » dans un contexte de guerre froide.

      +2

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  • bluetonga // 02.01.2018 à 17h07

    Très intéressant. Il me paraît indéniable que Star Wars marque le retour à l’épopée et aux mythes traditionnels du cinéma hollywoodien, notamment de la très longue période western où des héros solitaires aidés de quelques comparses renversent le cours des événements et rétablissent la justice. L’individualisme est central à la pensée américaine, il suffit pour s’en convaincre de faire l’inventaire de la quantité de films américains où ce sont l’initiative individuelle et la détermination de quelques individus qui font basculer le cours des événements, là où l’ordre civil avait piteusement échoué.

    Pour compléter l’analyse de J. Sapir, j’ajouterai qu’une autre source d’inspiration de G. Lucas a été le film de Kurosawa « la forteresse cachée » : deux paysans miteux et roublards croisent pendant une guerre civile le chemin d’une princesse en fuite flanquée de son protecteur le général. Ils sont inspiré les deux robots, la princesse, les jedi, les sabres (laser), une certaine esthétique, et le mélange de comédie et d’épopée.

      +7

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    • Sapir // 02.01.2018 à 18h01

      Exact.
      J’ai vu – il y a longtemps – ce Kurosawa.

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  • jm // 02.01.2018 à 17h34

    Vraiment intéressant. Reste par exemple cette question, non traitée : pourquoi StarWars a réussi à devenir une mythologie populaire et relativement mondiale et qui dure, un « conte populaire ». Je ne crois pas que le pouvoir du marketing suffise à l’expliquer.
    Peut être y a t’il dans StarWars une sorte de simplicité d’approche qu’il n’y a pas dans Dune (mais il est vrai Dune le film ne fut pas une réussite), et chez Valérian non plus ; Lucas plus populaire que Herbert ou Mézières plus intellectualisant…
    Peut aussi que justement l’exceptionnalisme dont parle Sapir, et transposé au travers de héros et de leurs actes héroïques au détriment que déplore Sapir de la dimension « politique » est elle un facteur qui favorise le succès de cette mythologie populaire, que parfois certains intellectuels jugent de manière un peu hautaine. Populaire en quête d’exceptionnalisme, quête ancrée au plus profond du coeur des hommes?

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  • TuYolPol // 02.01.2018 à 23h47

    Il me semble que Dune a été quelque peu ostracisé au fil des ans, et je soupçonne que ce n’est pas par hasard. La critique contenue dans Dune me semble beaucoup plus subversive et assez directe à l’égard de la politique impériale et l’accaparement de ce qui se trouve sous les sables. L’exceptionalisme y est traité de façon beaucoup plus équivoque. Autant je suis admirateur de l’un, autant je m’amuse vaguement avec l’autre. Peut-être qu’une différence majeure est que la proposition de Star Wars est exclusivement américaine, c’est à dire que tout ce qui ne l’est pas, dans son inspiration ou dans ses symboles, n’y fait que de la figuration. Je pense que Dune est beaucoup plus large et inclusif, et met davantage en question cet exceptionalisme.

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    • Raphaël // 03.01.2018 à 00h26

      Même le film, considéré maintenant comme un navet intersidéral, est magistral de par sa portée politique. Je me régale à chaque visionnage.

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      • TuYolPol // 03.01.2018 à 08h51

        Comparer ces deux oeuvres cinématographiques sur le plan artistique tourne largement à l’avantage de Dune. Comme je le disais, cette oeuvre a pu être ostracisée, et sa ringardisation favorisée. La force qui en émane est bien supérieure, alors que Star War est une bonne grosse fresque à rallonge pour adolescents. Les niveaux symboliques contenus dans les personnages, leur jeu et leurs costumes, leur violence maîtrisée, sont bien plus éloquents et bien plus riches que les motifs gentillets qui ne cassent pas trois pattes à un canard, mais cependant agréables une fois ou deux. Le film de Lynch a de la gueule et de la force, ceux de Lucas ont du brio et de la complaisance. Dune est vraiment dérangeant, solennel, sombre, concentré, profond. C’est un peu la différence entre le beau et le joli. La beauté prend des risques, elle s’invente, elle peut heurter. Le joli, c’est se couler dans la mode et maîtriser l’art du maquillage et des artifices, à partir de quelques stéréotypes.

