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25.juillet.201825.7.2018
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[RussEurope-en-Exil] Emmanuel Macron et le mépris de la République, par Jacques Sapir

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La déclaration faite le 24 juillet au soir par le Président de la République, M. Emmanuel Macron, est grave[1]. Elle est grave d’un point de vue constitutionnel. Elle est grave d’un point de vue politique. Elle est grave d’un point de vue moral. Nous devons toujours nous souvenir que le Président de la République est le premier magistrat. Sa parole est un acte. Si sa parole menace la Constitution, la mine ou la dévalue, c’est très exactement comme s’il avait agi pour subvertir cette Constitution. Si sa parole menace l’ordre politique, autrement dit la « Cité » dans laquelle nous vivons[2], car cet ordre politique est ce qui organise nos libertés, c’est très exactement comme s’il avait agi contre cet ordre, comme s’il avait pris des mesures niant la souveraineté du peuple. Si sa parole n’est pas morale, alors de quel exemple pourrons-nous tirer les forces de moralité qui sont nécessaires à la vie politique ?

Un acte contraire à la Constitution

Emmanuel Macron a donc effectué une visite surprise à la réunion des élus de la majorité LREM organisée à la Maison de l’Amérique latine, réunion organisée pour la clôture de la session parlementaire, mardi 24 juillet. Ce faisant, il a visiblement oublié que, dans la Constitution, il n’est pas chef de parti. La Président de la République doit représenter tous les français. Reprenons les différents articles, sans intention d’exhaustivité, qui précisent son rôle de chef de l’Etat et non de chef de parti[3].

Article 5 « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. »

Article 14 : « Le Président de la République accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères ; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui. »

Article 16 : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. »

Article 64 : « Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ».

La fonction décrite soit directement soit indirectement par ces différents articles n’est pas compatible avec la fonction de chef de parti. Bien entendu, la pratique politique nous dit que le Président fait campagne soutenu par un parti ou une alliance de partis. Mais, il est de tradition qu’il abandonne toute position à l’intérieur d’un parti ou d’un mouvement, et qu’il s’abstienne de participer aux réunions du groupe parlementaire qui le soutient à l’Assemblée nationale. Cela participe du principe de division des pouvoirs. Quand ses prédécesseurs recevaient les « ténors » de leur majorité respective, ils le faisaient en privé. En venant dans cette réunion des députés LREM, réunion où la presse était en partie présente, Emmanuel Macron a consciemment et délibérément foulé aux pieds ce principe.

Une subversion de l’ordre politique

Il a aggravé son cas en faisant une déclaration dans cette réunion[4].

Il a ainsi dit, se référant au trouble et au scandale causé par l’affaire Benalla : « « S’ils cherchent un responsable, le seul responsable, c’est moi et moi seul. C’est moi qui ai fait confiance, c’est moi qui ai confirmé la sanction ». Tout d’abord il s’est avancé un peu vite sur la « sanction » qui aurait été prononcée contre M. Benalla le 4 mai. Les auditions devant la commission d’enquête sénatoriale montrent que Benalla est resté actif du 4 au 18 mai, et que son salaire lui a été intégralement versé[5]. Mais, il y a nettement plus grave.

Cette manière de revendiquer la totalité de la responsabilité pourrait être considérée comme courageuse, si elle avait été faite devant l’ensemble des français. Mais, tel n’a pas été le cas. Emmanuel Macron a prononcé ces mots devant une assemblée de fidèles qui lui était entièrement acquise et ce alors que les français attendent de lui qu’il s’explique depuis le début de l’affaire. Or, jusqu’à présent, le Président n’a trouvé ni le temps ni le courage de venir s’expliquer devant les français ? Ce n’est donc pas un discours de Chef de l’Etat, c’est un discours de chef de clan, de chef mafieux, qui parade devant ses obligés.

Surtout, cette déclaration fait un lointain écho au discours que Benito Mussolini prononça le 3 janvier 1925, devant le Parlement italien, à la suite du meurtre du député Matteotti qui s’était élevé contre les fraudes électorales, les intimidations et les pressions lors des précédentes élections d’avril 1924[6] : « Je vous déclare ici en présence de cette assemblée et devant tout le peuple italien, que j’assume à moi tout seul la responsabilité politique, morale et historique de tout ce qui est arrivé… Si le fascisme n’a été qu’une affaire d’huile de ricin et de matraques, et non pas, au contraire, la superbe passion de l’élite de la jeunesse italienne, c’est à moi qu’en revient la faute !