        Mais le plus curieux, à supposer que mon jugement sur l’oeuvre ne soit pas complètement perché, c’est plus que le décalage entre leurs sorts critiques et leurs qualités artistiques, c’est la relégation dans laquelle le film de Lynch a été mis. Et cela a coïncidé avec une séquence géopolitique tellement criante, que le soupçon vient frapper à la porte. Malheur à la vérité ! Il faut plaire aux princes du moment. Princes, c’est trop d’honneur pour les reptiles du moment.

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        • Raphaël // 03.01.2018 à 10h44

          A ce sujet, je n’ai jamais compris le mépris de Lynch pour sa propre oeuvre. C’est son seul film magistral, tout le reste de sa production tournant autour du même schéma vain psychose/esthétisme baroque.

          Aurait-il lui même été dépassé par la portée universelle de Dune ? Ou plus simplement aurait-il renié une oeuvre pas suffisamment hollywoodienne pour lui éviter une mise au placard ultérieure ?

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          • TuYolPol // 03.01.2018 à 12h02

            Je ne savais même pas que Lynch répudiait ce film. Mais il me plairait qu’il se reproche au contraire de n’avoir pas été encore plus … comment dire ? Sans concessions, et d’avoir accepté d’altérer son film au montage.

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            • Raphaël // 03.01.2018 à 12h25

              Effectivement le film fut saccagé par son producteur au montage. Grâce à internet, il est possible de trouver la sublime version longue avec les écrans fixes dessinés et commentés en voix off qui comblent les raccourcis du film. Un peu long mais délicieux.

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  • theuric // 02.01.2018 à 23h50

    A mon sens, le film et l’œuvre littéraire est aux sociétés ce que le rêve est à l’individu, plus même, à l’individualité de chacun.
    Ce qui est intéressant ici c’est l’approche autant de Mr. Snégaroff (que je découvre) que de celle de Mr. Sapir.
    Je vous avoue que, jusqu’à présent, je n’avais vu, de la saga de la guerre des étoiles, que les trois premiers épisodes, de IV à VI, puis que cela m’avait lassé, sans jamais avoir cherché plus loin, à tord.
    Or, le billet qui nous est proposé entre en résonance avec un ensemble de réflexions politiques personnelles.
    Ainsi, des trois structures politiques habituelles, la monocratie ou monarchie, l’oligarchie, la démocratie, seules des deux premières sont montrées, la troisième, la démocratie, soit le gouvernement du peuple par lui-même par des représentants élus, y est totalement occulté.
    C’est pourquoi il s’agit du combat entre républicains et impériaux.
    Suite…

      +1

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    • theuric // 03.01.2018 à 00h15

      Cette série, en effet, conte le combat à mort entre une oligarchie, soit le gouvernement d’une aristocratie, et un empereur, là un magicien.
      Or, il existe de multiples exemples historiques de telles combats et, en Europe, de l’époque médiéval jusqu’à, bon an mal an, les guerres napoléoniennes, qui permirent la cristallisation des pays, et même le Saint-Empire-Romain-Germanique n’échappa pas à son éclatement, recomposé en Allemagne quelque 70 ans plus tard environ.
      Sans compter l’empire de Charlemagne qui s’était construit par l’épée et…une religion, tels aussi les empires bâtis par le sabre et l’Islam.
      Pour en revenir aux rêves, ils ont souvent une part de prédiction, le rêveur pouvant, inconsciemment, saisir un événement futur sans qu’il en ait pris conscience.
      Avec sa temporalité inversée, la guerre des étoile me fait penser à un tel phénomène.