Si le fascisme a été une association de délinquants, si toutes les violences ont été le résultat d’une certaine atmosphère historique, politique et morale, à moi la responsabilité de tout cela, parce que cette atmosphère historique, politique et morale, je l’ai créée par une propagande qui va de l’intervention dans la guerre jusqu’à aujourd’hui. »

L’histoire jugera. Mais, la manière de revendiquer toute la responsabilité, comme si le Président était la seule source d’autorité, est profondément choquante au regard des traditions politiques et de la pratique de la République. La phrase prononcée par Emmanuel Macron subvertit, tant dans la forme que dans le fond, de manière tant directe qu’indirecte, l’ordre politique républicain actuel en France.

Une faute morale

En aparté à cette réunion, Emmanuel Macron aurait alors déclaré : « qu’ils viennent me chercher »[7]. Mais, de qui parlait-il ? Des parlementaires de la France Insoumise qui souhaitent qu’il témoigne devant la commission d’enquête ? En réalité, on sait que ce n’est pas possible. Il suffit de regarder tant le texte de la Constitution que la pratique qui en a été faite. D’ailleurs, en vertu de l’article 67 de la Constitution, le Président de la République est irresponsable : « Le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.

Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. »

La phrase d’Emmanuel Macron prend alors l’apparence d’une rodomontade, d’un défi sans risque. Ce n’est pas une attitude de Chef de l’Etat. Au mieux, c’est une attitude d’enfant en cours de récréation. On peut y voir le manque de sérieux qu’Emmanuel Macron porte tant à sa fonction qu’aux français. Quel que soit le bout par lequel on prend cette déclaration, elle apparaît bien comme une faute morale. Elle s’apparente aux mots qui furent prêtés à Marie-Antoinette : « ..s’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ». On en connaît les suites.

Et si Emmanuel Macron devait être pris au mot, si les français se décidaient – dans un mouvement insurrectionnel ou révolutionnaire – à venir le chercher à l’Elysée, sa provocation aurait des conséquences véritablement incalculables. Après avoir subvertit l’ordre constitutionnel, après avoir subvertit l’ordre politique, son comportement nous conduirait aux portes de la guerre civile.

Notes

[1] https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/agression-d-un-manifestant-par-un-collaborateur-de-l-elysee/affaire-benalla-le-responsable-c-est-moi-declare-emmanuel-macron-face-a-la-majorite_2865345.html

[2] Car la Cité romaine n’est pas la ville, mais la communauté des citoyens. Cicéron, De res publica, (I-26-41). Voir Cicéron, La République, traduction d’Esther Breguet, T-1, Paris, Les Belles Lettres, 1980.

[3] http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/pdf/conseil-constitutionnel-5074.pdf

[4] https://www.rtl.fr/actu/politique/qu-ils-viennent-me-chercher-de-qui-parle-emmanuel-macron-7794223998

[5] http://www.leparisien.fr/politique/benalla-a-finalement-touche-son-salaire-pendant-sa-suspension-25-07-2018-7833378.php

[6] http://www.gauchemip.org/spip.php?article8465

[7] https://www.rtl.fr/actu/politique/qu-ils-viennent-me-chercher-de-qui-parle-emmanuel-macron-7794223998

Commentaire recommandé

un animal moins égal que les autres // 25.07.2018 à 23h53

Peut-être faut-il justement se prévaloir de l’article 68:

« Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.

La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l’autre qui se prononce dans les quinze jours.

La Haute Cour est présidée par le président de l’Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d’un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d’effet immédiat.

Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l’assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution. »

111 réactions et commentaires - Page 2

  • PNB // 30.07.2018 à 08h32

    Subverti, pas « subvertit ». Svp.

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  • Jean Pierre Collignon // 31.07.2018 à 21h12

    Jupiter, l’art de faire du vent quand la réforme, pour la réforme, est le dernier rempart.

    L’affaire Benalla révèle les symptômes d’une décomposition politique monarchique, qui s’accroche à la réforme comme à un Graal sacré. Avec deux objectifs, occuper le terrain politique et renforcer le pouvoir Jupiterrien et bruit de casserole en prime pour faire le Buzz en espérant une hypothétique remonter dans les sondages.

    Le programme Jupiterrien est connu, il n’y en avait pas avant les élections présidentiel, il n’y en a toujours pas aujourd’hui, on improvise en fonction des sondages qu’elle qu’en soit le coût sociale et économique. Jupiter avant tout.

    Ces cinq précieuses années de perdus pour la France dans un monde ou les cartes géopolitique bouge vite, les pays étranger ce glose, EN MARCHE TOUTE.

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