        +1

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      • theuric // 03.01.2018 à 00h44

        Ainsi, si en effet la république contre l’empire désigne inconsciemment la similarité d’une oligarchie luttant contre un empereur aux U.S.A., empereur lui-même issu de cette même oligarchie (quelle que soit la nature de cette oligarchie, économique, politique ou autre), nous pourrions nous demander, en effet, ce qui fut et est la nature des forces politiques et économique U.S. et aussi européennes.
        Mais aussi, au vu de la situation effroyable que nous pouvons imaginer, dans laquelle se retrouverait la société star wars lorsque cette guerre prit fin.
        Pensons-y, les moines soldats (les banquiers?) quasiment disparus, la république et l’empire aussi, soit l’ensemble du système politique et, dès lors, économique, ce que nous pourrions considérer comme les systèmes de régulation internationaux, ici inter-sidéraux……
        Ainsi, j’émets l’idée que si cette série passionna et passionne tant de gens de tant de pays, c’est justement parce qu’elle porte en elle une réalité passée, présente et future…

          +1

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        • theuric // 03.01.2018 à 00h59

          Cela annonçant peut-être le retour démocratique par l’achèvement d’un moyen-âge moderne de plusieurs décennies, au travers de la disparition d’un empire U.S. et de son oligarchie, ainsi que celle américanolâtre, entre-autre européenne.
          Mais aussi de l’achèvement d’une société féodale où l’argent remplaça l’épée et le ploutocrate, l’aristocrate.
          Peut-être ce film ne fit que rien que moins que de montrer qu’une façon de société médiévale moderne sera sous peu remplacée par une renaissance bienvenue.
          Que, peut-être, le brexit en est le premier signe…..

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  • HENRY DICKSON DOUTEUR // 03.01.2018 à 00h11

    MARDI 2 JANVIER 2018 – DÉVIATION/RETOURNEMENT – LIBERTÉ LIBÉRALISME LIBRE-MARCHÉ LIBRE MOUVEMENT DES CAPITAUX CAPITALISME SALARYMAN KARŌSHI

    ÉGALITÉ DES CHANCES FONDÉE L’ÉGALITÉ OU SUR LA CHANCE OU LE HASARD OU LE MÉRITE – QUI ABOUTIT À LA PLUS GRANDE DES INÉGALITÉS – TOUT COMMENCE PAR LA COURSE DU RAT DANS LES ÉGOUTS – LE MEILLEUR RAT GAGNE – LE MEILLEUR DANS LES JEUX OLYMPIQUES DES RATS SERA LE PLUS FORT LE PLUS VIOLENT QUI VOLERA ET TUERA LE PLUS – LE HÉROS ÉCONOMIQUE POLITIQUE MILITAIRE – LA MULTINATIONALE –

    LA VICTOIRE FINANCIÈRE DE LA PERSONNE MORALE – DANS LA BATAILLE DU COMMERCE CONTRE LA CONCURRENCE – DANS L’UNIVERS DU SUCCÈS ET DE LA CHANCE MALHEUR AUX VAINCUS ET AUX FAIBLES ET AUX PAUVRES ET AUX SOUS-HOMMES COMME ON A DÉJÀ DIT JE NE SAIS PLUS QUI NI OÙ NI QUAND

    LA SEULE DIFFÉRENCE AVEC LE MONDE DU PENTAGONE DE LA BANQUE MONDIALE DU FOND MONÉTAIRE INTERNATIONAL – C’EST QUE DANS UN FILM – STAR WARS STAR TREK DUNE STARSHIP TROOPER ALIEN MATRIX TOMB RAIDER/LARA CROFT/ANGELINA JOLIE JAMES BOND LE PRISONNIER LE SILENCE DES AGNEAUX HARRY POTTER NATURAL BORN KILLER – LE BON GAGNE

    ALORS QUE DANS LA RÉALITÉ IL PERD COMME TOUT LE MONDE EN NAISSANT
    #FICTION #RÉALITÉ – ET VIVE L’OTAKU

      +0

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  • Alain // 03.01.2018 à 08h39

    Dès leur sortie, les épisodes IV à VI portaient ces numéros car Georges Lucas avait le projet d’une saga de 3 trilogies:
    – la première qui expliquait la création de l’empire
    – la deuxième qui relatait la résistance et la destruction de l’empire, qui a été la première réalisée car plus commercialement vendeuse (la résistance à l’oppression est plus porteuse que le succès de cette dernière)
    – la troisième qui devait relater le monde idéal succédant à l’empire (très peu porteuse commercialement puisque le public préfère la violence)

    La reprise de la franchise par Disney ne respecte évidemment pas ce schéma car cette nouvelle trilogie repart dans l’âge sombre

    La sage pourrait aussi refléter le passage de la république romaine à l’empire, d’ailleurs sans doute plus proche que l’histoire américaine.

    Parler de la trahison des pères fondateurs est aussi un mythe, ce n’était pas des blanches colombes et il n’y a pas eu de belle république mais bien un pays qui s’est construit dans la violence aussi bien intérieure (génocide des Amérindiens et justice expéditive) qu’extérieure

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    • Ellilou // 03.01.2018 à 15h51

      Tout à fait d’accord avec vous: quid du massacre, voire du quasi génocide, des Amérindiens par les colons? Ils sont décidément les grands oubliés de l’histoire des USA. Où Thomas Snégaroff les place-t-il dans son beau miroir?

        +0

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  • hansolo // 04.01.2018 à 02h05

    Bien resumé dans cette vidéo:
    https://www.youtube.com/watch?v=fTaAHrijHNE

      +0

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  • David D // 04.01.2018 à 14h39

    J’ai la chance de ne pratiquement jamais rencontrer de gens qui aiment Star Wars, ni Le Seigneur des anneaux, dernière saga dont je n’ai jamais vu le moindre épisode d’ailleurs. J’ai toujours prétendu que quand j’étais jeune, aucun de mes camarades de classe ne parlait du Retour du Jedi. On nous fait croire qu’il y a un engouement pour ce genre de daubes, et ça devient une prophétie auto-réalisatrice. Mais cela reste une image parlante de ceux qui croient en la puissance américaine. J’ai toujours trouvé complètement zozo de se pâmer devant un sabre laser. Que l’épée soit fluo ou non, on en attend qu’elle soit maniable et tranchante. C’est comme dans la série V, les rayons laser qui vont moins vite qu’une arme à feu. On rigole bien aussi avec les vaisseaux de Star Wars qui font du bruit dans l’espace. C’est ça l’Amérique : stars spangled wars.

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  • About // 04.01.2018 à 21h11

    Pardon,mais comme vous nous avez si bien habitués,un décryptage de haute volée …
    Un “regret “ si je puis dire, je n’ai jamais pu
    me résoudre à regarder un film de Stars wars…
    Et pour cause…?

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  • Nemozero // 04.01.2018 à 23h36

    Il me semble qu’il y a deux source qui ne sont pas mentionnées : John Carter et Flash Gordon.
    Je parle évidemment des romans pour les premiers et de la bande dessinée pour le deuxième.

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  • Homère d’Allore // 06.01.2018 à 09h42
  • matou // 07.01.2018 à 00h27

    Un élément qui semble important, les films de Lucas ne sont pas des films Hollywoodiens.
    Lucas est un franc tireur, qui a été formé à l’UCLA, qui a des amis réalisateurs à Hollywood, mais ses films à lui sont des films indépendants.
    Des films indépendants dotés d’un budget très important mais indépendants des studios. Seul le premier film a été financé par la Fox, qui en a gardé les droits de distribution.
    Pour l’épisode V, soit le second film, Lucas a financé ce film avec l’argent qu’il a gagné sur le IV. Plus des emprunts. Il a littéralement parié sa chemise.
    Le I, II, II, V,VI sont financés par Lucas.
    Il l’a fait dans une volonté d’indépendance, pour être libre de faire ce qu’il veut.
    Donc il est normal que chaque film devait rapporter de l’argent.
    Et sa dernière œuvre (que je recommande à toute personne entre 10 et 20 ans, voire plus) qui montre à quel point il est un auteur créateur d’univers (chose rare), The Clone Wars, a perdu de l’argent.

    De plus cette quête d’indépendance, s’est doublée de la volonté de faire évoluer son art. Chaque film avait la volonté de pousser plus loin les possibilités techniques.
    Bien des films des années 80 et des films des années 2000 ont bénéficié des avancées technologiques.
    Comme tout auteur, on peut avoir des désaccord avec Lucas, mais il y a une œuvre pour discuter et non un produit.

      +3

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